L'acteur Lambert Wilson, président du jury du Festival du film de demain à Vierzon
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00:00Ça vous inspire quoi, cette formule du film de demain ? Comment est-ce que vous, vous la définissez ?
00:06C'était un peu abstrait au début, je me suis dit c'est sympa comme nom, déjà c'est un bon principe,
00:10le festival de demain, c'est un projet, c'est une promesse.
00:15Et en fait, ce sont les organisateurs, et particulièrement Louis-Julien Petit,
00:21qui m'a expliqué le principe de ce festival,
00:25de son engagement auprès de la notion du cinéma sociétal, du cinéma engagé,
00:34du cinéma qui décrit la société d'aujourd'hui,
00:37et qui est aussi en lien avec des associations,
00:42qui participent avec des associations, qui défendent des questions,
00:47qui se préoccupent de questions sociétales contemporaines.
00:51Ça c'est assez unique, c'est-à-dire qu'on peut choisir un thème de festival contemporain,
00:57engagé, sociétal, mais travailler main dans la main avec des associations
01:03qui vont danser le travail aussi, ça c'est la nouveauté, ça c'est intéressant.
01:08Donc maintenant j'attends de découvrir la sélection,
01:12mais il y a un vrai projet, mais ça c'est tout à fait dans l'esprit aussi
01:17des films qu'a pu tourner Louis-Julien,
01:22qui sont des films vraiment sur des situations très concrètes,
01:28présentes de la vie humaine dans la société,
01:31avec tous les problèmes de travail, d'emploi, difficultés diverses.
01:35Vous, c'est une thématique que vous connaissez bien,
01:37en tous les cas l'engagement au cinéma, je pense à vos rôles dans Hiver 54,
01:40dans Des Hommes et des Dieux par exemple,
01:41ça aborde des sujets à la fois sociétaux, historiques, plutôt lourds.
01:45Est-ce que vous ressentez que plus que jamais aujourd'hui,
01:47on a besoin d'un cinéma engagé sur tous les sujets, quels qu'ils soient ?
01:51En y réfléchissant, je me suis rendu compte que le public aime ces sujets qui le concernent.
01:57C'est-à-dire que bien entendu, l'art pour les réalisateurs,
02:01c'est de mélanger la notion d'un sujet profond, important, moderne, sociétal,
02:06avec la notion de divertissement.
02:08Mais il y a énormément de très grands succès, de succès énormes,
02:12par exemple en France, qui ont abordé des sujets de la justice sociale,
02:16de certains handicaps.
02:18Le public est prêt à regarder ces choses qui le concernent dans son quotidien.
02:23La seule chose, c'est qu'il faut le faire avec l'art,
02:25c'est-à-dire en rendant ce questionnement sociétal divertissant.
02:30Donc ça veut dire que ce n'est pas du tout un problème pour le public
02:34d'absorber ces questions et de les regarder en face.
02:37Au contraire, il y a une grande demande.
02:39On peut dire par exemple que le grand succès du film d'Artus en ce moment
02:44est un participe de ça.
02:46C'est un film qui va présenter la question du handicap,
02:51parle bien d'une comédie, mais le public se précipite.
02:55Ça veut dire qu'il pressent qu'il y a quelque chose qui fait partie de son quotidien,
02:58qui fait partie des questions que tout le monde doit se poser,
03:00mais qui le reçoit de façon divertissante.
03:03Vous avez l'impression que la nouvelle génération dans le monde de la culture
03:06et plus particulièrement dans le monde du cinéma qui nous intéresse aujourd'hui
03:09prend peut-être un peu plus à bras le corps, un petit peu plus de sujets,
03:13prend un petit peu plus d'engagement, que ça prend différentes formes.
03:15C'est clair qu'en France, on est particulièrement préoccupé par ces questions-là.
03:20Dans l'écriture, on est moins obsédé par le divertissement à tout prix,
03:24comme c'est le cas dans le cinéma anglo-saxon, particulièrement le cinéma américain.
03:28C'est une tradition française qui a toujours existé,
03:33le film sur un questionnement sociétal.
03:36Ce sont des films qui sont moins chers à faire.
03:38En plus, on peut poser des grandes questions
03:41et mettre la lumière sur un vrai problème de la justice sociale à peu de frais.
03:46Donc du coup, c'est un petit peu notre spécialité.
03:48On aime bien faire ça, mais les Français ont un goût pour la comédie.
03:51Il ne faut pas que ce soit un pansomme, il ne faut pas que ce soit rébarbatif.
03:54Ils sont prêts à absorber plein de choses,
03:57à partir du moment où c'est un bon moment cinématographique
04:01et que le réalisateur ne perd pas cette notion de la narration divertissante.
04:07On a plein d'exemples, après chez Ken Loach par exemple,
04:11de ces films qui montrent des grandes questions, des grands sujets, des grandes injustices,
04:16disons comme ça pour résumer rapidement,
04:18mais génialement joués, génialement racontés, tout est possible.
04:23C'est vrai que c'est très présent.
04:24En ce moment, les réalisateurs, les auteurs, les artistes
04:28s'intéressent plus particulièrement aux situations de la réalité
04:32plutôt que de la fiction absolue,
04:34plutôt que du départ dans le rêve, dans l'imagination pure.
04:37Parce qu'on a plein de choses à dire,
04:39on a plein de choses à dire parce qu'il y a plein de situations d'injustice,
04:41parce qu'il y a plein de situations criantes et choquantes.
04:45Si on élargit un petit peu le spectre au-delà du cinéma
04:47et si on s'intéresse à la culture de manière générale,
04:49l'injustice, c'est quelque chose qui vous intéresse, l'injustice territoriale.
04:53Vous êtes installé entre autres à Tonnerre
04:55et là, vous avez pris à bras-le-corps ce sujet un petit peu
04:58de l'inégalité territoriale face à la culture.
05:00Vous êtes à la tête des millésimes de Tonnerre dans Lyon.
05:04Vous avez pris la défense également des petites salles de ciné,
05:07il n'y a pas très longtemps de ça, il y a un mois de ça,
05:09comme le ciné Lumière de Vierzon, par exemple.
05:12Ça aussi, c'est un engagement qui a du sens,
05:14d'aller vers justement se battre contre l'injustice territoriale
05:17de l'accès à la culture, de l'accès aux loisirs,
05:19de l'accès à plein de choses finalement.
05:20Oui, mais vous savez, l'engagement des acteurs,
05:23il est parfois très superficiel.
05:28Alors voilà, on signe des pétitions, les acteurs sont très sollicités,
05:34les acteurs s'enflamment rapidement, il y en a peu qui sont sur le terrain
05:38véritablement pour agir en profondeur.
05:42Moi-même, sur le terrain, il m'arrive de renoncer.
05:47C'est vrai que, par exemple, cet été, nous avons été obligés
05:50de renoncer à cette édition quatrième du Festival des Millésimes de Tonnerre
05:55parce que nous n'avions pas assez de subventions.
05:57La région étant vraiment pauvre, et malgré les subventions nationales,
06:02disons, culturelles, on n'a pas réuni assez d'argent.
06:06Bon, j'étais les pieds dans cette région, je suis toujours les pieds
06:11dans cette région, c'était normal pour moi de m'engager.
06:14Mais j'ai l'impression qu'on sollicite beaucoup les artistes
06:17et beaucoup les acteurs.
06:19On leur demande des questions qui les dépassent complètement.
06:21D'ailleurs, très souvent, je trouve, on leur demande de résoudre,
06:25d'avoir une opinion sur des guerres.
06:28Les artistes sont très prêts à donner leur opinion,
06:32particulièrement avec les réseaux sociaux.
06:34Mais dans la réalité, j'ai l'impression que l'engagement est quand même assez superficiel.
06:38Revenons sur ce festival du film de demain.
06:40Virzon, quel président du jury est-ce que vous comptez être ?
06:43Comment vous abordez ce rôle ?
06:44D'abord, ce n'est pas la première fois
06:46que j'ai été président l'année dernière du festival de Locarno,
06:49qui est un très grand festival.
06:51Je pense qu'il faut de la méthode et qu'il faut être un peu une sorte d'ambassadeur,
06:54une sorte de diplomate.
06:56Les gens qui participent à ces jurys sont des gens qui font du cinéma,
07:01ce sont des acteurs, des metteurs en scène, des auteurs.
07:04Et le cinéma, pour eux, c'est quelque chose de fondamental
07:07qui peut les mettre dans des états passionnels
07:10pour défendre telle ou telle œuvre.
07:13Il faut, à la tête d'un jury, garder la tête froide et avoir de la méthode.
07:19Donc, en fait, j'ai acquis cette méthode.
07:21J'ai déjà été président aussi au festival de Dinard,
07:23j'ai été président de Vincent Faragard au festival de Cannes.
07:26Ça se passe généralement bien parce que je déteste les conflits.
07:30Je n'aime pas du tout quand les situations s'enlisent.
07:33Donc, j'aime bien faire avancer le débat
07:36et généralement, ça se passe super bien.
07:38Donc, on va voir, ça dépend.
07:40C'est assez irrationnel, le rapport au cinéma.
07:42C'est une flamme, mais pour défendre un film,
07:45peut-être qu'ils vont oublier 15 jours plus tard,
07:48mais en tout cas, sur le moment, il peut y avoir des prises de becs.
07:51Mais je suis un bon diplomate.