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À 9h20, le couturier Jean Paul Gaultier est l'invité de Léa Salamé. Il présente l'exposition "CinéMode" à Lacoste (Vaucluse), jusqu'au 30 septembre.

L'interview de 9h20

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Transcription
00:00France Inter, le 7 décembre.
00:07Léa, ce matin, vous recevez un grand couturier.
00:09Bonjour Jean-Paul Gaultier.
00:10Bonjour.
00:11Merci d'être avec nous, on est content de vous recevoir ce matin.
00:13Si vous étiez un écrivain, une saison, une femme puissante et une émotion, vous seriez qui ?
00:20Vous seriez quoi ? Alors d'abord un écrivain.
00:22Je vais dire Jean Tellet.
00:24Pourquoi Jean Tellet ?
00:25Pourquoi ?
00:26Parce que c'est un ami d'enfant, j'étais dans la même école.
00:28C'est vrai ?
00:29Ouais, dans les classes primaires et tout, on était ensemble.
00:31À Bagneux ?
00:32Oui, à Arcueil, à Arcueil, à côté de Bagneux.
00:35Je suis né à Bagneux mais c'était à Arcueil.
00:37Et c'est drôle parce que je l'ai revu, on s'est quitté après l'école évidemment,
00:42mais après je l'ai revu dans les dernières années et tout.
00:45C'est quelqu'un de bien qui écrit des choses en plus très bien, non ?
00:49Ouais.
00:50Une saison ?
00:51Une saison, ça va être le printemps parce que c'est là où tout s'éclose,
00:56c'est là où c'est la naissance et puis le changement de temps, le changement de saison,
01:01la joie, la joie, la naissance je dirais.
01:04Une femme puissante ?
01:05Madonna.
01:06Oui, j'avais envie de vous dire évidemment.
01:08C'est un cliché, ben oui.
01:10On aurait été déçus si vous ne l'aviez pas citée.
01:13On va en parler d'elle.
01:14Une émotion enfin ?
01:16Une émotion, la joie.
01:18Vous arrivez à rester joyeux tout le temps ?
01:21Oh quand même, la plupart du temps.
01:23Je crois que j'ai un caractère assez positif.
01:25Je crois que j'ai eu de la chance quand même on va dire dans ma vie.
01:28Donc ça s'est passé comme ça et puis j'ai été entouré d'amour.
01:31Je crois que ça aide ça.
01:32Ça donne de la joie.
01:33Coco Chanel disait « Pour être irremplaçable, il faut être différent ».
01:37Êtes-vous d'accord avec elle ?
01:39Je pense, oui tout à fait.
01:41Je pense.
01:42Je pense que la différence, c'est ça qui m'a toujours intéressé.
01:45J'ai aimé dès le départ les gens qui étaient différents.
01:48Je me souviens à l'école, il y avait une fille qui avait les cheveux roux, roux, roux
01:52avec une espèce de crinière comme ça.
01:55Les cheveux crépus et la peau très blanche avec des taches de rousseur.
01:59Et déjà, elle vous attirait ?
02:00Ah oui, ça m'attirait.
02:01Et vous-même, vous vous sentiez différent à l'école ?
02:03Sûrement, ça doit venir peut-être de ça.
02:06Vous aviez, aujourd'hui on dirait harcelé, mais une forme de rejet à l'école vous dites ?
02:11Je n'en ai pas vraiment souffert.
02:13Disons que c'était plutôt parce que j'étais mauvais en sport.
02:16Je ne faisais pas de gymnastique et tout, c'était plutôt ça.
02:18Mais du coup, je me mettais à dessiner et puis voilà.
02:21Mais comme j'étais entouré d'amour, ça n'a pas été un gros problème.
02:24La différence, vous l'avez toujours, vous le dites, exalté sur les podiums.
02:28Aujourd'hui, on voit des mannequins de toutes les tailles, de toutes les couleurs, de tous les âges.
02:31Mais vous avez été un des premiers à sortir du stéréotype de la grande blonde filiforme 1m80, 1m90, 1m60, 1m90.
02:39C'est vous qui avez le premier, un des premiers en tout cas, été précurseur en mettant
02:45toutes les couleurs, toutes les tailles, tous les âges aussi.
02:49C'est peut-être parce que j'ai connu aussi, justement, quand j'ai commencé dans la haute couture.
02:53Il y avait quand même des espèces de didactes de la couture avec des stéréotypes.
02:58Par exemple, je suis arrivé à des moments où j'ai vu, j'ai travaillé d'abord chez Cardin et chez Patou,
03:03et il y avait des mannequins à qui on mettait des bandages sur la poitrine pour leur faire la silhouette, la poitrine plate.
03:09Et je me disais, mais pourquoi ?
03:10Il ne fallait pas de seins.
03:11Voilà, il ne fallait pas qu'il y ait de seins.
03:13Et vous, vous avez célébré les seins iconiques.
03:15Justement, ça a été tout l'inverse.
03:16Oui, c'est tout l'inverse.
03:17Peut-être que c'est ça qui m'a fait.
03:18Et puis le fait aussi, peut-être que déjà, je mettais des seins à mon ours nana et je lui ai fait les seins iconiques.
03:23Oui, c'est vrai.
03:24Oui, je pense que tout le monde connaît le petit ours en peluche nana.
03:30Exactement, c'est ça.
03:31Que vous avez commencé à habiller.
03:32Donc, c'était un début.
03:33Donc, pour moi, c'était aussi, ça faisait partie de la morphologie qui était différente.
03:36C'est ce que dit aussi, avec ces mots, votre amie Farida Kalfa, qui raconte comment vous avez ramené la rue sur les podiums.
03:42Ce que je sais, c'est qu'il n'est pas dans un moule dans lequel était la mode à l'époque.
03:47Quand je l'ai rencontré, il était radicalement différent.
03:50C'est-à-dire qu'il cherchait des gens avec des physiques différentes, avec des têtes différentes.
03:54Et c'est très large, en fait.
03:56Ça va de l'Afrique à la rousse, à l'albinos.
04:01Et donc, pour moi, c'est ça.
04:03En fait, il a fait monter la mode de la rue sur les podiums de haute couture.
04:07C'est ça.
04:08Il s'est toujours inspiré de la rue.
04:10Voilà, Farida Kalfa chez Marc-Olivier Fogiel sur le divan.
04:13Oui, c'est tout à fait ça.
04:15C'est vrai que c'était peut-être la première que j'ai voulu montrer, parce que je la trouvais absolument magnifique.
04:21C'était sa différence.
04:23Elle était vraiment la première beurette, disons, qui est parue sur des podiums.
04:29Parce que je la trouvais tellement belle que je voulais montrer pourquoi toujours la blonde,
04:34il y avait à l'époque, c'était l'image de la fille suédoise, j'ai rien contre.
04:37Il y en a des absolument magnifiques, très intéressantes.
04:40Mais quand même, je voulais montrer autre chose aussi.
04:42L'anticonformisme, le goût de la différence, le goût de la provocation aussi.
04:46La marinière, le kilt, le perfecto, les synchoniques.
04:49Le corset taille de guêpe de Madonna, c'est vous.
04:51Je rappelle que vous avez pris votre retraite, Jean-Paul Gaultier, en 2020.
04:54Même si elle reste très active, on va en parler.
04:56Mais ce matin, c'est le Gaultier Cinéphile qu'on reçoit.
04:58Une exposition cinémode explore vos liens et les liens entre vos créations et le 7e art.
05:04C'est un peu la carte blanche cinéma de Jean-Paul Gaultier.
05:07Cette exposition a été inaugurée pour la première fois à la Cinémathèque à Paris.
05:10Elle a voyagé, elle a été à Madrid.
05:12Et là, on peut la voir jusqu'au 20 septembre prochain à l'école américaine de design SAASD.
05:17C'est ça, à Lacoste, dans le Vaucluse.
05:20Alors, c'est important qu'elle soit à Lacoste.
05:22Lacoste, c'est un petit village de 400 habitants dans le Vaucluse.
05:25Et c'est là où Pierre Cardin, vous l'avez cité, avait acheté le château du Marquis de Sade.
05:30Et c'est là où il a organisé un festival dans ce château de Lacoste.
05:34Pierre Cardin, très important pour vous, c'est lui qui vous embauche à 18 ans.
05:38A 18 ans, vous envoyez des croquis à tous les couturiers.
05:41Et c'est lui qui vous donne votre chance.
05:42Vous dites, ma mère m'a accompagnée en métro.
05:45Elle m'a attendue place Beauvau à côté de son magasin, de ses bureaux.
05:50Et moi, je suis allée par là à Cardin et j'en suis sortie embauchée.
05:54Oui, tout à fait. C'est ça, c'est un peu comme un rêve.
05:58Mais ça montre déjà, lui, qu'est-ce qu'il m'a apporté.
06:01D'abord, cette place, mais ça veut dire aussi ne pas prendre les gens par leurs références.
06:07C'est pouvoir choisir. Il avait vu mes croquis, je lui avais envoyé.
06:10Et voilà, ça lui a plu.
06:12Donc, il m'a montré ça, il m'a montré la liberté aussi dans son travail, dans ses créations.
06:17Et c'était un homme ouvert à plein de choses.
06:19Ça a été mon école, en fin de compte, mon école de mode.
06:21Je n'ai pas fait d'école de mode, ça a été chez lui.
06:24Alors, vous devez beaucoup à Cardin.
06:27Mais en réalité, vous n'auriez jamais été couturier sans le cinéma,
06:30sans le choc à l'âge de 13 ans, quand vous regardez avec votre grand-mère,
06:33Fall Balas, de Jacques Becker, avec Micheline Prelle,
06:37l'histoire d'une romance, d'une histoire d'amour entre un grand couturier et l'un de ses mannequins.
06:41Et là, à 13 ans, vous vous dites, je serai celui-là, je serai cet homme.
06:45Exactement, je vais faire ce métier-là.
06:47Enfin, comme lui, pas tout à fait, parce qu'il était quand même assez machiste
06:52et tout, et pas très bien avec, notamment, comme il traitait les mannequins,
06:55qu'il les mettait après l'ancienne robe de sa maîtresse qui était son mannequin.
07:00C'était un peu misogyne, je trouve, quand même.
07:02Mais, mais, mais, mais, mais, ça m'a fait rêver.
07:04Pourquoi ? Parce qu'il y avait, à la fin, le défilé.
07:07Et le défilé, alors d'abord, j'apprenais qu'il y avait le couturier
07:11qui n'avait pas d'idée d'un seul coup.
07:13Il tombe amoureux de Micheline Prelle.
07:15Et du coup, l'inspiration lui vient.
07:18Donc, c'est ça, qu'il faut y avoir une muse.
07:20Et puis après, le défilé.
07:22Et le défilé avec les spectateurs, les gens assis qui regardent
07:26et passent comme cette espèce de spectacle féérique,
07:30avec des lumières, avec les spots sur les mannequins,
07:33le sourire de Micheline Prelle.
07:34Ce que j'ai connu après, c'est ça qui était assez merveilleux.
07:36Et vous dites, je n'ai pas fait d'école de mode.
07:38Mon école, ça a été Falbala, justement.
07:40Dans cette exposition, on peut voir une vingtaine de costumes iconiques du cinéma.
07:43Ceux que vous avez créés pour les films de Jean-Pierre Jeunet,
07:45de Peter Girnaway, de Pedro Almodovar, de Lugu Besson.
07:48Mais aussi, on peut voir dans cette expo,
07:50la robe de Greta Garbo dans La Reine Christine,
07:53le corset en métal de Jane Fonda dans Moabarella
07:55ou encore la tenue du héros d'Orange Mécanique de Kubrick.
07:58Pourquoi ces trois vêtements-là ?
08:00Pourquoi vous les avez choisis ?
08:02C'est pour célébrer les vêtements ?
08:04Pour célébrer les réalisateurs ?
08:06Ou pour célébrer les acteurs et les actrices qui les ont portés ?
08:10C'est tout ça.
08:11Puisque du fait de mon amour de la mode
08:14et le fait de faire ce métier,
08:16c'était d'après un film.
08:18Falbala, c'est ça qui m'a fait dire
08:21que je vais être couturier.
08:24Après, c'est normal.
08:26Je les célèbre tous.
08:28C'est aussi important.
08:29Il y a cette espèce de mélange.
08:32Oui, de mélange des genres.
08:34Et de mélange des genres dans vos choix sur cette expo.
08:37Mais c'est toujours des personnages forts
08:39et des personnages transgressifs quand même.
08:41Parce que sinon, on s'ennuie.
08:43Ce n'est pas quelque chose de la transgression.
08:45Chez vous, ça ne vous intéresse pas ?
08:47Non.
08:48Ce que j'aime, c'est le fait, par exemple...
08:51On disait que ça, c'est la beauté.
08:54Oui, mais il y a d'autres sortes de beauté.
08:56J'ai toujours essayé de montrer ça
08:58à travers les personnes, les mannequins,
09:01les vêtements, l'architecture.
09:04Tout, tout, tout.
09:05J'aimais ce qui était différent des autres.
09:07Vous n'avez jamais aimé l'idée du bon goût.
09:09Vous dites que le bon goût n'existe pas.
09:11En plus, dans la mode, je vais vous dire,
09:13ce n'est vraiment pas ce qui est bon goût.
09:15Aujourd'hui, il sera absolument ringard.
09:18Très rapidement.
09:19Mais justement, en travaillant sur cette interview,
09:22je me suis dit qu'au fond, il aime le cinéma.
09:24Il le célèbre avec cette exposition.
09:26Parce que justement, le cinéma, ça reste.
09:28Alors que la mode, ça passe.
09:30Alors que la mode, la collection qui était à la mode,
09:32comme vous dites, il y a six mois,
09:33on doit tout le temps en refaire une nouvelle.
09:35Et ensuite, la pièce qui est devenue
09:38une pièce maîtresse de Gauthier,
09:40devient ringarde deux ans après.
09:41Il faut inventer un nouveau truc.
09:43Est-ce que c'est ça aussi qui est un peu frustrant dans la mode ?
09:46Je vais vous dire, ça dépend.
09:47Parce que regardez, quelqu'un comme Chanel avait un style.
09:50Donc le style, lui, par contre, il perdure.
09:52Oui, elle disait d'ailleurs, la mode passe, le style reste.
09:55Mais pourquoi ? Parce qu'elle n'a pas fait de la mode anecdotique.
09:58C'est parce qu'elle a fait un bouleversement.
10:00Elle, ça a été une espèce de revanche par rapport...
10:02Elle était orpheline au départ et tout.
10:04Elle a habillé toutes les femmes de l'aristocratie
10:07en orpheline.
10:08Avec des robes noires et des petits cols blancs.
10:10C'est ça qui est assez intéressant.
10:12Parce qu'elle avait quelque chose à dire à travers la mode.
10:14Et s'exprimer. On peut s'exprimer à travers la mode.
10:16Madonna, vous l'avez citée,
10:19vous lui avez dessiné ce corset avec les seins en cône.
10:23Elle l'a porté en mai dernier,
10:25lors d'un concert immense à Rio.
10:27Un des plus grands concerts jamais organisés.
10:29Il y avait 150 000 personnes.
10:30Qu'est-ce que ça vous a fait
10:33de voir Madonna porter vos seins, votre tenue,
10:37devant 150 000 personnes à Rio,
10:39dans sans doute le plus grand concert ?
10:41D'une part, c'était adorable qu'elle m'ait demandé
10:43de lui refaire ça.
10:45Vous avez dû les ajuster quand même ?
10:47Vous avez dû leur faire pour les ajuster ?
10:49Oui.
10:51Mais c'était bien.
10:53C'était aux couleurs du Brésil et tout.
10:55Elle a fait un concert gratuit aussi.
10:58C'est elle qui s'est arrangé avec la ville
11:01de Rio pour que ça soit comme ça.
11:04Il y a autant de monde.
11:06Un acte de générosité aussi.
11:09Elle est fidèle.
11:11Le cinéma ces derniers mois, vous le savez,
11:13se déchire sur Me Too, sur les violences faites aux femmes.
11:15La parole se libère partout.
11:17Quel regard vous avez sur tout ça, Jean-Paul Gaultier ?
11:20C'est sûrement une nécessité.
11:23Il y a des personnes qui ont à dire des choses.
11:27Quelquefois, ça peut être aussi des gens
11:30qui veulent ressortir en utilisant ça.
11:32C'est autre chose.
11:34Il y a des choses à dénoncer, c'est sûr et certain.
11:36Vous en avez vu des choses à dénoncer
11:38dans la mode toutes ces années ?
11:40Très honnêtement, non.
11:42Parce que chez vous, il y avait un code d'éthique ?
11:44Même dans les maisons dans lesquelles j'ai travaillé,
11:46il n'y avait quand même pas de...
11:48Il paraît qu'à une époque,
11:50Jean Patou avait beaucoup d'amis mannequins,
11:55mais je n'en ai pas vu, franchement.
11:59Votre grand-mère, un mot sur elle,
12:01vous dites qu'elle était magnétiseuse, sorcière.
12:04Pas sorcière, je n'ai pas dit sorcière.
12:06Elle était capable de pétrifier des tomates
12:08en leur imposant ses mains.
12:10Des escalopes, pas des tomates !
12:12Ah, parce que j'ai vu des tomates !
12:14Et des mandarines !
12:16Mais c'est-à-dire que qu'est-ce qu'elle faisait ?
12:18Elle faisait apposition des mains,
12:20et elle devenait...
12:22Ce qui est assez dément, c'est qu'elles se durcissaient,
12:25et elles étaient...
12:27Si on arrivait à les couper,
12:29elles étaient durcies,
12:31et elles étaient déshydratées complètement.
12:33C'était une déshydratation et tout.
12:35Et elle faisait des massages,
12:37et aussi des soins de beauté à ses clientes,
12:39et leur racontait, donnait des conseils,
12:41comme quoi il fallait faire de la bonne cuisine
12:43pour garder son mari.
12:45Vous arrêtez votre activité en janvier 2020,
12:48vous expliquez au Monde,
12:50« J'ai arrêté la mode parce qu'il était temps que je m'arrête.
12:52Quand on est jeune, on a envie de tout démolir.
12:54Ça permet d'avancer. Moi, à 18 ans,
12:56la haute couture avec ses vieux créateurs ronronnants
12:58m'énervait. »
13:00Vous aviez peur de devenir le vieux créateur ronronnant ?
13:03C'est ça, je crois que je ronronnais déjà !
13:05C'est vrai, bon...
13:07Un sommeil profond, c'est bien,
13:09mais ronronner, non, ça ne va pas.
13:11Et là, vous vous êtes dit « j'arrête ».
13:13Oui, je crois que c'est mieux.
13:15De toute façon, c'est une espèce de prétention que j'ai eue.
13:17J'avais des envies
13:19de changer, de bousculer tout ça et tout
13:21avec les clichés de ce qui était chic,
13:23ce qui était élégant, ce qui ne l'était pas.
13:25Vous voyez, surtout dans le milieu de la couture,
13:27c'était quand même assez sclérosé.
13:29Du coup, j'avais cette soif-là de montrer autre chose.
13:31Parce qu'en fin de compte,
13:33c'était simplement le regard.
13:35Ce n'est pas la création absolue.
13:37C'est regarder ce qui se passe à l'entour de soi.
13:39Ma génération avait d'autres codes
13:42et on voulait rentrer un peu dedans
13:44devant les anciens didactes.
13:46Et vous n'avez pas de regret d'avoir arrêté il y a 4 ans ?
13:48Pas du tout, pas du tout.
13:50C'est très bien.
13:52En plus, j'ai pensé à mettre à chaque fois
13:54pour la collection Gaultier Couture,
13:56un nouveau créateur.
13:58Du sang nouveau qui apporte quelque chose.
14:00Les Impromptus, pour finir,
14:02vous répondez rapidement
14:04sans trop réfléchir.
14:06Tous les plus grands créateurs de mode ont eu leur biopic.
14:08Pierre Ninet, Gaspard Ulliel qui était Saint-Laurent.
14:10Anna Mouglalis, Audrey Tautou, Juliette Binoche
14:12récemment pour Chanel.
14:14Daniel Brühl, Karl Lagerfeld.
14:16Quel acteur pourrait incarner Gaultier ?
14:24On va dire des iconoclastes.
14:26Je n'ai pas réfléchi à ça du tout.
14:28Je ne sais pas.
14:30C'est peut-être vous qui pouvez...
14:32Moi, moi, pour qu'il vous incarne ?
14:36Je vais réfléchir.
14:38Prendre de l'âge, ça vous angoisse ?
14:40Ça se fait de toute façon.
14:42Je crois qu'on peut le prendre
14:44puisqu'on le prend.
14:46On l'a, donc on fait avec.
14:48Non, ce n'est pas une angoisse.
14:50On a cette chance-là, en fin de compte.
14:52De voir d'autres choses.
14:54Découvrir d'autres choses qui se font.
14:56Le CidAction, vous êtes le président.
14:58CidAction a fêté ses 30 ans cette année.
15:00Vous resterez président jusqu'à la fin.
15:02C'est la cause de votre vie, la lutte contre le sida ?
15:06Sûrement, oui.
15:08Pierre Berger est resté jusqu'à la fin.
15:10Héline Renaud aussi, elle en a fait le serment.
15:12Elle continue toujours à envoyer des messages.
15:16Chanel qui se sépare de sa directrice artistique,
15:18Virginie Viard,
15:20qui était la plus proche collaboratrice de Karl Lagerfeld.
15:22Vous postulez ?
15:26Si je n'avais pas cet âge maintenant,
15:28peut-être que oui, j'aurais aimé.
15:30Oui, c'est un paradoxe.
15:32Parce que justement, Chanel, ça apparaît tellement être l'inverse de ce que je faisais.
15:34C'est ça qui est bien.
15:36Vous avez une idée pour la remplacer, Virginie Viard ?
15:38Non, mais je crois qu'il y a Slimane qui fait des choses très bien.
15:46Lui, il serait parfait.
15:48Dans la sensibilité, dans la vibe, tout à fait.
15:50Lagerfeld ou Saint-Laurent ?
15:54Saint-Laurent.
15:56Thierry Mugler ou Alaïa ?
16:00Je dirais quand même Thierry Mugler.
16:02Visconti ou Pasolini ?
16:04Pasolini.
16:06Mick Jagger ou David Bowie ?
16:10J'ai adoré David Bowie.
16:12Maintenant, je me dis que Mick Jagger, en fin de compte,
16:14était peut-être plus intéressant sur le plan musical.
16:18C'est très embarrassant, je ne sais plus.
16:22Pour le look, le côté flamboyant,
16:24évidemment, David Bowie.
16:26C'est lui qui m'a fait peut-être plus fantasmé
16:28dans les tenues, en tant que rockstar.
16:30Mick Jagger, en fin de compte, ce qu'il a apporté,
16:32même maintenant, quand on entend les dernières choses qu'il a faites,
16:34on reconnaît que c'est du Mick Jagger.
16:36Vous ne voulez pas choisir ?
16:38Garbo ou Marilyn ?
16:44Aucune des deux.
16:48C'est le cliché du glamour, évidemment.
16:50Mais moi, je préférais les brunes,
16:52de toute façon.
16:54Ava Gardner.
16:56Liberté, égalité, fraternité ?
16:58J'allais dire Isabelle Adjani.
17:02Fraternité, vous choisissez quoi ?
17:04Liberté, égalité, fraternité...
17:08Liberté, bah oui.
17:10Et Dieu dans tout ça, Jean-Paul Gaultier ?
17:12Et Dieu, et Dieu, et Dieu, et Dieu...
17:14Et bien voilà, Dieu est en nous,
17:16en chacun de nous.
17:18Merci à vous, très belle journée.
17:20Et donc, on peut retrouver cette exposition
17:22à Lacoste,
17:24dans le Vaucluse, jusqu'au 20 septembre.
17:26Si vous passez par là, c'est à l'école américaine
17:28de design, SAST. Merci Jean-Paul Gaultier.
17:30C'est un plaisir.

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