• il y a 3 mois
Lucie Chaumette reçoit Isabelle Del Real. Elle a quitté la Bretagne pour rejoindre Téhéran en Iran à vélo. Elle a fait de ce voyage un roman graphique qui s’intitule « Plouheran : à vélo de Bretagne à Téhéran ». L’autrice et dessinatrice s’est lancée dans cette aventure en 2021 alors qu’elle n’avait que 23 ans. Ce voyage, elle l’a fait seule. « Je ne sais pas ce qui m’a pris, j’étais très contente de partir », commente Isabelle Del Real avant d’expliquer que tout s’est fait progressivement, ce qui lui a permis de s’habituer au fur et à mesure sur la route. 

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Transcription
00:00Bonjour Isabelle Del Real, merci d'avoir accepté notre invitation.
00:03Plouéran, quand même, pour expliquer rapidement.
00:05Contraction entre Plouer-sur-Rhin, ça c'est votre village en Bretagne, c'est ça,
00:08et Téhéran, la ville iranienne que vous avez rejoint à vélo.
00:12Vous vous lancez en 2021, vous avez je crois 23 ans à l'époque,
00:15vous êtes une jeune femme qui voyage seule à vélo, c'est quand même peu commun.
00:19Qu'est-ce qui vous prend ?
00:21Mais je ne sais pas ce qui m'a pris.
00:23J'étais très contente de partir, et comme ça s'est fait progressivement,
00:26j'ai eu le temps de m'habituer sur la route.
00:28Et non, tout s'est très bien passé, j'ai eu de la chance.
00:31Et comment vous avez choisi votre destination ?
00:33L'Iran c'est pareil, ce n'est pas forcément commun, on n'y pense pas tous.
00:36Oui, je pensais que, comme c'est la Perse,
00:39à partir du moment où j'étais en Perse, je me suis dit je serais vraiment loin,
00:42et j'avais envie d'aller très loin.
00:44Mais on m'avait aussi beaucoup parlé des montagnes en Iran,
00:46et on m'avait dit que c'était les plus belles du monde, alors par curiosité.
00:49Et je crois qu'en plus c'était une période encore incovide, 2021.
00:52Oui, toutes les frontières étaient fermées.
00:54Donc les conditions étaient particulières aussi.
00:56Vous ne pouviez pas vous acheter de vélo, donc, normal,
00:59vous décidez d'en fabriquer un, vous pourriez nous raconter ?
01:01Oui, j'ai de la chance d'avoir des super amis qui m'ont aidé à choisir les pièces sur Internet,
01:05parce qu'à ce moment-là il y avait une pénurie de vélos,
01:07c'était après le premier confinement.
01:09Et donc avec eux on a installé un pied d'atelier dans ma chambre,
01:11et on a construit le vélo un peu de brique et de broc.
01:14Je pense qu'eux aussi ils apprenaient un peu à les construire,
01:16et c'est un super souvenir.
01:18Moi je me mets un peu à la place de vos parents.
01:21Ma fille de 23 ans me dit je pars seule à vélo,
01:23et en Iran, donc je traverse quand même une bonne partie du monde,
01:26je ne sais pas comment je réagis.
01:27Eux ils ont réagi comment ?
01:28Ils n'étaient pas ravis, mais ils savent aussi que j'étais une adulte,
01:30et que je pouvais faire, et que je peux toujours faire ce que je veux.
01:33Donc ils m'ont quand même encouragée, et puis ils ont pris de mes nouvelles.
01:36Mais c'est sûr qu'eux on leur a beaucoup reproché de me laisser partir.
01:38Ah oui, on leur a reproché carrément ?
01:39Oui, mais ils n'avaient pas le choix.
01:40Et est-ce qu'ils avaient mis en place, ou vous avec eux,
01:43je ne sais pas, un code, ou le fait de donner des nouvelles régulièrement ?
01:46Des signaux de fumée ?
01:47Oui, voilà, par exemple.
01:48J'avais un téléphone satellite,
01:49ce qui permet d'envoyer des messages tout le temps.
01:51Donc ils pouvaient vous suivre aussi ou pas ?
01:53Exactement, ils pouvaient voir quand je montais à une côte,
01:55le petit point du satellite se rapprochait,
01:57et quand je descendais, il s'éloignait de nouveau,
02:00donc ils pouvaient même suivre si j'avançais vite ou pas.
02:02Qu'est-ce que ça apporte de voyager à vélo,
02:05aussi loin, aussi longtemps, et seul ?
02:08Déjà beaucoup de bonheur,
02:09parce que de l'adrénaline, de la sérotonine,
02:11tous les jours du sport, on voit des nouvelles choses.
02:14Mais au-delà de ça, c'est un plaisir de voyager à la vitesse du vélo,
02:18parce qu'on sent toutes les aspérités de la route,
02:20tous les virages, on voit, on s'imprègne vraiment des paysages,
02:22on a le temps de discuter avec les gens.
02:24On est aussi des gens de passage dans les villages qu'on croise.
02:27Ça change quelque chose dans les relations que vous avez avec les gens ?
02:29Absolument, absolument.
02:30On arrive tout doucement,
02:31on voit toute la banlieue d'une ville avant d'arriver au centre de la ville
02:34ou même d'un village.
02:36On connaît les alentours des endroits où on arrive,
02:38donc c'est chouette.
02:40Tout ça, c'est hyper bien raconté dans votre roman graphique,
02:42c'est très joli.
02:44Vous racontez les rencontres que vous faites, les paysages.
02:47Vous avez un petit tropisme nuit aussi dans cet album.
02:50Oui, absolument.
02:51Pourquoi la nuit est si importante pour vous ?
02:54De quoi ça relève ? Qu'est-ce qu'il se passe la nuit ?
02:56Parce que je pense que quand on passe,
02:58parce que je suis partie seule avant de rencontrer des gens avec qui j'ai roulé,
03:00quand on passe 24 heures tout seul d'une journée dehors
03:03et qu'on part en hiver,
03:05le soleil se couche vers 18h et il se lève vers 9h,
03:07donc la nuit, elle prend énormément de place.
03:09Et même si on dort beaucoup,
03:11il y a beaucoup d'heures de nuit à compléter.
03:13Et dans ces heures-là, on peut s'imaginer plein de choses
03:15et on peut les peupler de ce qu'on veut.
03:17Donc oui, la nuit est super importante.
03:18Elle fait peur aussi un peu parfois ?
03:19Elle peut faire peur, mais surtout de manière irrationnelle.
03:21Parce que la nuit, c'est l'obscurité,
03:23donc c'est vraiment les vieilles peurs.
03:25Mais une fois qu'on s'habitue, c'est aussi un refuge.
03:27Et ça, j'espère que j'ai réussi à le raconter avec cette bande dessinée.
03:30C'est très joli et ça nous fait voyager et rêver en même temps.
03:33Vous avez eu plein de compagnons de route,
03:35notamment nos collègues du 20h30 Le Syndic.
03:38On va faire portage sur vous.
03:39Je crois que vous étiez à ce moment-là au Maroc.
03:41On va voir quelques images qui vont défiler dans un instant.
03:43On va voir aussi des images de l'Arménie.
03:45Ça, je les ai trouvées sur vos réseaux sociaux.
03:47Ce sont des pays par lesquels vous êtes passés, évidemment.
03:50Tout cela, pourquoi ? On le dit au début, pour atteindre l'Iran.
03:53Qu'est-ce que vous ressentez quand vous arrivez en Iran ?
03:56Déjà, quand vous apercevez l'Iran.
03:58Là, c'est génial.
03:59Parce que la première chose qu'on voit, c'est les montagnes.
04:01Après, on est arrivés en Iran dans une zone un peu spécifique.
04:04C'est les montagnes de l'Arax.
04:06C'est des montagnes un peu brumeuses.
04:08Récemment, il y a eu un crash d'hélicoptère là-bas, d'ailleurs.
04:10C'est un paysage un peu très militarisé.
04:13On sent une ambiance assez incroyable.
04:16Pesante ?
04:17Pesante, oui, un peu.
04:18Après, une fois qu'on rentre, tout se passe très bien.
04:20C'est très beau.
04:21Les premiers villages sont très beaux.
04:22Ça change quand même beaucoup de...
04:23Est-ce que ça a correspondu à ce que vous en étiez fait dans votre imaginaire ?
04:27L'Iran, au Téhéran aussi ?
04:29Oui, parce que je ne m'étais pas fait des idées trop précises.
04:31Je n'avais pas vu beaucoup de photos.
04:32Je n'avais pas vu de films.
04:35Alors, vous avez voyagé.
04:36Vous êtes arrivé en Iran.
04:37C'était à la fin de l'année 2021.
04:38Un an après, quasiment, il y a une jeune femme, Marsa Amini,
04:42qui est décédée après son arrestation par la police des mœurs.
04:46Elle avait été arrêtée pour port l'âge du voile.
04:48Il y a ensuite eu un énorme mouvement de protestation
04:50et aussi un très gros mouvement de répression.
04:52Quand vous étiez là-bas, avant ces événements,
04:54est-ce que vous sentiez quelque chose couver ?
04:56Comment vous avez senti, vous, la jeune génération que vous avez rencontrée ?
04:59Vous vous êtes fait des amis là-bas ?
05:00Oui, on a eu la chance de traîner avec des gens de notre âge à Qaitarier.
05:04C'est dans le nord de Téhéran où les jeunes sont quand même assez aisés.
05:07On allait dans des cafés où on n'était pas obligés de porter le voile.
05:10On pouvait l'enlever en rentrant à l'intérieur du café.
05:12C'était un peu des safe space.
05:14Ce sont des endroits où les jeunes se sentaient bien.
05:17Après, effectivement, ils nous ont dit que pour eux,
05:19envisager une carrière, ce n'était pas la même chose que pour nous.
05:21Ils ne pouvaient pas partir à l'étranger.
05:23Mais on ne peut jamais savoir quand est-ce qu'il va y avoir une révolte
05:28ou quelque chose va se passer.
05:29Mais c'est sûr qu'il y a un climat qui est tendu en Iran.
05:31Et tout ça, vous le racontez magnifiquement dans Plouéran,
05:34à vélo de la Bretagne à l'Iran.
05:36Très rapidement, vous allez repartir.
05:37Où, quand vous ferez une BD ? Il y a plein de questions.
05:39Je pars dans trois semaines.
05:40On va vers les Mers Australes avec mon voisin.
05:42En bateau, du coup ?
05:43Oui, en bateau cette fois-ci.
05:44En voilier ?
05:45Oui, en voilier.
05:46Génial. On a hâte d'avoir plus de vos nouvelles.
05:48On peut vous suivre d'ailleurs sur votre compte Instagram.
05:50Merci infiniment d'avoir été avec nous.
05:53Et on peut aussi, évidemment, acheter ce roman graphique en librairie.
05:56Merci beaucoup.
05:57De rien.

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