Avec Alexandra Bay, autrice et passionnée de tatouage.
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
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AmusantTranscription
00:00 Là j'ai un coeur sur le bras, donc du coup c'est un bras coeur, un coeur devant.
00:04 Après là j'ai un pouce sur le coude, donc un coude pouce.
00:08 Là j'ai un pit sur le bras, donc un bras de pit.
00:11 Et là j'ai un oeuf au plat sur le mollet, donc un oeuf mollet tu vois.
00:14 Tu fais quoi dans la vie toi ?
00:15 Moi je suis étudiant.
00:16 D'accord, bah étudie encore un peu plus toi.
00:17 Ouais, je vais peut-être étudier sur d'autres tatouages.
00:20 Tu vas faire quoi là bientôt ?
00:21 Là bientôt je vais peut-être aller boire un coup.
00:23 Non mais comme tatouage.
00:24 Ah comme tatouage, je vais peut-être faire un ton sur le pied pour faire un piéton.
00:29 Je pense que c'est que des bonnes idées qu'on nous tente.
00:31 C'est vrai.
00:32 Bonjour Alexandra Beck.
00:33 Bonjour.
00:34 Vous êtes passionnée par les tatouages depuis vos 17 ans.
00:37 Vous en avez fait un blog, histoire du tatouage.fr.
00:40 Vous avez collaboré au magazine historique et culte dans le milieu du tatouage,
00:44 puisque c'est ce que vous nous disiez, hors antenne il a permis aux tatouages de sortir des rayons porno,
00:49 des kiosques à journéo, c'est pas mal, on est en 96, 97 je crois.
00:53 97.
00:54 Vous êtes tatouage magazine et en décembre dernier vous avez publié le tatouage traditionnel américain
00:59 des frégates au salon de tatouage.
01:01 C'est aux éditions Célofan.
01:03 J'imagine que c'est rapport aux Célofan qu'on pose sur les tatouages qui viennent d'être faits.
01:07 Tout à fait.
01:08 Vous parlez du tatouage traditionnel américain,
01:10 mais si on veut vraiment remonter l'histoire du tatouage Alexandra Beck,
01:12 on est d'accord que ça remonte aussi loin que l'humanité elle-même ?
01:15 Oui tout à fait.
01:16 Il suffit de parler de la momie Odyssey qui était tatouée,
01:20 qui est la plus ancienne momie découverte.
01:22 Je crois que c'est 5000 ans avant Jésus-Christ me semble-t-il.
01:25 Je ne veux pas dire de bêtises, c'est pas ma spécialité,
01:28 parce qu'il faut savoir qu'il y a plusieurs spécialités en histoire.
01:31 Mais en tout cas oui, la momie Odyssey fait partie des plus anciens tatoués.
01:36 Et il faut savoir que dans beaucoup de pays du monde,
01:39 le tatouage va débuter il y a des millénaires en fait.
01:44 Que ce soit en Asie...
01:45 Sur les territoires américains, on imagine que les communautés amérindiennes que ce soit du nord au sud...
01:49 Ce ne sont pas forcément les plus tatouées, mais par exemple en Asie,
01:53 le tatouage aux Philippines avec les nagas par exemple.
01:57 Le Japon aussi, les autochtones,
01:59 donc tout ce qui est Okinawa, le hajishi, les femmes Ainu,
02:05 qui ont le fameux sourire.
02:06 Si je faisais une dictée là madame, je serais incapable de comprendre ce qui se passe.
02:11 Je comprends bien.
02:13 Mais oui, on peut retrouver vraiment la pratique du tatouage auprès de nombreuses tribus au travers du monde.
02:20 Dans votre livre sur le tatouage traditionnel américain,
02:23 on comprend bien que pour les marins, les tatouages sont une façon d'affirmer leur identité,
02:26 de se reconnaître entre eux aussi, de faire du lien.
02:28 Est-ce que ça aussi peut être un vecteur de stigmatisation ?
02:31 Les marins...
02:32 Les taulards on sait, les prisonniers ça on sait, mais les marins ?
02:35 Alors si on veut remonter vraiment à la pratique des marins,
02:40 au départ les marins vont se faire peu de tatouages,
02:44 et souvent ce seront les initiales pour reconnaître le corps.
02:48 Il faut savoir qu'il y a une forte mortalité sur les océans.
02:52 On va s'occuper de l'hygiène...
02:53 On est en quel siècle ? 18e, 17e ?
02:55 Même bien avant.
02:57 En fait on va dire que ça va commencer avec les grandes découvertes, le 16e siècle,
03:02 les expéditions, on part en expédition, on veut découvrir de nouveaux territoires,
03:06 exploiter de nouvelles richesses.
03:08 Et donc forcément on a besoin de marins pour faire ces expéditions,
03:13 on a besoin d'ouvriers, de main-d'oeuvre.
03:15 Et donc ces marins-là en fait déjà vont se faire tatouer...
03:20 Alors on peut imaginer par religion, mais pas religion au sens dogmatique du terme.
03:27 C'est vraiment...
03:28 Pour pouvoir se faire enterrer, par exemple ?
03:31 Alors par exemple, voilà, la croix...
03:34 Parce qu'en fait il faut savoir qu'il va y avoir aussi en parallèle le tatouage des pèlerins chrétiens.
03:40 Et beaucoup de marins sont croyants.
03:44 Et en fait au départ quand on commence par le cabotage,
03:47 c'est-à-dire qu'on navigue le long des côtes,
03:51 en fait il y a beaucoup de lieux de pèlerinage.
03:54 Et les marins vont aller en pèlerinage,
03:58 ils auront sur eux des ex-votos, des bouts de cierge, des choses comme ça,
04:02 durant la traversée.
04:04 Et en fait, d'ailleurs Delphine Tempère explique vraiment le naufrage et la touche de foie du marin.
04:11 Et effectivement on peut imaginer que la croix c'est à la fois pour se protéger
04:15 et avoir l'assurance d'aller au paradis.
04:17 Parce que les océans sont encore, comment dire, habités par les démons !
04:22 - Lexie, pour vous qui avez vécu une adolescence assez dissociée de votre corps,
04:25 est-ce que vous vous rappelez ?
04:27 Le tatouage ça a été une façon de vous l'approprier ce corps ?
04:29 De le faire vôtre ?
04:30 - Oui, oui.
04:32 Alors moi c'est un art en plus avec lequel j'ai toujours été assez familière
04:37 et que j'ai toujours regardé avec bienveillance parce que ma sœur est tatoueuse.
04:41 Et que du coup on n'a jamais eu dans la famille ce truc de,
04:44 justement ce regard de c'est quelque chose pour les rebelles, les gens pas comme il faut.
04:49 Donc ouais, ça a tout de suite été quelque chose qui était déjà accessible
04:54 et qui était vu comme positif et qui m'a permis de me raccrocher en fait
04:58 à un contrôle du corps qui a beaucoup manqué quand on est trans
05:01 et qui manque beaucoup quand on est trans.
05:03 - Moi personnellement je voulais dire quelque chose.
05:05 Je voulais juste rebondir justement sur la stigmatisation.
05:08 Donc effectivement à l'époque du 16ème siècle, les marins ne sont pas encore stigmatisés.
05:12 Ils vont l'être plus tard, c'est-à-dire qu'on arrive à l'20ème siècle.
05:17 Et en fait forcément quand ils vont se faire tatouer dans les ports,
05:20 les ports il faut savoir que les quartiers où sont les tatoueurs,
05:22 c'est des quartiers de prostitution où ils peuvent boire.
05:25 Et donc en gros c'est à partir de ce moment-là qu'on va les associer à cette image un peu sulfureuse.
05:30 Voilà, c'était pour revenir...
05:32 - C'est pour répondre à la question tout simplement.
05:34 - Tout à fait.
05:35 - Moi j'ai envie de me faire tatouer, mais j'ai super peur que mes tatouages deviennent ringards avec le temps.
05:40 C'est vraiment une vraie frayeur que j'ai.
05:42 Et en parcourant votre livre, je me suis rendu compte que les motifs de tatouage
05:46 n'ont pas tellement changé depuis le 18ème siècle.
05:48 Il y a eu des modes et vous donnez même des statistiques.
05:50 Vous pouvez nous en parler un peu plus ?
05:51 - Oui, en fait, au départ le traditionnel américain ça va vraiment être réservé aux marins.
05:58 Et les marins ne se considèrent pas comme des soldats.
06:01 Ils aiment voyager, ils ont l'amour des océans,
06:04 et donc ils vont souvent avoir des thématiques dédiées à l'amour,
06:08 alors à la religion parce qu'évidemment pour survivre sur les océans.
06:12 Mais on n'est pas du tout dans la commémoration militaire.
06:16 En fait, c'est après les militaires américains qui vont développer
06:21 tout cet aspect commémoration en hommage aux guerres qu'ils vont traverser.
06:25 Et ensuite, si vous voulez, au début du 20ème siècle,
06:29 quand les marins vont s'installer dans les ports,
06:31 ils vont conserver malgré tout toute l'imagerie autour de l'amour,
06:35 de la religion, de la guerre, du patriotisme.
06:37 Et donc c'est pour ça que ces symboles ne vieillissent pas,
06:40 parce que ce sont des symboles qui vont être utilisés du début,
06:44 dès que les marins vont se faire tatouer,
06:47 sauf qu'ils vont être enrichis en termes de composition,
06:50 et jusque dans les années 60.
06:52 - Mais est-ce qu'il y a par exemple un truc qui est le plus tatoué ?
06:55 Et vous le savez, même encore aujourd'hui et tout.
06:57 - Le plus tatoué, c'était souvent le cœur dédié à l'amoureux.
07:02 - Il ne sera jamais ringard, Marina, ton cœur.
07:06 - Fonce, ma belle.
07:09 - Je vais faire un cœur avec Écriman.
07:11 - Moi j'ai une encre avec le prénom de mon mari.
07:14 - Voilà, je vais faire pareil, une encre avec le prénom de votre mari.
07:17 - Alexandre Abbé, vous racontez l'histoire de la première tatoueuse américaine qui est incroyable.
07:23 Est-ce que vous pouvez nous raconter ce qu'elle est ?
07:25 - Oui, bien sûr. Alors en fait, il s'agit de Maud Wagner.
07:27 Maud Wagner, c'est pareil, début du XXe siècle.
07:31 Elle devient contorsionniste et trapéziste, puisqu'il faut savoir,
07:35 et j'en parle dans mon livre, qu'il y a un lien très ténu
07:38 entre toute la tradition du cirque et le tatouage.
07:42 Parce que de nombreux artistes de cirque vont devenir artistes tatoueurs,
07:46 tatoués sur les routes, et donc ça va lancer comme ça une tradition de tatouer-tatoueur.
07:51 Et donc Maud, en fait, elle arrive en 1904 à l'exposition universelle de Saint-Louis, dans le Missouri.
07:57 Et là, elle va rencontrer un homme qu'elle trouve absolument magnifique,
08:00 qui s'appelle Gus Wagner, qu'on nomme "The Tattooed Globetrotter",
08:03 et qui est recouvert de la tête aux pieds, qui en fait s'exhibe.
08:07 C'est un sacré personnage, vous pouvez lire son histoire dans mon livre.
08:11 La légende dit que l'homme va lui proposer de le suivre en tournée,
08:16 et que donc, comme elle est maligne, elle va accepter à la seule condition,
08:19 qu'il lui apprenne à tatouer.
08:21 Il faut savoir qu'à l'époque, c'est encore le tatouage au "handpok",
08:24 c'est-à-dire à l'aiguille et à la main.
08:26 On n'a pas encore le dermographe électrique.
08:29 - Des objets terrifiants !
08:31 - Des objets terrifiants !
08:33 Donc il va la tatouer, la recouvrir, et lui apprendre à tatouer.
08:37 Et ils vont avoir une fille, Lothéva, qui elle-même va apprendre à tatouer
08:41 dès l'âge de 9 ans, et perpétuer la tradition de la famille Wagner.
08:44 - Une dynastie !
08:46 - Par contre, il faut juste savoir que Maud Wagner,
08:49 au début qu'elle commençait à tatouer, elle tatouait derrière le nom de son mari.
08:53 C'était "Mrs. Gus Wagner". On était encore à une époque où la femme...
08:58 - Elle existait plutôt à travers son mari.
09:01 - Pour plus d'histoires comme celle-ci, et un livre absolument magnifique
09:04 que vous avez auto-édité, je ne sais même pas comment vous avez fait pour auto-éditer
09:07 un livre aussi beau, on peut trouver votre livre,
09:10 il s'appelle "Le tatouage traditionnel américain des frégates"
09:13 au Salon de tatouage, c'est paru en 2023, c'est aux micro-éditions.
09:17 C'est l'au-fan ! Merci encore Alexandra.