Ce documentaire revient sur la catastrophe nucléaire de Fukushima, déclenchée par le puissant séisme et tsunami qui ont frappé le Japon le 11 mars 2011. Il retrace les événements tragiques de cette journée et leurs conséquences dévastatrices.
Le séisme et le tsunami dévastateurs
Le 11 mars 2011 à 14h46, un tremblement de terre d'une magnitude 9,0 secoue violemment le nord-est du Japon, au large de la préfecture de Miyagi. Quelques minutes plus tard, un tsunami d'une hauteur record de 15 mètres déferle sur les côtes, balayant tout sur son passage et provoquant d'immenses dégâts matériels.
La centrale nucléaire de Fukushima touchée de plein fouet
Les vagues gigantesques submergent la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, entraînant la perte totale des systèmes de refroidissement des réacteurs. Malgré les efforts désespérés des équipes techniques, trois cœurs entrent en fusion dans les jours suivants, libérant d'importantes quantités de radiations dans l'environnement.
Un bilan humain et écologique catastrophique
Le film revient sur la gestion chaotique de cette crise nucléaire majeure par les autorités, contraintes d'évacuer des centaines de milliers de personnes. Il documente également les conséquences sanitaires, économiques et environnementales désastreuses de ce drame pour le Japon, dont les séquelles se feront sentir pendant des décennies. En mêlant images d'archives saisissantes et témoignages poignants, ce documentaire offre un récit glaçant de l'une des pires catastrophes nucléaires civiles de l'histoire, marquant à jamais le Japon et le monde.
Le séisme et le tsunami dévastateurs
Le 11 mars 2011 à 14h46, un tremblement de terre d'une magnitude 9,0 secoue violemment le nord-est du Japon, au large de la préfecture de Miyagi. Quelques minutes plus tard, un tsunami d'une hauteur record de 15 mètres déferle sur les côtes, balayant tout sur son passage et provoquant d'immenses dégâts matériels.
La centrale nucléaire de Fukushima touchée de plein fouet
Les vagues gigantesques submergent la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, entraînant la perte totale des systèmes de refroidissement des réacteurs. Malgré les efforts désespérés des équipes techniques, trois cœurs entrent en fusion dans les jours suivants, libérant d'importantes quantités de radiations dans l'environnement.
Un bilan humain et écologique catastrophique
Le film revient sur la gestion chaotique de cette crise nucléaire majeure par les autorités, contraintes d'évacuer des centaines de milliers de personnes. Il documente également les conséquences sanitaires, économiques et environnementales désastreuses de ce drame pour le Japon, dont les séquelles se feront sentir pendant des décennies. En mêlant images d'archives saisissantes et témoignages poignants, ce documentaire offre un récit glaçant de l'une des pires catastrophes nucléaires civiles de l'histoire, marquant à jamais le Japon et le monde.
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00:00Nous sommes dans le nord-est du Japon, dans une région où près de 7000 personnes travaillent
00:08à décontaminer une terre anormalement radioactive. Cette terre, c'est celle de Fukushima. Ici,
00:17en l'espace d'une journée, tout a basculé dans un enchaînement infernal. D'abord un séisme,
00:24puis un tsunami. Enfin, une centrale nucléaire devenue une bombe en puissance.
00:33A la une, le Japon secoué comme jamais. Une centrale nucléaire en danger,
00:39des répercussions qui s'enchaînent, le monde a les yeux rivés sur le Japon.
00:43Au cœur de toutes les angoisses, des réacteurs endommagés qui menacent le Japon tout entier.
00:50C'est un bruit assourdissant. Nous nous sommes tous regardés en nous demandant ce qui s'était
00:57passé. Le problème, c'est que si votre corium traverse le béton qui est sous le réacteur,
01:04vous avez directement toute la masse radioactive qui est dans l'environnement, qui est dans le sol.
01:08C'était la panique dans les villes, tout simplement parce que personne ne croyait à ce qu'ils voyaient.
01:13Comment ce 11 mars 2011, ce pays symbole de modernité et de haute technologie,
01:21a-t-il pu basculer dans un scénario terrifiant ? Comment les systèmes de sécurité de la centrale
01:27ont-ils lâché les uns après les autres ? Dans l'enceinte de confinement, la vapeur s'accumule.
01:35La pression augmente à tel point que ça peut exploser. Comment un manque d'organisation a-t-il
01:45précipité la catastrophe ? Ils se rendent compte qu'ils n'ont pas les câbles électriques
01:49suffisamment longs pour aller rétablir le courant. Grâce aux témoignages de survivants,
01:54nous allons découvrir minute par minute ce qu'il s'est passé à l'intérieur même des murs de la
01:59centrale. C'est un état de guerre. C'est une armée en siège qui essaie de reprendre le contrôle.
02:06Mais aussi dans la zone d'évacuation. Le monde était sans dessus dessous. Je me suis dit au fond
02:15de moi qu'on ne pourrait plus rentrer. Experts et scientifiques vont nous raconter ces jours
02:24où une partie du Japon a failli disparaître. Fukushima, une catastrophe hors de contrôle.
02:55Nous sommes le vendredi 11 mars 2011 au Japon. C'est une journée tout à fait normale pour les
03:02127 millions de japonais. Le ciel est bleu et le soleil brille. Quand soudain à 14h46...
03:25La terre tremble sans discontinuer pendant de longues minutes. Personne ne le sait encore,
03:32mais le Japon est frappé par le plus fort séisme jamais enregistré dans l'archipel.
03:40Le séisme de Fukushima c'est une magnitude 9. La comparaison qu'on a c'est les deux
03:44bombes nucléaires de la fin de la deuxième guerre mondiale. A magnitude 5 c'est à peu
03:49près une bombe type Hiroshima. On est en termes d'énergie un peu plus de 10 000 fois plus puissant.
03:54C'est la panique dans tout le Japon et notamment à Tokyo et ses 37 millions
04:05d'habitants menacés par des gratte-ciels qui vacillent.
04:09Ça a commencé doucement. On avait l'impression au début qu'il s'agissait d'un petit séisme,
04:18mais ensuite ça a tremblé beaucoup, beaucoup plus fort et pendant longtemps. C'est ce qui
04:24caractérise ce séisme, long et fort. J'ai vraiment pensé que la station de métro où
04:28je me trouvais allait s'effondrer et nous tomber dessus. Un tremblement de terre de deux minutes
04:34trente suivi par de nombreuses répliques. Pourtant, malgré ces images impressionnantes,
04:40ce n'est pas ici que le séisme est le plus violent.
04:43Son épicentre est situé à 380 kilomètres de là, au nord-est des côtes. C'est la région
04:58de Fukushima qui est l'une des plus impactées. A l'image des autres habitants, Keiko Takahashi
05:06croit voir sa fin arriver. J'étais pieds nus, je me suis accroché un arbre. Je ne savais pas
05:16quoi faire. J'étais abasourdie et je me suis dit mais qu'est-ce que c'est que ça ? C'est la fin
05:23du monde. Et pourtant, le pays est habitué au séisme. Le Japon est assis sur trois plaques
05:31tectoniques. Des plaques en mouvement continu qui menacent à tout instant l'archipel. On a
05:39cette plaque Eurasie, stable, qui est une plaque continentale, donc en fait c'est une plaque on va
05:45dire légère. Et puis on a la plaque Pacifique qui est une plaque océanique, dense, qui veut plonger,
05:52elle est lourde. Mais ce qu'il faut voir c'est que le séisme c'est vraiment la friction entre les
05:57deux plaques. Impossible de résister à une telle force. Comme à Tokyo, de nombreuses infrastructures
06:04doivent être touchées dans le pays. Mais personne n'imagine à quel point ce séisme va avoir des
06:11conséquences dramatiques. Même si les installations les plus sensibles bénéficient de systèmes
06:23antisismiques très performants, les scientifiques sont vigilants. Leur crainte majeure, les centrales
06:30nucléaires. Si l'un des 54 réacteurs répartis le long de la côte était touché, cela pourrait être
06:37une catastrophe. Une centrale en particulier inquiète les autorités, celle de Fukushima
06:43justement. Et ce n'est pas n'importe laquelle. La centrale de Fukushima Daiichi est la plus
06:49importante du pays. Elle fournit 10% d'électricité à tout le Japon. Il y a six réacteurs sur le site
06:57de Fukushima, donc c'est un gros site nucléaire, et donc il y a en fonctionnement trois réacteurs.
07:02Sur les six réacteurs de Fukushima Daiichi, trois fonctionnaient au moment du séisme.
07:10Ont-ils été endommagés ? Normalement leur système de sécurité devrait les avoir protégés.
07:16Le Japon est un pays situé dans une zone sismique, et donc le fait d'implanter des
07:24installations nucléaires nécessite de les dimensionner, c'est-à-dire de faire en sorte
07:28qu'elles puissent résister au séisme. Mais quand on dit résister au séisme, la question c'est à quel
07:34séisme ? Ces sécurités, Hideki Yagi les connaît bien. Il travaille pour TEPCO, l'entreprise qui
07:43gère la centrale. Quand un tremblement de terre frappe fort, il y a un système appelé Scrum qui
07:51fait arrêter la centrale. La centrale Fukushima Daiichi a également ce système. En fonctionnement
08:04normal, des barres d'uranium plongées dans de l'eau produisent de la chaleur. C'est cette
08:10chaleur qui permet de créer de l'électricité. Au moment du séisme, des capteurs détectent les
08:17secousses et des barres de contrôle remontent automatiquement pour neutraliser cette réaction.
08:23C'est le système de Scrum. La réaction en chaîne s'arrête à un détail près. Même si vous avez
08:33arrêté le réacteur, ce n'est pas pour autant que l'énergie thermique n'est pas encore là. Et donc
08:38cette énergie, il faut l'évacuer. Le combustible, il faut continuer de le refroidir. Il dégage toujours
08:42beaucoup de chaleur et pour ça on a besoin d'eau et d'électricité. Le tremblement de terre a détruit
08:48le réseau électrique de la région. La centrale doit donc subvenir elle-même à ses besoins en
08:54électricité. Elle met alors en marche sa propre énergie par le biais de générateurs diesel.
08:59Les réacteurs sont donc refroidis normalement. Les réacteurs ont réagi comme dans le livre en
09:06quelque sorte. Les dispositifs de sécurité sont mis en route. Tepco confirme donc que la
09:12situation est sous contrôle. Mais ce que personne ne sait, c'est qu'en réalité un événement bien
09:18plus grave va se produire. Et il est temps d'arriver.
09:2915 heures, 13 minutes après le déclenchement du séisme. Toutes les chaînes de télévision
09:35arrêtent leur programme. Le pire est en train de se produire.
09:39Nous attendons une vague de trois mètres de hauteur. Le tsunami se rapproche. Évacuez
09:49immédiatement. Lors du séisme, une masse d'eau colossale s'est formée. Le système se charge et
09:58puis au moment où le séisme se produit, on relâche la tension et on donne littéralement la plaque du
10:04dessus se dédéforme. Et c'est comme un piston. Vous donnez un grand coup dans l'eau et donc vous
10:10générez une onde, une vague qui se propage dans l'océan. Depuis les hélicoptères, les médias
10:17réalisent qu'en réalité la vague ne mesure pas trois mais dix mètres de hauteur. Et le monstre
10:23se rapproche dangereusement des côtes japonaises. L'une des premières communes qui va être touchée
10:29se nomme Futaba, une petite ville côtière. Katsutaka Inogawa est le maire. De seconde en
10:36seconde, il comprend que la situation est inédite. A Futaba, même si on annonçait un grand tsunami,
10:45on n'avait eu jusqu'ici qu'un tsunami de six mètres. Les prévisions disaient que la vague serait
10:54sans doute de trois mètres. Moi, dans ma tête, j'avais prévu que la vague serait de six mètres.
11:00Et finalement, on nous a dit que ce serait une vague d'une taille exceptionnelle, de plus de dix mètres.
11:17Difficile de s'en rendre compte, mais la vague est haute comme un immeuble de quatre étages.
11:22Elle est aussi deux fois plus rapide qu'une vague classique, 200 km heure. En l'espace de
11:28quelques secondes, elle pénètre les territoires, détruit et submerge tout sur son passage.
11:36À cet instant, le journaliste David McNeil est devant son poste de télévision. Il assiste en
11:41direct au désastre. À ce moment-là, je comprends que quelque chose de beaucoup plus grave que le
11:47tremblement de terre est en train de se passer. Les tsunamis qui frappent les régions côtières
11:52sont extrêmement destructeurs et mortels. Contrairement à Tokyo, les maisons, les
11:56immeubles le long des côtes ne sont pas construits pour faire face aux catastrophes naturelles.
12:01J'ai regardé par la fenêtre vers l'est, vers la mer, et j'ai vu la vague de tsunamis approcher.
12:08Elle n'était plus très loin de la mairie. C'était incroyable. Pour être franc, moi non plus,
12:16je ne savais pas quoi faire à ce moment-là.
12:27Impossible d'agir. Et la vague est encore plus grande que prévu, jusqu'à 30 mètres de haut
12:33par endroit. Et elle ne s'arrête pas sur les côtes. Elle s'engouffre jusqu'à 10 km à
12:39l'intérieur des terres. Les structures tombent les unes après les autres, maisons et immeubles
12:44sont détruits. Dans le tsunami, il y a eu des incendies, des maisons qui brûlent. J'ai vu
12:57des scènes comme ça au milieu de ce désespoir. Je ne veux plus jamais voir des scènes pareilles.
13:04Une question se pose alors. La centrale de Fukushima a-t-elle résisté ? Les autorités
13:14découvrent des images amateurs qui leur glacent le sang. Cette vidéo montre la puissance de la
13:27vague submergeant la centrale de Fukushima, ici, au centre de l'image. Après le séisme puis le
13:34tsunami, c'est une catastrophe nucléaire qui se profile. La centrale nucléaire est noyée sous
13:4115 mètres d'eau. Donc ça veut dire de nombreux dégâts matériels sur des cuves, mais ça veut
13:48dire aussi que les diesels de secours qui généraient l'électricité étaient dans les sous-sols, sont
13:54noyés, ne sont plus disponibles. Il n'y a plus d'électricité sur le site de la centrale nucléaire.
13:59S'il n'y a plus d'électricité de secours générée par les moteurs diesel, alors il n'y a maintenant
14:06plus rien pour refroidir et contrôler les réacteurs. Il n'y a même plus de lumière pour éclairer les
14:12lieux. On n'entend plus rien, il fait tout noir. Il fait tout noir, c'est silencieux alors qu'il se
14:20passe quelque chose de grave. Aucun son, c'est tellement inquiétant. C'est de nombreux capteurs
14:27qui savent connaître l'état de la centrale, la pression, la température, qui sont plus disponibles.
14:32Donc en plus on n'a pas d'informations ou très peu d'informations sur l'état des réacteurs. Qu'est-ce
14:37qui se passe à l'intérieur ? Personne ne sait. Le scénario catastrophe redouté par les autorités
14:42serait que les trois réacteurs non refroidis montent en température, cèdent sous le coup de leur propre
14:48chaleur et libèrent des éléments radioactifs. A ce stade, c'est le réacteur numéro un de conception
14:55plus ancienne qui présente le plus de danger. Dans l'enceinte de confinement, la vapeur s'accumule,
15:03la pression augmente et si on ne contrôle pas bien, la pression est telle que ça peut exploser.
15:14Les ingénieurs le savent. Si le réacteur entre en fusion et explose, c'est toute une région qui
15:22pourrait être condamnée. Désormais à Fukushima, tous les regards sont tournés vers un dernier
15:28système de sécurité, les condensateurs. Ce système fonctionne sans électricité. Il récupère la
15:38vapeur d'eau générée par le réacteur. Grâce à des bonbonnes d'eau froide, il crée alors un choc
15:44thermique qui permet de transformer la vapeur en eau. Cette dernière prend alors la direction
15:50du réacteur pour un nouveau cycle de refroidissement. C'est un système très bien pensé où une
15:56circulation naturelle fonctionne tant que c'est bien fermé. Ça permet de temporiser un peu mais
16:02ça n'est pas possible à long terme. Et donc l'urgence, c'est effectivement apporter de
16:08l'électricité sur le site de la centrale. Seulement voilà, le système ne fonctionne
16:14que 8 heures. Après ce délai, si l'électricité n'est pas rétablie, la centrale et le pays tout
16:21entier courtent à la catastrophe. Tokyo, 16h46. Deux heures après le séisme, la situation prend
16:33une nouvelle tournure, beaucoup plus grave. Alerté par l'entreprise, le gouvernement japonais, par
16:40le biais de son premier ministre, décrète l'état d'urgence pour la première fois de l'histoire du
16:44Japon. Fukushima n'est qu'à 250 km de la capitale nippone et ses 37 millions d'habitants. Il faut
16:53absolument éviter une évacuation ou pire, une panique générale. Sous les vents dominants, ça peut
17:01aller jusqu'à 250 km de la centrale d'évacuation et on touche l'agglomération de Tokyo. Les théories
17:08les plus folles sont redoutées. On parle d'une explosion de toutes les centrales sur la côte et
17:13d'une dispersion massive de la radioactivité. Il n'y a plus de temps à perdre. L'état d'urgence vient
17:21d'enclencher une véritable course contre la montre. A cet instant, tous les espoirs reposent sur des
17:28camions. Deux camions générateurs d'électricité. Grâce à eux, le fonctionnement normal des
17:34réacteurs devrait reprendre. Mais aucun protocole n'a été prévu à l'avance, ce qui engendre des
17:40conséquences désastreuses et à peine croyables. Les camions mettent un certain temps à arriver et
17:47quand ils arrivent le soir à la centrale de Fukushima Daiichi, ils se rendent compte qu'ils n'ont pas
17:53les câbles électriques suffisamment longs pour aller rétablir le courant dans les centrales et assurer
18:00le refroidissement. Livrés à eux-mêmes, les travailleurs font avec les moyens du bord. Ils
18:05utilisent tout ce qui est à leur disposition. Face à l'urgence de la situation, les solutions les
18:11plus folles sont imaginées pour obtenir un peu d'électricité. Jusqu'à utiliser des batteries
18:16de voiture. Au bout d'un moment, il y a même eu un appel en disant les batteries de voiture sont
18:22à plat, il va falloir envoyer une équipe pour en chercher. On va récolter tout l'argent sur le
18:26site pour aller acheter des batteries de voiture. C'est complètement fou. Quand on est TEPCO,
18:30l'entreprise la plus riche du Japon, on peut aller chercher les batteries de voiture en disant
18:35on payera plus tard. Yoshiru Abe est spécialisé dans la sécurité des centrales nucléaires. En
18:42pénétrant dans le QG où sont réfugiées toutes les équipes d'intervention, il comprend que la
18:47situation est très grave. La radioactivité est partout. On entre, on laisse la porte ouverte
18:57et on ouvre la deuxième porte. Et là, on se fait engueuler avec force. Fermez la porte ! Fermez
19:12la porte ! C'est à ce moment là que j'ai réalisé à quel point la situation était grave. Jusque là,
19:22on n'avait jamais vécu ça. A 56 ans, Yoshiru Abe va travailler sans relâche. Sa mission,
19:32pomper l'eau des réservoirs. Les camions générateurs vont ensuite envoyer des tonnes
19:37d'eau au coeur du réacteur pour le refroidir. Comme le montrent ces images tournées par les
19:43pompiers, le plan d'attaque se fait là encore dans l'improvisation la plus totale. Un seul
19:48objectif, apporter de l'eau pour refroidir le réacteur numéro 1. A ce moment, on nous demande
20:00d'aller avec notre camion au réservoir qui se trouve près du réacteur numéro 3. L'idée,
20:11c'est de pomper l'eau de ce réservoir et de l'acheminer vers les autres réservoirs. Alors,
20:23nous avons relié nos tuyaux pour acheminer 40 tonnes d'eau vers le réacteur qu'il fallait
20:30refroidir. Mais Yoshiru Abe et ses collègues rencontrent un problème qui va les contraindre
20:37à stopper les opérations. Sous l'effet de la chaleur, la pression ne cesse d'augmenter à
20:46l'intérieur du réacteur et les tuyaux des pompiers ne sont pas assez puissants pour faire pénétrer
20:51l'eau dans la cuve. Leur enjeu est là, c'est d'arriver à trouver le bon équilibre de pression
21:03qui permettra que l'eau rentre à l'intérieur, que l'eau arrive sur le combustible pour le
21:07refroidir. 21 heures, c'est la confusion la plus totale. A la centrale, les hommes sont démunis
21:16et la situation devient critique. Le risque de catastrophes nucléaires n'a jamais été aussi
21:21fort. Quand les générateurs de secours se sont arrêtés, nous n'avions aucun moyen,
21:30plus aucun instrument pour connaître l'état du combustible dans le réacteur.
21:34Une zone d'évacuation est décrétée. Quiconque vit à moins de trois kilomètres de la centrale
21:45doit immédiatement quitter les lieux et ce n'est qu'un début. Le lendemain,
21:5412 mars, 6h14, le premier ministre Naoto Kan décide sans plus attendre de se rendre sur le
22:02site accompagné du responsable de l'autorité de sûreté nucléaire, M. Haruki Madarame. Il
22:09profite du trajet en hélicoptère pour le questionner. Dans l'hélicoptère, il demande
22:17si une explosion peut se produire ou pas. Et là, M. Madarame répond qu'il n'y a pas de crainte à
22:23avoir car il n'y a que de l'azote dans l'enceinte de confinement, un gaz non combustible. Il assure
22:31que l'explosion des réacteurs est impossible. Pendant ce temps à la centrale, les ingénieurs
22:41assistent impuissants à la montée en pression du réacteur numéro un. Si rien n'est fait pour
22:49libérer de la pression, son enveloppe pourrait rompre et son contenu ultra-radioactif se libérer.
22:55Cette fois, ils n'ont plus le choix. Ils doivent ouvrir des vannes situées en partie haute du
23:01réacteur. Mais ils savent que les conséquences seront tragiques. Ils vont libérer des gaz radioactifs.
23:08On préfère avoir un rejet contrôlé plutôt que de risquer l'explosion de ce dernier rempart
23:21qui est l'enceinte de confinement. C'est impensable d'autoriser de faire échapper des
23:28particules dangereuses vers des agglomérations situées dans les environs proches. Mais la
23:37situation est tellement critique. S'ils ne prennent pas cette décision, bien pire pourrait
23:43arriver. Comme le montrent ces images prises à l'intérieur de la centrale, l'absence d'électricité
23:51empêche les ingénieurs d'ouvrir la vanne à distance. Il n'y a plus qu'une solution et elle est très dangereuse.
24:077 heures du matin. Dans la centrale de Fukushima, ingénieurs et opérateurs tentent de s'organiser
24:13pour cette mission à haut risque. Puisqu'il n'y a plus d'électricité, il va falloir ouvrir la
24:19vanne manuellement. Mais cette opération pour faire baisser la pression dans le réacteur est
24:24une grande première. Personne ne savait sur place comment ouvrir manuellement une vanne.
24:30Donc il y a consultation des documents techniques pour essayer de comprendre comment on fait pour
24:35ouvrir une vanne de façon manuelle. Il y a des plans spécifiques pour chaque chose et il y en a
24:41vraiment beaucoup. Je vous affirme que c'est impossible de tout avoir en mémoire. Je pense
24:50qu'ils cherchaient dans les plans comment étaient reliés les conduits pour savoir quelle vanne ouvrir,
24:55quel circuit relier pour pouvoir remettre en marche telle ou telle machine. Imaginez,
25:02ils regardaient ces plans dans le noir à la seule lumière de la lampe torche.
25:06Il n'y a pas d'autre choix, mais se rendre sur place et s'exposer à des doses radioactives
25:15potentiellement mortelles. Un danger qui n'arrête pas les employés de la centrale.
25:20C'est une situation où l'on ne sait pas si l'on reviendra vivant.
25:29Tout le monde a peur. Tout le monde hésite à se lancer et finalement personne ne se propose.
25:38Et puis les deux plus anciens disent qu'ils vont y aller. Et d'un seul coup, toutes les mains se
25:49lèvent. Laissez-moi y aller, je vais y aller. C'est une explosion de réaction.
25:56Face au nombre important de volontaires et pour augmenter les chances de réussite,
26:05deux équipes sont formées. Une fois sur place, elles n'auront chacune que 17 minutes et pas une
26:13de plus pour tenter d'ouvrir la vanne. Au-delà de ce temps, les équipes risquent de subir des
26:19doses mortelles de radiation. 9h04 dans la centrale de Fukushima. Équipées de combinaisons
26:27étanches et de bouteilles d'oxygène, la première équipe quitte le QG sécurisé. Mais sur le chemin,
26:33elle est très vite freinée par les gravats issus du tremblement de terre et du tsunami. Résultat,
26:39les techniciens ne parviennent même pas à atteindre la vanne. Devant l'échec de la
26:44première équipe, le QG envoie l'équipe numéro 2. Elle va tenter sa chance en empruntant un autre
26:50chemin. Ils traversent un long couloir qui mène au réacteur, mais avec le tsunami, il y a plein
27:00d'eau. Il y a des poissons morts, amenés là par la vague. Ils avancent donc là-dedans, dans
27:12l'obscurité. À la lumière des lampes torches, ils arrivent au réacteur. Ils ouvrent une porte,
27:20puis la refaire. Jusque là, c'était encore le monde des vivants. Mais à partir de cet instant,
27:28on pénètre vraiment à l'intérieur du réacteur. Et c'est le monde de la mort. Maintenant,
27:37il faut ouvrir la vanne manuellement. Mais si l'on meurt avant, à cause des radiations,
27:43c'est tout simplement la fin du Japon. Mais finalement, l'équipe numéro 2 parvient
27:51jusqu'à la vanne. C'est la libération. Il crie d'une énorme voix « J'ouvre ! ». En une fraction
28:01seconde, il voit l'aiguille de température baisser. Il se jette alors sur son collègue et lui dit en
28:07criant « Regarde, regarde, 25 degrés ! ». Voilà, c'est comme ça qu'on a ouvert le conduit qui a
28:15sauvé le Japon. C'est un soulagement pour le personnel qui applaudit et qui, pour certains
28:26d'entre eux, n'avaient pas dormi depuis plus de 24 heures et qui vivaient dans un stress intense.
28:31Mais la joie des équipes ne sera que de courte durée. Car même si l'ouverture de la vanne a
28:37fait chuter la pression, elle a fait s'échapper des vapeurs radioactives et on ne sait pas où
28:42est-ce qu'elles se sont répandues. D'autre part, le combustible qui n'est pas refroidi continue de
28:48chauffer. Les ingénieurs ne le savent pas encore, mais une réaction hors de contrôle va alors se
28:55produire. Désormais, le monde entier a les yeux rivés sur Fukushima. En direct, les médias tentent
29:06de comprendre ce qu'il se passe dans l'enceinte de la centrale. On a entendu des choses comme la
29:11pression étant hausse. Est-ce de la vapeur radioactive qu'on a vu sortir de l'enceinte
29:15de confinement ? Tokyo vit dans l'inquiétude. Les opérations de sauvetage ont-elles fonctionné ?
29:24Les départs commencent à se multiplier et les ressortissants étrangers sont rapatriés dans
29:29leur pays. Tout ceux qui pouvaient fuir ont fui. Tous mes collègues ont soudainement pris des
29:38vacances en Thaïlande, à Hong Kong ou en Corée. Tout le monde pressentait que quelque chose de
29:43dramatique allait se produire. Mais que se passe-t-il réellement à Fukushima ? Le journaliste
29:52David McNeill décide de rouler en direction de la centrale pour en savoir plus. Il rencontre alors
29:58des centaines de personnes qui fuient. Les locaux qui étaient toujours là et qui étaient dans
30:06leur voiture portaient tous des masques. Ils s'arrêtaient, faisaient des appels de phare,
30:10baissaient leurs vitres et disaient « Tonatikunda, où est-ce que vous allez ? ». Ils étaient nombreux
30:17à posséder leur propre compteur pour mesurer les radiations. Je leur ai demandé à combien on
30:23en était et on m'a répondu 60 microsieverts, ce qui est vraiment très élevé. Vous n'avez
30:27vraiment pas envie de rester là trop longtemps. Miyako Baba fait partie de ceux qui doivent fuir.
30:38Elle habite à seulement trois kilomètres de la centrale, en pleine zone rouge. Ici,
30:44l'évacuation est obligatoire. En cas d'accident nucléaire, elle sait qu'elle sera mortellement
30:49touchée. Il y avait des annonces de précautions à la télé. On nous disait qu'il fallait porter
30:58des masques, on devait porter des chapeaux, on devait porter des vestes, il fallait se protéger.
31:06C'était la panique dans les villes, tout simplement parce que personne ne croyait à ce
31:13qu'ils voyaient. J'ai compris à ce moment-là à quel point c'est dur d'évacuer les gens. C'est
31:22impossible de mettre les sentiments de tout le monde à l'unisson. On a fait plein d'entraînements,
31:28plein d'exercices d'évacuation, mais le soir on rentrait chez nous, le sourire aux lèvres. C'était
31:35ça nos entraînements. On n'avait jamais fait d'exercices d'évacuation sans rentrer chez nous.
31:43Je n'arrivais vraiment pas à comprendre, à accepter. Le monde était sans dessus-dessous.
31:49Je me suis dit au fond de moi qu'on ne pourrait plus rentrer. Moi je ne savais pas quoi prendre.
31:58C'est dur de savoir ce qu'il faut prendre quand on fuit. On s'était dit qu'on irait jusqu'où on
32:05pourrait et qu'ensuite on laisserait la voiture si on n'avait pas le choix et qu'on prendrait un
32:10taxi. J'avais peur qu'on manque d'essence alors à chaque feu j'arrêtais le moteur. J'avais que ça
32:18en tête, jusqu'où notre voiture allait bien pouvoir nous emmener. Faisant face pour la première fois
32:27à ce type de catastrophe, les civils n'ont pas conscience à quel point la radioactivité est un
32:32ennemi invisible. Pour moi je dirais que ça s'apparenterait plutôt à un fantôme ou à un
32:40extraterrestre. On ne peut pas le voir ou le sentir mais il est là. C'est difficile.
32:55Il faudrait des équipements spéciaux pour stopper les radiations qui traversent le corps. La fuite
33:01est malheureusement la seule réaction possible. Mais quand certains partent vers des zones
33:05protégées, d'autres pensent se retrouver en lieu sûr alors qu'ils sont en réalité hautement exposés.
33:11D'autant que le pire est encore à venir.
33:1310h17. A la centrale, la situation paraît enfin maîtrisée. Mais en réalité l'avantage du réacteur
33:30a seulement permis de retarder l'inévitable. Le fait d'ouvrir la vanne et de libérer la
33:36vapeur radioactive a fait baisser mécaniquement la pression dans le réacteur. Seulement le
33:42combustible étant radioactif, sa chaleur continue d'augmenter et de générer encore plus de pression.
33:48A un certain moment, une cascade d'événements non maîtrisables se met en oeuvre.
33:53Quand il n'y a plus de refroidissement, cette eau s'évapore, les barres de combustible sont
34:01dénoyées, sont à l'air libre et la vapeur d'eau sur la gaine de combustible, il y a une réaction
34:07chimique qui se crée. Au sein du réacteur, toutes les matières entrent en fusion et forment ce que
34:13les spécialistes appellent le corium. Un mélange hautement radioactif de 2800 degrés, deux fois
34:20plus chaud que de la lave. En coulant au fond de la cuve, ça va faire fondre le fond de la cuve,
34:27ça va traverser la cuve et ça va tomber dans le fond de l'enceinte de confinement sur le béton très
34:32épais qu'il y a au fond de l'enceinte de confinement. Le problème c'est que si votre corium traverse le
34:37béton qui est sous le réacteur, donc c'est plusieurs mètres de béton, vous avez directement toute la
34:42masse radioactive qui est dans l'environnement, qui est dans le sol, avec des transferts par le sol.
34:45Le corium représente un danger majeur, surtout à Fukushima. En effet, la centrale repose sur un
34:55sol directement en contact avec les eaux de l'océan. Si ce mélange hautement radioactif parvient à
35:01creuser le béton de la centrale, la menace pourrait donc largement dépasser le Japon et se répandre
35:07aux autres pays de l'océan Pacifique. Mais ce n'est pas tout. Dans le réacteur, alors que le corium se
35:15forme, d'autres phénomènes physiques entraînent la création d'un gaz, l'hydrogène. Or, au contact de
35:22l'air, l'hydrogène est extrêmement explosif et sous l'effet de la pression, il commence à
35:28s'échapper dangereusement de la cuve. À partir de 4% d'hydrogène dans une pièce où il y a de l'air,
35:33il y a un risque d'explosion. Et justement, à 15h36...
35:45C'est un bruit assourdissant. Le quartier général ne se situe pas très loin du réacteur numéro 1.
35:59Alors à cet instant, on se regarde et on se demande ce qui s'est passé. On sort tous pour
36:07voir. Plusieurs personnes sont blessées. Elles sont immédiatement évacuées. Visuellement, ça
36:17ressemble à du papier ou à des plumes qui volent dans l'air. Là, je me dis qu'on ne peut vraiment
36:24pas changer les choses. On ne peut s'en remettre qu'à notre chance. Katsutaka Hidogawa, le maire
36:31de la ville voisine, assiste à la même scène apocalyptique. Du ciel tombent des flocons de
36:40l'explosion. Je n'avais jamais imaginé ça. Des particules de l'explosion qui volent. Je me suis
36:49demandé à quel point on allait être exposé aux radiations. Je me suis demandé quand on allait
36:55mourir. J'étais pétrifié. Tout le monde, à ce moment-là, était totalement muet. Et puis après,
37:06j'ai repris le dessus et je me suis concentré sur l'évacuation. J'ai dit à tout le monde de rentrer
37:17dans les bâtiments. La situation à Fukushima peut-elle encore s'aggraver ? A la centrale,
37:29personne n'avait imaginé que le réacteur numéro un puisse exploser. Désormais,
37:34tout le monde n'a qu'une seule crainte, une fusion dans les deux autres réacteurs.
37:39Comme dans le réacteur numéro un, si le refroidissement dans les réacteurs numéro 2
37:49et 3 ne fonctionne pas, alors il se pourrait qu'il y ait aussi une explosion à l'hydrogène. Je
37:54pense que tout le monde avait cela en tête. Un réacteur en particulier inquiète, le numéro 3.
38:02C'est le plus dangereux car il contient à la fois du plutonium et de l'uranium. Ce mélange
38:08à haut risque porte un nom, le MOX. Dans le MOX, le plutonium est plus toxique et donc en cas de
38:18dispersion, c'est plus dangereux et aussi il fusionne plus facilement. Sa température de
38:23fusion est plus basse. Donc le risque de fusion arrive plus rapidement et les conséquences
38:29peuvent être plus graves si jamais on n'arrive pas à maintenir le confinement. Les hommes de
38:34Fukushima n'ont plus le choix. Ils doivent maintenir le réacteur numéro 3 confiné.
38:39Malheureusement, les choses vont une nouvelle fois virer au drame.
38:43Nous sommes trois jours après le tsunami qui a dévasté une partie du Japon. Tous les regards
38:54sont tournés vers la centrale nucléaire de Fukushima. Trois jours après l'explosion
38:58de son premier réacteur, tout est désormais possible. Il est 11h01, ce 14 mars, quand
39:11l'impensable se produit. Une explosion vient de souffler l'enceinte du réacteur numéro 3 et le
39:17haut du bâtiment est entièrement éventré. Que faut-il faire ? Les équipes de la centrale n'ont
39:23pas de réponse. Et face à cet ennemi invisible, ils sont à bout de force.
39:27On est au mois de mars, il fait froid, il n'y a pas de nourriture, il n'y a pas d'électricité. Donc
39:34ils dorment dans le noir par terre. Ils ont des rations de survie de l'armée qui l'ont
39:38été envoyée. Donc c'est un état de guerre. C'est une armée en siège qui essaie de reprendre le contrôle.
39:45Je crois que je me suis allongé par moments. Mais en fait, j'ai plus le souvenir de mettre
39:58rassoupi le dos contre le mur. Il n'y avait vraiment pas beaucoup d'espace et on était
40:05très nombreux. Donc je me suis glissé là où il y avait un peu de place. En fait,
40:13on s'est tous reposé comme on a pu. Il faut pourtant faire face à la catastrophe. Le défi
40:24pour ces équipes de la centrale est maintenant double. Non seulement il faut refroidir autant
40:28que possible les réacteurs 1 et 3 qui ont explosé, mais aussi tout faire pour que le
40:33réacteur 2 n'explose pas à son tour. Seulement les équipes sont confrontées à un obstacle.
40:43Après quatre jours de lutte acharnée, il n'y a quasiment plus d'eau pour refroidir les réacteurs.
40:51Il ne reste alors plus qu'une seule solution. Exploiter l'immense ressource située aux abords
40:57de la centrale. L'eau de l'océan Pacifique. Mais il y a un problème. Cette solution n'a
41:05jamais été tentée. Quelles vont être les conséquences ? Personne ne le sait. Ça,
41:09c'est une des questions que va poser le premier ministre dans sa cellule de crise.
41:13La question est posée au responsable de la sûreté nucléaire. Quand on lui demande s'il n'y a pas un
41:21risque dans le réacteur avec l'injection d'eau de mer, il répond en digne scientifique qu'il n'y a
41:27pas de risque zéro. Même si c'est une probabilité infime, ce n'est pas impossible. Seulement les
41:33autorités, elles, sont inquiètes. Dans une sorte de téléphone arabe, lorsque l'information arrive
41:40au niveau du premier ministre, cela devient un vrai risque et il faut tout arrêter. Le directeur
41:45de Fukushima, lui, est démuni, mais il sait qu'il n'a pas d'autre choix. Son siège n'était pas
41:52favorable. En se disant, mettre de l'eau de mer, qu'est-ce qui va se passer ? La situation n'était
41:57pas claire. Le chef de la centrale a dit, au point où j'en suis, j'ai plus que ça. Le directeur de la
42:03centrale anticipe alors l'interdiction d'envoyer l'eau de mer. Et chose incroyable, d'autant plus au
42:09Japon, il décide de désobéir à sa hiérarchie. Il se dirige vers la salle de communication, cache
42:18la caméra de surveillance avec son dos et dit, il va sans doute y avoir un ordre pour
42:26interrompre l'injection d'eau de mer, émanant de la direction. Quoi ? Qu'est-ce qu'on va faire ? C'est
42:35la fin du Japon. Écoute-moi bien, quand l'ordre va arriver, je vais te le répéter, mais ne l'applique
42:45pas. Je te répéterai l'ordre d'interruption, tu n'auras qu'à me dire entendu. Il faut
42:56juste que du point de vue télévisuel, ils comprennent que l'ordre a bien été reçu et
43:00appliqué. Mais en réalité, on ne fait pas ce qu'ils disent. On continue l'injection d'eau de mer.
43:17D'accord, quoi qu'il arrive, on doit continuer l'injection d'eau de mer. Quel que soit le
43:23contenu des échanges de la téléconférence, ignore-les. Transmets ça à toutes tes équipes.
43:28Avec cette eau de mer, il va falloir refroidir les réacteurs détruits, mais aussi maintenir la
43:35température du réacteur numéro 2, qui menace à son tour d'exploser. Seulement à ce stade,
43:41n'est-il pas déjà trop tard pour que cette solution puisse fonctionner ? Le 15 mars, vers 6 heures du
43:48matin, une explosion se produit dans un bruit puissant. Et soudain, plus de pression dans le
43:55réacteur numéro 2. En réalité, il vient d'exploser. C'est arrivé. Le pire est arrivé.
44:02Finalement, l'impossible s'est produit. Les trois réacteurs ont fini par exploser.
44:10Et ce n'est pas terminé. L'enchaînement tragique va continuer.
44:19Sur les six réacteurs de la centrale, l'un d'entre eux, le numéro 4, abrite sous son toit une piscine
44:26de stockage de déchets nucléaires. Or, cinq jours après l'arrêt des systèmes de refroidissement,
44:32l'eau de la piscine est passée de 30 à 85 degrés et commence dangereusement à s'évaporer.
44:38Au fur et à mesure, l'eau qui se trouve dans les piscines s'évapore. Mais le combustible,
44:48lui, continue de chauffer. Conséquence, la température augmente encore. On n'a pas vraiment
44:57d'idée précise ni sur le moment, ni sur la température exacte où les choses peuvent basculer.
45:02La seule chose dont on est sûr, c'est qu'avec la chaleur, des particules radioactives se forment
45:09dans l'air. Et bien sûr, le risque majeur, c'est que ces particules s'échappent du bâtiment.
45:16Quand vous travaillez dans le nucléaire, vous devez penser à ce genre de choses. Tous les
45:24paramètres doivent être pris en compte. Nous imaginons ce qu'il y a de pire.
45:28Si on ne maîtrise plus le refroidissement de la piscine, là, c'est un scénario encore
45:36beaucoup plus grave que la fusion du cœur. Accident après accident, la radioactivité
45:42ne cesse d'augmenter sur le cycle. Les travailleurs sont désormais exposés à des
45:47doses qui dépassent l'entendement. 11 930 microsieverts par heure, c'est près de 300
45:53mille fois la radioactivité naturelle. Je me suis dit que c'était impossible qu'un
45:59homme ayant reçu une telle dose de radiation puisse travailler dans un endroit pareil.
46:04Aussitôt, une décision est prise. L'ordre est donné. Tout le monde,
46:10à part une poignée de personnes et les directeurs des divisions, doit être évacué. Et c'est la
46:15panique. Mardi 15 mars à 19 heures, soit quatre jours après le début de la catastrophe, le
46:21directeur de la centrale, Masao Yoshida, décide de garder une cinquantaine de personnes avec lui
46:26pour poursuivre le combat. Il choisit ceux qui vont aller mourir avec lui. Si le premier groupe meurt,
46:35on envoie le deuxième et ainsi de suite. On peut faire comme ça dix batailles. A l'extérieur,
46:43le combat se poursuit. Avec le réchauffement des piscines, des vapeurs radioactives sont soumises
46:49aux quatre vents. Ce n'est donc plus seulement le Japon, mais le monde entier qui paraît menacé.
46:54Pour contenir la radioactivité, les hommes vont se battre encore pendant neuf mois.
47:00Leur enjeu, c'était mettre de l'eau, mettre de l'eau pour noyer le corium et faire en sorte de le
47:07refroidir, d'arriver à le bloquer là où il était. On a envoyé l'armée des hélicoptères qui sont
47:12venus verser de l'eau par-dessus, mais le taux de radioactivité au-dessus des réacteurs était tel
47:19qu'ils n'ont pas pu approcher. C'était arroser, enfin éteindre un incendie avec une tasse quoi.
47:27Un travail de fourmis particulièrement risque. Au-dessus des réacteurs, les pilotes n'ont
47:33qu'une fraction de seconde pour déverser l'eau. Au total, plus de 5000 hommes auront livré combat
47:39au front de Fukushima pour finalement parvenir à calmer le feu de cette centrale devenue un
47:45enfer nucléaire. Aujourd'hui, les abords de la centrale sont totalement déserts. La zone
48:03interdite est immense, l'équivalent de 52 000 terrains de football. Ici, toutes les structures,
48:11toute la terre doivent être décontaminées. Pour cela, une seule solution, le stockage. Dans la
48:20région de Fukushima, il y a des décharges de matières radioactives à perte de vue. 22 millions
48:27de mètres cubes, soit plus de 660 000 containers. Que vont devenir les déchets radioactifs qui sont
48:35entreposés dans ces décharges ? Ils disent qu'elles sont temporaires, mais ça ne bougera
48:39jamais parce que personne ne les accepterait, ces déchets sont là pour toujours. Les déchets,
48:46c'est aussi les masses d'eau qui servent toujours à refroidir les réacteurs. Depuis 2011, Tepco
48:54utilise quotidiennement 350 tonnes d'eau, une eau qui est ensuite stockée dans l'un de ses 580
49:00réservoirs. En tout, c'est plus de 770 000 tonnes d'eau radioactive qui sont entreposées ici,
49:09soit près de 300 piscines olympiques. C'est un vrai combat pour l'eau contaminée. C'est une
49:17guerre que mène Tepco et sur les 7000 travailleurs qui sont au site de la centrale, il y en a à peu
49:22près la moitié qui sont là que pour la gestion de l'eau contaminée. Nous ne pouvons pas continuer
49:28à stocker cette eau indéfiniment. La technologie actuelle est en mesure de décontaminer tous les
49:36éléments, sauf un, le tritium. A cause de lui, l'eau reste malheureusement très radioactive.
49:45Nous réfléchissons encore à l'heure actuelle à ce que nous allons en faire. Ce n'est pas seulement
49:57l'entreprise Tepco qui doit prendre la responsabilité de cette décision, mais le gouvernement, la
50:03société civile toute entière. Plusieurs questions se posent. Faut-il continuer à stocker cette eau
50:13ou bien faut-il la déverser dans l'eau de la mer ou encore imaginer d'autres solutions ? Pour l'heure,
50:24il n'y a malheureusement aucune réponse. Jusqu'à maintenant, sur le site de Fukushima,
50:31seules les piscines de déchets dans le réacteur numéro 4 ont pu être vidées. Pour assurer une
50:37décontamination totale, il faudrait réussir à extraire l'élément le plus radioactif, le corium.
50:43Tout d'abord, nous ne connaissons pas l'état du combustible aujourd'hui, car nous ne pouvons
50:52toujours pas accéder à l'intérieur du bâtiment. Les scientifiques ont dû faire preuve de beaucoup
50:58d'imagination. Toutes les innovations ont été imaginées pour pénétrer là où l'homme ne peut
51:04plus aller, notamment là où le débit de dose, la dose de radioactivité absorbée, est trop forte.
51:10Ils ont essayé d'envoyer des robots aussi dans l'enceinte de confinement pour filmer,
51:15pour prendre des débits de doses. Alors là, on a des débits de doses qui explosent. Ce sont des
51:19doses létales en quelques heures. Donc si on envoie un humain, il meurt en peu de temps dans
51:25l'enceinte de confinement actuellement. Donc il est hors de question d'envoyer des humains. Et même
51:29l'électronique des robots, on n'arrive pas à tenir longtemps. Donc là, il y a un vrai défi
51:33technologique. Et pour ça, Tepco dit j'en ai pour au minimum 40 ans. Un processus estimé entre 200
51:44et 400 milliards d'euros. Mais c'est surtout au niveau de la santé que les dégâts sont les
51:49plus graves. On estime que 32 millions de Japonais ont été exposés à cette radioactivité et ont
51:55craint 10 000 cas de cancer dans les dix prochaines années, rien que dans la zone contaminée. C'est
52:00200 fois plus qu'en temps normal. Il faudra encore des centaines d'années pour que cette terre ne
52:06porte plus les stigmates de la catastrophe qui reste encore à l'état actuel, hors de contrôle.