Viol à caractère antisémite: l'interview en intégralité de Yonathan Arfi, président du Crif

  • il y a 3 mois
Yonathan Arfi, président du Crif, était l’invité de Première Édition pour évoquer le viol d’une jeune fille de 12 ans sur fond d’antisémitisme.

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Transcript
00:00Bonjour Iréna Tanarfi, merci d'être avec nous ce matin dans Première Édition, vous êtes le Président du CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives de France.
00:08Merci d'être avec nous pour évoquer d'abord cette tragédie de courbe voie, l'affaire de cet enfant de 12 ans agressé et violé par trois autres adolescents, trois garçons de 12 et 13 ans.
00:21Deux ont été mis en examen et incarcérés dès mardi soir. La classe politique dit son émoi et son indignation depuis hier.
00:28Quelle a été votre première réaction en lisant, en écoutant cette histoire ?
00:36D'abord un sentiment d'horreur face aux détails qui ont été rapportés de ce viol, de cette agression, du fond d'antisémitisme sur lequel elle s'est déroulée,
00:46avec au fond le sentiment qu'il y avait là quelque chose qui confirmait ce que nous pressentions, ce climat d'antisémitisme délétère qui pèse sur notre pays depuis le 7 octobre.
00:57Et une confirmation également du fait qu'aujourd'hui cet antisémitisme touche malheureusement des victimes de plus en plus jeunes, parfois des élèves jusqu'à l'école primaire.
01:08On a malheureusement cette séquence qui est un révélateur du climat délétère qui pèse aujourd'hui sur beaucoup de français juifs.
01:17Monsieur Harfi, quelle peut être la source de l'antisémitisme d'enfants âgés de 13 ans ?
01:27C'est une vraie question et il faut d'abord faire le constat de la violence qui augmente de manière générale chez les enfants,
01:34mais surtout du fait qu'aujourd'hui des lieux qui étaient historiquement préservés de l'antisémitisme, je pense à l'école, sont aujourd'hui pénétrés, perméables à un certain nombre de préjugés antisémites.
01:44Alors d'où vient cet antisémitisme ? Il vient pour partie de l'environnement familial et il est évidemment galvanisé par les réseaux sociaux,
01:51parce que l'on voit aujourd'hui que la haine d'Israël produit évidemment une stigmatisation des juifs en France, malheureusement,
02:00et que cela est renforcé par des diatribes que l'on voit se répandre notamment chez les plus jeunes sur les réseaux sociaux.
02:07Donc il y a une responsabilité collective de la société d'arriver à donner un peu de hauteur de vue à des jeunes, adolescents, qui n'en ont pas forcément les moyens,
02:18parce qu'aujourd'hui cette réalité est menaçante pour tout simplement la capacité de beaucoup d'élèves juifs à aller à l'école sereinement.
02:25Alors justement, il y a eu beaucoup de réactions évidemment de la classe politique après ces faits absolument épouvantables.
02:31Est-ce que tous les candidats aux législatives, évidemment les plus connus, ont été suffisamment clairs dans leur condamnation de l'antisémitisme ?
02:39Alors je n'ai entendu qu'une partie de votre question demandant si les condamnations étaient suffisamment claires de l'antisémitisme.
02:49Écoutez, nous avons le sentiment aujourd'hui qu'il y a des acteurs politiques qui, bien sûr, dans cette période, condamnent l'antisémitisme.
02:57Ils le condamnent facialement tous, bien sûr, c'est important, mais notre volonté, c'est que demain, il y ait une condamnation non pas simplement des acteurs politiques,
03:06mais bien de l'ensemble de la société civile. On ne résoudra pas la question de l'antisémitisme sans la mobilisation de tous les Français.
03:13On n'arrivera pas à imposer, entre guillemets, par le haut, une solution à cette question de l'antisémitisme telle qu'on le voit aujourd'hui se déployer dans la société française.
03:23Il faut dénoncer tous ceux qui attisent la haine. Je pense notamment au discours de la France Insoumise, qui a choisi de mettre la question palestinienne au cœur de toutes ses prises de parole publiques depuis le 7 octobre,
03:35qui a choisi de nier le caractère terroriste du Hamas. Or, l'on sait que beaucoup d'esprits vulnérables considèrent qu'il est légitime de s'en prendre aux juifs de France au nom de ce qui se passe à Gaza.
03:47C'est ça la réalité. C'est ce raccourci-là qu'il faut combattre. Et il faut évidemment lutter contre tous ceux qui attisent la haine dans ce contexte.
03:54Mais Jean-Luc Mélenchon a fait partie de ceux qui ont condamné l'agression de cet enfant à courbe voie quand même.
04:00Pas de façon suffisamment claire pour vous ? Je ne vous entends pas, malheureusement.
04:06Alors, on va vous répéter la question. Jean-Luc Mélenchon a condamné ces faits, mais pas de façon suffisamment claire pour vous ?
04:13Mais écoutez, qu'un élu de premier plan comme Jean-Luc Mélenchon condamne un viol antisémite, c'est quand même la moindre des choses.
04:24Je ne vais pas lui donner des félicitations parce qu'il condamne un acte antisémite de cette nature.
04:30C'est normal et important que tous les élus, quels que soient leurs bords, condamnent l'antisémitisme.
04:36Mais je m'opposerai à ce qu'il y ait la moindre récupération ou instrumentalisation de cet acte et d'autre part des éventuelles condamnations des uns et des autres.
04:47Prenons un peu de hauteur, soyons responsables, nous sommes face à un phénomène d'une gravité immense.
04:52Il faut aussi décoller du jeu des uns et des autres durant cette campagne.
04:56C'est pour cette raison que le CRIF a dit qu'il ne sortirait pas d'une forme de neutralité,
05:01que ce serait non au Rassemblement National et à son projet populiste nationaliste et non à l'antisémitisme, et là je cite le CRIF, de la France insoumise.
05:13Oui, bien sûr, notre position est historique et elle est très claire.
05:17Nous condamnons les deux extrêmes pour des raisons et des ressorts différents.
05:22Il ne s'agit pas d'agglomérer les deux, nous savons les raisons pour lesquelles il faut tout faire pour que la France insoumise n'accède jamais au pouvoir
05:30et notamment sa complaisance avec l'antisémitisme, notamment sa volonté au fond de stigmatiser directement les juifs de France au titre de leur soutien supposé à l'état d'Israël.
05:41Et puis, évidemment, nous nous opposons depuis toujours au fait que le Rassemblement National, de son côté, puisse imposer à la France un projet populiste et nationaliste.
05:50Vous savez, dans l'histoire, le populisme n'a jamais été un rempart contre l'antisémitisme, nous le savons,
05:56malgré les déclarations récentes de dirigeants du Front National, dont nous prenons note, bien sûr, mais pour nous, cela ne change pas la problématique de fond.
06:05Yonatan Harfi, Serge et Beate Klarsfeld, il y a neuf ans, dans le magazine L'Obs, disaient que si Marine Le Pen gagne, notre place n'est plus en France.
06:13Aujourd'hui, Serge Klarsfeld, on l'a entendu, dit du RN que c'est un parti qui soutient les juifs et Israël. Est-ce que vous comprenez cette position ?
06:21Vous savez, cette déclaration de Serge Klarsfeld, dont on parle beaucoup ces derniers jours, Serge Klarsfeld, qui est évidemment un monument de notre conscience nationale française,
06:32qui a beaucoup œuvré, évidemment, à la prise de conscience sur les questions de mémoire de la Shoah en France, dans cette fameuse interview, Serge Klarsfeld dit d'abord qu'il votera lui-même
06:42pour des partis du centre au premier tour. Et il rappelle à ses yeux que la France insoumise est un ennemi politique et que le RN reste un adversaire politique.
06:53C'est sa déclaration ensuite, sur le deuxième tour, et il me semble à ce moment-là prématuré. Ce qui compte aujourd'hui, c'est de remobiliser l'ensemble du bloc républicain
07:03pour préserver ce que nous avons peut-être de plus précieux, de commun, qui sont ces valeurs républicaines, ce cadre républicain auquel les juifs doivent tant.
07:12Nous n'aurons pas de salut pour les juifs en France, en dehors, évidemment, d'une réaffirmation de la République.
07:17Mais ça veut dire qu'aujourd'hui, pour le second tour, vous êtes plutôt dans le ni-ni ?
07:21Notre position de principe, c'est un rappel des valeurs. Et les valeurs et l'éthique juive nous tiennent à distance radicales, à la fois de la France insoumise et de son antisémitisme,
07:35et bien entendu du RN et de son projet. On verra bien quels sont les résultats du premier tour, et il sera temps à ce moment-là d'analyser aussi les choses.
07:47Mais ce qui compte à ce stade, c'est de ne pas accorder une victoire symbolique aux extrêmes en considérant que le partage du pouvoir entre eux serait inéluctable.
07:56Il y a aussi des Français, nombreux, qui refusent cette injonction-là, et c'est notre responsabilité de donner du corps à cette dynamique à 10 jours du premier tour des élections législatives.

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