Le monde de la culture se mobilise au festival d'Avignon: une "Nuit contre l'extrême droite" est organisée ce jeudi 4 juillet. Le rappeur JoeyStarr est l'un des participants à une lecture de poèmes antiracistes. Il raconte au micro de BFMTV son engagement contre l'extrême-droite.
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00:00Bonsoir Joestar, merci beaucoup d'être avec nous, d'autant que vous arrivez à peine en fait là, vous arrivez de Paris, c'était déjà un rassemblement Place de la République, de ce que j'ai vu...
00:09J'habite à côté, oui, donc voilà, je me devais y être aussi quoi.
00:13Ouais, c'était déjà important d'être là, et c'est important donc, ce soir, vous venez pour lire quel texte vous allez nous dire ? C'est Black Label de Léon Gontrandama, c'est un autre texte de Soliman Diamanka.
00:25Et alors pourquoi ce texte-là ? Pourquoi est-ce qu'il résonne particulièrement avec ce qu'on vit aujourd'hui ?
00:29Déjà, avec David Bobé, on a monté une pièce qui s'appelle Black Label, et qui est une pièce contre le racisme, une pièce qui a un appel au mémoriel, justement, pour rappeler qu'il y a une situation qui arrive de loin et qu'on ne se doit pas de faire perdurer.
00:49L'idée c'est justement d'établir sur le passé pour construire l'avenir, aujourd'hui même.
00:58Ce sont des poèmes anti-racisme ?
01:01C'est une lecture avec plusieurs poèmes d'afro-descendants, entre autres, de plusieurs époques, oui.
01:05Et en quoi, peut-être, est-ce que vous avez peut-être, je ne sais pas, une ligne en tête ou pas, mais qui ferait écho avec ce qu'on vit particulièrement ?
01:12Non, mais ce que je veux surtout dire, en fait, c'est que moi, je suis là parce que j'avais envie, je suis très ému, et du coup j'ai ma contemporanité qui a envie de s'exprimer.
01:25Vous avez fait écouter un titre d'NTM auparavant, nous ça fait longtemps qu'on a cette crainte-là avec le Front National,
01:33et que ces gens qui sont pour nous, enfin nous on l'a toujours vu comme ça, qui sont pour la guerre des mondes, prennent le pouvoir,
01:42et puis s'approprient aussi autant le passé que la douleur des gens, et ainsi de suite.
01:51Donc voilà, je me dois d'être là, comme je l'ai toujours fait, en fait.
01:55Il y a 18 ans maintenant, parce que mon fils a 18 ans, on avait monté aussi un collectif avec, entre autres, Olivier Beurzenau,
02:02qui s'appelait Devoir de mémoire, pour inciter les jeunes à aller s'inscrire sur les listes, à s'inscrire aussi dans la vie citoyenne.
02:09Donc voilà, et on constate aujourd'hui que ce n'est toujours pas le cas, c'est aussi pour ça que ces gens font ce score-là.
02:15Mais c'est ce que vous venez, on a entendu Noir et Blanc, et dans Plus jamais ça aussi en 95, vous disiez, on en est toujours là,
02:23est-ce qu'on est toujours là de ce retour au même schéma ? Est-ce qu'on est toujours là ? Est-ce que vous êtes toujours là ?
02:29Vous êtes ému, on l'a entendu, est-ce que vous êtes toujours là de ce retour au même schéma ?
02:32Bien sûr que oui, mais justement, cette espèce de récurrence, je ne dirais plus là, je suis plutôt écuré, déçu,
02:43mais comme j'ai des enfants, je me dois de continuer le combat au possible, de me poser en tant qu'individu, poser ma voix,
02:56et puis comme je ne sais pas faire autre chose que ce que j'ai, là pour l'heure, ça tombe pile poil, c'est-à-dire qu'on a toujours été sur...
03:05Non mais de toute façon, comment dire, je le redis, ces gens sont pour la guerre des mondes, donc moi j'ai toujours été, j'ai toujours craint ça,
03:17parce que mon histoire, ma couleur, et ainsi de suite, je suis français, mais je suis quand même un homme noir qui vit en France,
03:26donc c'est quelque chose qui est inscrit chez moi, qui est dans mon ADN, et le vivre ensemble a toujours été très présent chez moi,
03:35et ces gens se battent contre, d'après moi.
03:38Et comment vous avez vécu ces deux dernières semaines ?
03:42De manière très vertigineuse, voilà, autant d'un côté, on a vu toute cette propagande qui a été faite aussi pour descendre une certaine gauche,
03:56des propos qui sont repris, enfin, ce qui est sidérant, c'est qu'en fait, on est plus sur l'humain,
04:08on est juste sur de la politique politicienne d'avant élection, et ainsi de suite,
04:14donc on s'approprie toute chose, enfin, l'illusion est reine, et ça prend des proportions...
04:22Moi j'ai vraiment l'impression d'être dans les films ou dans les livres d'anticipation que je lisais étant jeune,
04:32voilà, là on y est, avoir des Z sur les murs, je suis juste placardé comme ça, ça me rappelle des images qui étaient censées être de la fiction,
04:41et nous y sommes, et j'ai peur pour mes enfants, parce que c'est des gens qui travaillent, qui font des études,
04:48qui n'ont jamais eu affaire à la justice ou autre, et qui vont être discriminés comme beaucoup,
04:55ce que j'entends aujourd'hui c'est surtout ça, c'est que sous couvert de...
05:00Moi de toute façon je suis foncièrement français, voilà, mes parents viennent des Caraïbes,
05:06on a fait avec, même si on ne nous a pas toujours reconnus en tant que tels,
05:12et pour mes parents, pour mes enfants, je me dois d'être là, je me dois aussi,
05:18et puis pour tous ceux qui m'entourent, pour le monde dans lequel je vis,
05:22que j'ai envie qu'il soit vivable, viable pour tout le monde, pas que pour moi.
05:27– Et vous parliez justement de politique fiction, il y a toujours dans ces années 90,
05:31quand vous chantiez, c'est clair et net, la démonstration est faite,
05:3410% pour Le Pen aux élections, c'est une défaite, aujourd'hui on en est à 33%,
05:39là on n'est plus dans la défaite, si je suis votre raisonnement, on est bien au-delà,
05:43vous imaginiez ça au moment où vous chantiez ça ?
05:46– Ben non, effectivement, mais après beaucoup de choses se perdent dans notre société,
05:55les gens ne savent plus lire le beau, le comportement qu'on crée,
06:04tout ce flux d'infos, et puis la manière dont on est un civil entre nous,
06:10j'ai 57 ans aujourd'hui, j'ai presque envie de dire, tu vois venir le truc,
06:15mais tu ne veux pas y croire, bien sûr, tu ne veux pas y croire,
06:18bon c'est là, ce qui est bien, c'est qu'aujourd'hui on va aussi profiter
06:22de tous ces réseaux, tout ce flux d'informations pour pouvoir s'y encastrer
06:27et aussi faire passer nos voix, c'est important.
06:31– Votre idée c'est qu'on ne sait plus jouer collectif, c'est ça l'idée ?
06:35– Malheureusement, là on se retrouve au moment où on est acculé,
06:39alors que la citoyenneté c'est tous les jours, il ne faut pas s'en étonner,
06:43le jour où d'autres se l'approprient.
06:47– Alors il y en a un qui a priori normalement s'est joué collectif,
06:51c'est Kylian Mbappé, qui aujourd'hui, donc on est à la veille du quart de finale de l'Euro,
06:55et le capitaine des Bleus a donné une conférence de presse,
06:59et à un moment il dit, plus que jamais, aujourd'hui il a appelé à voter,
07:03plus que jamais il faut aller voter, on ne peut pas laisser le pays
07:05dans les mains de ces gens-là, on a vu les résultats, c'est catastrophique.
07:09C'est important aussi que les sportifs se mettent à s'exprimer aussi,
07:14parce qu'on a l'impression que c'est assez nouveau quand même qu'ils s'engagent comme ça ?
07:17– Je ne sais pas si c'est important que les sportifs, bien sûr,
07:20mais c'est important que toutes les voix importent,
07:24pour moi toutes les voix importent en fait,
07:28il y a des gens qui ne sont pas ni sportifs ni connus,
07:31et qui ont un discours très cohérent, parce qu'ils vivent au quotidien certaines choses,
07:35donc à mes yeux ça a autant de poids.
07:38Je ne suis pas dans cette culture où le téléphone m'apporte toutes les infos,
07:43où je glorifie l'illusoire et ainsi de suite,
07:46donc je pense que toutes les voix sont importantes.
07:49J'ai entendu des gens s'exprimer qui sont méconnus,
07:51et qui étaient très cohérents sur leur mal-être par rapport à ce qui se passe,
07:55et donc toutes les voix sont importantes.
07:57– C'est vrai que lui sans doute il parle aussi à beaucoup de jeunes comme vous.
08:01– Oui c'est une bonne chose, mais comme je le disais,
08:03moi ce que je dirais à sa place c'est inscrivez-vous dans la vie citoyenne,
08:07au quotidien, pas quand ça sent le feu, c'est ça le truc.
08:12C'est aussi ça.
08:14– D'autant qu'on voit bien, il dit, de laisser le pays dans les mains de ces gens-là,
08:18on l'avait noté, il ne dit pas extrême-droite, alors que c'est vrai que…
08:23– Pourtant il faut appeler un char-à-char, extrême-droite.
08:26– Ce que vous faisiez, ce que vous faites depuis 30 ans,
08:30c'est vrai que le Front National ça vous avez connu,
08:32pour vous, est-ce que le rassemblement national de la fille de Jean-Marie Le Pen,
08:37est-ce qu'il a un visage différent ?
08:40– Non, il s'est modernisé, je crois, il s'est acclimaté.
08:45Non, pour moi ça reste les mêmes.
08:50Ils ont un nouveau pentin devant en ce moment, qui prétend être du 93
08:56et pourtant il est pour la guerre des mondes,
08:58alors qu'on sait ce que ça donne à l'arrivée.
09:01Donc non, pour moi ça reste les mêmes gens,
09:04c'est juste le logo, les initiales qui changent,
09:07mais l'idée reste là.
09:09En sous-jacent, dans leurs propositions,
09:12on a des choses qui sont à vomir.
09:15– Comme ?
09:17– Je ne vais pas refaire tout leur programme.
09:21Justement, on incite les gens à s'inscrire dans la vie citoyenne,
09:25justement si vous allez voter aussi,
09:27il est important de savoir qui propose quoi aussi.
09:31Non, non, c'est toujours pour moi,
09:37ils ont beau maquiller tout ça, je vois exactement les mêmes.
09:44Et puis surtout, là d'où vient le père,
09:50ce revirement, comme je disais, il se modernise dans le discours,
09:55il donne l'impression de s'assagir,
09:57mais en fait on voit qu'avec ce qui se passe au quotidien,
10:00qui je trouve n'est pas assez souligné,
10:03il y a des gens qui sortent du bois,
10:06des gens qui pour eux, voter RN, c'est les nègres dehors,
10:12c'est la préférence aux blancs, c'est tout.
10:16Là dernièrement j'ai lu pas mal de choses,
10:18où il y a des gens qui recevaient des lettres de menaces ouvertes,
10:22où on va quoi ?
10:24On voit où on va, on va à des temps qu'on a déjà connus,
10:27donc ça devrait nous inquiéter tous,
10:30et puis surtout, je voudrais dire aux jeunes,
10:34que pour ceux qui ne s'occupent pas de politique,
10:36la politique va s'occuper de vous, vous allez voir.
10:39– On est à Vignon, donc on est dans un des temples de la culture,
10:43vous en tant qu'artiste, avec le groupe NTM en son temps,
10:47vous avez été déprogrammé à plusieurs reprises,
10:50à l'époque de Jean-Marie Le Pen,
10:53est-ce que pour vous ça peut être un avant-goût
10:56de ce que sera la culture sous Marine Le Pen ?
10:59– Je crois qu'on n'a pas besoin, j'ai pas besoin de témoigner là-dessus,
11:03on voit ce qu'il s'est passé à Orange, partout où ils sont passés,
11:06le social, la culture en Berne, il faut se tenir au courant,
11:11mais oui, c'est déjà leur premier cheveu d'attaque,
11:16c'est-à-dire oui…
11:18– La culture ça va être…
11:20– La culture, le social aussi, voilà, d'un seul coup,
11:24on a une lecture différente des individus,
11:28écoutez, moi je vais vous dire simplement,
11:31moi des gens qui viennent se réfugier chez nous,
11:34pour moi c'est des humains avant tout,
11:36donc tout ce discours qui est tenu,
11:39et puis tout ce faux discours à propos du fait que les étrangers
11:42prennent le travail aux français et ainsi de suite,
11:45et puis surtout on voit bien que ce soit d'un point de vue européen,
11:49même tous les amendements sur lesquels ils sont absents,
11:54au niveau du vote et ainsi de suite,
11:56ils ont une posture qui est complètement légère,
11:59et j'ai l'impression que leur programme,
12:01ils l'ont mis en marche là dernièrement,
12:04je pense qu'ils sont aussi dépassés par ce qui se passe,
12:07autant on l'est nous, autant eux aussi on le fasse.
12:10– Il y a un titre qui est sorti hier, pardon avant-hier…
12:15– Moi je ne pollue pas là-dessus en fait.
12:17– Parce que Fianso vous le connaissez bien.
12:19– Oui je connais Fianso.
12:20– Il a collaboré avec Nopas Sarin.
12:22– Moi je n'ai rien à voir avec ce titre.
12:23– Non mais moi je voulais juste savoir ce que vous en pensiez
12:25si vous l'aviez écouté.
12:26– Comme je le disais, ça correspond aussi à l'époque,
12:29hier nous on écrivait des choses très conscientes,
12:33et on marquait le coup à certains endroits,
12:38je pense que ce morceau ressemble un peu à tout ce qu'on…
12:43toute cette liberté de ton qu'il y a sur les réseaux sociaux.
12:47Donc moi je le vois de manière plus imagée,
12:50c'est un peu facile pour les gens du RN de le prendre à la lettre,
12:55mais je pense qu'ils sont dans la rue,
12:57ils sont encore plus mordants que ce morceau.
13:00– Mais c'est vrai que parfois on se dit quand on l'écoute…
13:02– Non je vous le dis, je vous ai dit ce que je pensais,
13:05dans la rue ils sont plus mordants,
13:07quand tu as des groupes de gens qui descendent à Lyon
13:09pour aller faire des ratonnades,
13:10c'est pire qu'un morceau où c'est juste des paroles qui…
13:14– Oui mais là ça peut être un appel.
13:16– Ce n'est pas un appel au meurtre, eux ils n'ont pas besoin…
13:17Non mais écoutez, il y a un truc, je vous répète,
13:21toutes ces lettres de menaces qu'ont reçues certaines personnes,
13:24ou je ne sais plus dans quelle commune autour de Paris,
13:28ou carrément c'est stop au black et ainsi de suite,
13:31pardon mais c'était sorti bien avant,
13:34on a de plus en plus d'images de gens qui sont décomplexés d'un seul coup,
13:38qui se sentent des ailes par rapport à ça,
13:41et qui commettent des actes délitueux, donc…
13:45– Mais la période à votre époque elle était ultra violente aussi,
13:48vous écriviez pas comme ça ?
13:49– Pardon, pardon, ceci est un morceau adressant un microcosme,
13:54et ce n'est pas ça à mon avis qui fera descendre des jeunes dans la rue
13:56pour aller faire n'importe quoi,
13:58en revanche les autres en face sont plus dangereux,
14:00donc parlons plus de ça, pardon, merci.
14:02– Mais vous n'auriez pas écrit ça ?
14:03– Allô, c'est tout ce que j'avais à vous dire là-dessus.
14:05– Et moi ce que j'aimerais savoir, dernière question,
14:08si lundi matin on se réveille, vous vous réveillez,
14:12lundi matin avec une assemblée nationale,
14:15la majorité rassemblement national, vous faites quoi ?
14:19– Bah qu'est-ce que je fais ?
14:21C'est-à-dire, je vis ici, j'ai mes enfants ici, je suis citoyen français,
14:26et bah je vais manger ma merde comme tout le monde quoi,
14:29pourquoi vous attendiez que je vous raconte des conneries
14:32comme Noa ou autre, je quitte le pays, des trucs comme ça ?
14:35Non pardon, je ne suis pas de ce genre-là, je ne suis pas dans la désertion,
14:39je pense qu'à mon avis justement peut-être que ça va,
14:43malheureusement ça va réactiver la conscience politique de beaucoup,
14:49de certains, enfin de beaucoup j'espère,
14:51mais surtout moi j'ai peur pour l'état de droit qui est déjà bien émaillé quoi,
14:55c'est surtout ça, parce que je pense qu'eux vont arriver,
14:58et on va en prendre plein la gueule qu'on soit Noa, blanc ou autre.
15:02– Bon, en attendant, cette nuit elle va être importante,
15:06ce sera de minuit à 4h30 du matin, cette nuit il y aura Joey Starr,
15:11mais il y aura beaucoup d'autres artistes aussi, des acteurs, des actrices,
15:15des Camille Etienne, militante écologiste, voilà il y aura vraiment…
15:18– Des citoyens, des français, de tous bords, pas que des artistes,
15:22parce qu'en fait je ne vois pas les gens…
15:24– Oui c'est vrai, des gens de la société civile, tout le monde,
15:27ce sera une nuit de débat, d'échange, de partage, ici à Avignon.
15:31Merci beaucoup, merci Joey Starr d'avoir été avec nous, merci beaucoup.
15:34– Merci, merci Candice Mahout et merci à Julie Poncé,
15:38qui était derrière la caméra et qui a permis aussi la réalisation de cette interview.