L'épisode de "Enquête exclusive" intitulé "Panama : alerte aux portes de l'Amérique" a été diffusé sur M6 le 26 mai 2024 à 23h10. Ce documentaire explore la situation géopolitique et économique du Panama, un pays stratégique situé entre l'Atlantique et le Pacifique, et considéré comme un carrefour incontournable aux portes de l'Amérique. Le programme met en lumière les défis et les opportunités que représente le Panama, notamment en raison de sa position géographique unique. Il aborde des sujets tels que le rôle crucial du canal de Panama dans le commerce mondial, les enjeux de sécurité, et les dynamiques économiques qui influencent la région. Le documentaire examine également les tensions et les menaces potentielles qui pèsent sur le pays et ses voisins, offrant une analyse approfondie de la situation actuelle et de ses implications pour l'avenir.
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00:00En route pour l'Amérique !
00:14Allez, allez ! On avance, allez, dépêche-toi !
00:17Nous devons prendre soin les uns des autres. Les mamans, les grand-mères, on doit faire
00:21ce voyage ensemble.
00:22On a transformé le problème en opportunité, parce que c'est le clan du golfe qui gouverne
00:27ici. Ce n'est pas l'Etat.
00:31Pour chaque navire qui passe, on utilise 100 millions de litres d'eau.
00:35Oui, le manque d'eau nous inquiète. Il nous faut réduire le nombre de bateaux qui passent
00:39par le canal.
00:40Là, c'est fermé et là, c'est ouvert. Il n'y a rien, que dalle.
00:43Ça fait 10 jours qu'on n'a pas d'eau.
00:45On a des enfants, nous, et ils ont besoin d'eau. On est qui pour eux ? Des animaux ?
00:49Bonsoir et bienvenue dans Quai d'Exclusif, qui vous emmène ce soir au Panama, un pays
00:56unique au monde, qui possède d'ailleurs une situation tout à fait incroyable.
00:59Il est entre deux océans et entre deux continents, puisque c'est un pays d'Amérique centrale,
01:04et il abrite surtout le célèbre canal de Panama, qui est devenu indispensable au commerce
01:09international.
01:10Mais ce canal est aujourd'hui très embouteillé, des bateaux attendent parfois des semaines
01:13avant de pouvoir passer.
01:14Aujourd'hui, il y a un autre problème. Les écluses risquent parfois de tomber à sec,
01:19ce qui fait que les autorités panaméennes pompent d'incroyables réserves d'eau pour
01:23pallier cette sécheresse.
01:25Autre difficulté à laquelle fait face le Panama, ce sont les vagues migratoires qui
01:30passent par là pour aller vers l'Eldorado américain, vers les Etats-Unis.
01:34Des migrants se retrouvent aujourd'hui dans cette région du Darién, une région très
01:37hostile dans laquelle ils sont la proie des gangs et des trafiquants d'êtres humains.
01:42Panama, ce carrefour stratégique mondial, sous haute tension, c'est un document signé
01:48Sébastien Perez pour 10.7 Productions et Enquête Exclusive.
01:55Aux portes de l'Amérique, le canal de Panama, un axe stratégique du commerce mondial de
02:02marchandises.
02:03Un grain de sable ici, et c'est toute la planète qui étouffe.
02:07Dans cet ouvrage unique au monde, 40 bateaux circulent chaque jour, soit un million et
02:13demi de tonnes de fret.
02:15Et chaque passage est un défi pour Abdiel Bonilla, 37 ans de métier, maître des écluses.
02:22C'est Bonilla, j'arrive à mon poste.
02:24Vous pouvez le mettre à 25 pieds et vous mettre en position.
02:27Il est l'un des seuls à savoir comment gérer le passage de ces mastodontes des mers, et
02:32notamment celui des plus dangereux, les super tankers.
02:35Nous nous préparons à sortir les lignes pour accueillir le bateau.
02:42C'est une opération délicate ? Oui, parce que le navire peut heurter le quai, et nous
02:49devons faire en sorte d'éviter que ça arrive.
02:50Il y a deux ans, un navire de croisière a mal négocié l'entrée de l'écluse et
03:01a percuté le quai.
03:02Le job est risqué, d'autant que c'est à bord de cette minuscule barque que les équipes
03:14établissent le premier contact avec cette bombe flottante, de 180 mètres de long.
03:19Ce navire mesure 32 mètres de large, et l'écluse en fait 33, on a donc 50 centimètres de
03:36chaque côté pour le faire passer.
03:37C'est un pétrolier classé PD1, il est extrêmement inflammable.
03:43Il faut donc faire très attention.
03:45Pourquoi ? Parce que le moindre frottement pourrait faire des étincelles et provoquer
03:50un incendie.
03:51Pour éviter une catastrophe, il faut toute l'expérience d'Armando, conducteur de mule.
03:58Il pilote l'une de ses petites locomotives.
04:01Ça, ce sont les manettes de contrôle pour manipuler la locomotive, et ça c'est la commande
04:09en cas d'urgence.
04:10Ça m'est arrivé une fois de m'en servir.
04:16Armando avait alors dû quitter en urgence sa mule, après une erreur de trajectoire
04:22d'un porte-container.
04:31Les accidents restent exceptionnels, mais une autre menace, elle, est désormais beaucoup
04:37plus réelle.
04:39Pour chaque navire qui passe, on utilise 100 millions de litres d'eau, de l'eau douce,
04:45et cette eau se perd dans la mer.
04:49Chaque jour, c'est trois fois la consommation d'eau douce d'une ville comme New York.
04:55De l'eau puisée dans les réserves du pays.
04:59Ces lacs artificiels qui, en ce moment, se vident beaucoup plus rapidement qu'ils ne
05:03se remplissent, car depuis plus d'un an, le petit état d'Amérique centrale est confronté
05:08à une terrible sécheresse.
05:11Oui, le manque d'eau nous inquiète.
05:14Il nous faut réduire le nombre de bateaux qui passent par le canal, et si l'eau continue
05:18de baisser, ils devront être moins chargés.
05:22Chaque passage est encore plus périlleux.
05:34Il y a une tonne cinq de tension sur chaque câble.
05:40Le travail de la mule est d'empêcher le navire de toucher les bords de l'écluse.
05:46Donc, on essaie de garder le bateau le plus centré possible.
05:49Là bas, on voit bien l'espace étroit entre le bateau et le quai.
05:56Malgré tous les efforts d'Armando, le canal est en danger.
06:00Le trafic a baissé de 40% ces derniers mois et cela a des répercussions sur toute la
06:05planète. Le canal de Panama n'appartient pas seulement au Panama, il est là pour le
06:11monde entier. Ici, c'est des bateaux de Chine, d'Europe, des bateaux du monde entier qui
06:16passent ici. Alors, il faut absolument le protéger.
06:21Le Panama occupe une position unique dans le monde, un carrefour ultra stratégique aux
06:26portes de l'Amérique.
06:30C'est d'abord un trait d'union vitale entre deux océans grâce à son canal.
06:37Mais pour la première fois de son histoire, celui-ci est saturé à cause de la sécheresse.
06:45S'il continue de ne pas pleuvoir, le trafic entre les deux océans va être affecté.
06:51Pour préserver le précieux canal, principale source de revenus du Panama, les autorités
06:57sont prêtes à tout.
07:00Elle pompe à tout va dans les réserves du pays, cette eau indispensable au fonctionnement
07:05des écluses. Un gaspillage impensable qui prive la population d'eau potable.
07:11Il n'y a rien que d'elle.
07:13Nous demandons au président ou à n'importe qui qui en a le pouvoir de trouver une solution
07:18pour résoudre notre problème d'eau, s'il vous plaît.
07:22Le canal, cette route du commerce en croise une autre au cœur du pays.
07:27Une incroyable autoroute des migrants au plus profond de la jungle.
07:33Ils sont des milliers, comme Johan Marie et son fils de 7 ans à s'élancer chaque jour
07:38dans l'enfer du Darien.
07:40On avance, allez, dépêche toi.
07:42Ce chemin qui relie l'Amérique du Sud à l'Amérique du Nord, la promesse d'une vie
07:46meilleure aux Etats-Unis.
07:51Nous y avons découvert un invraisemblable état dans l'état.
07:55Un business géré par des passeurs qui opèrent en plein jour.
07:59Samir, tout va bien? Oui, mon commandant, tout va bien.
08:02Industrialisant le racket de ces populations fragiles.
08:07Apparemment, les migrants sont un problème, mais nous, on transforme ça en opportunité.
08:12Sur la côte panaméenne, le réchauffement climatique menace enfin l'une des plus anciennes
08:16communautés autochtones du pays.
08:19La montée du niveau des océans est en train de submerger les îles San Blas et leurs
08:24occupants seront bientôt les premiers réfugiés climatiques du continent.
08:29La seule solution, c'est de quitter l'île.
08:33Voyage dans un pays à l'avant poste des bouleversements de demain.
08:42Depuis que la sécheresse menace le canal, le nombre de passages est limité.
08:48Pour en déterminer le nombre exact, Nelson Guerra est en mission avec son équipe
08:52d'hydrologues au cœur des réserves d'eau douce du pays.
08:57Le lac Gatoun et le lac Alajuela, 500 kilomètres carrés de superficie à eux deux,
09:04sont vitaux pour le canal, car ce sont eux qui l'alimentent en eau.
09:09Il faut absolument qu'on sache la quantité d'eau qu'il y a dans le réservoir d'Alajuela
09:15et dans celui du lac Gatoun.
09:16Donc, nous devons absolument connaître la quantité d'eau de chaque rivière
09:23qui alimente ces bassins.
09:28Tel qu'il a été conçu il y a un siècle, le canal a besoin d'eau douce.
09:33C'est impératif.
09:35Pour passer la chaîne de collines au milieu du Panama, les ingénieurs ont
09:39imaginé un système d'écluse de chaque côté.
09:42Les bateaux montent donc d'une trentaine de mètres dans un premier temps.
09:46Traversent le Panama en huit heures, en naviguant sur le lac Gatoun,
09:51avant de redescendre de l'autre côté.
09:54Problème, à chaque ouverture des écluses, une partie de l'eau douce du lac est
09:59relâchée dans l'océan.
10:01Un gaspillage insensé des réserves d'eau douce du pays.
10:05S'il n'y a pas assez d'eau dans le lac, le canal ne peut plus fonctionner.
10:10Et c'est exactement ce qui est en train d'arriver.
10:13Au début du 20ème siècle, les concepteurs du canal n'avaient pas
10:16anticipé le changement climatique.
10:19On va prendre cette branche de la rivière.
10:22En un an, cette région a enregistré 30% de pluie en moins.
10:28Ici, sur la rive, nous pouvons voir la ligne entre la végétation morte et
10:32les rochers.
10:36Tout ce volume là devrait être rempli d'eau.
10:42Sur cette rivière remodelée par la sécheresse, la navigation est
10:46piégeuse.
10:49De nouveaux rapides se sont formés.
10:54Des bandes sables ou des rochers habituellement largement recouverts
10:58d'eau affleurent juste sous la surface.
11:05Les pirogues pourraient chavirer.
11:13Une heure de manœuvre sur la rivière pour arriver sur le point de mesure.
11:20On va connaître immédiatement le débit d'eau en ce moment à cet endroit
11:24précis de la rivière.
11:26Le niveau monte et descend en permanence.
11:30La rivière est en train de s'éloigner de l'eau et de s'éloigner de l'eau.
11:34C'est un débit de l'eau qui est en train de s'éloigner de la rivière.
11:37C'est un débit de l'eau qui est en train de s'éloigner de la rivière.
11:39Le niveau monte et descend en permanence.
11:42Il est donc important de toujours faire des mesures pour savoir combien
11:46d'eau déverse la rivière.
11:51En position, allez, on commence.
11:58Cette sonde flottante déployée par l'équipe va permettre de mesurer
12:02le niveau de la rivière et surtout son débit.
12:06Nous pouvons voir ici le premier résultat.
12:10On a donc un débit de 3,6 mètres cubes par seconde.
12:16En cette fin de saison des pluies, le courant devrait être
12:19beaucoup plus important.
12:22Ce n'est pas une surprise pour Nelson.
12:25Il y a quelques jours, il a décidé d'abaisser à 24 le nombre de navires
12:30autorisés à traverser le canal.
12:3230% de moins que d'habitude et cela pourrait encore diminuer si la
12:37pluie tarde encore.
12:42A la clé, d'impressionnants embouteillages au large du Panama.
12:47Au plus fort de la crise, il y a quelques mois, plus de 163 navires
12:52ont été contraints de jeter l'ancre.
12:55Depuis, certains ont déjà commencé à éviter la zone pour ne pas
12:58être coincés.
13:00Une catastrophe pour les locaux, notamment pour l'équipage de ce
13:04navire ravitailleur et pour son capitaine, Abraham Apollo.
13:10Flamenco signal, Flamenco signal, demande d'autorisation de jeter
13:14l'ancre pour procéder au ravitaillement du Carina.
13:20Le bateau qu'il doit fournir en carburant, le voici, le Carina,
13:25un pétrolier qui peut transporter 54 000 tonnes de brutes.
13:29Approchez-vous.
13:32Il est en provenance de Corée et à destination du Texas.
13:37Il vient d'arriver à l'entrée du canal et profite de cette
13:40escale forcée pour faire le plein de diesel marin.
13:46Le ravitaillement des bateaux de passage était devenu la
13:48spécialité du Panama.
13:50Mais aujourd'hui, l'activité est sévèrement touchée à cause
13:54des restrictions.
13:55En réalité, nous sommes une sorte de station essence sur la mer.
14:01À l'heure actuelle, nous ravitaillons très peu de bateaux.
14:04Il y a dix ans, nous pouvions approvisionner une quarantaine
14:06de bateaux par mois.
14:10Là, maintenant, à peine une douzaine par mois.
14:19S'il continue de ne pas pleuvoir au Panama, il est évident
14:23que le trafic entre les deux océans va être affecté.
14:27En d'autres termes, moins il y a de bateaux, moins nous
14:30aurons d'activité.
14:32Le commerce maritime est trop instable.
14:38Le trafic maritime déteste l'incertitude.
14:42De plus en plus de bateaux préfèrent faire l'impasse sur
14:44le canal et sur le Panama, quitte à faire un immense détour,
14:49descendre le long du Chili, passer par le détroit
14:52de Magellan, puis remonter la côte orientale du continent.
14:57Pour les plus pressés, il y a tout de même une solution.
15:01L'autorité du canal propose des ventes aux enchères pour acheter
15:04des créneaux de passage en urgence.
15:10Les ventes aux enchères ont toujours existé.
15:13Seulement aujourd'hui, la demande est très forte.
15:15Alors, les prix ont explosé sous l'impulsion des clients.
15:19Et nous voyons aujourd'hui des niveaux de prix
15:21totalement inédits.
15:23Il y a quelques semaines, un bateau a payé pour son passage
15:27la somme record de 4 millions de dollars.
15:3240 fois le tarif normal.
15:36Mais le Panama n'est pas uniquement un nœud de circulation
15:39pour les marchandises.
15:41C'est aussi l'unique route qu'empruntent des milliers
15:43de migrants chaque année.
15:45Ils traversent le Panama, puis encore cinq pays avec
15:49un objectif, atteindre l'Eldorado américain.
15:53À la frontière avec la Colombie, ils arrivent par milliers
15:59tous les jours, envahissant les stations balnéaires locales.
16:05Aujourd'hui, les migrants sont tellement nombreux qu'un
16:08incroyable business s'est développé autour d'eux.
16:13À l'image de l'échoppe d'Eric, on a beau être au bord
16:16de la mer, son petit commerce de fortune ne vend pas de palmes
16:19ou de crème solaire, mais du matériel de randonnée.
16:25Ça fait deux dollars, je te rends la monnaie en pesos.
16:29Alors, qu'est ce qu'il se vend ici?
16:31Je vends tout ce qui concerne les équipements pour la jungle.
16:34Réchaud à gaz, tente, bottes en caoutchouc,
16:36pantalons en lycra.
16:37Des pantalons en lycra?
16:39Oui, parce qu'il y a des rivières et des cascades et le lycra
16:42sèche très vite.
16:44Et ça, ça s'appelle de la créoline.
16:45C'est un liquide qui sent mauvais et qui éloigne les serpents,
16:48les vipères, les scorpions.
16:49Etc.
16:52Car pour rallier les Etats-Unis, une terrible épreuve attend
16:56les candidats à l'exil.
16:57L'enfer du Darien.
17:00Au coeur de cette jungle équatoriale, aucune route,
17:04mais un chemin qui permet de passer de la Colombie au Panama
17:07avant de pouvoir rejoindre le Mexique.
17:10Le voyage peut durer jusqu'à huit jours.
17:13Tout se fait à pied.
17:16Ils sont des milliers à vouloir passer la frontière illégalement.
17:20Depuis l'année dernière, il s'agit de la route migratoire
17:23la plus empruntée et l'une des plus dangereuses au monde.
17:35Laissez vous guider dans le calme.
17:38Ici, rien n'est fait sous le manteau.
17:41Maradona, le chef des passeurs, opère à visage découvert
17:44en totale impunité.
17:47Alors, comment ça se passe?
17:50Très bien, grâce à Dieu.
17:54A l'écouter, on a presque l'impression qu'il gère
17:57un service public.
18:02On sort les migrants des plages, on les sort des rues,
18:04on les met dans un refuge.
18:06Bien sûr, on les fait payer, mais c'est modeste et
18:09accessible à tous.
18:11Ce sont aussi des êtres humains.
18:14Aucun gouvernement ne s'en occupe.
18:15Il semblerait que les migrants soient un problème pour eux.
18:18Nous, on a transformé le problème en opportunité.
18:24Allez, on y va.
18:25Maradona est membre d'un puissant groupe de
18:27narcotrafiquants, le Clan du Golfe, qui s'est arrogé
18:31toutes les prérogatives de l'État dans cette région reculée
18:35jusqu'à la construction de nombreuses maisons pour les
18:38habitants grâce à l'argent raquetté aux migrants.
18:44Tout ce que nous gagnons grâce aux migrants, nous l'investissons
18:47pour la communauté.
18:49Tout ce que vous voyez ici, ce quartier, ces maisons,
18:53c'est nous qui l'avons construit.
18:56L'État ne fait rien ici.
18:58C'est nous qui le faisons avec nos propres ressources,
19:02parce que c'est le Clan du Golfe qui gouverne ici.
19:05Ce n'est pas l'État.
19:08Les mafieux ont industrialisé le passage à cette frontière
19:13en regroupant tous les candidats au départ dans ce
19:16gigantesque camp.
19:18Une vraie petite ville avec sa police.
19:23Ici, on contrôle tous ceux qui rentrent dans le camp et tous
19:26ceux qui sortent.
19:27Venez, je vais vous montrer comment ça fonctionne.
19:31Samir, ça va ?
19:32Oui, mon commandant, tout va bien.
19:34Et même ses services financiers.
19:37Ceux qui arrivent sans argent liquide, ils peuvent appeler
19:40les proches pour emprunter et envoyer par Western Union,
19:43par exemple.
19:44Prix du billet, 350 dollars encaissés par une armée
19:50de salariés du clan.
19:52En tout, ils sont plus de 3000 à travailler sous les ordres
19:55de Maradona.
19:58L'année dernière, ce business aurait rapporté plus de 150
20:01millions de dollars aux gangs.
20:04Alors, pas question de faire crédit.
20:08Il me manque 130 dollars.
20:10J'ai appelé ma famille pour qu'ils me prêtent de l'argent,
20:12mais là bas, il y a eu trois jours de faillite.
20:14Ils ne peuvent rien m'envoyer.
20:16Je n'ai même plus de téléphone portable.
20:18J'ai dû le vendre 50 dollars pour arriver jusqu'ici.
20:23En attendant leur départ, les arrivants s'installent
20:26pour la nuit à l'abri sous cette grande structure.
20:29C'est inclus dans le forfait.
20:32La majorité sont vénézuéliens.
20:34Ils préfèrent affronter la jungle plutôt que de rester dans un
20:37pays en crise politique et économique.
20:43C'est le cas de Joanne Marie, 25 ans, avec sa mère de 65 ans
20:47et son fils Alessandro.
20:49Elle a quitté son pays il y a une semaine.
20:54Qu'est ce que vous avez dans votre sac?
20:57Des draps et des vêtements.
20:59Et ma fille a pris des médicaments.
21:02Le peu qu'elle a pu emporter.
21:05Je me suis lancée dans cette aventure sans savoir qu'il
21:07fallait amener de l'eau, des médicaments, des vêtements.
21:13Et dans un sac à moitié vide.
21:21Il ne nous reste que des bananes.
21:24On avait pris plus, mais comme on est arrivé dans le camp
21:26depuis deux jours, on a tout mangé.
21:28Les biscuits.
21:30On a épuisé toutes nos réserves.
21:31Nous n'avons plus d'argent.
21:34La famille de Joanne Marie fait partie du groupe de migrants
21:37qui part demain matin.
21:39Mais certains risquent d'être coincés plus longtemps ici.
21:42Maradona, le chef mafieux, vient d'être appelé
21:45pour une urgence.
21:46Une autre famille tente de le convaincre que leur fille est
21:49capable de faire la traversée.
21:53Ma fille a été opérée.
21:55Elle a un pacemaker, mais ça va, elle peut marcher.
22:02OK, mais le chemin, on t'a expliqué comment
22:04c'était le chemin?
22:06Oui, monsieur, mais nous voulons quand même y aller.
22:08Vous n'avez pas peur qu'il arrive quelque chose à votre fille?
22:11Oui, mais nous savons qu'elle marche bien.
22:15Elle a été opérée cette année.
22:17Elle va bien.
22:18Le traitement a bien marché et nous voulons y aller car nous
22:21n'avons plus de ressources.
22:27Moi, j'assume la responsabilité pour mes enfants et ma famille.
22:31Vous voyez, ça, c'est le côté que j'aime vraiment pas,
22:33parce qu'elle me dit qu'elle est responsable, qu'elle sait
22:35ce qu'elle fait, mais la petite non.
22:37Non, mais en Venezuela, il n'y a rien.
22:41C'est pour ça que je suis partie.
22:43Il n'y a aucun traitement pour la soigner.
22:46On ne peut même pas faire un bilan de santé.
22:49En dernier ressort, c'est Maradona qui décide et ceux
22:53là devront attendre.
22:55Mais attention, Maradona ne s'inquiète pas de la santé
22:58de la jeune fille.
23:00Il se soucie simplement de ses finances.
23:03Le problème est simple.
23:05S'il se passe quelque chose avec la fille, tu sais combien
23:07ça va me coûter.
23:09Il va falloir que je la ramène et que je lui donne
23:11des médicaments.
23:13Et c'est vraiment une petite fille.
23:16Récemment, un de mes hommes a découvert qu'un groupe était
23:18parti sans être préparé.
23:20Eh bien, il y a eu sept morts, dont quatre enfants.
23:25L'année dernière, officiellement, 48 personnes sont
23:28mortes sur le chemin ou ont été portées disparues.
23:32Assassinats par des groupes armés, attaques d'animaux
23:35sauvages, blessures accidentelles, noyades.
23:40Les risques qui menacent les voyageurs sont nombreux.
23:46Malgré cela, les candidats affluent toujours plus nombreux.
23:50La preuve le lendemain matin.
23:56Cinq heures, l'heure des premiers départs.
23:58L'image est saisissante.
24:00Ils sont près de 2000 ce jour là.
24:06L'année dernière, en tout, 500 000 personnes se sont
24:09lancées dans cet enfer.
24:12Avec la sécheresse, beaucoup sont persuadés que la traversée
24:15est plus facile.
24:17La route migratoire la plus dangereuse du monde est en train
24:20de devenir une autoroute.
24:22Sur la première partie du voyage, des hommes en t-shirt
24:25jaune qui travaillent avec le flanc du golf sont omniprésents.
24:32Reste près de moi.
24:36Joan Marie, la jeune Vénézuelienne,
24:38s'est mise en route.
24:39Elle voyage avec son fils et une douzaine de personnes
24:42originaires du même village.
24:46Leur leader, un jeune homme, s'est mis en route.
24:49Leur leader, c'est Keyma, qui prend tout de suite
24:52les choses en main.
24:54Tout le monde est là?
24:55Oui, les enfants sont là et les autres sont là.
24:57OK, on est bon.
24:58Alors on y va.
24:59Tous ensemble.
25:01Keyma n'est même pas équipé correctement.
25:04Il marche avec des sandales en plastique, mais il pense
25:07que voyager à plusieurs suffira à déjouer les pièges
25:10qui les attendent.
25:13Nous devons prendre soin les uns des autres.
25:15Les mamans, les grands-parents, les pères, les soeurs,
25:18les mamans, les grands-mères.
25:20On doit faire ce voyage ensemble.
25:23C'est seulement comme ça que nous irons vers
25:24un avenir meilleur.
25:28Ont-ils vraiment conscience de l'enfer qui les attend?
25:31Nous devons prendre soin les uns des autres.
25:34Les mamans, les grands-mères.
25:36On doit faire ce voyage ensemble.
25:39C'est seulement comme ça que nous irons vers
25:40un avenir meilleur.
25:44Ont-ils vraiment conscience de l'enfer qui les attend?
25:4862 kilomètres de marche à travers la jungle montagneuse.
25:52Une épreuve, même avec les hommes du clan du golfe,
25:55qui les escortent sur les premiers kilomètres pour
25:57assurer leur sécurité.
25:59À partir de la frontière, ils seront seuls à lutter pour
26:02leur survie face à la jungle et à ses dangers.
26:08À Panama City, c'est une autre lutte qui fait rage.
26:12Celle pour l'eau.
26:13Les grands lacs du pays ne servent pas uniquement à la
26:15circulation des bateaux.
26:17Ce sont aussi les réservoirs d'eau potable de la population.
26:21Et désormais, les deux sont en concurrence frontale.
26:25En 40 ans, la population du pays a doublé, passant de 2
26:29millions à 4 millions d'habitants.
26:32Et avec la sécheresse, le réseau de distribution ne suit plus.
26:36À tel point que dans la capitale, il manque de pression pour
26:39alimenter les quartiers périphériques.
26:41Plus on s'éloigne du centre, moins on a d'eau.
26:45C'est le cas de ce lotissement bâti sur une petite colline.
26:50Mercedes, retraitée, et sa petite fille Roselina ont beau
26:53tourner les robinets de la maison.
26:56Dans le robinet là bas, il n'y a rien.
26:58Et dans celui là, il y en a un tout petit peu.
27:01Elles n'obtiennent rien de plus que ce mince filet d'eau.
27:06Il n'y a que ça qui coule.
27:08Oui, c'est tout.
27:09Alors, à la maison, la famille rationne les réserves
27:12constituées lorsque l'eau arrive parfois avec un débit normal.
27:17On doit mettre du chlore pour désinfecter.
27:19Ma sœur m'a dit de mettre du chlore.
27:21Vous êtes déjà tombé malade?
27:23Non, grâce à Dieu.
27:24Mais il y en a qui sont tombés malades.
27:27Quant à Roselina, 7 ans, elle a déjà appris à économiser l'eau.
27:33On essaye de ne pas gaspiller l'eau quand on se lave.
27:35Pour que les autres puissent se doucher, il faut faire attention.
27:42Le pays s'est pourtant doté d'un service public de l'eau dernier cri.
27:50Ici, c'est le centre de contrôle.
27:54On surveille toutes les infrastructures du pays.
27:59Cette surveillance nous permet de faire des recherches
28:02sur les infrastructures de l'eau.
28:04Cette surveillance nous permet d'être réactifs
28:07et d'intervenir le plus rapidement possible afin que la population
28:11souffre le moins possible du manque d'eau potable.
28:17Mais cela ne suffit pas.
28:21Le Panama a dû affréter une armée de camions-citernes.
28:27Ils s'approvisionnent dans les quartiers situés à une altitude
28:29plus basse dans la ville, où l'eau arrive plus facilement.
28:34Les bornes d'incendie ont beaucoup de pression et on peut remplir
28:37le camion en quelques minutes seulement.
28:43Combien de litres vous mettez?
28:4618 000 litres.
28:47Et vous allez où?
28:48Le quartier d'Arozen.
28:50Il n'y a pas d'eau là-bas?
28:51Non, il n'y a pas d'eau là-bas.
28:57Dans le quartier de Mercedes, l'eau est transférée dans ce
29:00château d'eau qui alimente toutes les maisons.
29:02Vas-y, ouvre le robinet.
29:06Des livraisons insuffisantes et irrégulières.
29:10Tiens, là-bas, c'est le camion-citernes.
29:13Parfois, il passe même à 3 heures du matin.
29:19Vous arrivez d'où?
29:21De Berrio.
29:22On vous attendait.
29:25Ça fait plusieurs jours qu'on les attendait, car on a
29:27vraiment besoin d'eau.
29:29Mais certains quartiers sont encore moins bien lotis.
29:35Le village de Santa Clara, dans la banlieue de la capitale,
29:39se trouve à 5 kilomètres du lac Gatoun, la grande réserve
29:43d'eau du pays.
29:45Et pourtant, ici, il n'y a même pas le filet d'eau de
29:49chez Mercedes.
29:51Là, c'est fermé et là, c'est ouvert.
29:54Il n'y a rien, que dalle, à sec.
29:57À bout, les habitants ont improvisé une barricade.
30:04On veut de l'eau.
30:06Le village regroupe 3000 habitants plutôt modestes.
30:10Ils sont persuadés que c'est pour cela qu'ils passent
30:12à près des quartiers plus aisés.
30:16Ça fait 10 jours qu'on n'a pas d'eau.
30:18Vous vous rendez compte?
30:1910 jours.
30:20Tu plaisantes?
30:21Ça fait deux ans que c'est la même chose.
30:24Ils fournissent de l'eau à la ville.
30:26Mais ici, dans cette communauté, on n'a rien, pas
30:29une goutte d'eau.
30:31Regardez l'eau qu'on boit.
30:32On est obligé de la faire bouillir.
30:40On est qui pour eux?
30:41Des animaux?
30:43On a des enfants, nous, et ils ont besoin d'eau.
30:46Venez, on va vous montrer d'où vient cette eau.
30:48Regardez, on doit traverser une propriété privée.
30:57Qu'est ce qu'il se passera quand le propriétaire va fermer
30:59l'accès? Voilà, c'est l'eau que nous sommes obligés de boire.
31:09Ce n'est pas pensable pour un humain.
31:11Et regardez la profondeur, même pas la hauteur de mes mains.
31:16C'est de l'eau potable, mais à condition d'être une poule.
31:21Nous demandons au président ou à n'importe qui qui en a le
31:25pouvoir de trouver une solution pour résoudre notre problème
31:28d'eau, s'il vous plaît.
31:30La barricade n'est pas très impressionnante et pourtant pas
31:33question pour les policiers qui sont présents de la déplacer.
31:38Tout juste, ont-ils appelé un taxi pour dépanner un groupe
31:41de touristes bloqués?
31:43Ils s'énervent quand on bloque la rue parce qu'on les empêche
31:47de passer, mais eux, ils ont de l'eau et une eau qui ne les
31:51rend pas malades.
31:55Il faut dire que la question environnementale est explosive
31:57en ce moment dans le pays.
31:59Le Panama est secoué par de gigantesques manifestations.
32:03Il y a quelques semaines, un terrible drame s'est produit sur
32:06une barricade similaire à celle de Santa Clara.
32:09L'un des automobilistes bloqués s'avance vers les manifestants.
32:13La discussion s'engage, mais rapidement, ils dégainent un
32:15pistolet et tentent de dégager la route.
32:20Quelques instants plus tard, de sang froid, ils tirent sur
32:25les manifestants.
32:29Bilan de mort.
32:34La situation se tend partout dans le pays.
32:38L'eau se fait rare dans la jungle du Darien.
32:42Elle est plus précieuse que tout.
32:47Pour les prochains jours, le bien le plus essentiel de
32:50Joanne Marie et son fils Alejandro, c'est cette bonbonne
32:54en plastique, 5 litres d'eau, 5 kilos qu'elle porte à bout de bras.
33:02Tiens bon, accroche toi bien.
33:07Cela fait à peine quelques heures qu'elle est partie avec le
33:10petit groupe de Vénézuéliens.
33:16Vous vous sentez comment?
33:18Très bien, on est motivé, on va y arriver, on va y arriver.
33:24Ça fait huit mois qu'on se prépare, on est porté par Dieu.
33:31Mais évidemment, on a tous peur.
33:36Comment tu te sens? Allez, vive le Venezuela!
33:41Dans le groupe, tout le monde connaît quelqu'un qui a
33:44déjà fait ce trajet.
33:46L'ex compagnon de Joanne Marie, le père du petit Alejandro,
33:50s'est lancé dans la traversée il y a deux ans.
33:53Elle est sans nouvelles de lui depuis.
33:56Allez, allez, on avance, allez, dépêche toi.
34:01Pour cette première partie du parcours, les migrants sont
34:04sous la protection des hommes du clan du Golfe qui leur
34:07assurent une sécurité relative.
34:11Et qui se mue, parfois même en épicier.
34:22Deux bouteilles pour 5 dollars.
34:24La traversée du Darién est longue.
34:26C'est un défi énorme.
34:30Allez, allez, ne l'écoutez pas, ne vous laissez pas tenter.
34:37Dans cette jungle à 7 heures, il fait plus de 30 degrés.
34:41Mais avec le taux d'humidité élevé, on approche les
34:4450 degrés ressentis.
34:47J'en peux plus.
34:52La rivière est visiblement polluée par les déchets des
34:55migrants ou les animaux morts.
34:57Pourtant, dans le groupe de Joanne Marie, la soif l'emporte
35:01pour certains.
35:05Eh ouais, c'est l'eau de la rivière, mon gars.
35:07On n'a pas d'autre solution.
35:09Ils disent qu'il y a des microbes, des parasites, mais si
35:12on ne boit pas cette eau, on va mourir de soif.
35:17Au bout de huit heures de marche, c'est la première pause.
35:21Encore un peu, tiens, bois.
35:23Les voyageurs ne savent pas combien de temps exactement
35:26ils vont rester dans cette jungle.
35:28Alors, il faut aussi se rationner sur la nourriture.
35:32Tu rajoutes un peu de thon dans l'eau et un peu de mayonnaise.
35:35Et après, tu secoues.
35:37Vous avez quoi d'autre à manger?
35:41Juste du pain pour tout le voyage.
35:46Au Venezuela, en pleine crise économique, Joanne Marie était
35:49sans emploi pour nourrir son foyer.
35:53Elle travaillait occasionnellement comme cuisinière.
35:56Keima, le leader improvisé du petit groupe, était lui aussi
36:00au chômage.
36:02On sait tous ce que c'est d'être dans le besoin de ne pas
36:05avoir à manger le soir.
36:07C'est pour ça que nous sommes unis.
36:10Allez, tu peux marcher, mon grand.
36:14Attention, c'est profond, c'est profond.
36:20Au fil des heures, la colonne s'étire.
36:23Le rythme ralentit.
36:28Monte, monte, allez, tu peux le faire.
36:30Le groupe est désormais dans la dernière difficulté de la journée.
36:39Une ascension avec près de 1000 mètres de dénivelé.
36:45Allez, nous sommes des guerriers.
36:46Joanne Marie est à bout de force.
37:06Il faut que tu fasses un effort, tu vas y arriver.
37:08Ça, ce n'est rien à côté de ce qu'on subit au Venezuela.
37:11Alors, on peut y arriver.
37:17On m'avait dit que c'était difficile, mais je ne pensais pas autant.
37:32Quelques instants plus tard, c'est pourtant Keyma, le chef, qui va lâcher.
37:41J'ai une crampe.
37:44Je ne peux pas m'asseoir.
37:46Je ne peux même pas me redresser.
37:49Difficile de continuer ainsi.
37:54Le groupe décide de partager un porteur pour la fin de l'ascension.
37:57Un des fameux t-shirts jaunes qui travaille avec le clan du golf.
38:02Ce sac et celui là pour 20 dollars et les trois sacs pour 25 dollars.
38:13On n'a pas le choix, on doit avancer.
38:16Et on va y arriver.
38:22Pour vous, plus la route est difficile, plus le commerce est bon.
38:27Oui, évidemment.
38:29Des fois, on peut se faire 50 ou 80 dollars dans la journée.
38:32D'autres fois, rien du tout.
38:36Le porteur doit reverser la moitié de ses gains au clan du golf.
38:40Pas de petits profits pour les mafieux et c'est pas trop lourd.
38:43Non, je peux en prendre encore trois.
38:46Même ainsi, la dernière heure de la montée est un calvaire.
38:59Mission accomplie, les amis.
39:04La frontière du Panama est son drapeau.
39:06Et plus loin, le Costa Rica, le Honduras, le Nicaragua et bien sûr, les Etats-Unis.
39:24Pourquoi tu fais tout ça pour mon fils et c'est quoi ton rêve?
39:30Avoir une maison à moi.
39:32Pourtant, Keima est inquiet à partir de la frontière.
39:39Les voyageurs ne sont plus sous la relative protection du clan du golf.
39:44Le meneur redoute une attaque d'un des groupes armés qui s'en prend régulièrement aux migrants.
39:51Les risques sont plus importants maintenant.
39:53On peut se faire dévaliser.
39:55Les femmes peuvent se faire violer ou abuser sexuellement.
39:58Mais dans mon groupe et avec tous ceux qui veulent se joindre à nous, nous allons nous protéger les uns les autres en faisant bloc jusqu'à ce qu'on arrive.
40:10D'autant qu'au soir de la première journée, le petit groupe est désormais isolé dans leur bivouac de fortune au milieu de nulle part.
40:32Keima cherche pourtant à rester positif.
40:37Comment je vois l'avenir?
40:39Je me vois atteindre l'Amérique de manière triomphante pour commencer à travailler.
40:44On pourra enfin soutenir nos familles, rester au Vénézuela et leur envoyer un peu d'argent pour qu'ils puissent vivre correctement.
40:51Mais avant cela, il va falloir affronter les éléments.
40:57L'orage menace.
40:59L'eau, qui était un précieux allié jusqu'à présent, va devenir leur pire ennemi pour la dernière étape.
41:08Tout quitter en quête d'un avenir meilleur, c'est aussi ce qui attend une communauté entière de Panaméens.
41:16Ils vivent sur la côte caraïbe du pays, l'archipel des San Blas, 365 îlots coralliens.
41:25Côté pile, c'est une destination touristique prisée pour ces îlots paradisiaques.
41:33Côté face, ces habitants seront parmi les premiers réfugiés climatiques au monde.
41:39Leurs îles sont en train de couler.
41:43La montée des eaux menace directement leurs habitations, toutes construites à quelques centimètres du niveau de la mer.
41:49D'après les scientifiques, d'ici 20 ans, l'île aura été engloutie.
41:55Malgré le risque avéré, des habitants résistent, comme Edilmar Fernandez, 65 ans.
42:03Pour protéger sa maison des éléments, le vieil homme lutte avec les moyens du bord.
42:09Avec cette barre de fer, il arrache des morceaux de corail du récif qui entoure son île.
42:17Mes grands-parents utilisaient déjà le corail pour protéger l'île, et pas seulement celle-ci.
42:25Dans toutes les îles, on utilise cette méthode.
42:38Et plus les blocs sont gros, plus Edilmar est content.
42:47Les gros coraux remplissent beaucoup plus rapidement les terrains, et ensuite, on comble avec des petits coraux.
42:54Le patriarche réalise jusqu'à trois sorties par jour, en espérant que l'océan ne vienne pas manger sa maison.
43:08Pendant les grandes marées, l'eau monte au-dessus du mur.
43:13S'il n'est pas solide, il risque de tomber.
43:16Et je devrais recommencer.
43:18Et je n'ai pas envie de le refaire à chaque fois.
43:22Il faut une base solide et rajouter des pierres constamment.
43:27Mais vous pensez que ça va tenir ?
43:29Oui, bien sûr.
43:31Mais il faut que l'eau soit solide.
43:34Mais vous pensez que ça va tenir ?
43:36Oui, bien sûr.
43:38Malgré cela, Edilmar veut rester sur son île.
43:40Les indiens Kunas qui peuplent l'archipel sont les descendants des populations autochtones du Panama,
43:50qui ont fui l'arrivée des conquistadors il y a 500 ans.
43:52Aujourd'hui, ils vivent principalement de la pêche.
43:54Leur isolement leur a permis de garder une importante culture commune en termes d'artisanat.
44:03Mais aussi de médecine traditionnelle.
44:07Viens ici, mon fils.
44:09Je suis en train de faire un médicament pour ta femme pour que sa grossesse se passe bien.
44:20Sur l'île, le confort est sommaire.
44:22Pas d'électricité ni d'eau courante.
44:24Et Edilmar habite ici avec ses quatre enfants et ses huit petits-enfants.
44:30Ça, c'est mon autre fils.
44:32C'est mon bébé.
44:40Et ça, c'est ma fille.
44:42Moi, j'ai deux filles et deux garçons.
44:45Quatorze personnes pour 45 mètres carrés.
44:51Comme nous, de nombreuses familles n'ont plus assez de chambres pour tout le monde.
44:55Dans les chambres, on ressemble à des sardines en boîte.
45:00La seule solution, c'est que certains d'entre nous s'en aillent.
45:05La seule solution, c'est de quitter l'île.
45:11C'est lui qui va devoir partir.
45:13On n'a plus de place.
45:15Contrairement aux anciens, la nouvelle génération ne s'accroche pas à l'archipel.
45:22Ils mangent tout ce qu'on lui donne.
45:24D'autant que l'état panaméen leur propose une autre solution.
45:28Partir vivre sur le continent.
45:31Joseph, le fils d'Edilmar, va donc faire partie des premiers habitants à être relogés sur la terre ferme.
45:45Aujourd'hui, avec son taxi maritime, il emmène Atencio Lopez, l'un des chefs coutumiers de l'île,
45:51faire un point sur les travaux d'aménagement du futur village.
45:5520 minutes de bateau et au bout d'une piste en terre de 15 kilomètres,
46:01la promesse d'une maison qui ne prend pas l'eau dans ce lotissement d'une centaine d'habitations construites par le gouvernement.
46:10Mauvaise nouvelle pour les familles.
46:12Les travaux ont pris du retard.
46:15Elles ne pourront pas s'installer avant plusieurs semaines.
46:20Pas de quoi refroidir Joseph.
46:25Voilà, c'est ma future maison.
46:29Une belle maison.
46:32Là, on a une chambre.
46:35Pour la première fois de sa vie, il va même se retrouver avec une chambre en trop.
46:42Et là, une deuxième chambre.
46:45Comme il y en a deux, je pourrais peut-être faire venir ma petite sœur.
46:52Électricité, sanitaire moderne.
46:55Rien de tout cela n'est sur son île.
46:58Mais pour Joseph, le luxe est ailleurs.
47:02Ce qui est bien, c'est qu'on a un terrain ici.
47:05Tout ça.
47:08On va avoir un grand terrain pour pouvoir construire une autre maison.
47:15On peut construire une autre maison, agrandir avec des étages.
47:19On a le droit à un étage supplémentaire.
47:22Deux étages, on ne pourra pas.
47:25Ils nous ont dit qu'on ne pourrait faire qu'un seul étage supplémentaire.
47:30Atencio, le chef coutumier, lui aussi a décidé de venir s'installer ici.
47:35Pour montrer l'exemple à ceux de sa génération qui ne veulent pas quitter leur île.
47:42Les gens de ma génération ont peur que l'on devienne comme ceux de la capitale.
47:47Il va falloir adapter le style de vie que nous avions sur l'océan à la terre ferme.
47:55Enfin, c'est ce que je pense.
47:58Reste une inquiétude pour le chef du village.
48:02Le gouvernement a promis l'eau courante.
48:05Mais avec la sécheresse, Atencio n'est pas sûr que les robinets fonctionnent correctement.
48:11Le problème, ça va être la saison sèche.
48:14C'est sûr qu'on va avoir un problème.
48:17On va devoir aller chercher l'eau dans la rivière.
48:20Je pense que nous allons devoir faire attention.
48:23Il va falloir qu'on achète des bidons.
48:26Et qu'on fasse des réserves et nous entraider avec toutes les familles.
48:33Dans quelques semaines, plus de 50 familles vont venir s'installer ici.
48:38Atencio se donne 3 mois pour en convaincre 50 de plus.
48:50Dans la jungle du Darien, le petit groupe de Keima se réveille après sa deuxième nuit en bivouac.
48:58Joan Marie, la jeune vénézuélienne, s'occupe de son neveu avant de se remettre en marche.
49:04Tu peux me passer le pain ?
49:07Et l'eau aussi.
49:10La nuit s'est bien passée ?
49:13Vous vous sentez comment ?
49:16Très bien.
49:19Joan Marie a le sourire.
49:22Hier, le groupe a encore marché toute la journée sans faire de mauvaises rencontres.
49:28Et si tout va bien, ils arriveront à destination ce soir.
49:32Les amis, nous allons faire une petite prière.
49:35Pour que Dieu nous guide jusqu'à la sortie de cette forêt.
49:39Seigneur, guide-nous, protège chacun d'entre nous et nos amis vénézuéliens.
49:45Seigneur, nous te demandons la force et le courage pour continuer à avancer avec nos jambes.
49:55Pendant que certains bouclent leurs sacs à dos,
49:58d'autres, épuisés, se débarrassent de tout ce qui n'est plus vital pour moins souffrir sur la fin du trajet.
50:07C'est le sac qui m'a fait ça.
50:10Et en plus, je dois porter ma fille. C'est trop lourd.
50:13Tu as jeté beaucoup de choses ?
50:15J'ai tout jeté. Mon sac, les habits, les chaussures.
50:18J'ai tout jeté, même la nourriture, le thon. Je n'ai plus rien.
50:28Ils arrivent à peine.
50:31Pas d'ascension aujourd'hui.
50:33Le groupe va principalement avancer dans le lit de cette rivière ou sur ses rives immédiates.
50:41Keima est plus soucieux, car la pluie a fait son apparition.
50:48Il y a beaucoup de rochers et ils sont difficiles à franchir.
50:52Ça glisse et on peut tomber dans le ravin.
50:56Mais surtout, il craint que le courant de la rivière ne devienne trop fort à cause des précipitations.
51:02Dépêchons-nous avant que la rivière ne grossisse.
51:15Ça continue d'augmenter.
51:17Quand il pleut, tout le lit de la rivière se remplit.
51:21C'est pour ça que je leur dis de marcher vite.
51:26Sous l'impulsion de Keima, le groupe presse le pas.
51:30Mais avec ce débit, accélérer est risqué.
51:36Qu'est-ce qui s'est passé ?
51:38Ça va ?
51:39J'ai glissé.
51:46C'est ici que tu as mal ?
51:48Oui, c'est là.
51:50Aide-moi à mettre ma sandale.
51:58J'ai eu une crampe et j'ai glissé sur le rocher.
52:04Malgré sa blessure, Keima parvient à marcher.
52:09Gagnant de la pluie, Keima ne peut plus marcher.
52:13Il ne peut plus marcher.
52:15Malgré sa blessure, Keima parvient à marcher.
52:19Galvanisé par la proximité de l'arrivée.
52:23Et finalement, le groupe parvient enfin au bout de son voyage.
52:35C'est une victoire, une réussite.
52:39On est là, épuisés, mais heureux.
52:43Derrière lui, ses amis arrivent en ordre dispersé.
52:50C'est un vrai soulagement d'être là.
52:52J'y suis arrivée.
52:55En tout, Joan-Marie et ses compagnons auront parcouru 62 km en 36 heures de marche forcée.
53:07C'est 20 dollars le passage ?
53:09Mais vous êtes combien de personnes ?
53:1115.
53:12Nous devons encore payer pour pouvoir traverser.
53:17Et il y a beaucoup de gens qui n'ont plus les moyens de payer.
53:23C'est ça la réalité du monde dans lequel on vit.
53:30Ces pirogues les emmènent au camp d'accueil que le Panama a installé à la sortie de la jungle.
53:37En route pour l'Amérique !
53:39Quelques heures de repos et ils reprendront leur voyage vers les Etats-Unis.
53:49Le gouvernement ne veut pas d'eux ici de toute façon.
53:53Il a mis en place un système de bus pour les acheminer sans escale vers le pays suivant, le Costa Rica.
54:01Quant au canal, le Panama veut éviter à tout prix que cette route commerciale ne soit abandonnée par les compagnies maritimes.
54:09Cette année, le manque à gagner est déjà de 700 millions d'euros de recettes fiscales.
54:14La solution, le bon vieux train qui vient au secours des plus gros portes conteneurs.
54:22Je vais vous donner un exemple.
54:24Si un bateau arrive avec 5000 conteneurs et qu'il ne peut pas passer parce qu'il risque de toucher le fond,
54:29on va en décharger 1000 pour l'alléger.
54:31Et ces 1000 conteneurs vont être transportés par le train.
54:35Le navire ainsi allégé peut s'aventurer dans le canal sans risquer de s'échouer.
54:42A l'autre bout, il récupère ses conteneurs.
54:48Il y a de plus en plus de conteneurs.
54:52De nouveaux navires utilisent le train maintenant.
54:57Et c'est le plus souvent du transport de produits réfrigérés.
55:01Les principaux clients pour l'instant, les transporteurs de produits périssables.
55:07Ceux qui n'ont pas le temps de descendre jusqu'au détroit de Magellan.
55:11Mais le Panama voudrait proposer ce système à d'autres types de marchandises.
55:16Une sorte de canal sec.
55:18Un bateau pose de la marchandise d'un côté, un autre la recharge de l'autre côté.
55:24Une manière d'être moins exposée aux risques climatiques
55:27qui risque de bouleverser le commerce mondial dans les prochaines années.
55:30Mais aussi de garder pour sa population le minimum vital en eau potable.
55:37Voilà, c'est la fin de cette émission.
55:39Rendez-vous la semaine prochaine pour un nouveau document d'enquête exclusive.
55:43La semaine prochaine, Enquête Exclusive vous emmène au cœur de l'agriculture américaine.
55:47Un business XXL qui nourrit le monde entier.
55:50On est fiers de nourrir toute l'Amérique et la Terre entière.
55:55Mot d'ordre, productivité et rentabilité.
55:58A l'image des fameux feedblots, ces gigantesques parcs d'engraissement pour bovins.
56:03Il faut qu'elles mangent tout le temps, qu'elles soient super remplies.
56:06Le poids paye la facture.
56:08Des animaux dopés aux hormones de croissance qui font la fortune des géants de l'agroalimentaire.
56:14On dirait beaucoup de marques différentes.
56:16Mais en réalité, c'est toujours la même enseigne.
56:20Tout est bon pour produire toujours plus.
56:25Comme vous pouvez voir, les champs s'étalent jusqu'aux montagnes.
56:29Quitte à effuser les réserves d'eau destinées aux habitants.
56:33L'eau qu'il pompe pendant 5 minutes équivaut à ce que nous consommons en un an.
56:38L'industrie agricole est un marché à plusieurs milliards de dollars.
56:41Avec ses chaux grandioses.
56:43C'est comme à Disneyland, tu fais la queue et t'attends ton tour pour monter sur le tracteur.
56:48Mais ces exploitations démesurées ne sont pas sans conséquences pour l'environnement et les riverains.
56:53Ça pue tellement que ça prend à la gorge.
56:56Depuis qu'elle usine est là, 5 personnes sont mortes de cancer dans la même communauté.
57:01Agriculture aux Etats-Unis.
57:03Enquête au royaume de la malbouffe.
57:05C'est dimanche prochain à 23h dans Enquête Exclusive.