Avec Sabrina Marquez.
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
Category
😹
AmusantTranscription
00:00 Sophie ! Je suis là madame.
00:04 Voulez-vous bien sortir cette créature que vous êtes plus vide que ça ?
00:10 Me direz-vous ce que vous faisiez là-dedans ? Ne vous avais-je pas défendu d'approcher de ce placard ?
00:15 Je vous ai déjà dit de m'appeler maman !
00:18 C'est horrible, à chaque fois que j'entends des bouts de malheur de Sophie, je suis immensément triste pour Sophie.
00:23 Bonjour Sabrina Marquez. Bonjour.
00:25 Vous êtes autrice comédienne voix off, vous appartenez à la grande famille des beaux-parents, cette famille qui ne va qu'en grandissant.
00:31 Ces femmes et hommes à la position délicate qui vivent avec les enfants de leurs compagnons ou de leur campagne,
00:36 compagne, pas campagne, et marchent parfois sur des oeufs sous leur propre toit.
00:40 Alors pour se faire une idée de leur nombre, le recensement de 2019 indiquait que 800 000 beaux-parents vivaient en France avec des enfants de leurs conjoints ou conjointes,
00:48 dont parmi eux 27% de belles-mères. C'est pour ces 27% que vous montez au créneau dans deux livres qui racontent votre propre histoire,
00:56 une semaine sur deux ou presque, et "Belles-mères au bord de la crise de nerfs".
01:00 Alors Sabrina Marquez, rassurez-nous pour commencer, on va essayer de s'éloigner du modèle des malheurs de Sophie.
01:06 Est-ce que vous vous entendez à peu près bien avec votre belle-fille ?
01:09 Alors oui, c'est-à-dire, on va dire une heure sur deux, je m'entends bien avec elle.
01:13 Ma belle-fille rentre dans l'adolescence, donc c'est encore une autre étape.
01:16 Une nouvelle histoire. Dans la revue française de psychanalyse, on a trouvé l'expression "à mère" pour qualifier la représentation des belles-mères,
01:24 celle qui n'est pas la mère, souvent prise en porte-à-faux entre un lien aux enfants qu'elle veut développer et un rôle sans statut parental ni social.
01:31 Est-ce que vous êtes un petit peu d'accord avec cette proposition de la revue française de la psychanalyse ?
01:35 Je suis totalement d'accord ! Oui, la représentation de la belle-mère, bon, déjà la représentation de la belle-mère, elle est inexistante.
01:41 Nous, on a une pièce rapportée qui est souvent invisible. On ne fait pas part, on ne prend pas part aux décisions, aucune.
01:49 Pourtant, financièrement, moi je suis très présente dans la vie de ma belle-fille, mais juridiquement, je n'ai absolument aucun rôle.
01:54 Financièrement, c'est-à-dire que vous faites vos vacances, ça vit.
01:57 Oui, bien sûr, je participe à sa vie. Et d'ailleurs, j'ai réalisé tout à l'heure qu'elle a vécu plus de temps avec moi qu'avec ses parents.
02:04 Voilà, ça fait 8 ans qu'on est ensemble, donc on vit ensemble, et ma belle-fille a vécu 2 ans avec ses parents.
02:09 Donc, je pense que, je ne sais pas, j'ai gagné un truc.
02:12 Vous n'êtes pas toujours très tendre avec votre belle-fille. Dans votre livre, vous livrez un portrait assez hilarant de votre quotidien ensemble.
02:18 Vous avez l'impression de briser une omerta autour de cette pression imposée aux belles-mères qui sont censées multiplier les tentatives
02:24 pour nouer des relations avec les enfants de leurs conjoints ou unes, créer du lien, comme vous l'écrivez dans le livre.
02:29 Vous assumez, vous, de beauté en touche, de ne pas toujours avoir envie de créer ce lien ?
02:33 Mais j'assume totalement. Mais j'assume depuis pas très longtemps. Le déclic s'est fait il y a un an ou deux.
02:38 Alors, vos livres datent d'il y a plus longtemps que ça ?
02:40 Oui, mais je n'avais pas encore eu le déclic !
02:42 Non, non, je n'avais pas du tout eu le déclic. Au contraire, j'étais encore dans quelque chose où je voulais absolument que ça se passe bien.
02:49 Je dépensais une énergie folle. Et c'est en me rendant compte que je dépensais énormément d'énergie là-dedans que je me suis dit
02:54 "Mais en fait, moi je suis en train de m'oublier, ça ne va pas du tout".
02:57 Et donc j'ai eu un déclic et je me suis dit "OK, qu'est-ce que je peux faire pour aller mieux ?"
03:01 Et bien c'était de prendre de la distance par rapport à tout ça. Et donc d'aller boire l'apéro plutôt que de m'occuper de ma belle-fille.
03:07 Et ça marche vachement bien, je suis hyper heureuse.
03:09 D'assumer l'égoïsme.
03:10 Totalement, exactement.
03:11 Mais il y a quand même plein de clichés sur les Bellemères. Elles ne sont pas sympas, elles ne supportent pas que leur conjoint ou leur conjointe ait déjà eu des enfants.
03:17 C'est vraiment la méchante dans les contes. On l'a entendu tout à l'heure avec un extrait des Malheurs de Sophie.
03:22 Vous, vous êtes super marrante, j'ai lu les livres donc vraiment je vous trouve très drôle.
03:27 Mais c'est quand même très éloyé de la réalité. Vous n'êtes pas tendre avec votre belle-fille. Vous n'êtes pas méchante dans l'histoire ?
03:33 Ce n'est pas vous la méchante.
03:34 Alors encore une fois !
03:36 Non mais alors c'est bien ça le problème, c'est toujours nous les méchants.
03:39 Moi je pense qu'il n'y a pas de méchant dans l'histoire. C'est-à-dire qu'on essaie de faire comme on peut.
03:43 De toute façon quoi qu'il arrive, la Bellemère va s'en prendre plein la tronche. Quoi qu'il arrive.
03:48 Jusque le beau-père.
03:50 Le beau-père c'est encore une relation différente je trouve.
03:53 Moi dans mon expérience c'est que le beau-père reste à distance dès le départ.
03:57 C'est-à-dire qu'il y en a qui veulent s'impliquer mais souvent c'est "je ne m'implique pas trop".
04:00 Alors que nous les Bellemères je ne sais pas pourquoi il y a quelque chose dans ce "Allez, il faut absolument que cet enfant m'aime, j'aime son père".
04:06 Et en fait on dépense comme je disais tout à l'heure une énergie qui est absolument abominable.
04:10 Mais il n'y a pas de méchant dans l'histoire. Je pense qu'il y a surtout des personnes qui font ce qu'elles peuvent avec ce qu'on leur donne.
04:17 Parfois on ne leur donne pas grand chose. Mais non, je ne suis pas la méchante.
04:21 Il y a beaucoup d'inconvénients finalement au rôle de Bellemère.
04:25 C'est-à-dire que c'est des gens... Enfin voilà, vous n'avez pas choisi l'enfant.
04:28 Ce n'est pas le vôtre quoi.
04:29 Non, j'ai pas choisi son enfant.
04:31 Mais tu l'as fabriqué ton enfant.
04:33 Moi je n'aurais pas choisi celle-là d'ailleurs.
04:36 Evidemment on ne choisit pas l'enfant.
04:41 Après je veux dire, pour parler de mon expérience à moi, je suis arrivée avec plein d'amour pour cet enfant.
04:46 J'aimais profondément... Ouh là, je parle au passé. Je t'aime toujours.
04:49 J'aimais profondément son papa. Donc je me suis dit que j'avais de l'amour à donner pour elle aussi.
04:53 Je suis arrivée avec tout cet amour à lui donner.
04:57 Je me suis rendue compte que c'était impossible parce qu'elle le refusait totalement.
05:00 Parce qu'elle est dans les inconflits de loyauté.
05:01 Elle est totalement dans un conflit de loyauté.
05:03 Votre compagnon, vous l'appelez Monsieur Gentil, vous pensez que le match Bellemère-Bellefille lui donne un rôle où il a un peu le cul entre deux chaises ?
05:11 Il doit faire l'intermédiaire ? Est-ce qu'il prend tout à fait ses responsabilités ?
05:15 S'il doit faire l'intermédiaire, il a été très mauvais.
05:18 Moi, je dis souvent qu'il a le cul entre quatre chaises.
05:21 Il doit composer avec moi, avec son ex, avec notre fille et avec sa fille.
05:26 Je sens qu'il y a un réel problème de toute façon par rapport à sa culpabilité.
05:31 Il porte toujours en lui, et pourtant ça fait huit ans, la culpabilité de s'être séparé de son ex.
05:37 Non pas qu'il l'aimait encore, mais d'avoir brisé une famille qu'il avait créée.
05:41 Et ça c'est très compliqué, parce que résultat, ça fausse absolument tout dans la relation.
05:46 Même dans la relation père-fille, dans la relation belle-mère-fille, tout est faussé.
05:50 Parce qu'il y a de la culpabilité ?
05:52 Exactement.
05:53 Titule au cas qu'il existe depuis 2003 une association qui s'appelle le club des marâtres.
05:56 Ça existe, et vous dans votre livre, c'est le club des bellemères anonymes que Chloé fréquente, votre héroïne.
06:01 Les problématiques des bellemères invisibilisées par la société, est-ce qu'elles sont mieux vécues quand elles sont partagées ?
06:06 Quand on peut au moins discuter ensemble ?
06:09 Alors ça c'est absolument certain.
06:12 Et en plus, on sait beaucoup ces dernières années, on a beaucoup parlé de la charge mentale, de la maternité, de la parentalité, etc.
06:19 De inventer une manière de faire famille autrement.
06:22 Je dis, ah ben en fait, les familles recomposées essayent d'inventer ça depuis longtemps.
06:26 Et pas avec des gros résultats positifs, disons-le.
06:30 Et donc je pense qu'il y a un vrai tabou effectivement sur ce sujet-là.
06:35 On en parle très très peu.
06:36 Fiona Schmitt aussi avait fait un livre là-dessus, mais vraiment on peut les compter, il n'y en a pas énormément.
06:42 Qui arrivent à poser les questions, à dire les problématiques.
06:45 Même si on prend juste les histoires de panier de linge sale, effectivement on peut se dire, ah c'est pas réparti de manière égalitaire.
06:52 Mais si en plus on fait des tâches ménagères pour un enfant qui n'est pas le vôtre et qui ne vous aime pas beaucoup,
06:57 peut-être qu'on a aussi un sentiment d'injustice plus élevé.
07:01 Je vous les réjouis.
07:03 Et pour finir sur une note à la fois belle et triste, il arrive aussi que la belle-mère ou le beau-père s'attache beaucoup aux enfants avec qui il ou elle vit,
07:11 parfois des années, comme le personnage incarné par Virginie Ferra dans "Les enfants des autres", le film de Rebecca Aslotowski,
07:16 qui doit leur dire au revoir au moment d'une séparation.
07:19 Être beau-parent c'est aussi prendre un risque de souffrir qu'on n'avait peut-être pas mesuré au départ.
07:24 De toute façon, oui.
07:26 Moi j'imagine souvent que ma belle-fille, quand elle sera plus grande, prendra la décision de ne plus me voir.
07:31 Ça c'est vraiment dans les pires moments.
07:33 Je me dis que je ne pourrais pas aller à son mariage.
07:35 Dans ma tête je déroule ce fil où un moment elle sera toujours proche de ma fille, qui est sa soeur, et moi qui sera loin de moi.
07:43 Je souffre déjà par avance alors que si ça se trouve ça ne se passera pas comme ça.
07:47 C'est ça, vous anticipez cette situation.
07:50 J'anticipe un truc assez dramatique parce que parfois ça peut très mal se passer.
07:54 Mais si ça se trouve tout se passera bien, j'en sais rien.
07:56 C'est ça l'aventure aussi de "La famille recomposée", c'est que tous les jours il y a quelque chose de nouveau.
08:00 Il n'y a pas un jour qui se ressemble, pas un seul.
08:03 C'est des montagnes russes constamment.
08:05 Et pour finir, est-ce qu'en apprenant à être un peu plus égoïste, ça s'est mieux passé avec votre belle-fille ?
08:10 Oui, alors oui.
08:12 Je me suis plus occupée de moi, j'ai pris plus de temps pour moi.
08:15 J'en prends toujours d'ailleurs.
08:17 Et donc oui, effectivement, j'arrive à péser à la maison au lieu de déjà énerver.
08:21 Avec un peu de rancœur peut-être ?
08:23 Avec de l'alcool dans le fond, c'est beaucoup plus facile.
08:26 Un grand merci Sabrina Marquez pour ce franc-parler.
08:30 Et pour votre intervention, vos livres s'appellent "Belle-mère au port de la crise de nerfs"
08:34 et "Une semaine sur deux" avec le "Ou presque" entre parenthèses.
08:37 On peut aussi vous suivre sur Instagram, vous me parlez pas mal de tout ça.
08:40 C'est @sabmarquez