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Le premier tour des législatives se déroule dans 3 jours. Pierre Fagnart revient sur les enjeux de ces élections avec Marine Buisson, Cheffe du pôle Idées, et Joëlle Meskens, Envoyée permanente à Paris pour le Soir.

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Transcription
00:00Le 9 juin dernier, le président français Emmanuel Macron annonçait la dissolution
00:04de l'Assemblée nationale et donc la tenue d'élections législatives anticipées.
00:08Une annonce surprise et étonnante, c'est un véritable coup de poker de la part d'Emmanuel
00:13Macron.
00:14Et le premier tour de ces élections législatives, c'est ce dimanche.
00:17Le soir, repensons notre quotidien.
00:21Et pour nous exposer les enjeux, pour nous donner les clés pour comprendre, on est avec
00:25Marine Buisson, la chef du Poli des Bonjour Marine.
00:28Bonjour Pierre.
00:29On est également depuis Paris avec Joël Mesquens, notre envoyée permanente dans la
00:33capitale française.
00:34Bonjour Joël.
00:35Bonjour Pierre.
00:36Bonjour Marine.
00:37Et c'est avec vous que je vais commencer, Joël, une question d'ambiance.
00:40D'abord, on se sent comment en France, trois semaines après l'annonce d'Emmanuel Macron,
00:46on parle parfois d'un chaos politique possible, est-ce qu'il transpire sur le moral des
00:50Français ?
00:51Oui, c'est une évidence.
00:53Il y a eu une énorme tension en France ces jours-ci, un sentiment mêlé d'appréhension,
01:00de colère, d'incompréhension par rapport à cette dissolution, dont il faut bien dire
01:04que personne ne l'attendait, ne l'attendait en tout cas en cette période-ci.
01:08On avait parlé d'un blocage possible de l'Assemblée nationale à l'automne prochain,
01:12au moment de l'examen du projet de loi de finances.
01:15Là, l'opposition avait l'intention de déposer une motion de censure, donc on s'attendait
01:19à des choses à cette époque-là, mais en tout cas, pas maintenant, pas comme cela,
01:25pas à quelques semaines des Jeux olympiques qui seront un rendez-vous, évidemment, essentiel
01:30pour la nation.
01:31Joël, le risque, très concrètement, c'est un score fleuve de l'extrême droite, un score
01:35fleuve du Rassemblement national.
01:37Il y a certains sondages qui parlent même d'une majorité absolue pour eux à l'Assemblée.
01:42Oui, j'avais encore des sondages en ligne aujourd'hui, le scénario de la majorité
01:48absolue est possible, ce n'est pas le plus probable, me disent-ils, le plus probable
01:52c'est qu'il y ait une très large majorité relative et donc l'hypothèse aussi d'une
01:57majorité absolue, mais dans tous les cas, le scénario effectivement privilégié serait
02:01celui, parce que même en cas de majorité relative du Rassemblement national, ce serait
02:06une très forte majorité relative, donc on s'oriente, avec évidemment la prudence qui
02:12est nécessaire en cette période, mais on s'oriente vers le scénario privilégié d'une
02:17cohabitation avec le Rassemblement national.
02:19Une cohabitation entre Emmanuel Macron et Jordane Bardella, à ce moment-là, qui serait
02:24sans doute le Premier ministre.
02:26On a une idée de à quoi pourrait ressembler cette cohabitation ?
02:29La cohabitation, oui, on en a déjà une idée, elle serait extrêmement tendue, ce n'est
02:35pas la première fois qu'on a des cohabitations en France, ça s'est produit trois fois,
02:39deux fois, une fois avec François Mitterrand, une fois avec Jacques Chirac et une fois avec
02:48Lionel Jospin à Matignon, mais c'était toujours des cohabitations, on va dire, de courtoisie,
02:54c'était deux camps républicains qui s'affrontaient certes politiquement, mais qui se rejoignaient
02:58sur les valeurs essentielles républicaines françaises.
03:02Là, pour la première fois, on serait en cohabitation avec un parti qui est hors du
03:06champ habituel du débat politique en France et cette cohabitation s'annonce d'ores et
03:11déjà extrêmement conflictuelle, dans la mesure où dès à présent le vote n'a pas
03:14encore eu lieu et Marine Le Pen a déjà passé à l'offensive en disant que la défense,
03:20donc un domaine extrêmement stratégique, le domaine de la défense n'était pas le
03:23domaine réservé du président de la République et que finalement la défense pour le président
03:28de la République ce n'était qu'une fonction honorifique.
03:30Marine, Joël parlait d'un parti en dehors des cadres traditionnels, vous vous êtes
03:35penchée sur le programme, sur les propositions du Rassemblement National, concrètement c'est
03:40quoi leurs grandes lignes ?
03:41Jordan Bardella a présenté le programme du parti le 24 juin, c'était très très
03:47très attendu parce qu'ils avaient aussi cultivé le flou, en fait, tout simplement
03:51parce qu'il n'y avait pas vraiment de fonds encore à ce programme-là.
03:55Il n'y a pas eu d'annonce particulièrement surprise, ils creusent leur sillon identitaire,
04:03avec des priorités comme la sécurité, la migration, aussi le pouvoir d'achat.
04:08Ce qu'il faut bien se dire c'est que le socle du programme du Rassemblement National
04:13c'est la préférence nationale, donc ça veut dire qu'on met en place un système
04:19qui privilégie les Français nés en France et encore même ça, le concept qu'ils avancent
04:24est très très flou, être français ça ne veut pas dire la même chose même au sein
04:27du Rassemblement National, donc en fait on a un concept de préférence nationale qui
04:32va être le socle du programme du parti et qui est aussi le cœur de ce parti-là et
04:39ce qu'ils défendent.
04:40Ils ont quand même passé beaucoup de temps à faire des revirements sur certaines mesures,
04:46on a parlé des retraites par exemple, rien n'est très très clair, donc en fait pour
04:51eux c'est quand même assez positif que la campagne ait été courte parce que ça évite
04:57justement de rentrer trop dans le détail de leurs propositions qui restent peu claires.
05:02Oui, on a vu aussi un Jordan Bardel, pas toujours extrêmement à l'aise dans les débats
05:06télévisés dans lesquels il était face à ses adversaires potentiels.
05:12Joël, en face justement, les parties gauches se sont mis d'accord dans une alliance presque
05:18historique ?
05:19Oui, on avait déjà vu une alliance se former très rapidement au lendemain des élections
05:26de 2022, la NUPES, cette fois ça s'est fait encore plus vite et sur un seul ciment
05:32qui est celui de faire barrage à l'extrême droite.
05:35C'est à peu près la seule chose qui unit encore cette gauche qui est extrêmement différente.
05:39Finalement, toutes les forces de gauche, donc la France Insoumise, le Parti Socialiste,
05:44les écologistes et les communistes, se sont mis d'accord sur un programme commun mais
05:48en réalité tout le volet économique est celui prôné depuis longtemps par la France
05:53Insoumise et on va dire que sur les valeurs, en revanche, c'est le Parti Socialiste qui
05:56a gagné avec un soutien indéfectible à l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie
06:04et une condamnation ferme de l'antisémitisme.
06:06Mais pour le reste, évidemment, ces parties sont extrêmement divisées.
06:12La seule chose qui les motive pour l'instant, c'est de faire barrage à l'extrême droite
06:16et donc ce cartel électoral, c'est-à-dire présenter des candidatures uniques dans les
06:21circonscriptions, est très efficace sur le terrain, c'est ce qui leur avait permis
06:26de sauver une délégation importante au Parlement lors des élections de 2022.
06:31Et entre les deux, entre ce nouveau Front Populaire et entre le Rassemblement National,
06:36il y a le parti d'Emmanuel Macron qui, on a l'impression, essaye presque juste de garder
06:40la tête haute, juste d'encore exister à l'Assemblée ?
06:43Alors il y a deux choses qui sont, l'Assemblée n'existe plus, les discours, donc les députés
06:48sont maintenant des ex-députés, mais il y a deux choses qui sont très différentes.
06:51Il y a Emmanuel Macron, dont on ne parle quasiment plus dans la majorité, c'est très frappant,
06:56et il y a la majorité.
06:58Alors Emmanuel Macron, lui, il est sur sa propre stratégie qui est celle de dramatiser au maximum
07:03ses élections, avec un risque d'ailleurs très important, parce qu'il est allé jusqu'à parler
07:08de risque de guerre civile en cas de victoire des extrêmes, qu'il renvoie dos à dos.
07:13Donc ça, c'est la stratégie d'Emmanuel Macron.
07:15Et puis, il y a la stratégie de sa majorité, ou de son ancienne majorité, il faudrait-il dire.
07:20Celle-là, elle est déjà dans une situation très différente.
07:24Ils imaginent déjà l'après, et on peut imaginer que le 7 juillet, les couteaux seront tirés.
07:30Ils sont déjà d'ailleurs bien sortis de leurs étuis.
07:35Tout le monde commence un petit peu à reprocher ouvertement à Emmanuel Macron cette dissolution,
07:41et à envisager d'autres choses.
07:43Édouard Philippe a déjà dit qu'il a tué la majorité, et réfléchi à l'après,
07:48c'est-à-dire à une sorte de grande coalition à l'allemande ou à la belge,
07:52qui réunirait les partis modérés du Parti socialiste au Parti des Républicains,
07:57canal historique on va dire, pas le canal sciotti.
08:00Mais on voit mal comment cette stratégie pourrait fonctionner aujourd'hui dans le climat actuel,
08:05alors qu'en fin de compte, c'est celle qui est tentée depuis sept ans,
08:08et même surtout depuis deux ans, depuis que la majorité macroniste est relative,
08:12et qui jusqu'ici n'a pas abouti.
08:14Pour ce premier tour, Marine comme Joël, l'une comme l'autre,
08:17à quoi est-ce que d'après vous il faudrait être particulièrement attentif ?
08:20Aux possibilités triangulaires, au score du Rassemblement national, au score d'Emmanuel Macron ?
08:24Moi je crois qu'on a un peu tendance à oublier,
08:27et quand je dis on, les politiques ont leur responsabilité là-dedans,
08:33c'est que ce sont des élections législatives, donc c'est 577 circonscriptions,
08:39et donc on a des enjeux qui sont quand même des enjeux locaux,
08:42on n'est pas là pour élire un premier ministre.
08:45Donc je pense qu'il y a certains résultats dans certaines circonscriptions
08:50qui vont nous étonner, et qui méritent notre étonnement,
08:53parce qu'il y a des réalités locales, on a oublié que c'était des élections législatives,
08:56et je pense que ça c'est quelque chose auquel il faut rester attentif,
09:00tout comme pour moi le chiffre de la participation va être important aussi,
09:05on a un engouement qui est différent, mais on y reviendra.
09:10On va y revenir dans un instant.
09:11Joël, d'après vous, juste la chose à retenir au soir du premier tour, dimanche soir ?
09:17Ce sera le score des macronistes dès le premier tour,
09:22parce qu'effectivement l'hypothèse qui est très plausible,
09:26c'est qu'une grande majorité, la majorité présidentielle, disparaisse dès le premier tour.
09:32La seule chose en effet qui pourrait les sauver, c'est une mobilisation très importante,
09:36et c'est un peu technique, mais plus la mobilisation va être importante,
09:40plus la possibilité de se qualifier pour le second tour dans des triangulaires est importante.
09:44Donc ils pourraient sauver leur place au moins au deuxième tour grâce à une forte mobilisation.
09:49Mais je nuancerais un peu par rapport à ce qu'a dit Marine
09:52sur la dimension nationale et les 577 circonscriptions.
09:56Certes, ce sont 577 circonscriptions locales,
09:59mais il y a une dimension presque présidentielle, je dirais, à cette élection.
10:04Ça peut paraître paradoxal, mais c'est une élection à l'enjeu tellement immense
10:10que cette élection représente, si vous voulez, une bascule pour la vie des Français
10:15et même la vie des Européens, la vie quotidienne.
10:18Et donc c'est une élection qui est pour cela nationale,
10:21c'est-à-dire que le programme économique va changer, l'éducation va changer,
10:26la politique étrangère va changer, la sécurité va changer,
10:29la dimension évidemment de priorité nationale,
10:33cœur d'ADN du Rassemblement national.
10:37Donc il y a ces dimensions historiques, on va dire,
10:39qui ressemblent paradoxalement à une élection présidentielle.
10:43Et dans cette élection présidentielle paradoxale,
10:45où le président finalement n'aura plus qu'un mandat démonétisé,
10:50c'est le Premier ministre qui va jouer le rôle presque de nouveau chef de l'État.
10:54Juste pour terminer, vous l'évoquiez Marine,
10:57en général les scrutins français ne brillent pas vraiment
11:00par un taux de participation élevé.
11:02Là, avec la possibilité, l'enjeu du barrage à l'extrême droite,
11:06on sent qu'il y a un mouvement de participation
11:09qui est un peu plus important que d'habitude.
11:10Donc le dernier sondage, les derniers chiffres dont on dispose,
11:14donc c'est la Fondation Jean Jaurès et l'Institut Montaigne
11:16qui ont sorti ces chiffres aujourd'hui,
11:19il y a 63% des Français qui se disent certains d'aller voter.
11:23Donc pour des élections législatives, c'est élevé clairement.
11:27En 2022, par exemple, ils étaient 48% à dire qu'ils allaient aller voter.
11:32Donc il y a un effet, un peu de sidération provoquée par l'annonce de dissolution.
11:38Et d'ailleurs, il y a 81% des électeurs français qui se disent intéressés par le scrutin.
11:43Donc c'est des chiffres importants et qui vont avoir leur poids,
11:46à mon avis, dans les urnes dimanche.
11:48Et des chiffres auxquels on sera évidemment très attentif dès ce dimanche soir.
11:52Toutes les analyses des résultats de ces législatives
11:54se sera évidemment à suivre sur le site du Soir et son application.

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