L'interview d'actualité - Seghir Lazri
Émilie Tran Nguyen reçoit Seghir Lazri, sociologue du sport et auteur de nombres études sur l’Ovalie.
Que se passe-t-il dans le monde du rugby en ce moment ? Après les propos racistes au sein du XV de France, on parle maintenant des accusations d’agression sexuelle concernant deux joueurs. C’est le dernier scandale en date durant leur tournée argentine. Hugo Auradou, 20 ans, et Oscar Jégou, 21 ans, sont visés par une plainte pour violences sexuelles aggravées par une jeune femme. Ils ont été arrêtés et devraient être transférés pour être entendus dans la journée. L’avocat de la plaignante dénonce une violence terrible (morsures, griffures, coups notamment au visage). Les faits se seraient produits dans la nuit de samedi à dimanche dernier, dans un hôtel en Argentine. Les deux joueurs reconnaissent une relation sexuelle consentie mais démentent toute violence. L’enquête est en cours. Ils risquent jusqu’à 20 ans de prison. Pour l’heure, c’est une onde de choc dans le rugby, comme le reconnaît le sociologue, expliquant que le président de la Fédération Française de rugby s’est déplacé en personne pour tenter de régler cette affaire. Il rappelle aussi que ces deux joueurs venaient d’arriver dans le XV de France, et avaient donc vocation à s’inscrire dans la durée.
C’est le deuxième scandale en moins d’une semaine. Un autre joueur, Melvin Jaminet avait publié une vidéo sur son compte Instagram dans laquelle il tenait des propos racistes. Il a depuis été exclu et s’est excusé. Pour Seghir Lazri, cette histoire témoigne des problématiques sociétales par lesquelles le rugby est traversé.
Que se passe-t-il dans le monde du rugby en ce moment ? Après les propos racistes au sein du XV de France, on parle maintenant des accusations d’agression sexuelle concernant deux joueurs. C’est le dernier scandale en date durant leur tournée argentine. Hugo Auradou, 20 ans, et Oscar Jégou, 21 ans, sont visés par une plainte pour violences sexuelles aggravées par une jeune femme. Ils ont été arrêtés et devraient être transférés pour être entendus dans la journée. L’avocat de la plaignante dénonce une violence terrible (morsures, griffures, coups notamment au visage). Les faits se seraient produits dans la nuit de samedi à dimanche dernier, dans un hôtel en Argentine. Les deux joueurs reconnaissent une relation sexuelle consentie mais démentent toute violence. L’enquête est en cours. Ils risquent jusqu’à 20 ans de prison. Pour l’heure, c’est une onde de choc dans le rugby, comme le reconnaît le sociologue, expliquant que le président de la Fédération Française de rugby s’est déplacé en personne pour tenter de régler cette affaire. Il rappelle aussi que ces deux joueurs venaient d’arriver dans le XV de France, et avaient donc vocation à s’inscrire dans la durée.
C’est le deuxième scandale en moins d’une semaine. Un autre joueur, Melvin Jaminet avait publié une vidéo sur son compte Instagram dans laquelle il tenait des propos racistes. Il a depuis été exclu et s’est excusé. Pour Seghir Lazri, cette histoire témoigne des problématiques sociétales par lesquelles le rugby est traversé.
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TVTranscription
00:00Bonjour, c'est Guérin Latry.
00:01Bonjour.
00:02Dernier scandale en date, c'était lundi en Argentine.
00:04Deux joueurs, Hugo Oradou, 20 ans, Oscar Jéroux, 21 ans,
00:07qui sont visés par une plainte pour violence sexuelle aggravée par une jeune femme.
00:11Ils ont été arrêtés, ils devraient être transférés dans la journée pour être entendus.
00:14Mais déjà, on sait, l'avocat de la plaignante dénonce une violence terrible.
00:18L'effet se serait produit dans la nuit de samedi à dimanche dans un hôtel.
00:21La jeune femme à qui on a prélevé des traces de coups au visage, sur la poitrine,
00:25les fesses, le dos, mais aussi des traces de morsures, des griffures,
00:29des lésions qui sont compatibles avec son récit.
00:32Les deux joueurs, eux, admettent une relation sexuelle consentie,
00:35mais démentent toute violence, donc l'enquête est en cours.
00:37Ils risquent jusqu'à 20 ans de prison.
00:40Mais déjà, c'est une onde de choc dans le rugby, cette histoire.
00:44Oui, oui, c'est une onde de choc.
00:46Je pense que le fait que le président de la Fédération soit déplacé en personne
00:50pour aller régler cette affaire, je pense que ça souligne la gravité des faits.
00:58Et il y a aussi l'idée que c'est aussi des personnes nouvellement arrivées
01:02dans le XV de France, qui avaient vocation à s'inscrire.
01:06Ils sont très jeunes.
01:07Très jeunes, effectivement, à s'inscrire.
01:09Et ce qui est assez saisissant, c'est que ça a été fait pas de manière furtive,
01:14ça a été fait dans le cadre autorisé par les encadrants, le staff,
01:18pour promouvoir, pour permettre l'intégration de ces jeunes joueurs
01:22au sein du collectif et au sein de l'équipe du XV de France.
01:26Donc, il y a cette idée que ça pouvait permettre l'intégration
01:30et générer un esprit de collectif.
01:33Et puis, c'est la deuxième affaire, en moins de 72 heures, dimanche,
01:37toujours là-bas, en Argentie.
01:38Un autre joueur, Melvin Jaminet, était visiblement éméché
01:42et a publié cette vidéo où il tenait des propos racistes.
01:57Je lui mets un coup de casque.
01:58Je lui mets un coup de casque.
02:00Je dis, je lui mets un coup de casque.
02:04Un coup de casque, je lui mets.
02:05Le premier arabe que je crois, je lui mets un coup de casque.
02:08Cette vidéo a été depuis retirée.
02:10Il a été exclu, il s'est excusé.
02:12Qu'est-ce que ça dit, ça, des joueurs ?
02:13Eh bien, ça dit des joueurs.
02:15Ça dit de l'esprit rubis, en fait.
02:17Le rubis est traversé par toutes les problématiques sociétales.
02:23En quelque sorte, le rubis n'est pas un univers totalement opaque
02:26avec des valeurs intrinsèques.
02:28C'est, au contraire, un espèce de levier qui va théâtraliser,
02:32mettre en scène, justement, les problématiques sociétales
02:35qu'on rencontre dans le monde social.
02:38Et ce qui est assez significatif, c'est qu'on est dans une tension politique
02:41récemment où la parole s'est un peu libérée
02:45concernant des propos à caractère raciste.
02:48Et ça se répercute, en quelque sorte, à travers les joueurs
02:51qui sont, en fait, aussi là pour théâtraliser l'environnement social.
02:54Mais pourtant, ces joueurs-là, ils sont dans des cadres plutôt joyeux,
02:58si j'ose dire.
02:59Ils avaient gagné des matchs et ils se retrouvent après pour faire la fête.
03:03Normalement, tout devrait se passer dans une bonne ambiance, bon enfant.
03:06Alors, il faut quand même reconsidérer les espaces un peu festifs du rubis,
03:11plus particulièrement.
03:12Ce qu'on appelle la troisième mi-temps.
03:13La troisième mi-temps, exactement.
03:14La troisième mi-temps, c'est un endroit où les joueurs vont se retrouver,
03:18vont créer un lien et vont adopter certaines attitudes dites déviantes.
03:22Par exemple, la surconsommation d'alcool,
03:24parfois les bagarres, les insultes,
03:28mais aussi la franche camaraderie, des éléments comme ça.
03:32Et ça permet, ça contribue à la performance, au résultat.
03:37Parce que sans cette troisième mi-temps, il n'y a pas d'esprit collectif,
03:39il n'y a pas de démonstration, en quelque sorte,
03:41de la punacité, de la résistance à la douleur ou ces choses-là.
03:46Et en gros, tout ça alimente, en quelque sorte,
03:48finalement, l'équipe en elle-même.
03:50Ça crée un collectif très puissant,
03:52ça permet d'être sur le terrain, de s'aguerrir de certaines prouesses,
03:55d'aller affronter l'adversaire.
03:57Donc, c'est très important.
03:58Si les faits sont avérés et sont incroyablement graves,
04:00il faut avoir une pensée pour cette jeune femme.
04:02C'est à l'inverse de tout ce que le rugby est, fait,
04:05et tout ce que le rugby construit.
04:07Référence, là, aux valeurs de rugby.
04:09On a souvent dit que le rugby était un sport de voyous pratiqué par des gentlemen.
04:13Est-ce que c'est devenu un sport de voyous aussi, pratiqué par des voyous ?
04:17Là, ce qu'il faudrait dire, en fait, sur cette expression qui est assez populaire,
04:20moi, ce que je retiens de cette expression, c'est qu'elle est très masculine, surtout.
04:23C'est qu'on parle de gentlemen, on parle de voyous et on parle de garçons.
04:27Et ça renvoie déjà à une identité sociale bien déterminée,
04:31celle où le rugby est né, celle des sociétés aristocratiques,
04:34enfin, bourgeoises du XIXe siècle en Angleterre,
04:37et surtout très masculine, avec une virilité,
04:39ce qu'on appellerait une masculinité hégémonique,
04:41c'est-à-dire une masculinité qui procède par un processus de domination vis-à-vis des femmes
04:45et vis-à-vis aussi des populations qui sont issues de la diversité,
04:48d'immigration, qui ne représentent pas l'imaginaire construit par le rugby français.
04:52Il n'y a pas de place pour les femmes dans le rugby ?
04:54Alors, il y a de la place pour les femmes, et les femmes sont assignées à des rôles.
04:57C'est ça qui est très intéressant, c'est qu'en fait, pour dire vrai,
05:00il y a des écrits sociologiques et anthropologiques qui le démontrent,
05:02c'est que quand vous êtes une femme dans cet environnement-là,
05:04vous êtes, vulgairement dit, soit la maman, soit la putain,
05:07c'est-à-dire soit la mère qui va accompagner le rugbyman dans sa carrière,
05:11de s'inscrire, qui va faire toutes les tâches en quelque sorte privées,
05:15donc c'est des tâches aussi qui sont vues, qui sont du moins péjoratives en quelque sorte.
05:21C'est un autre temps quand même.
05:22C'est un autre temps, effectivement, mais elle accompagne le joueur,
05:24elle nettoie ses affaires, elle l'emmène au foot, enfin au foot,
05:27elle l'emmène, pardon, au rugby, donc elle participe,
05:29parce que lui-même entre dans une carrière, puis après il rencontre son épouse,
05:32son épouse garde les enfants pendant que lui mène sa carrière,
05:35donc elle est subordonnée en fait à la carrière.
05:37Et ça, ça n'a pas changé en 2024 ?
05:39Non, ça n'a pas changé, parce que le sport de haut niveau optimise ces moments-là,
05:43donc le rugbyman doit se concentrer sur sa carrière en quelque sorte.
05:48Pour l'ancien président de la Fédération française de rugby, Bernard Laporte,
05:51le rugby manque de cadres, de chefs, de règles, trop de laxisme, c'est ça le problème ?
05:57Alors moi je pense que c'est pas tant que ça le problème,
06:00parce qu'il y a des cadres, la fédération est très importante,
06:03je pense qu'il faut peut-être réorienter les politiques,
06:08et surtout les programmes de promotion du rugby.
06:11Quand on voit, alors moi c'est ce qui me frappe beaucoup,
06:13mais quand on voit par exemple des personnalités politiques,
06:15je pense l'année dernière au président de la République,
06:17qui est arrivé à la finale du top 14, qui a bu une goutteille de bière cul sec,
06:21François Hollande exactement, qui l'a fait pour un club de rugby,
06:24eux-mêmes véhiculent cet imaginaire au contraire de la surconsommation d'alcool,
06:28de l'idée que dans un espace sportif, qui est censé être un peu hygiéniste en quelque sorte,
06:33finalement on va consommer de l'alcool,
06:35et on va associer finalement la performance du rugby à des déviances.
06:40Donc ça peut-être qu'il faudrait rompre avec ça,
06:42et puis après deux choses qui sont à mon sens très importantes,
06:44il faut promouvoir le rôle des femmes dans le rugby,
06:47la pratique féminine, parce que ça permet en quelque sorte
06:50désenclaver cette représentation assez machiste et plutôt viriliste du rugby,
06:54et montrer que des femmes proposent une autre identité du rugby,
06:57donc que le rugby n'appartient pas qu'aux hommes mais aussi aux femmes,
06:59et puis deuxièmement promouvoir aussi les populations issues des quartiers populaires
07:03qui elles-mêmes pratiquent le rugby, qui sont de plus en plus nombreuses ces populations,
07:08et qui justement s'intègrent et partent par l'intégration du rugby dans la société.
07:13Et peut-être faire aussi ce que fait Antoine Dupont,
07:15le meilleur joueur de rugby actuellement en France,
07:17il est posé en tête du magazine Tétu, magazine LGBTQ+,
07:21pour lutter contre l'homophobie, ça aussi ça peut faire bouger les choses ?
07:25Effectivement ça fait bouger les choses,
07:26alors ça c'est aussi le fruit d'une grande campagne menée par les fédérations,
07:29par les institutions, qui porte ses fruits et qui montre que finalement le rugby
07:33est aussi un lieu d'ouverture vers d'autres formes de sexualité
07:36ou d'autres formes d'opposition, effectivement.
07:38– Merci beaucoup Cédric Renazan.
07:39– Je vous en prie, merci beaucoup.