À l'occasion du 80ᵉ anniversaire du D-Day, matinale exceptionnelle en direct du musée du Débarquement d'Utah Beach. Nathalie Paolucci, fille d'un vétéran US qui a débarqué sur Utah Beach, est l'invitée de Amandine Bégot.
Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 06 juin 2024
Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 06 juin 2024
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - RTL Matinal spécial
00:04 80 ans du débarquement de Normandie
00:08 - RTL 7h44, Amandine, vous êtes en direct d'Utah Beach en Normandie
00:12 la première plage du débarquement et vous recevez ce matin la fille d'un héros américain
00:16 il a débarqué sur cette même plage il y a très exactement 80 ans
00:20 - Nathalie Paolucci, fille du caporal Ernesto Paolucci qui a débarqué
00:24 ici à Utah Beach, c'était le 7 juin 44
00:28 il n'y en a pas fait partie, vous allez nous expliquer tout ça, des premiers qui ont posé le pied ici
00:32 deux de ses frères, vos oncles donc, eux ont débarqué le 6 juin
00:36 à Omaha Beach, à 10 km d'ici, qu'est-ce que ça vous fait
00:40 Nathalie d'être là aujourd'hui, 80 ans après, beaucoup d'émotion j'imagine
00:44 - Oui bien sûr, beaucoup d'émotion et c'est un hommage que je rends aussi
00:48 à mon père qui est décédé en 2020 et puis un hommage à mes oncles aussi
00:52 et puis finalement aussi à tous ceux qui ont débarqué
00:56 - En 2020, c'est la première fois que vous venez assister à ces cérémonies sans lui ?
01:00 - Oui, c'est la première fois - C'était impensable de ne pas venir aujourd'hui ?
01:04 - Ah totalement, et je pense qu'il aurait été ravi d'être ici
01:08 impensable parce que j'ai toujours fait ces cérémonies
01:12 ça a toujours été un hommage qu'on rendait, c'est de l'histoire, c'est notre histoire
01:16 donc effectivement c'était normal que je vienne
01:20 - Et lui, il venait ici régulièrement ? - Il venait régulièrement, oui oui, tout à fait
01:24 - Votre père et ses frères étaient originaires de Boston, issus, je le disais tout à l'heure,
01:28 d'une famille d'immigrés italiens, ils ont quitté les Etats-Unis en 1943, à l'automne 1943
01:32 pour venir combattre ici en Europe, et votre père, lui, n'aurait pas dû partir ?
01:36 - Et non, il n'aurait pas dû partir parce qu'il était soutien de famille
01:40 il avait donc un travail, mais
01:44 il a préféré effectivement s'engager et probablement,
01:48 c'était certainement une bonne idée puisque les Italiens étaient très mal vus
01:52 aux Etats-Unis pendant les années 40, en raison de leur lien avec l'Axe
01:56 et le fait probablement
02:00 de s'être engagé a pu certainement sauver ma grand-mère
02:04 puisqu'elle même avait été embarquée pour être interrogée et finalement, les autorités
02:08 s'étaient aperçues que les trois frères étaient engagés, donc de toute évidence,
02:12 elles ne présentaient pas de danger, c'était pas "alien enemy"
02:16 - Mais clairement, ses frères ont essayé de le dissuader de ne pas partir ? - Ah mais absolument, oui oui, moi j'ai retrouvé
02:20 des courriers où régulièrement ses frères et même certains de ses amis
02:24 de collège ou de voisinage lui disent "non non non, surtout ne t'engage pas, c'est terrible
02:28 les entraînements sont terribles, j'ai même une lettre d'un de ses frères qui lui dit
02:32 "mais rends-toi compte, ça fait deux jours qu'on travaille avec les gaz, avec des masques
02:36 et tu te rends compte, demain on va même faire le gaz motard, donc c'est terrible, ne viens pas"
02:40 - "Ne viens pas" il lui dit "ne viens pas" parce que si moi je reviens, il faut que tu sois là aussi ?
02:44 - Oui, dans une autre lettre effectivement, il lui dit "écoute, je compte revenir vivant de cette guerre
02:48 donc reste et occupe-toi de la maison et de la famille" - Alors finalement Ernesto va partir
02:52 la première étape c'est l'Ecosse, après sept jours de traversée
02:56 ce voyage, cette traversée de l'Atlantique, c'est déjà une première épreuve ?
03:00 - Oui, oui, ben sept jours, bon évidemment, c'était des conditions un peu
03:04 difficiles, c'était le bateau Île-de-France qui servait pour le coup
03:08 au transport de troupes et il se souvenait très bien que parfois il avait
03:12 très froid et parfois il avait très chaud, donc il en a déduit certainement qu'il
03:16 zigzaguait nord-sud pour éviter les torpillages allemands.
03:20 - Suit ensuite la phase d'entraînement en Ecosse, et là
03:24 il vous raconte qu'il savait qu'ils allaient débarquer, mais pas au Nikon.
03:28 - Absolument, il ne savait pas, alors il y a eu une première phase d'entraînement
03:32 aux Etats-Unis, dans les camps militaires à Fort Devens
03:36 en l'espèce, dans le Massachusetts, et effectivement l'entraînement s'est poursuivi
03:40 après en Ecosse. - Bon, et alors ce dit-dé, votre papa je le disais
03:44 ne débarque pas le 6 mais le 7. - Oui. - Et il débarque comme ceux du 6 en fait
03:48 - Oui absolument. - A bord des navires, puis après dans les barges.
03:52 - Oui, oui, oui, il débarque comme eux avec la même peur de toute façon
03:56 je me souviens d'une anecdote concernant
04:00 cette peur lorsqu'ils étaient sur le bateau
04:04 alors le bateau, pas la barge, le prêtre
04:08 leur propose de prier et de penser à leur mère, alors bon
04:12 évidemment, spontanément, ce n'était pas très motivant, clairement.
04:16 - Ils avaient 21 ans, on ne pense pas forcément. - On préfère penser à ses petites copines, c'est une évidence
04:20 et bon, manifestement, l'aumônier ayant compris
04:24 qu'il fallait appuyer, et bien il leur dit
04:28 "écoutez, beaucoup d'entre vous vont mourir, beaucoup d'entre vous
04:32 seront blessés, et quand vous toucherez terre
04:36 et quand vous serez blessés, et bien la première chose que vous direz spontanément c'est "oh mon Dieu"
04:40 et tout de suite après, le premier visage que vous verrez, ce sera celui de votre mère
04:44 donc à genoux et priez, quel que soit votre Dieu" et ça c'est quelque chose qui lui est resté.
04:48 - Quelque chose qu'il vous racontait ? - Oui.
04:52 - Et pourtant il vous parlait peu, c'est ce que vous me disiez hier, on s'est vu pour préparer
04:56 cette interview, et vous me disiez "je suis venue ici
05:00 des dizaines de fois avec lui, et il parlait peu de tout ça"
05:04 - Oui, il parlait peu, et finalement je crois que beaucoup de ses anciens combattants
05:08 parlaient peu, ou en tous les cas peu à leur famille, alors ils parlaient je pense plus volontiers
05:12 à des étrangers qu'à leur famille. - Pourquoi d'après vous ?
05:16 - Je pense que c'était un terrain sensible, ils ont dû vivre inévitablement
05:20 des choses difficiles, et c'était probablement leur façon
05:24 de se protéger justement de ces souvenirs, en revanche entre eux
05:28 j'imagine qu'ils parlaient, oui. - Votre papa va ensuite
05:32 gagner Paris avec les troupes alliées, il repart aux Etats-Unis à la fin de la guerre
05:36 et puis décide finalement de venir faire sa vie ici en France. - Eh oui !
05:40 - Pourquoi être revenue ? Il se sentait français ?
05:44 - Je ne pense pas, peut-être pas à ce point, mais à coup sûr finalement sa vie d'adulte
05:48 il la commence sur la plage du Tart, bon alors évidemment dans les camps d'entraînement
05:52 mais quand il arrive ici, ça marque vraiment un tournant
05:56 et effectivement, il m'avait dit "mais écoute je suis effectivement née aux Etats-Unis
06:00 mon adolescence est aux Etats-Unis, mais l'âge adulte en fait c'est quand même
06:04 la France, donc voilà il est revenu, il est parti deux mois aux Etats-Unis
06:08 le temps d'être démobilisé, donc nous sommes en 1947
06:12 et il revient très rapidement effectivement. - Très rapidement s'installe, rencontre
06:16 votre maman et garde toujours ce lien avec les autres vétérans ?
06:20 - Oui. - Toujours ? - Oui, toujours, je pense notamment
06:24 à l'American Legion qui a été une grande association
06:28 qui a été une association fondée pour les vétérans de la première
06:32 guerre mondiale, et bah évidemment 30 ans
06:36 après, ils ont continué à fédérer tous les vétérans.
06:40 - Votre papa vous le disiez tout à l'heure est décédé en 2020
06:44 et aujourd'hui il repose ici, à Utah Beach, racontez-nous.
06:48 - Oui, papa m'avait dit que puisqu'il
06:52 était justement arrivé en France par Utah Beach, il souhaitait repartir
06:56 par Utah Beach, donc il m'avait demandé de disperser ses cendres
07:00 ici, là dans les dunes, donc voilà, il est ici, pour ça c'est
07:04 une belle rencontre, un beau retour et il est là. - Quand vous venez ici vous venez le voir ?
07:08 - Bien sûr. - Et finalement il est là aujourd'hui pour ces commémorations ?
07:12 - Oui, il est là, oui. - Qu'est-ce qu'il se dit d'après vous ? Qu'est-ce qu'il se serait dit ?
07:16 - Je pense qu'il serait fier
07:20 et je pense que
07:24 il aimait tellement la France en fait, souvent quand il partait à l'étranger
07:28 inclus aux Etats-Unis, il faut l'avouer, le meilleur moment de son voyage
07:32 c'était quand il revenait en France, donc je pense qu'il est très satisfait
07:36 d'être toujours ici. - Tout à l'heure, hier soir
07:40 quand on s'est mis sur la plage, après on en parlait, qu'on regarde la mer
07:44 on se dit "waouh", il y avait des milliers de bateaux qui ont débarqué, 6 hommes
07:48 qui, avec leurs sacs à dos, 20, 40 kilos
07:52 pour certains, dans l'eau, sont arrivés ici
07:56 c'est extrêmement émouvant, mais alors pour vous, dont le papa
08:00 était là ? - Mais ça l'aide autant plus, bien sûr. - Vous êtes fière ?
08:04 - Oui, bien sûr que je suis fière. - Un grand merci
08:08 Nathalie, Raoul Diamandi, qui est venue témoigner, nous raconter