• l’année dernière
En cas de débordements après le résultat des législatives, Emmanuel Macron pourrait activer l’article 16 de la Constitution qui lui permettrait d’avoir tous les pouvoirs (Europe 1)

Category

🗞
News
Transcription
00:00Allez, on va avancer, on va parler d'Emmanuel Macron avec cette rumeur qui court de plus en plus, d'ailleurs, selon laquelle Emmanuel Macron pourrait s'arroger les pleins pouvoirs lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire sont menacées.
00:15Eh bien, il y a ce fameux article 16 qu'on découvre depuis quelques heures qui permettrait au président de la République de prendre les pleins pouvoirs s'il n'a pas la majorité aux prochaines élections législatives.
00:26Alors, avant d'en débattre, je voulais qu'on s'intéresse précisément à cet article. On est en direct avec Stanislas François, qui est enseignant de droit constitutionnel à l'Université catholique de Lyon.
00:35Bonjour. Merci beaucoup d'être en direct avec nous. Qu'est-ce que c'est précisément que cet article 16 ?
00:42L'article 16, c'est l'article qui donne les pleins pouvoirs au président de la République dans des conditions que vous avez énumérées.
00:48Il y a l'exigence d'une menace grave à quatre conditions particulières qui sont menace grave sur les institutions de la République, sur l'indépendance de la nation, sur l'intégrité du territoire et sur les engagements internationaux.
01:00Et une menace qui est tellement grave qu'elle empêche le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, c'est-à-dire que lorsqu'il y a une paralysie des institutions et lorsque nous sommes dans un état, j'allais dire, de guerre,
01:10guerre extérieure, l'intégrité du territoire qui est menacée, ou, j'allais dire, guerre intérieure, c'est-à-dire un climat insurrectionnel.
01:17Cet article 16, c'est un article qui avait été pensé par le général De Gaulle en souvenir du 18 juin, c'est-à-dire plutôt de la période de mai-juin à 40, où la République avait complètement sombré et s'était écroulée en très peu de temps.
01:31Donc l'article 16, c'est l'article qui doit permettre au président de la République, garant des institutions, de faire tenir la République en cas de menace extrêmement grave.
01:40— Mais qui décide de l'application de cet article ? C'est le président tout seul ?
01:43— Président. — C'est le président tout seul. Il a des consultations obligatoires. Premier ministre, président de l'Assemblée, mais c'est le président de la République tout seul qui décide.
01:51— Mais c'est juste des consultations. Il ne doit pas demander, par exemple, l'autorisation au président du Sénat ou au président de l'Assemblée.
01:56— Ce sont des consultations. Il en informe la nation. Et il n'y a pas d'autorisation. C'est un mécanisme qui lui permet d'intervenir tout de suite, immédiatement, en s'affranchissant,
02:06c'est-à-dire la légalité républicaine, et pour pouvoir répondre le plus rapidement possible et le plus efficacement possible à la situation de crise grave.
02:14Je rappelle que c'est une situation de crise très grave, menace grave et immédiate aux institutions de la République, à l'intégrité du territoire, à l'indépendance de la nation.
02:23Donc ici, c'est un climat insurrectionnel. Il a été utilisé une seule fois, en 61, après le coup de généro. C'est parce qu'on avait toute une faction de l'armée qui prenait le pouvoir en Algérie.
02:33Donc la République était directement menacée, ce qui a conduit le général de Gaulle à prononcer l'article 16 et à mettre en œuvre les pleins pouvoirs.
02:41— Ce qui m'étonne, Stanislas François, juste ce qui m'étonne – et on va pas refaire la Constitution, loin de moi, à cette idée –, c'est qu'il décide seul. Voilà.
02:48C'est-à-dire que c'est très étonnant, parce que c'est lui seul qui va juger, au fond, s'il y a une menace qui nécessite ça. Il n'y a aucun contrôle là-dessus.
02:56Personne peut contrôler, peut dire oui, non. Et question suivante, c'est pour combien de temps ?
03:03— Alors la question du temps a été intégrée, puisque le président de la République Charles de Gaulle, en 61, avait fait durer assez longuement l'article 16,
03:13entre avril et septembre 61. Avec la faveur à la révision constitutionnelle de 2008, il y a deux délais qui ont été introduits, un délai de 30 jours.
03:22À partir du 30e jour, il est possible pour les parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel pour lui demander d'apprécier si les conditions de l'article 16 sont réunies.
03:32Donc on a le juge constitutionnel qui est là pour donner son avis, qui n'est pas contraignant, mais en tout cas, il donne un avis.
03:39Et puis cet avis est de plein droit au bout de 60 jours. C'est-à-dire qu'indépendamment du fait qu'il ait été saisi, le Conseil constitutionnel,
03:46à partir du 30e jour, à partir du 60e jour, donc deux mois après, le Conseil constitutionnel rend un avis. Donc il n'y a pas de contraintes juridiquement.
03:54Il n'y en a pas. Mais imaginez-vous la situation dans laquelle le président de la République a actionné l'article 16 de la Constitution.
04:02Et puis on a un Conseil constitutionnel qui dit que les conditions ne sont plus réunies. Bon, il n'a aucune obligation d'abroger cette mesure-là.
04:11Mais politiquement, il se met énormément en difficulté.
04:14Ce qui veut dire quand même, excusez-moi en faisant le calcul, 30 jours plus 60 jours, ça veut dire que pendant 3 mois, il peut instaurer cet état d'urgence sans que personne ne dise rien.
04:26Le Parlement, lui, de toute façon, sera réuni. Donc il peut toujours s'exprimer. Les autorités qui sont consultées peuvent s'exprimer.
04:35Le Conseil constitutionnel pourra lui-même s'exprimer. Donc il n'y a pas de pouvoir de contrainte sur le président de la République.
04:41Bon, mais là, maintenant, c'est un peu un cas d'école puisque ça ne s'est jamais produit.
04:45Mais on peut envisager que si vraiment le président de la République jouait au petit dictateur et s'amusait à laisser traîner longtemps cette procédure-là,
04:55qu'il pourrait y avoir... L'Assemblée pourrait actionner l'article 68 de la Constitution pour destitution, pour manquement grave, à ses attributions.
05:03Mais pour le moment, c'est un cas d'école puisque ça ne s'est jamais produit. Mais effectivement, théoriquement, c'est un article qui permet à un homme seul de prendre tous les pouvoirs.
05:13– Merci beaucoup Stanislas François, enseignant en droit constitutionnel à l'Université catholique de Lyon pour cet éclairage très intéressant, Jean-Christophe Elien.

Recommandations