À 9h20, l'artiste peintre et auteur de bande dessinée Jean-Marc Rochette est l'invité de Léa Salamé. Il publie "Au cœur de l’hiver" (Les Étages Éditions). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mercredi-03-avril-2024-8795645
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00:00 Et ce matin, vous recevez un dessinateur montagnard également.
00:04 Dessinateur, peintre, sculpteur, auteur de BD, bonjour Jean-Marc Rochette.
00:08 Bonjour.
00:08 Merci d'être avec nous ce matin.
00:10 Si vous étiez un animal, un livre et une saison, vous seriez quoi ?
00:14 L'animal c'est un chamois.
00:17 C'est pas très étonnant parce qu'en fait je les ai toujours autour de chez moi, je ne les regarde pas à la fenêtre.
00:22 Et puis c'est un animal qui a beaucoup de grasse en montagne et qui a un pied extrêmement ferme, je l'envis.
00:27 Un livre.
00:27 Un livre, alors c'est le dernier que j'ai lu, c'est "L'ours qui danse" d'une amie, Simonetta Gregio.
00:34 C'est un Inuit qui est devenu prof d'université et puis qui veut retourner dans le Grand Nord,
00:42 au tel point qu'il veut retrouver l'arc de son grand-père.
00:46 Et il se passe quelque chose avec un ours, c'est absolument merveilleux.
00:49 Ça ressemble un peu à votre livre, on va en parler sur le retour à la montagne.
00:52 Et si vous étiez une saison ?
00:55 Le printemps, mais en particulier la débâcle, c'est-à-dire le moment où la glace rompt.
01:01 Et chez moi, je vois bien les lacs qui sont tous pris par la glace.
01:05 Pour moi le printemps c'est quand ça lâche, je vois l'eau à nouveau.
01:08 Et il y a quoi ?
01:10 Je sais que c'est le printemps qui arrive. Ici on a un printemps très tardif.
01:13 Par exemple chez moi, il y a beaucoup de neige encore, des avalanches.
01:16 Et donc ça veut dire que je vais pouvoir planter parce que je fais un peu d'agriculture de montagne.
01:20 On va parler de tout ça.
01:21 Mais Jean Gionnot écrivait "J'ai toujours détesté la foule.
01:24 J'ai constaté qu'il y a moins d'imbéciles à 3000 mètres d'altitude qu'au niveau de la mer.
01:29 Rien ne me prédispose plus au bonheur que les avenus qui entrent dans les Alpes."
01:35 Vous êtes d'accord avec lui ?
01:36 Oui, surtout qu'à 3000, il n'y a plus personne pratiquement.
01:39 C'est un fait, c'est factuel.
01:41 Donc imbécile ou intelligent, il n'y a plus personne à cette altitude.
01:45 La nature, le grand air, les grands espaces, les montagnes sont au cœur de votre oeuvre Jean-Marc Rochette.
01:49 Que ce soit dans vos bandes dessinées, dans vos peintures, dans vos sculptures.
01:52 Après votre trilogie de romans graphiques qui sont devenus cultes sur la montagne,
01:56 "Elle Froide", "Le Loup" et "La Dernière Reine" qui ont rapporté un grand succès,
02:00 votre plus grand succès de BD ces dernières années.
02:03 Eh bien, vous publiez votre premier livre de littérature au cœur de l'hiver,
02:06 aux éditions "Les Etages", édition que vous avez fondée avec votre femme.
02:09 Et c'est un récit autobiographique.
02:11 Vous racontez comment, à l'automne 2020, en pleine crise du Covid,
02:14 vous décidez d'aller passer l'hiver dans un chalet de haute montagne
02:17 que vous venez d'acheter quelques mois plus tôt.
02:21 Un chalet complètement isolé, coupé de la vallée, coupé de tout.
02:24 Il s'appelle "Les Etages".
02:26 Et vous y vivez plusieurs mois, à l'écoute de vos sens, de la beauté de la nature,
02:31 mais aussi de ses cruautés.
02:32 Vous dites au monde, le seul intérêt d'être sur terre,
02:35 c'est d'être émerveillé par la beauté de la nature.
02:37 Voir une marmotte, voir un chamois, on y revient.
02:40 C'est pour ça que je vis ici et que je retourne si peu dans la ville.
02:44 Alors d'abord, ça va, vous n'étouffez pas trop ce matin
02:47 dans le petit studio de la maison de la radio dans la ville, dans Paris ?
02:50 Vous suffoquez pas ?
02:52 Déjà, j'ai l'habitude de la ville.
02:54 J'ai vécu 20 ans à Paris et 10 ans à Berlin, donc je connais.
02:57 Et non, j'ai du plaisir à voir la ville, mais c'est vrai que j'ai un petit peu décroché.
03:03 Je me suis mis au blanc.
03:05 Au blanc et au cime.
03:07 D'abord, pourquoi ce choix de prendre la plume ?
03:09 Pourquoi écrire quand jusque là, vous dessiniez les mots ?
03:12 Avez-vous plus de sens pour raconter cette histoire-là que les images ?
03:16 Je me suis posé la question, mais en fait,
03:19 je pense que ça aurait fait une bande dessinée assez verbeuse et pas bonne.
03:24 Les descriptions avaient de l'importance.
03:26 Il y a beaucoup de psychologique là-dedans, le rapport à la nature.
03:30 Et je pensais que la littérature, c'est un grand mot,
03:32 mais je ne voyais pas trop d'autres solutions.
03:35 Alors que par exemple, La Dernière Reine, ça aurait fait un roman moyen.
03:39 Alors que ça fait une grande bande dessinée.
03:40 Les choses se divisent naturellement.
03:44 Et bien, vous racontez le plaisir que ça a été pour vous d'écrire, de prendre la plume.
03:49 Alors même que vous êtes dyslexique, enfant.
03:52 - Ah oui, quand j'étais enfant, moi, dans les années 60, dyslexique,
03:55 j'ai failli rentrer sous Fort Livreur.
03:58 C'est-à-dire qu'on ne voulait pas me faire rentrer en sixième.
04:00 Donc, je suis passé à travers les gouttes.
04:03 Et donc, pour moi, c'était absolument impossible d'écrire.
04:05 Et donc, c'est Christine qui m'a dit que je devrais essayer.
04:08 Et je me suis dit, si c'est ce qu'on appelle le flot en écriture, si ça rentre,
04:12 je ferais le livre.
04:13 Si j'ai le problème de la page blanche, je ne le ferais pas.
04:16 Et puis, j'ai commencé à écrire une phrase, on a amené une autre.
04:19 - Christine, c'est votre femme.
04:20 On va y venir.
04:21 On va y venir parce qu'il y a beaucoup de questions d'amour dans ce livre.
04:23 Vous racontez d'abord comment le rapport au temps change quand on est dans un chalet isolé en montagne.
04:28 Le silence qui nous entoure est l'écorce de nos journées.
04:31 On retrouve un peu la vie des anciens.
04:33 Coupé de tout.
04:34 Et l'existence prend alors une toute autre saveur.
04:37 Quel est le rapport au temps quand on est là-haut ?
04:40 Est-ce qu'il s'élargit ou est-ce qu'il se rétrécit ?
04:43 - Déjà, il y a un rapport au soleil chez nous.
04:47 Parce qu'on a très peu de soleil, on a une demi-heure par jour.
04:50 Donc, on voit bien que le temps est rythmé par la courbe du soleil.
04:54 Donc ça déjà, c'est une chose qu'on a en soi.
04:56 Et puis, tout a de l'importance.
04:58 Par exemple, le matin, on se réveille, s'il neige, s'il neige beaucoup.
05:01 Ce sont des choses qui ont beaucoup d'importance.
05:04 Le rapport à la nature elle-même.
05:06 Elle pèse sur la maison.
05:08 Trop de neige, c'est dangereux par exemple.
05:10 - Il faut avant tout chercher à se nourrir et à se réchauffer.
05:13 Vous écrivez encore, "Ici, en hiver, quête de nourriture et quête de chaleur sont le
05:16 lot commun des animaux comme des humains.
05:19 Nous ne dérogeons pas à la règle.
05:20 Nos deux principales activités sont le maintien du feu et la cuisine."
05:24 Et vous précisez, "Bon, il faut aimer les pommes de terre, les choux et les œufs."
05:28 Parce que c'est globalement ça que vous mangez.
05:31 - Globalement, la première année, on avait pris plein de choses qu'on avait achetées
05:34 dans le commerce.
05:35 Et puis, la deuxième année, j'ai fait moi-même mon jardin.
05:38 Je me suis aperçu que ce qu'on aimait manger, c'était ce qu'on faisait pousser soi-même.
05:42 Il doit y avoir un rapport entre ce que la terre produit et ce qu'on a envie.
05:45 Il fait froid, donc des pommes de terre, c'est bien.
05:47 Le chou, c'est bien aussi.
05:49 Et puis les œufs, on a des poules.
05:51 Il y a une chose que j'adore, c'est quand je sors et qu'il fait -20°C et que je rentre
05:55 avec un œuf chaud dans la main.
05:56 Il y a une espèce de magie.
05:58 - Oui, ça doit être un bonheur.
06:02 Et puis les tomates, vous avez fait une serre, c'est ça, pour cultiver vos tomates ?
06:05 - Voilà, on a une serre.
06:07 Et les tomates, il faut savoir qu'elles n'arrivent pas au rouge.
06:10 Donc après, on les met avec des pommes.
06:13 Parce que quand on met des tomates vertes avec des pommes, elles deviennent rouges.
06:17 Donc on mange des tomates jusqu'à Noël.
06:20 - Alors j'avais reçu Cédric Sapin de Fourre, vous savez, cet alpiniste qui a écrit le
06:23 best-seller de l'année dernière.
06:25 Le best-seller surprise que personne n'attendait.
06:26 Son odeur après la pluie ou raconter son histoire d'amour avec son chien.
06:29 Il est aussi alpiniste, il vit aussi en montagne.
06:32 Il raconte que l'écueil, c'est d'idéaliser la nature.
06:34 Il raconte comment son chien lui a appris à regarder la nature.
06:38 - Quand on est en montagne, on ne cesse de discuter avec la neige, avec le rocher, avec
06:42 le vent pour une question simplement d'intégrité physique, de survie.
06:44 Mais on n'échappe pas à cet écueil qui est de considérer la nature soit comme une
06:50 carte postale, un selfie très avantageuse.
06:52 Soit comme un terrain de jeu, qui est une expression insupportable.
06:56 Comme si la nature était un stade.
06:57 Soit comme une cure psychanalytique.
07:00 On va en nature pour aller bien.
07:01 Mais la nature, elle n'est pas à notre service.
07:03 La nature, elle existe très bien sans nous, je vous assure.
07:06 Et un chien, il vous rappelle ce rapport.
07:10 Il horizontalise ses liens avec les éléments naturels, là où on a tendance à verticaliser.
07:16 - La nature n'est pas une carte postale, la nature n'est pas une cure psychanalytique.
07:21 Vous êtes d'accord avec lui ?
07:22 - Oui, oui.
07:23 Et puis même, moi j'ai beaucoup fait d'alpinisme.
07:25 Depuis que j'habite en montagne, ça me paraît absurde d'aller grimper sur les sommets.
07:31 - Ah oui ?
07:32 - Oui, c'est-à-dire que je suis un peu comme les Sherpas.
07:34 Les Sherpas qui amènent des gens en haut de l'Everest, ils rêvent que d'une chose,
07:37 c'est que leur enfant soit médecin, avocat ou dentiste.
07:39 Pour eux, aller emmener des gens en haut de l'Everest, c'est...
07:43 Et moi, c'est un peu pareil.
07:44 Je l'ai fait, j'y monte.
07:46 Et je trouve que la montagne, en plus, n'est pas très belle au sommet, parce qu'elle écrase tout.
07:49 Le sommet écrase tout.
07:50 Il faut être un peu en dessous pour l'apprécier.
07:51 - Ah oui ?
07:52 Il faut être un peu en dessous du sommet pour l'apprécier ?
07:53 - Oui, parce qu'on voit, il y a une perspective en-dessus, il y a la perspective en-dessous.
07:56 Au sommet, c'est... les gens qui prennent le téléphérique qui arrive au sommet, hop,
08:01 on regarde et on s'en va.
08:02 - Mais c'est vrai que votre livre m'a fait penser à celui de Sapin de Four, parce qu'on
08:05 voyage avec vous et on est tirés...
08:08 Ce voyage en montagne au cœur de l'hiver, comme le très beau titre du livre, on oublie
08:13 en fait, on oublie notre journée, on oublie notre quotidien.
08:15 Hier soir, je lisais votre livre.
08:16 Et c'est vrai qu'on a envie de partir en montagne avec vous, un peu comme quand on lit le bouquin
08:23 de Sapin de Four.
08:24 Et pourtant, vous dites, la nature, elle est hostile.
08:27 Le grand danger, qui a emporté deux de vos voisins randonneurs, le grand danger qui
08:31 revient tout le temps dans vos pages, c'est les avalanches.
08:33 Parlez-nous des avalanches.
08:34 Et racontez-nous cette scène où à un moment, vous êtes, cinq minutes avant, vous êtes
08:38 à l'extérieur du chalet et puis finalement, vous rentrez et là, l'avalanche arrive.
08:42 Ça va très vite et c'est un tsunami, quoi.
08:45 Vous parlez d'un léviathan, vous parlez d'un dragon quand vous êtes sous une avalanche.
08:49 - L'avalanche, au départ, pour moi, la neige, j'étais quand même montagnard, mais je suis
08:53 grenoble, pour moi, c'était le ski, c'était joli, ça nettoie.
08:57 Et puis, la première année là-bas, j'ai vu que c'était l'avalanche, en fait.
09:01 Et donc, cette histoire, c'est effectivement, on a eu une avalanche qu'on peut appeler
09:03 une avalanche scélérate, c'est-à-dire qu'elle devait faire 200 mètres de large sur 20 mètres
09:07 de haut.
09:08 Et d'habitude, je pèle pour aller jusqu'aux poubelles.
09:12 Et ce matin-là, je ne sais pas pourquoi, j'ai eu une espèce de sentiment comme les
09:15 animaux qui montent.
09:16 Et je me suis dit, il ne faut pas sortir.
09:17 Et effectivement, elle a été assez monstrueuse.
09:20 Elle a arraché toute la forêt.
09:22 - Combien de temps ça dure quand la coulée de neige arrive ?
09:24 - C'est très rapide, ça doit durer une minute peut-être.
09:28 Mais d'un seul coup, on voit que tous les arbres se plient, certains sont arrachés
09:34 par les racines.
09:35 - Et là, vous vous dites, la maison va exploser ?
09:36 - Moi, j'étais comme un lapin devant les phares d'une voiture.
09:41 Par contre, Christine est descendue directe à la cave, elle criait, viens, viens, viens.
09:44 Moi, j'étais là, je regardais par la fenêtre, je trouvais que c'était un spectacle terrible.
09:49 Et puis ça s'est arrêté, la maison était bien construite parce que ça s'est arrêté
09:54 à 50 mètres, je crois.
09:55 - Les animaux sont omniprésents dans votre œuvre.
09:57 Vous guettez les oiseaux, vous bivouquez dans l'espoir d'observer les loups, vous bravez
10:01 les avalanches pour récupérer un médicament, pour sauver une renarde malade qui hurlait
10:06 de douleur parce qu'elle avait la gale.
10:08 Racontez-nous cette scène que vous racontez aussi dans le livre qui est hyper belle.
10:11 - C'est-à-dire que je laisse les carcasses de poules plus loin pour la nourrir, enfin
10:16 nourrir un renard.
10:17 Un jour, il y avait deux gros corbeaux et puis je vois cette renarde qui arrive et qui
10:21 les fait fuir.
10:22 Elle me regarde et en fait, elle avait les yeux opaques de souffrance, elle était littéralement
10:26 mangée par la gale.
10:28 Elle n'avait plus de poils sur tout le dos.
10:31 Et donc, je suis assez compassionnel.
10:35 Et donc je me suis dit, il faut vraiment que je la soigne.
10:37 Il y a Internet là-haut quand même.
10:39 - Mais c'est ce que j'allais vous demander.
10:40 Vous avez Internet ?
10:41 - Oui, on a Internet.
10:42 Donc j'ai demandé ce qu'il fallait faire, on me l'a dit.
10:44 Et donc j'ai été chercher.
10:45 - Dans la vallée, vous avez descendu, le médicament.
10:48 - Voilà.
10:49 Et en plus, ce n'était pas le meilleur moment pour descendre.
10:51 Donc je me suis demandé ce que je faisais sur ces trous avec des avalanches pour soigner
10:53 une renarde que je connais à pête.
10:56 Finalement, on n'avait pas de relation particulière.
10:57 - Et ? Racontez, parce que c'est une belle histoire.
11:00 - Et alors, j'ai mis ce produit dans du blanc de poulet.
11:05 J'ai attendu, puis j'ai vu que ça allait se passer.
11:07 Et puis effectivement, je l'ai vu deux ou trois semaines après, ça a commencé à repousser.
11:11 - Et puis ensuite ?
11:12 - Et puis ensuite, elle a fait des petits.
11:14 Et puis cette année, elle m'a bouffé une poule.
11:16 - Elle a un poing gratte.
11:19 Ce livre, c'est aussi une histoire d'amour avec votre femme, qui vous a, on a l'impression,
11:25 appris à vivre, appris à aimer la vie.
11:27 Vous écrivez "J'ai bientôt 64 ans.
11:30 Une femme beaucoup plus jeune que moi est allongée à mes côtés.
11:32 Elle dort, confiante au milieu de nulle part, hors du temps, dehors.
11:37 Un froid intersidéral en serre le refuge de son étreinte.
11:39 Ma vie n'a été jusqu'à aujourd'hui qu'une longue résistance.
11:42 Résistance d'enfance, résistance d'adolescence.
11:46 Je suivais un destin de brise-glace.
11:48 Et maintenant, je sens sa chaleur, j'entends sa respiration.
11:52 La glace qui m'empêchait de vivre vient de fondre au cœur de l'hiver."
11:57 C'est très beau.
11:58 Et voilà, c'est ça aussi ce livre.
12:02 - C'est surtout ça, je crois.
12:04 Je pense que pour ce genre d'expérience, on vit pendant trois mois avec quelqu'un,
12:08 quatre mois au milieu de nulle part.
12:11 Il faut être assez sûr de sa relation.
12:13 - On peut s'entretuer, vous dites d'ailleurs.
12:15 - Voilà, Shining.
12:16 - Voilà, c'est ça, Shining.
12:17 Ça peut être le cauchemar.
12:19 Elle vous disait, t'es gentil, moi, 24h/24 avec toi pendant trois mois sans personne,
12:24 ça ne va pas le faire.
12:25 - Ça l'a très bien fait.
12:26 Là, ça fait la quatrième année qu'on passe l'hiver là-haut.
12:29 C'est peut-être la dernière parce qu'on a ouvert une galerie à Grenoble.
12:33 Donc, peut-être que je m'en occupe un peu plus.
12:34 - Qu'est-ce qu'elle vous a appris, cette femme ?
12:38 - L'amour, c'est le mot suffisant.
12:42 Je pense que je ne l'avais vraiment jamais vécu.
12:44 Donc, c'est quelque chose qui remplit.
12:46 Je pense que l'existence de quelqu'un qui ne sait pas voir la beauté et qui n'a pas
12:50 connu l'amour, il faut qu'il fasse un tour.
12:52 - Votre différence d'âge, vous en parlez souvent.
12:56 - Au départ, ça c'était un frein pour moi.
12:59 Je voyais bien qu'il se passait quelque chose.
13:01 Mais comme je le dis, je pensais à une infection, des choses comme ça.
13:06 - Et puis voilà.
13:08 Les montagnes, vous les avez vues changer sous l'effet du réchauffement climatique.
13:13 Depuis mon enfance, je vois les glaciers disparaître les uns après les autres.
13:15 Les grands couloirs de neige qui faisaient l'orgueil des écrins sont à l'agonie.
13:18 Le couloir du diable n'est plus qu'un souvenir.
13:21 Aujourd'hui, comme un signe des temps, c'est la poussière du désert qui se dépose ici.
13:25 Rien ne semble arrêter ce mouvement inexorable.
13:28 Comment on le voit et comment on le vit, la disparition des glaciers, quand on est en
13:34 haut, quand on est en montagne ?
13:35 Parce que nous, on l'entend à la radio, on ne le voit pas.
13:37 On peut le voir quand on y va une fois par an.
13:39 Mais vous qui vivez là-bas, vous le voyez tous les jours.
13:41 - Je le vois tous les jours.
13:42 Et puis surtout, en tant qu'alpiniste, j'avais une relation très proche avec les couloirs
13:46 de glace parce que c'est une chose qu'on aime faire.
13:48 Et là, ils n'existent plus.
13:50 Il y avait notamment les plus beaux, le coup de sable, qui est un couloir absolument admirable.
13:56 Il est sec.
13:57 Alors en hiver, ça ne se voit pas trop.
13:58 Mais en fin d'été, il n'y a plus rien.
14:00 Ce sont des regatons de glace.
14:02 - Et vous pensez que la prise de conscience, on avait James Cameron tout à l'heure qui
14:05 nous disait qu'il ne croit plus dans les politiques, qu'il est aéri de voir combien
14:12 il n'y a pas de réaction face à la destruction de la planète.
14:15 Vous partagez ce sentiment ?
14:16 - Oui, je pense qu'effectivement, il n'y a pas de...
14:18 Moi, je pensais, je suis commencé dans l'écologie avec Dumont.
14:21 On était en 74.
14:22 Je pensais qu'en 2024, ça serait réglé.
14:25 Visiblement, non.
14:26 Donc, je ne sais plus quoi en penser.
14:28 Je fais de mon côté.
14:30 J'essaie de...
14:31 Le moins blessant pour la planète.
14:34 Et puis d'en parler avec vous, par exemple.
14:36 Mais ça s'arrête là.
14:37 - Les impromptus, pour terminer, vous répondez sans trop réfléchir.
14:41 Victor Hugo ou Jules Verne ?
14:42 - Victor Hugo.
14:43 - Astérix ou Tintin ?
14:44 - Bizarrement Astérix.
14:45 - Pourquoi bizarrement ?
14:46 - Parce que Tintin, c'est plus chic.
14:47 Mais Astérix, ça me fait plus rire.
14:48 - Goya ou Klimt ?
14:49 - Goya.
14:50 - Actuel ou l'écho des savannes ?
14:51 - Actuel.
14:52 - Et vous, vous êtes un peu plus...
14:53 - Je suis un peu plus...
14:54 - Un peu plus...
14:55 - Un peu plus...
14:56 - Un peu plus bizarre.
14:57 Actuel ou l'écho des savannes ?
14:58 - Actuel.
14:59 - Vous avez fait des dessins pour les deux.
15:01 Paris ou Berlin ?
15:02 - Berlin.
15:03 - Les Alpes ou les Pyrénées ?
15:07 - Les Alpes.
15:08 - Qu'est-ce qui vous indigne ?
15:10 - Ce qui m'indigne...
15:13 Tant de choses.
15:15 Mais on revient, c'est le massacre de la biodiversité pour moi.
15:20 C'est le fait que nos voisins tiennent...
15:23 Sont massacrés.
15:24 J'aime pas ça.
15:26 - Vous votez ?
15:27 - J'ai voté, oui, mais là je vote plus.
15:30 - Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
15:33 - Je fais un choix...
15:37 Liberté en tant que montagnard.
15:41 - Et Dieu dans tout ça, pour terminer ?
15:43 Parce que vous parlez de quête spirituelle, possible, plus possible en haut de vieux de
15:47 désommé.
15:48 - Je suis pas athée.
15:49 - Vous n'êtes pas athée.
15:50 Au cœur de l'hiver, très beau livre de Jean-Marc Rochette qui nous fait voyager au sommet,
15:56 dans la nature.
15:57 Et c'est très beau.
15:59 Et c'est donc dans cette nouvelle édition, les étages éditions que vous avez créés
16:01 avec votre femme.
16:02 Merci et très bonne journée.