L'invité de 7h45
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00:00Nicolas Crosel, notre invité ce matin, l'ancien maire de Nantes, ancien premier ministre socialiste, Jean-Marc Ayrault.
00:05En direct dans le studio de France 2, L'Euro-Océan et France 3. Bonjour Jean-Marc Ayrault.
00:09Bonjour.
00:09Merci d'être avec nous. Ça ne doit pas être facile pour vous d'appeler à voter pour ces législatives, pour le Front populaire,
00:16pour cette union d'une partie de la gauche qui ne vous a pas épargné quand même, il y a dix ans,
00:21quand vous étiez aux manettes avec François Hollande et qui a continué pendant des années à critiquer votre action.
00:26Vous passez outre ?
00:27Il y a une menace qui écrase tout. C'est que l'extrême droite n'a jamais été aussi près du pouvoir.
00:34Ça c'est une menace fondamentale pour moi. Rien ne doit être négligé pour empêcher l'extrême droite d'arriver au pouvoir.
00:42Vous savez quand dans 32 000 communes, sur près de 34 000 communes, le RN arrive en tête, c'est pas rien.
00:49Avec des taux parfois de voix extraordinaires. Donc il faut absolument se battre pour empêcher ça.
00:55Et vous nous dites, un RN qui derrière l'image un peu fréquentable, le lifting on va dire qui a été fait ces dernières années,
01:02vous, vous n'y croyez pas. Cette dédiabolisation est une ruse, sa modération est une fable, écrivez-vous.
01:08Absolument, absolument. Je crois qu'il y a une stratégie de dédiabolisation qui a été mise en place.
01:13Mais l'extrême droite, lorsqu'elle gouverne, il suffit de regarder ce qu'elle fait.
01:17On appelle ça la démocratie illibérale. Elle met en cause l'état de droit,
01:21elle met en cause l'indépendance du conseil constitutionnel, elle met la main sur la presse.
01:25J'étais récemment en Pologne, où les pro-européens ont repris le pouvoir,
01:30mais pendant dix ans c'était un parti ultra conservateur, souverainiste d'extrême droite, et c'est ce qu'ils ont fait.
01:35Et puis en Italie, c'est ce qui est en train de se faire. C'est ce qui s'est fait en Hongrie.
01:39Donc il ne faut pas négliger le menace d'un parti xénophobe qui n'a fondamentalement pas changé.
01:44Donc quand Emmanuel Macron et le bloc macroniste renvoient dos à dos,
01:49extrême droite, extrême gauche, RN, Front populaire, c'est une erreur selon vous ?
01:54C'est une ruse politique ? C'est une erreur stratégique ?
01:56C'est une ruse politique et c'est une irresponsabilité, et surtout un affront à ceux qui, en 2017,
02:02mais aussi en 2022, au deuxième tour de l'élection présidentielle,
02:05n'ont pas hésité un instant à voter pour Emmanuel Macron, et qui n'ont pas eu en retour une reconnaissance.
02:11Ça ne l'a pas empêché Emmanuel Macron de rien écouter, comme par exemple de faire la réforme des retraites,
02:16et de passer un Parlement 49-3, la loi immigration, et encore très récemment,
02:20les nouvelles règles d'indemnisation du chômage.
02:22Et puis je vais vous dire une chose qui est très importante pour ceux qui renvoient dos à dos,
02:25soi-disant les extrêmes, moi je ne me considère pas comme un extrême,
02:29et je l'ai bien montré toute ma vie politique, qu'elle soit locale ou nationale.
02:32Eh bien je vais vous dire, au deuxième tour de l'élection législative,
02:36lorsque seront face à face un candidat du bloc républicain, dont fait partie la gauche,
02:40mais aussi jusqu'aux insoumis, et y compris aussi chez les macronistes.
02:45Qu'est-ce que feront les macronistes ? Est-ce qu'ils voteront pour ce candidat,
02:48qui ne sera pas forcément le leur, qui sera du nouveau front populaire face au RN ?
02:51Ou est-ce qu'ils s'abstiendront ? Est-ce qu'ils voteront RN ?
02:54Pour la gauche, et en tout cas pour moi c'est clair, il n'y a pas d'hésitation,
02:57il faudra à nouveau faire barrage au RN.
02:59– Quand on entend Serge Klarsfeld, par exemple, le chasseur de nazis,
03:02nous expliquer que voter pour un candidat insoumis, ça lui est impossible,
03:07et qu'il votera blanc.
03:08Quand Anne Sinclair, journaliste militante, engagée sur cette cause aussi,
03:11de par ses origines familiales et sa religion juive,
03:16nous dit que ce n'est pas possible de voter insoumis,
03:18est-ce qu'il n'y a pas quelque part une erreur dans cette alliance
03:20d'être allé jusqu'à ces insoumis, dont certains,
03:22je ne dis pas que tous les insoumis sont antisémites.
03:24– Mais il y en a qui ne seront pas, si j'étais dans une circonscription
03:27où un insoumis a dérapé, a pris des propos antisémites,
03:30ou a pris des positions que je n'accepterais pas,
03:33je comprends tout à fait, je ne suis pas sûr que je voterais pour lui.
03:35Mais moi je vais à l'essentiel.
03:37Donc j'ai lancé un appel qui est un appel…
03:39– Global.
03:40– Global.
03:41Par contre, vous parlez de Serge Klarsfeld,
03:43j'ai beaucoup admiré tous les combats qu'il a menés,
03:45avec beaucoup de réussite, sa femme Beate Klarsfeld
03:49qui avait giflé le chancelier en 1968, l'allemand,
03:52parce qu'il avait été membre du parti nazi,
03:54donc tous ces combats je l'ai admiré,
03:55mais aujourd'hui je suis consterné, je ne suis pas le seul.
03:58– Jean-Marc Ayrault, dédouaner les lupénistes
04:01et les héritiers de ce parti né du temps de Vichy,
04:04je trouve ça vraiment profondément choquant.
04:06– Alors, voter pour le Front populaire
04:08contre l'arrivée au pouvoir du RN,
04:10j'ai bien compris votre message,
04:11mais au-delà de ça, s'il la gauche est majoritaire
04:14à l'Assemblée nationale, avec ce Front populaire,
04:17le 8 juillet, est-ce que vous pensez que le programme,
04:20la plateforme négociée notamment par Johanna Rolland,
04:23votre successeuse à la mairie de Nantes,
04:25est-ce que ce programme-là il est crédible,
04:27applicable, est-ce qu'il tiendra,
04:29est-ce que cette alliance cartel des gauches tiendra ?
04:31– C'est un cartel des gauches, vous avez raison de le dire,
04:33c'est un cartel défensif, il faut bien le reconnaître,
04:35mais en même temps, face à la menace, il n'y a pas d'hésitation à avoir,
04:38on parle de Léon Blum, que certains voudraient instrumentaliser,
04:43mais je vous rappelle que Léon Blum a été vilipendé par les communistes,
04:46et qu'entre les socialistes et les communistes avant 1936,
04:48il y avait des désaccords profonds, mais face à la menace,
04:51ils se sont unis, se sont rassemblés, ça a été le Front populaire.
04:53Donc on est dans ce cas de figure.
04:55– Mais au-delà, la gestion après, par exemple,
04:57si la retraite à 60 euros, les 1600 euros...
05:00– Oui, bien sûr, il y a toute une série de choses,
05:02bon, évidemment, il faut remettre de la justice sociale
05:05au cœur du projet politique français, les Français y sont attachés,
05:08aujourd'hui, il y a un profond désarroi, il y a des gens qui souffrent,
05:11il faut les écouter, par exemple, abroger la réforme des retraites,
05:14ce n'est pas la moindre des choses, abroger les mesures
05:16sur l'indemnisation du chômage dont j'ai parlé,
05:18c'est également une nécessité, mais en même temps,
05:21vous évoquiez Johanna Rolland, je sais que dans la négociation,
05:24elle a été très dure cette négociation,
05:26et que sur un certain nombre de choses essentielles
05:28pour nous les socialistes, l'Europe, l'engagement européen,
05:31le soutien à l'Ukraine, la lutte contre l'antisémitisme
05:35qui doit rester et demeurer une priorité,
05:37et encore plus aujourd'hui qu'hier,
05:39là, il y a eu des réponses qui sont tout à fait...
05:41– Qui sont claires.
05:42– Qui sont claires, donc le combat, c'est un combat,
05:45moi j'ai soutenu Glucksmann, il y a un nouveau rapport de force,
05:47nous ne sommes pas dans la situation de 2022, c'est différent.
05:50– Ce n'est pas la Nupes bis quoi, la social-démocratie a repris...
05:54– Et voilà, et donc ce combat pour un rééquilibrage sur le fond,
05:58sur les propositions, sur les idées, il va continuer.
06:01– François Hollande, vous l'avez eu au téléphone,
06:03vous avez échangé avec lui, il y va ?
06:05– Oui, je pense que justement, il a apprécié ma déclaration,
06:09comme Lionel Jospin avec qui j'ai échangé,
06:11avec lequel je suis en total accord.
06:14La candidature de François Hollande signifie quelque chose,
06:19ça signifie que lui qui était très réservé,
06:21voire plus à l'égard de la Nupes,
06:23là il s'engage, et il s'engage personnellement.
06:26– Il rééquilibre cette alliance ?
06:27– C'est clair, c'est un signal très fort.
06:29– Dernière question, vous auriez pu y aller vous aussi,
06:31vous n'avez pas été tenté de retourner sur la troisième circonstance ?
06:34– Oui, mais j'ai été longtemps député, 30 ans député dans la loi Atlantique,
06:38j'ai été président de groupe parlementaire, j'ai été premier ministre,
06:41j'ai été ministre des affaires étrangères, j'ai été maire de Nantes,
06:43il y a un moment où il faut passer le relais, je l'ai fait,
06:46c'est la responsabilité d'un homme ou une femme politique, c'est de transmettre,
06:49et puis je suis engagé dans d'autres combats
06:52qui sont en phase avec mes idées, je pense à la présidence
06:55de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage,
06:57mais aussi à la Fondation Jean Jaurès, dont on parle beaucoup
06:59et qui joue un rôle au niveau des idées, dont on a beaucoup besoin.
07:02– Le combat des idées, incarné par Jean-Marc Ayrault,
07:05notamment ce matin sur France Bleu, Ressens et France 3.
07:07Merci beaucoup d'être venu ce matin en direct
07:09pour nous expliquer votre position pour ces élections législatives.