L'interview d'actualité - Yannick Descharmes

  • il y a 4 mois
Yannick Descharmes, psychologue et masseur kinésithérapeute présente son livre intitulé "Petite psychologie de l'apéro" publié chez Enrick B. éditions qui vante les vertus de ce moment convivial. En effet, l'apéro est bon pour la santé mentale il permet de cultiver des moments agréables et d'apprécier l'instant présent. C'est moment de développement "personnel" collectif. 

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Transcript
00:00 Bonjour Yannick Descharnes, merci d'être avec nous. J'ai votre livre ici dans les mains.
00:04 Il est surprenant ce livre, parce que vous ne nous faites pas une liste des boissons et de tout ce qu'on peut manger à l'apéro.
00:10 Non, vous vous dites dans votre livre "L'apéro, c'est bon pour la santé mentale". Il va falloir vous expliquer.
00:15 Avec plaisir, et merci de m'accueillir. Parce que ce qu'on appelle la santé mentale positive,
00:21 c'est, avant j'étais kiné, ça n'étonne personne que de faire des assouplissements, du gainage pour être en bonne forme.
00:26 On pourrait faire la même chose en santé mentale. Et donc cultiver des émotions agréables, la joie, la gratitude, l'instant présent,
00:32 ça ne se cultive pas uniquement chez le psychologue ou dans les bouquins de développement personnel,
00:36 c'est un bouquin de développement collectif. Ensemble, on cultive ça. Donc voilà.
00:41 Parlez apéro et dire "c'est bon pour nous". Dans l'apéro, il y a souvent de l'alcool.
00:46 En tout cas, on peut l'associer régulièrement à l'alcool, donc à des abus, potentiellement à une addiction.
00:51 Vous n'avez pas peur d'un amalgame quand vous dites "L'apéro, c'est bon pour la santé mentale"?
00:54 Merci, la question est exactement l'axe, exactement ce que je cherchais.
00:57 C'est qu'en fait, l'alcool, le sucre ou la nourriture, si c'est une finalité, là on n'est plus dans le lien social,
01:03 on est plutôt dans la désunion. Je m'oublie, je me désinhibe, etc.
01:07 Mais si la boisson, quelle qu'elle soit, est un moyen de rejoindre l'autre, ça c'est autre chose.
01:12 En fait, manger, boire, c'est un prétexte pour rencontrer ses amis, puis faire ce lien social.
01:17 On appelle ça la joie sociale en psychologie, ce truc pris en groupe.
01:21 Et qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ce livre ?
01:24 J'aime bien dire que c'est plutôt une colère, en fait.
01:26 Je suis sorti un jour, cette histoire, je la raconte, mais elle est sincère et vraie.
01:30 Je sors de mon cabinet et j'avais des patients qui avaient tout pour être heureux.
01:33 Ils étaient bien insérés, simplement, mais ils étaient seuls.
01:36 Donc, je me suis dit "Où sont les liens d'intégration sociale ?"
01:40 Et je me suis dit "C'est l'heure de l'apéro".
01:42 Et je me suis dit "Qu'est-ce que ce serait chouette que mes patients aillent prendre l'apéro,
01:45 se rendre compte qu'ils peuvent lâcher prise, discuter,
01:47 se rendre compte que l'estime de soi, ça se fait à plusieurs aussi".
01:49 Est-ce que vous avez déjà conseillé sérieusement à certains de vos patients
01:52 d'aller prendre l'apéro, justement ?
01:55 Oui, oui. Pour moi, la psychologie, c'est comme une sorte de laboratoire.
01:59 Et après, on remet les personnes, la vie, on remet les gens vers la vie.
02:02 Mais ils réagissent comment quand vous leur dites "Vous savez quoi, votre remède, là,
02:05 c'est d'aller boire un coup, d'aller boire l'apéro, pas forcément de l'alcool, encore une fois".
02:09 Ils ne sont pas surpris parce qu'ils connaissent un peu ma couleur,
02:12 mais dans l'absolu, ils ne sont pas surpris parce que c'est du bon sens, au final.
02:15 C'est que le lien social, en fait, c'est comme quelque chose,
02:18 comment on fait pour prendre l'apéro quand on ne connaît personne dans une ville ?
02:21 C'est un peu l'idée de ce livre, c'est comment on rentre en lien, comment on se relie.
02:25 69% des Français déclarent aujourd'hui prendre l'apéritif au moins une fois par semaine.
02:29 C'est une étude qui a été publiée en décembre dernier.
02:32 Pour vous, vous nous le disiez, l'apéro, c'est une séance de développement collectif.
02:36 Socialement, qu'est-ce qui se joue à ce moment-là, au-delà de passer un bon moment ?
02:42 Le faire quoi ?
02:44 Tout d'abord, il y a l'histoire de l'estime de soi.
02:46 Comment l'estime de soi peut pas se travailler dans un cabinet de psy ou sur une lézerte ?
02:51 Non, je m'estime en relation à l'autre.
02:53 Déjà, je me connais, je me reconnais, je lâche prise,
02:56 parce que je me rends compte que je peux passer un moment hors du temps
02:59 dans une société où il y a quand même beaucoup de pression, là, on lâche.
03:02 La catharsis, comme on dit, je lâche, ça fait un bien fou.
03:05 Et puis, je suis quand même un soignant santé mental,
03:08 et c'est là où l'idée, même à la fin de ce livre,
03:10 on part de l'idée de pourquoi ne pas soigner une addiction à l'alcool ?
03:13 Si l'alcool, c'est je me désinhibe ou je m'oublie,
03:16 je me rends compte que si je veux garder le lien social,
03:18 et c'est souvent ça que les gens arrêtent l'alcool,
03:20 quand ils se rendent compte que je quitte le lien peut-être à l'être aimé ou les enfants,
03:24 et je me dis qu'il faut que j'arrête si je veux garder ma femme.
03:27 De garder le lien social, les alcools nickelodémy, par exemple,
03:31 font un boulot extraordinaire justement par le lien.
03:33 Et donc, ce livre-là, que ce soit les addictions,
03:36 que ce soit les rapports alimentation et l'estime de soi,
03:38 c'est vertu thérapeutique.
03:40 Est-ce que ce moment de l'apéro, ça peut, à contrario pour un certain nombre de personnes,
03:44 aussi devenir un vrai cauchemar ?
03:45 C'est ça. C'est pour ça que l'idée de la troisième partie,
03:47 moi je suis un soignant en santé mentale, donc c'est d'aider, de donner un coup de main,
03:50 c'est un cauchemar parce que quand on est anxieux,
03:53 quand on est en dépression, quand on a de l'anxiété sociale,
03:56 quand on a une addiction à l'alcool ou quand on est en difficulté avec l'alimentation,
03:59 c'est une souffrance.
04:01 Et c'est comme tout, il y a des levées thérapeutiques.
04:04 Se rendre compte que si j'ai peur du regard de l'autre,
04:06 en psychologie comportementale, je m'exauce ma peur,
04:09 je me rends compte que les gens ne me jugent pas autant que moi je me juge.
04:12 Donc on s'expose à sa peur.
04:14 Et c'est un rituel que français aujourd'hui l'apéro ou pas ?
04:17 Non, c'est un rituel mondial.
04:19 Au début de cette ouvrage, je me suis un peu fait plaisir,
04:22 parce que moi je suis un fanat du croisement des cultures,
04:25 et la gastronomie c'est vraiment un croisement des cultures.
04:28 Entre la route de la soie où on échange tout un tas d'épices,
04:31 pour moi l'apéro c'est un rituel mondial, historique,
04:35 où on va croiser des influences, on partage,
04:37 tiens je te goûte la vague du spritz,
04:40 ça traverse les montagnes des Alpes, et puis on partage ensemble.
04:46 Ça marche aussi avec les aliments, pas qu'avec les boissons,
04:48 la nourriture, ce qu'on peut fabriquer nous-mêmes
04:50 quand on apporte chez un ami par exemple.
04:52 Et on est tellement fiers, c'est pour ça que c'est une histoire d'estime de soi,
04:54 c'est dire "ça c'est moi qui l'ai fait".
04:56 C'est pour ça qu'il n'y a pas qu'une histoire d'alcool,
04:58 ça peut être mon cocktail que j'ai fait à base de fruits,
05:01 là il y a une histoire d'identité là-dedans aussi.
05:04 Est-ce qu'au-delà de l'apéro, qui est un moment socialement sacré
05:07 dans ce que vous nous dites est bon pour la santé mentale,
05:10 c'est ce que vous expliquez dans votre livre,
05:12 est-ce que vous pensez qu'il manque des espaces,
05:14 justement désormais dans la société,
05:16 où on peut sociabiliser sans pression ?
05:20 On aurait bien fait le jeu de mots avec la pression,
05:22 mais bien sûr, on est à l'apéro.
05:24 Est-ce qu'il en manque ? Je ne sais pas,
05:26 parce que quand même, on va dire, si on veut trouver un bar
05:28 où aller rencontrer du monde, je crois qu'en fait l'idée
05:30 c'est de rester et de dire "c'est là que ça se passe".
05:32 J'ai un bar dans mon village, il existe, est-ce qu'on y va ?
05:35 Il y a peut-être cette crainte,
05:38 et de voir l'autre comme une crainte,
05:40 alors qu'on peut le voir comme une occasion.
05:42 C'est ça que je voulais restaurer.
05:44 C'est ce petit cap de dire "l'autre est une occasion".
05:47 Merci, merci beaucoup Yannick Deschamps, votre livre
05:50 "Petite psychologie de l'apéro est justicier" est disponible,
05:53 et encore une fois, ce n'est pas une apologie de l'alcool,
05:55 mais c'est de dire la santé mentale, on peut la soigner
05:57 avec des amis par exemple.
05:59 Merci.

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