En novembre 2023 et janvier 2024, le Pas-de-Calais a durement été frappé par des inondations records. Après l'urgence, le temps est à la réflexion, pour mieux préparer le territoire à ces événements climatiques de plus en plus fréquents.
Public Sénat a posé pendant plusieurs mois ses caméras à la Calotterie, petit village de 700 habitants particulièrement exposé. Et a suivi les attentes et difficultés d'habitants, du maire, de la communauté d'agglomération, tout en suivant la mission sénatoriale sur les inondations. Tous s'interrogent sur les moyens à mettre en place pour adapter les moyens et l'organisation, et ne plus jamais revivre ces épisodes destructeurs.
Réalisé par Jérôme Rabier, produit par Public Sénat Année de Production : 2023
Public Sénat a posé pendant plusieurs mois ses caméras à la Calotterie, petit village de 700 habitants particulièrement exposé. Et a suivi les attentes et difficultés d'habitants, du maire, de la communauté d'agglomération, tout en suivant la mission sénatoriale sur les inondations. Tous s'interrogent sur les moyens à mettre en place pour adapter les moyens et l'organisation, et ne plus jamais revivre ces épisodes destructeurs.
Réalisé par Jérôme Rabier, produit par Public Sénat Année de Production : 2023
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00:00 ...
00:12 Musique douce
00:15 ...
00:22 -Je m'appelle Yovann Tricot, j'ai 46 ans,
00:25 je suis marié, j'ai 4 enfants.
00:27 ...
00:30 On cherchait forcément dans le secteur ici,
00:32 puisque Montreuil-sur-Mer, la Caloterie,
00:35 c'est des coins que je connais très bien.
00:37 Ma femme trouve que c'est super sympa,
00:39 donc on s'est mis à la recherche d'une maison super agréable
00:43 avec du terrain et au moins 4 ou 5 chambres.
00:45 ...
00:48 Et un jour, en plein hiver, on visite cette maison-là,
00:51 et ma femme, elle m'appelle en disant que c'est celle-là.
00:54 Au mois d'août, tout est signé, il n'y a plus qu'à.
00:57 On avait les clés fin octobre.
00:58 Les enfants étaient heureux, un grand terrain,
01:01 3 000 m2.
01:02 ...
01:04 Chacun sa chambre, enfin, pour les grands frères,
01:07 c'était hyper important pour nous.
01:09 Et là, c'était vraiment le début de l'aventure
01:11 et d'une nouvelle aventure familiale.
01:13 ...
01:16 -Yovann Tricot et sa famille ont à peine le temps de s'installer
01:20 qu'une tempête déferle sur le nord de la France,
01:23 début novembre 2023.
01:25 A la joie des premiers cartons déballés,
01:28 succède la peur, puis la désolation.
01:31 -Déjà, à partir du 6 novembre,
01:34 on voit que sur la route, l'eau commence à apparaître.
01:38 Les gens me disent que c'est un classique par ici.
01:40 Tu arrives au 8 novembre, et là, tu peux plus sortir de chez toi,
01:44 tu te rends compte qu'il y a de plus en plus d'eau.
01:47 Les enfants jouent avec des bateaux dehors,
01:49 parce qu'il y a de l'eau partout.
01:51 Je me souviendrai toujours, le 9 au soir,
01:53 quand il va falloir évacuer, ce serait bien,
01:56 parce que l'eau monte.
01:57 Le 9 au soir, on est évacués par la Sécurité civile.
02:00 Avant que l'eau rentre dans la maison,
02:02 il pleut, mais un truc comme j'ai jamais vu.
02:05 Il y a un orage impressionnant au-dessus de nos têtes.
02:08 C'est les enfants à l'arrache.
02:09 Je reviens le 11, et on voit l'eau dans la maison,
02:12 et là, c'est dur.
02:13 ...
02:19 On avait essayé de surélever le piano,
02:22 et on arrive, et il y a plus de 30 cm d'eau.
02:24 Et puis, l'eau, on avait jusque-là.
02:26 On voit la trace, passons encore ici.
02:28 ...
02:33 -Yovann et sa famille n'auront pu rester
02:36 qu'une dizaine de jours dans leur nouvelle maison.
02:39 L'eau y restera plusieurs semaines,
02:41 imbibant les murs en placo, qui sont retirés.
02:45 Les premiers travaux sont envisagés,
02:47 mais tout début janvier, le village de la Calotrie
02:50 est une nouvelle fois inondé,
02:51 un coup de massue pour les sinistrés.
02:54 ...
03:01 Installé dans une maison à quelques kilomètres de la Calotrie,
03:05 Yovann cherche alors à agir
03:07 pour ne jamais revivre ses moments douloureux.
03:10 -Je me retrouve début janvier,
03:12 depuis la 2e vague d'inondations,
03:14 où j'ai croisé tellement de monde triste,
03:16 beaucoup de personnes âgées, notamment,
03:19 des femmes effondrées.
03:20 Je me suis dit qu'il fallait que je fasse quelque chose,
03:23 pour réagir.
03:24 Je me dis "Allez, Yov, fais un texte,
03:26 "et on y va pour une pétition sur le curage de la canche,
03:29 "car il faut faire quelque chose, c'est plus possible autrement."
03:33 "Je m'appelle Yovann, j'habite la Calotrie,
03:35 "dans le Pas-de-Calais.
03:36 "En octobre, 30 cm d'eau ont envahi ma maison.
03:39 "Ces dernières semaines,
03:40 "10 cm sont venus s'ajouter.
03:42 "Comme mes voisins,
03:43 "je redoute les grandes marées attendues pour février.
03:47 "Cela fait des années que les maires demandent
03:49 "le curage de la canche, le fleuve qui traverse nos communes.
03:52 "Les citoyens sinistrés souhaitent une action immédiate de l'Etat.
03:56 "Nous avons besoin que notre gouvernement
03:58 "prenne ses responsabilités et agisse maintenant
04:01 "pour prévenir d'inondations dévastatrices dans notre communauté."
04:04 C'est monté tout doucement, mais c'est monté sûrement.
04:08 D'un coup, ça a flambé, c'est parti super loin.
04:10 On est arrivé à 21 000, 22 000 personnes
04:12 qui ont signé cette pétition.
04:14 Et après, forcément, les gens parlent de vous.
04:17 Ca a pu aider au moins les sinistrés sur un point de départ,
04:20 de dire qu'on peut lutter tous ensemble
04:23 pour que plus jamais ça n'arrive pas.
04:26 Musique douce
04:28 ...
04:53 -Les inondations de novembre et janvier
04:56 ont touché plus de 300 communes du Pas-de-Calais,
04:59 durement frappées.
05:00 Au Sénat, les élus du département
05:03 se font immédiatement le relais des préoccupations
05:06 des habitants et des élus locaux.
05:08 Le 15 novembre, Jean-François Rappin interpelle le gouvernement
05:13 sur la situation critique que vit sa circonscription.
05:16 Applaudissements
05:18 -La parole est au président Jean-François Rappin.
05:22 -Le rouge et l'orange, ces 2 couleurs, sont désormais familières,
05:25 mais si angoissantes pour les habitants du Pas-de-Calais.
05:29 Mes 1ers mots iront donc vers les sinistrés des 2 tempêtes
05:32 et des inondations qui se prolongent depuis 3 semaines.
05:35 Jamais nous n'avons connu une catastrophe d'une telle ampleur
05:38 avec une étendue géographique si importante.
05:41 Preuve est faite, et vous l'avez entendu hier,
05:43 qu'il faudra reparler de curage, de faucardage, de fascinage,
05:47 de débroussaillage, de bassins de rétention
05:50 et de rétention d'eau à l'écoute des élus locaux,
05:52 plutôt que de dépenser trop d'argent en études
05:55 qui sont incessantes, usantes, traînantes et parfois inutiles.
05:58 -Début décembre, le Sénat décide de lancer une mission
06:02 pour tirer les leçons de cette catastrophe.
06:04 Jean-François Rappin est nommé co-rapporteur
06:07 et devra rendre des préconisations d'ici l'été.
06:11 -C'est vrai qu'au mois de novembre,
06:13 quand on a vu à la fois ces pluies diluviennes
06:15 et les inondations qui en ont découlé,
06:18 c'était assez catastrophique et choquant.
06:20 Les dégâts concernant 4 bassins hydrographiques,
06:23 c'était monstrueux sur une superficie considérable.
06:26 Gérard Larcher en a pris conscience
06:28 à tel point que, revenu du Pas-de-Calais,
06:30 il a souhaité que le Sénat mène une mission d'information
06:34 et de contrôle sur ces inondations.
06:37 -A la Caloterie, à côté de Montreuil-sur-Mer,
06:41 l'eau est revenue trois fois,
06:43 en novembre, en janvier et en mars,
06:45 laissant les habitants toujours plus désemparés.
06:48 Dans ce village de 700 habitants,
06:51 Franck Lerette a été en première ligne.
06:54 -Alors là, ici, lors des inondations,
06:57 dans cette rue-là,
06:58 ici, dans cette rue, il y avait 1 m d'eau.
07:01 La deuxième vague, c'était en janvier,
07:05 la deuxième inondation.
07:06 Dans cette rue, on a pris 40 cm en plus.
07:09 À cet endroit-là, il y avait 1,30 m, 1,40 m d'eau.
07:12 On ne passait même pas en tracteur.
07:14 On a dû faire appel aux sauveteurs en mer,
07:16 de bergue sur mer, qui sont venus.
07:18 Ils sont venus nous aider pour faire sortir des gens.
07:21 Je vous laisse imaginer un peu le désarroi de la population.
07:26 Moi, il y a 25 ans,
07:29 j'ai fait construire ma maison ici, à la Caloterie.
07:32 Et il y a quatre ans, le maire, sortant après trois mandats,
07:37 avait décidé de ne pas repartir.
07:39 Donc j'ai pris la décision, avec mon épouse,
07:44 de faire une liste et de proposer ma candidature
07:47 en tant que maire de la Caloterie.
07:49 -En prenant la fonction de maire,
07:51 il ne pensait pas affronter des épreuves pareilles.
07:54 Et désormais, avec son franc-parler,
07:56 il s'en prend à l'organisation kafkaïenne
07:59 qui régit l'entretien des cours d'eau.
08:01 -Je rappelle que nous, on est une petite commune de 700 habitants.
08:05 On a peu de moyens,
08:06 comme les petites communes aux alentours.
08:08 C'est pas... Salut, ça va ?
08:10 L'exemple qu'on crée, là, à droite,
08:14 vous avez un fossé communal,
08:16 qui est géré, par son nom, par la commune.
08:19 À gauche, une tringue,
08:22 qui est gérée par l'AZA, l'AZA syndical.
08:26 C'est autonome. C'est des particuliers, en fait.
08:29 Et, troisièmement, on a, en plus,
08:32 les fossés qui doivent être, jugement, curés, privés.
08:36 Des particuliers.
08:38 La commune de la Caloterie, on a environ 30 km
08:42 de fossés communaux à gérer et à curer.
08:46 C'est impossible financièrement.
08:48 Vous voyez, là, c'est parlant. Vous voyez ?
08:51 Fossés communaux.
08:52 Et à l'intérieur, propriété privée, il y a un fossé.
08:56 Vous voyez ?
08:57 Et c'est à la charge des propriétaires
08:59 de l'entretenir.
09:01 -Dans sa mairie, après ses journées de travail,
09:06 le maire se bat avec les dossiers administratifs.
09:09 Le moindre projet représente un travail énorme
09:13 pour sa petite collectivité.
09:15 -Comme j'ai dit au président,
09:16 il va falloir impérativement tous les ans curer.
09:19 Il me dit "oui, je veux bien, pas de souci".
09:21 Il me dit "il faut faire un plan de gestion".
09:24 On s'est renseigné 40 000 euros.
09:26 Mais la bonne nouvelle,
09:27 parce qu'il y a quand même une bonne nouvelle,
09:30 c'est qu'il y a des subventions.
09:31 Jusqu'à là, c'est bien, jusqu'à 80 %, soi-disant.
09:34 Donc, il nous resterait 20 %, pour l'AZA.
09:38 Jusqu'à là, ça pourrait être jouable.
09:40 Mais montez le plan de gestion, faites-le.
09:43 Mais c'est une usine à gaz, leur truc.
09:45 C'est une usine à gaz.
09:46 Comment voulez-vous qu'une petite collectivité comme nous
09:50 fasse ça ? C'est impossible.
09:52 Il faut bien qu'en haut, que ce soit nos députés,
09:54 nos sénateurs, l'entendent.
09:56 Alléger tout ça.
09:58 J'ai pas de DGS, pas de directeur de cabinet,
10:01 pas de chef de service.
10:02 C'est le maire qui fait tout.
10:04 -Bonjour, Christelle.
10:06 -Au quotidien, le maire se démène, en plus de son travail à temps plein.
10:10 -On les a au service technique ?
10:12 -Oui, donc il faudra faire le point
10:14 mardi... Lundi soir, on fera le point.
10:17 -Dans les rues, les habitants l'interpellent
10:19 pour connaître l'avancée des premiers travaux.
10:22 -Je comprends pas. On voit sur WhatsApp,
10:24 on nous dit qu'il va pas avoir de travaux avant l'automne ?
10:27 -Non, non, non.
10:28 -Alors, ça veut dire quoi ?
10:30 -C'est le chéco qui te dit ça.
10:32 Non, non, non. Là, actuellement,
10:34 c'est le préfet qui va décider. Tout est aux mains du préfet.
10:37 -Pour le maire, l'eau sera toujours présente à la caloterie
10:42 du fait de son emplacement en bord de Canches,
10:45 un fleuve qui a l'habitude de déborder.
10:48 Mais l'enjeu est que l'eau puisse repartir et non stagner.
10:52 Musique sombre
10:54 ...
10:56 Pour les hydrologues qui travaillent sur les inondations,
10:59 comme Arnaud Gautier, professeur à l'université de Lille,
11:03 la Canche réunit malheureusement
11:05 beaucoup de caractéristiques qui favorisent les catastrophes.
11:09 ...
11:10 -Si on se repère sur la Canche,
11:13 on a un grand nombre de secteurs qui sont plus ou moins impactés,
11:17 notamment tout le secteur du Montreuil et de la Caloterie.
11:20 C'est un bassin versant assez atypique,
11:23 parce que déjà, il est très, très long.
11:25 On est sur une zone extrêmement basse,
11:27 puisqu'on a quasiment plus de reliefs
11:29 à partir de Bourg-en-Ville jusqu'au Touquet.
11:32 L'eau va commencer à stagner, à s'accumuler,
11:35 va recevoir malgré tout l'ensemble des débits
11:39 apportés par les différents affluents.
11:42 -Et l'apogée des problèmes de la Canche
11:44 se concentre dans le village de la Caloterie,
11:47 juste à l'ouest de Montreuil-sur-Mer.
11:50 Depuis 20 ans, la quasi-totalité de la commune
11:52 est inconstructible en raison du risque d'inondations,
11:56 mais les maisons existantes, construites avant 2003,
12:00 sont très exposées.
12:01 -On a un tracé avec énormément de méandres.
12:04 On a un écoulement de la Canche naturellement assez faible.
12:08 Et puis, ici, on a une zone, au niveau de la Caloterie,
12:11 qui est une zone extrêmement plate.
12:14 On va retrouver dessus les axes de communication
12:17 et tous les points noirs qui vont symboliser
12:20 les habitations sensibles.
12:22 Vous avez retrouvé ici le Chemin de la liberté,
12:25 qui était une zone relativement inondée
12:28 durant les épisodes en fin d'année dernière,
12:31 et en cas de plumetrie normale,
12:33 on va assister à un phénomène d'inondabilité de ces zones,
12:37 car on n'a pas énormément d'ouvrages
12:39 qui vont permettre de retenir ces eaux.
12:42 Et donc, en fait, on a eu une augmentation,
12:44 effectivement, de ces dommages aux habitations
12:47 du fait de la stagnation assez importante
12:49 des eaux sur des niveaux relativement élevés.
12:52 Musique douce
12:54 -Pour comprendre ces phénomènes,
12:56 la mission sénatoriale sur les inondations
12:59 s'est rendue début mars dans le Pas-de-Calais.
13:02 ...
13:05 4 mois après les inondations de novembre,
13:08 l'eau était encore très présente, notamment à la caloterie,
13:12 où le maire a pu confier aux sénateurs ses inquiétudes.
13:15 -Bonjour, François. Ca va ? -Oui, et toi ?
13:17 -Bonjour, monsieur le maire. -Ca va ?
13:20 -Alors, toujours dans la difficulté ?
13:22 -Toujours. C'est vrai que le cuirage étreint,
13:24 ça a commencé à... Ca a commencé à fonctionner,
13:27 mais il y a encore beaucoup de boulot.
13:29 Le problème, c'est que quand l'eau, elle monte,
13:32 ça va sur la haute.
13:33 -Dans les rues, les sénateurs ont pu constater
13:36 les ravages des inondations,
13:38 mais aussi voir les premiers travaux d'urgence effectués
13:41 à la demande du maire.
13:42 -Vous voyez, là, c'est le premier...
13:45 Enfin, le deuxième pont-cadre.
13:46 C'est ça, ce qui est en béton.
13:48 Donc, ce qui a ticuré, c'est ça, une tringue.
13:50 C'est ce qui a ticuré il y a 2-3 jours.
13:53 -Est-ce que t'as un contact avec les services de la préfecture ?
13:57 Est-ce que t'as un contact avec Vigicru ?
13:59 Est-ce que t'as un contact avec Météo France
14:02 pour savoir s'il va y avoir une influence
14:04 et une pluviométrie importantes ?
14:06 -Avec notre assureur, en l'occurrence,
14:08 c'est Groupe Ama, donc automatiquement,
14:10 on sait, dès qu'il va y avoir...
14:12 Il nous envoie une alerte sur mon téléphone.
14:14 -Et ils prennent en compte les grandes maraises ?
14:17 -Oui.
14:18 -En haut, c'est marqué "maire".
14:20 -Oui, "maire", c'est le maire.
14:22 -Le tombeau du mont, qui est pas nécessaire.
14:24 -On voit ça.
14:26 -Aux premières inondations, en novembre,
14:28 il y avait plein d'eau ici.
14:29 On s'est rendu compte que la route faisait dix,
14:32 qu'il fallait ouvrir la route.
14:34 Il faut s'imaginer qu'ici, il y avait pas de pont-cadre.
14:37 Ils ont ouvert la route sur 7-8 mètres, complètement.
14:40 Ils ont curé, enfin, nettoyé le fossé,
14:42 parce qu'il existait.
14:44 Le problème, c'est que, même ça,
14:46 on est sujet à la police de l'eau.
14:48 Et je vous assure qu'ils nous font pas de cadeaux,
14:51 ces braves messieurs.
14:52 Je vais rien contre eux, mais...
14:54 C'est pas eux qui ont subi deux fois des inondations.
14:57 Au bout d'un moment...
14:58 -Notre pont...
15:00 -Un déplacement qui viendra nourrir les travaux des sénateurs
15:03 et sans doute inspirer des préconisations.
15:06 -On entend parler.
15:07 -On est au début de notre mission.
15:09 On a lancé des auditions, on vient faire des visites de terrain.
15:12 On n'est pas dans le temps court et dans l'urgence.
15:15 Nous, on est plutôt dans la dimension à moyen et à long terme.
15:19 Notre objectif sera de faire des recommandations
15:21 par rapport à tout ce qu'on a entendu.
15:24 La dimension à moyen et à long terme devient essentielle
15:27 par rapport à l'événement qu'on a vécu
15:29 et au fait qu'on est convaincus
15:31 que de tels événements vont se reproduire
15:33 à des échelles et à des niveaux différents, peut-être,
15:36 espérons-le, moins important, mais en tout cas très violent,
15:40 comme on l'a vécu ici, dans le Pas-de-Calais,
15:42 depuis le 5 novembre.
15:43 ...
15:47 -S'il faut penser le moyen et long terme,
15:49 les habitants attendent des travaux d'urgence.
15:52 La pétition de Yovanne Tricot a très vite atteint
15:55 les 20 000 signatures, le plaçant sur le devant de la scène.
15:59 Il a rapidement rejoint d'autres sinistrés mobilisés.
16:03 -J'ai été contacté par Vincent Lockville,
16:05 c'est un monsieur qui lançait une marche bleue.
16:08 C'est des citoyens qui ne voulaient plus laisser passer
16:11 ce qui venait de se passer et qui se réunissaient
16:14 pour faire une manifestation très calme, très symbolique,
16:18 pour dire qu'on ne veut plus que ça recommence.
16:20 Forcément, ayant 20 000 signatures derrière moi,
16:23 je suis un porte-parole aussi de tous ces gens qui ont signé.
16:27 Donc tout est né comme ça, de rencontres humaines
16:29 et d'objectifs communs, et travailler sur l'écoulement
16:32 de la Canche et la protection de notre territoire.
16:35 -C'est au sein du Tchéka, le collectif des inondés
16:39 du haut estuaire de la Canche et de ses affluents
16:42 que Yovanne s'est engagée. Ce soir-là,
16:44 il rejoint deux membres actifs pour échanger sur les projets.
16:47 -M. Lamour, comme d'habitude.
16:50 -Bon, petit débrief.
16:51 -T'as vu Maury avec la sous-préfète, toi ?
16:53 -Voilà, c'est ça.
16:54 -Aujourd'hui, on a 800 personnes.
16:56 Donc depuis trois mois, ça a énormément bougé.
17:00 On a énormément rencontré d'élus,
17:03 énormément rencontré de responsables,
17:05 de spécialistes aussi du coin.
17:07 On a repotassé les études qui avaient été faites.
17:10 -A cause de ça, spontanément,
17:12 se sont organisées différents collectifs
17:14 dans différentes communes.
17:16 Chaque collectif, dans chaque commune,
17:18 a un délégué qui est en rapport avec le Chekhov,
17:22 une sorte de collectif central.
17:24 On se réunit avec ces délégués communaux
17:26 pour pouvoir faire le point sur une situation globale
17:30 et surtout parce qu'il faut développer
17:32 un projet qui soit commun.
17:34 -Dans ce collectif, chacun s'investit
17:37 et potasse notamment les études déjà existantes
17:40 sur les travaux nécessaires
17:42 pour limiter l'impact des inondations
17:44 et ainsi réclamer des mesures au pouvoir public.
17:47 -Quand il y a des études scientifiques
17:49 qui sont faites en 88,
17:50 notamment en 2016, on peut peut-être gagner du temps
17:53 sur certaines choses et commencer certains travaux
17:56 qui sont prônés depuis des années.
17:58 Mais comme moi, beaucoup de gens, de toute âge,
18:01 de toute classe sociale, de toute formation,
18:04 qu'elle soit scolaire ou pas, les gens apprennent.
18:06 On part du préjugé, de l'opinion à quelque chose
18:09 où on apprend, on se dit que ça prend sens.
18:12 On est acteurs, les citoyens peuvent aussi penser par eux-mêmes,
18:15 créer des raisons d'intelligence communes
18:19 en lien avec l'agglo, avec les sénateurs s'ils veulent,
18:22 les députés qu'on a contactés aussi, l'Etat, tout le monde.
18:25 C'est un consensus commun.
18:27 Musique douce
18:29 ...
18:31 -Ces habitants mobilisés discutent avec les autorités,
18:35 mais les relations ne sont pas toujours simples,
18:37 en particulier avec la communauté d'agglomération,
18:41 qui est la collectivité en charge du risque inondation.
18:45 -Bonjour.
18:46 -A sa tête, le président Bruno Cousin
18:48 rappelle l'ampleur de la tâche et les complexités.
18:51 -Notre territoire, ce territoire de la CA2-BM,
18:54 qui correspond à 46 communes,
18:57 avec, bien évidemment, comme vous le voyez,
18:59 un nombre de petites communes rurales, peu peuplées,
19:02 avec des petits moyens, donc le réflexe automatique
19:05 a été de se tourner vers nous, vers la CA2-BM,
19:08 pour dire au secours "faites quelque chose, venez nous aider",
19:11 alors que, dans cette situation,
19:14 il y a tellement d'opérateurs sur la thématique de l'eau
19:17 et sur la protection,
19:19 les compétences sont tellement variées et multiples
19:22 que nous avons dû intervenir, quelquefois,
19:25 à des endroits qui ne sont pas de notre compétence directe.
19:29 ...
19:39 Alors, tout ça a été inondé, oui, il y avait de l'eau ici,
19:44 et en face, c'était un lac.
19:46 Donc, ici, comme de l'autre côté,
19:53 vous aviez la canche qui débordait
19:57 et qui déversait complètement de l'autre côté dans le marais.
20:01 Il faut imaginer la hauteur d'eau qu'il pouvait y avoir.
20:04 Vous voyez ce pont qui, aujourd'hui, commence à sortir de l'eau,
20:07 qui était complètement submergé,
20:09 et l'eau qui passait au-delà de la berge
20:12 a été rehaussée par nos soins.
20:14 -Pour Bruno Cousin, si la collectivité gère le risque d'inondation,
20:18 le nombre d'acteurs devant intervenir sur les différents cours d'eau
20:22 devient plus que problématique.
20:24 -La difficulté, encore une fois, ce sont les compétences.
20:27 Et ce genre de levée de terre,
20:29 il faut savoir qu'elle sont normalement de la responsabilité des riverains.
20:33 Toute la complexité de la gestion de l'eau et des inondations
20:36 vient de ce millefeuille absolument incompréhensible
20:39 pour le commun des mortels,
20:41 et nous avons du mal à nous y retrouver,
20:43 savoir qui est responsable de quoi dans cette histoire.
20:46 -La communauté d'agglomération a envoyé en mars à la préfecture
20:53 une liste des premiers travaux qu'elle estime nécessaires
20:57 pour gérer l'urgence avant l'automne.
20:59 Mais pour la suite, le président s'interroge sur le pilotage.
21:04 -Est-ce qu'il faut nous laisser nous charger
21:07 de l'ensemble de la gestion de ces phénomènes
21:11 ? Pourquoi pas ?
21:12 La seule condition, c'est de nous donner les financements
21:15 qui permettront de le faire, et ce n'est pas le cas.
21:18 Ou est-ce qu'il ne faut pas, au contraire,
21:20 envisager autre chose, que l'Etat soit, j'allais dire,
21:23 l'organe suprême qui assure la cohérence d'ensemble,
21:26 qu'il en assure la part de financement
21:29 qui doit lui revenir, et qu'il demande
21:31 à des opérateurs locaux, comme nous,
21:33 comme le CIMSA, comme d'autres syndicats,
21:36 de faire chacun leur part en fonction de leurs compétences ?
21:39 Pourquoi pas ?
21:40 -Un souci de pilotage récurrent que les sénateurs
21:43 ont souvent entendu lors de leurs déplacements et auditions,
21:47 et sur lequel le statu quo n'est plus possible.
21:50 -Je pense que nous sommes d'accord
21:53 qu'il faut, à un certain moment,
21:55 dans ces situations d'urgence, mais aussi dans la stratégie,
21:59 un seul pilote dans l'avion, et entre autres,
22:01 pourquoi pas le préfet, à qui on doit redonner des moyens.
22:05 Un préfet nous disait, dans un déplacement,
22:08 "J'aimerais bien avoir un nombre d'ingénieurs conséquents."
22:13 Et moi, j'ai dit, "Oui, la DDE."
22:16 C'était ce qu'on vivait quand j'étais maire,
22:18 avec des ingénieurs qui venaient nous voir régulièrement d'Etat
22:22 et qui, avec nous, préparaient les stratégies futures.
22:25 Donc je pense qu'on est à l'aune de...
22:28 À la croisée de chemin, peut-être,
22:31 sur la façon dont la gouvernance doit se revoir.
22:35 On avait une gouvernance très biodiversité jusque-là.
22:38 Aujourd'hui, on doit avoir aussi une gouvernance résilience
22:42 et puis situation d'urgence.
22:44 -A la Caloterie, comme pour le reste du Pas-de-Calais,
22:52 l'Etat avait promis des travaux avant l'automne.
22:55 Fin mai, les arbitrages sont tombés
22:58 et Franck Lerette a tenu à en informer Yovann,
23:01 représentant des habitants sinistrés.
23:04 -Bonjour, monsieur le maire. -Bonjour, Yovann.
23:07 -Comment vas-tu ? -Bien.
23:08 -T'as des nouvelles ? -Oui.
23:10 -Allez. -Viens voir. Je t'en prie.
23:12 -Je t'écoute.
23:13 On fait des travaux succurants. On t'en parle partout.
23:16 -Ca tombe bien.
23:17 -J'attendais ça avec impatience.
23:20 On a eu des nouvelles de la préfecture.
23:23 Sur les 160 projets... -Oui.
23:26 -...qui ont été retenus par la préfecture,
23:28 quatre ont été retenus sur la Caloterie
23:31 pour un montant d'à peu près de plus de 500 000 euros.
23:35 -Ces 500 000 euros de l'Etat serviront à renforcer des berges,
23:38 élargir des fossés, créer une zone où la canche
23:41 peut déborder sans risque ou encore payer une étude.
23:44 A cela viendront des financements
23:46 de la communauté d'agglomération et du département.
23:49 -Simplement les chiffres. 500 000 projets succurants,
23:52 562 000 pour réfection des routes
23:56 et cuirage de fossés communaux.
23:58 On est à plus d'un million d'euros pour la Caloterie,
24:01 pour un village de 700 habitants. C'est un bon départ.
24:04 -Est-ce qu'il y a une projection sur du plus long terme ?
24:07 -Pour l'instant, non.
24:09 -C'est un point de départ, mais pas le plan d'arrivée.
24:12 -Tout à fait.
24:13 -Si on veut la résidence du territoire,
24:15 il y a le réchauffement climatique.
24:18 La pluviométrie, il ne faudra pas qu'elle soit énorme
24:21 pour qu'on risque de reprendre de l'eau.
24:23 Ca ne peut pas être une finalité.
24:25 On ne peut pas se dire qu'on vous a donné un peu d'argent,
24:28 rentrez chez vous, c'est terminé, vous êtes sauvés.
24:32 Comme je te dis, je te tiens au courant des faits, moi,
24:35 sur de l'écrit. -Comme on fait à chaque fois.
24:37 -Factuellement. Du concret, pas de problème.
24:40 Je te tiens au courant. Ca marche ?
24:42 Merci d'être venu. -Merci à toi.
24:44 -Bon déménagement samedi, chez toi.
24:48 On s'y enjue ? -Allez.
24:50 -Ca marche. On fait comme ça, Irène.
24:52 Allez, salut.
24:53 Musique sombre
24:56 ...
24:58 -Toujours mobilisés et dans l'attente
25:01 de protections sur le long terme,
25:03 Yovann et sa famille ont tout de même enfin pu,
25:06 début juin 2024, réintégrer leur maison,
25:09 chemin de la liberté à la caloterie,
25:12 sept mois après les terribles inondations
25:15 de novembre 2023.
25:16 Musique sombre
25:20 ...
25:24 ...
25:37 ...