« La vie sans chant c’est la mort de mon âme. » Adeline Toniutti est chanteuse et nous a raconté sa reconstruction grâce à la musique. ✨
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00:00 Et en fait, tout d'un coup, je me dis "mais je peux pas me suicider,
00:02 mes parents vont pas subir la mort de leur fils sans explications, sans rien".
00:05 La chose la plus importante qu'on ait sur cette Terre, c'est l'amour en fait.
00:09 Être frappée par la vie et que ça donne rien, ça m'intéresse pas.
00:12 Je pense que la musique a la capacité à transcender les âmes.
00:14 Dans ce monde, il y a de l'ombre, mais aussi de la lumière
00:22 et la musique fait partie de cette plus grande lumière.
00:24 Quand on me voit à l'Astara, j'ai toujours le sourire et plein d'énergie
00:26 et pourtant ma vie n'a vraiment pas été facile.
00:28 Celle qui m'a beaucoup aidée, qui est ma meilleure amie, c'est la musique.
00:31 La musique a toujours eu un rôle important dans ma vie.
00:34 Je crois même que c'est la voix de Freddie Mercury
00:36 que j'ai entendue avant même celle de mon père ou de ma mère.
00:38 J'étais vibronnée au rock, maman était enceinte et papa mettait le rock à fond.
00:41 Alors à 16 ans, quand on intègre le conservatoire, on est obligé de faire du chant choral.
00:45 J'arrive et je chante une messe de Beethoven.
00:47 La soprano se retourne et me dit "quelle est cette jolie voix que j'entends dans mes oreilles"
00:50 et elle m'encourage à faire de l'opéra.
00:52 Il faut 10 ans pour construire une voix, donc de mes 16 ans à mes 26 ans,
00:55 je vais prendre plein de cours, je vais organiser moi-même mes concerts
00:57 et après je vais passer plein de castings,
00:59 jusqu'à quand ma carrière décolle, où on me demande et où je vais avoir un accident.
01:03 Je vais rentrer dans une maison, la cheminée est mal installée,
01:06 elle va me brûler les voies respiratoires à cause d'émanations toxiques
01:09 et je vais perdre ma voix une nuit d'hiver.
01:11 Je vais me réveiller en vomissant du sang,
01:13 je ne sais pas que c'est mes cordes vocales que je vais vomir
01:15 et on va me dire que je ne chanterai plus jamais.
01:17 On m'enlève ce dont je me suis battue depuis que je suis enfant.
01:20 J'y crois pas, je suis la fille du facteur, on a galéré toute mon enfance,
01:24 on n'avait pas d'argent, je me suis battue pour avoir ce niveau,
01:26 j'ai enfin le niveau et au moment où tout me sourit, on m'arrache tout.
01:30 La vie sans le chant, c'est la mort de mon âme.
01:31 Je vois pas ce que je vais pouvoir faire d'intéressant sur cette terre
01:34 et c'est là que la vraie vie commence,
01:35 parce que ça va falloir que je me reconstruise et que je trouve un avenir,
01:38 alors que je vais faire face à une chute sociale énorme.
01:41 Je vais même finir au RSA en fait.
01:42 Et il y a beaucoup de gens qui vivent ça, on n'en parle pas assez,
01:45 quand tu te retrouves rejeté de la société.
01:46 Et c'est à ce moment-là que mon compagnon va m'étrangler,
01:49 alors que je ne peux plus crier.
01:50 Il va me faire des violences de tout type,
01:52 il va m'être sous emprise, il va m'éteindre la lumière,
01:55 je ne vais plus savoir où j'en suis.
01:57 Il y a deux choses qui vont me faire réaliser que j'ai encore mes jambes pour m'enfuir,
01:59 c'est déjà je vois cette chanson de Barbara, Perlin Pinpin,
02:02 "Pour qui quoi, comment, quand et pourquoi, contre qui, comment, contre quoi,
02:04 s'en est assez de vos violences".
02:06 Je vois cette chanson chantée à la cérémonie aux Invalides,
02:09 je réalise que les personnes qui étaient au Bataclan, elles n'avaient pas l'argent,
02:11 elles ne pouvaient pas partir en fait, elles ne pouvaient pas fuir leurs agresseurs
02:13 et que moi je peux encore partir.
02:15 Et j'ai mon ami Jenny qui va me prendre le ton que j'ai moi
02:17 quand je donne des cours de chant à l'Astarak
02:18 et qui ne va pas me parler comme une victime,
02:20 mais qui va me faire réaliser que je peux avoir encore le contrôle sur ma vie
02:23 et qu'un jour il va peut-être me pousser dans les escaliers,
02:25 me briser la colonne vertébrale en deux
02:27 et que je vais finir sur un fauteuil et que j'aurai ce mec-là comme aide-soignante.
02:30 À un moment donné où il m'a beaucoup trop frappée,
02:31 je me dis la seule solution c'est que je me donne la mort
02:34 et donc je prends des médicaments et je me couche
02:36 et je mets Freddie Mercury.
02:39 J'écoute "Shameless Go On", j'écoute "These are the days of our lives"
02:42 où Freddie dit que ce qui compte en fait c'est d'aimer et d'être aimé,
02:47 c'est la chose qui reste en fait.
02:48 Tout d'un coup je me dis mais je ne peux pas me suicider,
02:51 mes parents ne vont pas subir la mort de leur fils sans explication, sans rien.
02:54 Ça me permet de ne pas finir complètement les médicaments.
02:57 Et là mon compagnon va me trouver, ça va le faire rire de me voir en train de me suicider.
03:01 Au moment où j'ai dit "Allô SOS femme battue",
03:03 c'était la fin du chapitre et on allait en ouvrir un autre.
03:05 Vous savez il y a des gens qui ont la religion,
03:07 moi j'ai la musique.
03:07 La musique dans les paroles de chansons,
03:09 je crois qu'on trouve tout ce qu'on a à savoir pour bien se comporter dans ce monde.
03:12 Freddie Mercury c'est quand même le gars qui fait chanter toute une foule
03:15 alors qu'il sait qu'il ne va pas vivre encore très longtemps.
03:17 Quand on ne va pas bien, on met une musique et cette musique elle nous fait aller mieux.
03:20 Cette force, cette vibration elle parle à nos âmes.
03:22 Et moi quand je fais chanter une foule, je sens tous les gens heureux etc.
03:25 J'ai l'impression que les âmes vont bien, que tout est plus léger.
03:27 Je me suis soignée moi-même sans faire exprès.
03:29 C'est-à-dire qu'en donnant mes meilleurs soins à tous ces artistes qui venaient me voir pour des cours,
03:34 à mon insu j'ai dû me rééduquer.
03:35 Au lieu de faire un "I" pour moi, de faire une vocalise sur un "I",
03:38 je la faisais pour montrer à quelqu'un.
03:39 En voulant montrer, je faisais le meilleur geste possible.
03:41 On est meilleur quand on montre le geste à l'autre
03:43 que quand on le fait pour nous, pour notre propre enjeu.
03:45 Mes cellules se sont reconstituées.
03:47 D'ailleurs les médecins, ils ont vu que mes cordes avaient repoussé,
03:49 ce qui n'arrive jamais.
03:50 J'ai prouvé des trucs à la science en fait.
03:52 Maintenant je chante et je fais une tournée.
03:53 Je cours partout et je chante du rock et tout.
03:55 Donc comme quoi il y a des miracles dans la vie.
03:57 Mais je crois que l'être humain n'est pas fait pour baisser les bras en fait.
04:01 C'est dur mais même quand on apprend qu'on a atteint d'une grave maladie,
04:05 il faut continuer de se battre.
04:06 Tant qu'on ne nous a pas fermé les yeux, on est obligé en fait.
04:08 On est fait pour ça.
04:09 Je pense que c'est une des clés de la vie,
04:11 c'est que quand on nous a tout pris, il faut encore donner.
04:13 Et c'est comme ça qu'on arrive à survivre et à vivre.
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04:17 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]