Isekaira Chapitre 0

  • il y a 4 mois
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Transcript
00:00 *musique*
00:03 *Achoum*
00:05 C'est par un éternuement violent et morveux que le jeune et fringant K
00:09 rompit le silence pesant de cette fin d'après-midi d'hiver
00:12 au pied d'un immeuble vétuste situé à l'extrémité sud de la cité.
00:15 Sky sa mère, The B.
00:17 K mit la main à sa sacoche imitant son viton et en sortit un stick roulé avec soin et habileté
00:22 qu'il porta à ses lèvres avant de l'allumer.
00:24 Alors que la vapeur de la première taffe inonda ses poumons,
00:27 déjà bien entamé par quelques années de consommation,
00:30 son regard s'attarda sur le haut des bâtiments HLM qui lui faisaient face.
00:34 Ses barres de béton éreintées par les années et parcourues de fissures et de moisies
00:38 étaient baignées dans la douce lumière chaleureuse du soleil d'hiver,
00:42 ce qui leur donnait un aspect de ruine antique laissé là par une quelconque civilisation disparue.
00:46 K se laissa rêvasser devant cette vision,
00:49 mais revint rapidement à la réalité au moment où il exhalait la mer fumée de ses bronches.
00:53 Cela faisait environ trois heures qu'il faisait le pied de grue
00:56 attendant que quelques clients viennent lui acheter du matos, en vain.
00:59 Il avait pourtant l'habitude de poireauter en attendant des clients,
01:02 mais d'habitude il ne choisissait pas lui-même ses spots,
01:05 il suivait tout simplement les instructions de son chef, le Polak,
01:09 un des grands du quartier qui gérait une bonne partie du trafic dans la cité.
01:13 Mais K, plein d'ambition, avait pris la décision de monter sa propre affaire.
01:17 Aussi, il décida de faire son business en dehors des "reintés du Polak"
01:21 et se posa donc au sud, la zone de la cité quasiment à l'abandon où résident des vieux.
01:25 Pour la plupart, complètement alcooliques et en fin de vie.
01:28 Pas la clientèle visée, leur shit à eux c'était la villageoise, la 8.6 et autres creux d'embours.
01:33 Un vice au moins aussi néfaste que ce que contenait la sacoche de K,
01:37 mec beaucoup plus accepté culturellement et surtout beaucoup plus légal.
01:40 K commença à s'impatienter, le froid commença à sérieusement lui mordre les extrémités
01:45 et la chaleur que lui apportait son bédo était bien dérisoire.
01:48 De plus, la batterie de ses Airpods venait de le lâcher.
01:51 "Nique sa mère la pute là, vas-y, quelle journée de merde, c'est abusé !"
01:54 "Bah alors, t'as serré ou quoi ?"
01:55 Entendit K dans son dos alors qu'il était en train de frapper du pied de frustration comme un enfant de 8 ans.
02:01 Il s'agissait de son meilleur ami, J, un jeune renois fringant d'1m85,
02:05 portant un jean, une paire de Jordans et un hoodie noir traversé par un sac en bandoulière.
02:10 Une tenue typique d'un étudiant de la fac sans histoire, il était posé à côté de son vélo.
02:14 K se rendit compte que leur différence d'accoutrement suffisait à lui seul
02:17 pour comprendre à quel point leur vie prenait une direction différente.
02:20 K arborait un look typique du big river moderne, l'inévitable combo Lacoste-TN,
02:24 un pull-over imitation Gucci qui cachait un t-shirt "1, 2, 3, viva l'Algérie".
02:29 Une fausse sacoche Louis Vuitton, des petites lunettes de soleil fumées AliExpress
02:33 et des cheveux mi-longs noués à la Samouraï accompagnés d'un dégradé à 10 euros.
02:37 Comme beaucoup de jeunes des Z de son âge, il voulait ressembler à Noss et à des mots du compte P&L.
02:42 "J, comment ça va frérot, ça fait un moment qu'on te voit plus ?"
02:45 Dit K en donnant une accolade chaleureuse à son ami.
02:47 "Tranquille, j'ai trouvé un taf après les courses pour ça, j'ai plus trop le temps de traîner.
02:50 Et toi, qu'est-ce que tu fais là ? Bah on fait des sous, tu connais."
02:53 "Ici ? Mais y'a jamais personne, c'est le Polac qui t'a mis là ?"
02:56 "Non gros, j'taf plus pour le Polac, j'me lance solo, t'es malentrepreneur."
03:00 "Ah sérieux ? Il te laisse faire du bis dans ton coin comme ça ?"
03:03 "Bah tu sais, suffit de savoir se faire respecter, puis j'ai pris un coin occupé par personne toute façon.
03:07 D'ailleurs, t'as besoin d'un truc ?"
03:08 Dit K en en trouvant sa sacoche bien remplie.
03:11 "Non c'est bon merci, j'essaye d'arrêter."
03:13 Répondit J, en essayant de détourner le regard du contenu de la sacoche, comme pour fuir la tentation.
03:18 "Ah sérieux, tu fumes plus ?"
03:19 J se lance dans une justification alambiquée à base d'arguments,
03:23 tel que le manque de focus dans les études et autres méfaits pour la santé et la vie sociale.
03:27 Mais il semblait plus tenter de se convaincre lui-même plutôt que son ami,
03:31 qui n'eut pas grand mal à lui faire prendre un petit "dix balles" offert par la maison.
03:34 Légèrement gêné, J entreprend de quitter son ami en remontant sur son vélo.
03:38 "Bon allez, moi je m'arrache, merci frérot, fais attention à toi."
03:41 "Oh merde." Lâcha K, choqué par la vision d'une dizaine de gars énervés qui avançaient depuis le bout de la rue.
03:47 Le groupe était mené par un grand gaillard au crâne rasé et à la barbe blonde,
03:51 qui avait un air particulièrement hostile.
03:53 "K, tu as bien demandé l'autorisation du Polac pour t'installer ici, hein ?"
03:56 Demande à J, avec aucun espoir que son ami réponde par la positive.
04:00 "K ?" K n'avait même pas entendu la question, il détalait déjà à toutes jambes dans la direction opposée.
04:05 Objectif, mettre un maximum de distance entre ses miches et la bande du Polac,
04:09 parce que si jamais il le rattrapait...
04:11 J resta figé sur place tandis que le Polac et ses hommes passaient tout près de lui au pas de course,
04:16 et en lançant des dizaines de mots bien fleuris à l'intention de leur désormais proie.
04:20 Alors qu'il voyait K bifurqué au croisement, J enjomba son nouveau vélo,
04:24 et parti à toute berzingue dans la direction opposée.
04:26 "Ah fais chier."
04:27 Les poumons de K étaient en feu, à tel point que l'espace d'une demi-seconde il s'était fait la remarque que,
04:32 décidément, fumer autant n'était pas une bonne idée.
04:35 En revanche, il ne sentait pas du tout ses jambes, qui semblaient se mouvoir par leur volonté propre.
04:39 Il n'osait pas regarder derrière lui pour savoir si ses poursuivants le suivaient toujours.
04:43 Il ignorait même à quelle distance il se trouvait.
04:45 Il ignorait totalement depuis combien de temps est-ce qu'il courait.
04:48 Minute, cinq, dix.
04:50 Tout ce qu'il savait, c'est qu'il ne devait surtout pas s'arrêter.
04:53 Soudain, son cœur fit un bond dans sa poitrine.
04:55 Il venait de sentir son pied glisser sur quelque chose, et ce quelque chose allait le faire chuter.
04:59 Juste avant que son dos ne frappe le sol, une peau de banane passa devant ses yeux.
05:04 "Sérieusement ?" pensa-t-il, avant de s'étaler comme un gros étron sur le trottoir.
05:08 Il n'eut pas le temps d'encaisser la douleur.
05:09 La panique d'être attrapé le fit se relever presque immédiatement,
05:12 alors que l'ensemble de son corps vibrait encore sous l'impact.
05:15 Ses poursuivants n'étaient plus qu'à quelques pas derrière lui.
05:18 Il était soudain envahi par le désespoir, persuadé qu'il allait être pris et que mille sévices lui seraient infligés.
05:23 Il repensa à très court instant à la vie qu'il avait menée jusqu'ici.
05:26 Une boule de regret s'était logée dans sa gorge.
05:28 Peut-être aurait-il mieux fait de suivre l'exemple de J, aller à la fac et arrêter les conneries.
05:33 Il ferma les yeux, résigné, quand soudain une voix l'arracha au désespoir.
05:36 "Monte putain, monte !"
05:38 C'était J.
05:39 Il avait fait le tour du bloc et était venu aider son vieux pote à se sortir de la galère.
05:43 Des larmes de joie reconnaissante commença à poindre dans les yeux de K.
05:46 Mais pas le temps pour les jérémiades.
05:48 Il grimpa à l'arrière de J et ce dernier se mit à pédaler comme si sa vie en dépendait.
05:52 C'était le cas.
05:53 S'éloignant de la horne hargneuse qui les menaçait.
05:55 "Putain j'y crois pas, merde !"
05:57 Jurait sans cesse J.
05:58 Avec un ton entre énervement et l'envie de chialer.
06:01 J. savait pertinemment qu'il venait, en sauvant K, de se mettre lui aussi le pot lacado.
06:06 Il était presque en train de regretter son geste quand les remerciements de K vinrent à ses oreilles.
06:11 Il ne pouvait pas laisser son ami d'enfance dans la merde.
06:14 Même si la merde, il l'avait bien cherché.
06:16 "Merci J, la vie de ma mère, toi t'es un vrai frère !"
06:18 J. se retourne vers son ami, le visage en sueur mais avec un large sourire rassurant.
06:23 Plein de confiance.
06:23 "T'inquiète, on est ensemble, tu es l'ef !"
06:26 Les deux amis se regardèrent droit dans les yeux dans un instant de pure amitié virile
06:30 qui ne faisait pas du tout gai.
06:31 Bon un petit peu quand même.
06:33 J. entreprit de se retourner car cela faisait un petit moment qu'il n'avait pas regardé la route
06:37 et que c'était tout de même dangereux.
06:38 Il se retrouva n'est avec l'avant d'un camion de surgelé Picard.
06:42 *Cri de la foule*
06:44 [SILENCE]

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