À l'occasion du 80ᵉ anniversaire du D-Day, matinale exceptionnelle en direct du musée du Débarquement d'Utah Beach. Charles de Valavielle, maire de Sainte-Marie-du-Mont et directeur du Musée du Débarquement d'Utah Beach est l'invité de Jérôme Florin.
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00:00Matinale spéciale, 80 ans du débarquement de Normandie.
00:03Jérôme Florin.
00:04Il y a 80 ans, jour pour jour, les Alliés ouvraient une brèche.
00:08Et quelle brèche ? Dans le mur de l'Atlantique.
00:104000 kilomètres de béton de la Norvège à la frontière de l'Espagne.
00:14Un mur que les Allemands pensaient indestructible.
00:16Onze semaines plus tard, Paris était libéré.
00:19On va accueillir maintenant Charles de Valavielle, le maire de Sainte-Marie-du-Mont
00:23et directeur du musée du débarquement d'Utah Beach.
00:26Bonjour.
00:28Est-ce que Charles de Valavielle est avec nous ?
00:31Oui, oui, oui.
00:32Oui, vous êtes là.
00:33Bonjour.
00:34Merci beaucoup.
00:35Musée où se trouve depuis le début de l'émission Marie-Bénédicte Allaire de RTL et que je
00:38salue à nouveau.
00:39Bonjour.
00:40Charles de Valavielle, vous marchez dans les pas de votre père Michel puisqu'il fut
00:45maire également et c'est lui qui a créé ce musée où l'on se trouve aujourd'hui.
00:49Alors il a créé ce musée en 1962.
00:52Moi, j'étais un enfant, mais c'est comme quelque chose qui m'a frappé et qui fait
00:58qu'aujourd'hui, je suis là et j'essaie de gérer au mieux ce musée avec beaucoup
01:04de cœur et de gratitude.
01:05Et il a fondé ce musée contre vents et marées.
01:08Contre vents et marées.
01:09Parce que pas beaucoup de gens en voulaient.
01:11Pourquoi ? Parce qu'on était 18 ans après le 6 juin
01:1444.
01:15Beaucoup de personnes ici préféraient oublier ou essayaient d'oublier.
01:22Mais par contre, il a eu un accueil très chaleureux de beaucoup d'officiers américains
01:29qui l'ont aidé.
01:30Et il a monté ce musée en partie avec ses propres deniers.
01:33Ça, c'était interdit par la loi, mais il a mis de son argent personnel.
01:39Et puis au bout d'un an, la commune s'est aperçue que c'était quelque chose d'intéressant.
01:44Il y a eu 20 000 visiteurs et c'est redevenu légal.
01:49Alors, cet hommage rendu aux alliés et à cette partie de notre histoire peut paraître
01:55étonnant en regard de ce qu'a vécu votre père.
01:57Il a été blessé par les soldats américains.
01:59Oui, c'est difficile cette histoire, c'était une erreur.
02:05Il a été blessé, il lui ont tiré dans le dos.
02:09Qu'est-ce qui s'est passé ? C'était le 6 juin précisément ?
02:13Le 6 juin, à Brécoux, où ma famille habitait, il y avait 4 canons allemands.
02:20Après la bataille, les parachutistes sont arrivés à la maison et ont tiré dans les
02:26fenêtres, dans les portes et à un moment, toute la famille est sortie.
02:30Mon grand-père était un officier de la première guerre mondiale.
02:32Et pourquoi, comment, ils ont fait avancer mon père seul et ils lui ont tiré dans le dos.
02:40Cinq balles ?
02:41Cinq balles, oui.
02:42Alors ça a été quelque chose de très difficile parce qu'il avait déjà perdu ses deux frères
02:47en 40, qui étaient officiers, dont un le 6 juin 40, donc je ne sais pas si vous imaginez
02:53pour mes grands-parents.
02:54Le traumatisme.
02:57Et il sera capturé et votre famille n'aura pas de nouvelles pendant longtemps ?
03:01Eh bien, il part à l'hôpital en Angleterre et ils sont à peu près deux mois sans aucune
03:07nouvelle.
03:08Et les premières nouvelles sont difficiles parce qu'ils se rendent bien compte qu'il
03:12n'y a aucun état de santé.
03:16Marie-Bénédicte Allaire, justement, vous avez rencontré une femme dont le père avait
03:22aussi été capturé par les Américains, qui a vécu à peu près la même histoire.
03:27Alors, ce n'est pas tout à fait pareil parce que ce monsieur n'avait pas été blessé,
03:31mais c'est une histoire assez incroyable et qu'on connaît peu.
03:34En fait, quand ils sont arrivés, les Américains ont rapté, entre guillemets, quelques civils,
03:42notamment ici à Sainte-Marie-du-Mont.
03:45Et cette dame, Jeannine Lott, elle s'appelait à l'époque Jeannine Gazengel, et ses parents
03:50tenaient l'épicerie de la Madeleine, qui est une petite commune toute proche d'Utah
03:57Beach.
03:58Donc, ils étaient vraiment aux premières loges.
03:59Ils s'étaient cachés dans des abris, on en parlait tout à l'heure.
04:02Et puis, des Américains sont arrivés dans leurs cours.
04:05Alors, le papa, monsieur Gazengel, le papa de Jeannine, s'est levé, il avait appris
04:10un petit peu d'anglais à l'école, donc il a essayé de baragouiner.
04:14Les Américains lui ont posé des questions parce qu'ils voulaient savoir où étaient
04:17les Allemands, etc.
04:18Et puis, quand ils ont vu qu'ils pouvaient communiquer un peu avec lui, ils lui ont dit
04:22« Venez avec nous, on vous emmène à la plage », donc la plage d'Utah, là, d'Utah
04:28Beach, qui était à quelques centaines de mètres.
04:31Donc, le papa de Jeannine, Lott, est parti avec eux et puis, il ne revenait pas.
04:38Donc, à un moment, il a demandé aux Américains d'aller prévenir sa femme et sa fille qui
04:47allaient s'inquiéter.
04:48On va entendre Jeannine Lott nous raconter.
04:49Il a dit « quand vous ne me renvoyez pas, il faut prévenir ma femme et ma petite-fille
04:54parce qu'elles vont s'inquiéter ». Alors, ils sont venus me chercher, ma mère et moi,
04:57on n'a jamais pu rejoindre mon père.
05:00Tellement, ça m'embête.
05:01Les éclats ont tombé tout autour de nous, des Allemands tués, des Américains tués,
05:05on vit dans tout ça, on est en plein sur le front, Madame.
05:09Donc, cette petite-fille de 11 ans qui était à l'époque Jeannine Lott, Jeannine Gazangel,
05:15et sa mère se sont trouvées au milieu des combats, donc elles ont dû rebrousser chemin.
05:21Mais le père de Jeannine a été emmené par les Américains à Londres, en fait, un
05:27peu comme agent de renseignement.
05:29Au début, il a été interrogé sur les Allemands, puis sur le général de Gaulle, comment il
05:34était perçu par l'opinion française.
05:35Il est resté, je crois que c'est cinq mois à Londres, sa femme et sa fille n'ont pas
05:39eu de nouvelles.
05:40Il n'était pas le seul d'ailleurs, il y avait eu plusieurs hommes de Sainte-Marie-du-Mont
05:43qui avaient été emmenés aussi, et puis au bout de cinq mois, ils ont été rapatriés
05:48en France.
05:49Leur femme pensait qu'ils avaient été tués, tout simplement, mais ils sont revenus quand
05:53même.
05:54Merci beaucoup.
05:55Merci à vous Marie-Bénédicte Allaire, merci aussi Charles de Vallavielle, maire
05:58de Sainte-Marie-du-Mont et directeur de ce musée du débarquement.
06:02On marque une courte pause et on se retrouve juste après pour s'arrêter sur le contexte
06:07très particulier dans lequel se déroulent ces commémorations, la guerre en Ukraine
06:10avec la menace russe.