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00:00Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
00:30...
00:40Bienvenue dans le monde des légendes.
00:43Je suis ce mage venu des limbes de l'éternité
00:46pour tout vous révéler des croyances
00:48qu'inspirèrent autrefois les paysages de France.
00:51Ensemble, nous allons chevaucher le temps et l'espace
00:55pour percer enfin le mystère des contes populaires
00:58d'une histoire millénaire.
01:05Ces légendes nous appellent aujourd'hui d'Auvergne.
01:13Sur cette terre au climat rude,
01:15nichée au cœur du massif central le plus vaste de France,
01:19l'imagination est au pouvoir.
01:21...
01:26Dans le secret des flancs de ces innombrables monts
01:29aux cratères invisibles,
01:31on dit que bouillonne le fiel du malin.
01:35On raconte qu'un lac obscur du puits de Dôme
01:38aurait englouti une ville entière.
01:45On dit même que, cachés dans les montagnes,
01:48des fées seraient chargées de faire naître les rivières.
01:56Et certains entendent encore résonner des châteaux de Haute-Loire
02:00les pleurs de belles princesses captives.
02:12Quant aux forêts profondes qui recouvrent l'Auvergne,
02:15elles seraient, paraît-il, hantées de bêtes féroces.
02:23Bref, le royaume des volcans regorge de récits fantastiques
02:27inspirés de faits divers
02:29autant que de cette mystérieuse rondeur du paysage arverne.
02:35Il est marqué par la montagne.
02:37Et la montagne ici se caractérise par deux choses,
02:40par les volcans, bien sûr, et puis par l'eau.
02:43L'eau et le feu, en fait, ont marqué les gens ici,
02:46ont marqué les pierres, ont marqué les paysages.
02:49On est vraiment dans une montagne,
02:52une montagne avec un volcanisme qui est très présent partout.
02:55Et puis ces forêts profondes dans lesquelles il y avait ou des monstres
02:59ou des bêtes qui faisaient peur, autour desquelles on anticipait les gens,
03:02voilà, vous avez un imaginaire qui s'est développé allègrement.
03:09Donc, n'en déplaise aux cartésiens,
03:11l'Auvergne est une terre ésotérique autant que volcanique
03:14qu'il convient de découvrir avec le regard émerveillé
03:17des amateurs de fables populaires.
03:23Car nous voici dans la plus grosse province volcanique d'Europe.
03:34Tout a commencé il y a plus de 60 millions d'années,
03:37quand la plaque de notre continent européen,
03:40en glissant sous celle de l'Afrique, s'est étirée,
03:43puis fissurée pour laisser jaillir le magma souterrain
03:46qui allait sculpter les paysages d'Auvergne.
03:51En effet, le sol lutta longtemps contre la flamme intense.
03:55Échauffé, remué, fier de sa résistance,
03:59il finit par céder et en un rien de temps
04:02se retrouva grêlé de centaines de volcans.
04:05Les hommes, en les voyant, furent frappés de stupeur
04:08et qualifièrent ces monts de bouche des enfers.
04:14En Auvergne, il y a deux ou trois types de volcans.
04:17Il y a des volcans très anciens qui sont maintenant érodés
04:21et qui concernent le puits de Sancy et les monts du Cantal,
04:25et puis il y a des dizaines de petits volcans bien plus récents,
04:29en tout cas pour les géologues,
04:31qui ont quelques dizaines de milliers d'années
04:33et la plupart sont alignés le long de la faille de la Limagne,
04:38à côté de Clermont-Ferrand,
04:40et il y en a qui sont au sud de cette faille
04:43et c'est les volcans dont on va parler,
04:46avec le Pavin, le Mont-Sinaire et la Gaudivelle.
04:50Donc, bien qu'il siège sur un brasier pour l'instant endormi,
04:54ce pays arvert ne s'avère être aussi le château d'eau de la France.
04:59Ici, l'eau est partout et sous toutes ses formes,
05:03parfois lisse telle un miroir
05:05quand elle s'étend lascive sur son lit volcanique,
05:11bouillante quand jaillit du magma souterrain,
05:14ou bien glacée et sauvage
05:16quand, sous la baguette d'une fée,
05:18elle surgit en une source.
05:22Les fées sont des gardiennes des eaux.
05:25Ce sont celles qui assurent la pureté de l'eau,
05:28qui assurent sa pureté au sens où elles vont empêcher
05:32qui que ce soit de venir troubler cette eau-là.
05:35Et chez les celtes, c'était des lieux sacrés, les fontaines.
05:38Gardiennes vigilantes de la fournaise souterraine,
05:41les fées rassurent les habitants
05:43et les gardiennes de l'eau,
05:45pour qu'elles puissent s'assurer
05:47que si leur bon génie négligeait un instant leur mission,
05:50le feu de la terre jaillirait de nouveau.
05:53Et d'aucuns prétendent que s'ils tapent si fort de leurs sabots
05:56quand ils dansent,
05:58c'est justement pour garder leur protectrice éveillée.
06:17...
06:43...
06:53Ainsi, l'eau et le feu, comme la joie et la terreur,
06:57convolent depuis si longtemps sur les massifs d'Auvergne
07:00que la méfiance du peuple à l'égard de la nature indomptée
07:04s'exprime dans les légendes que nous allons vous conter.
07:07Notre première légende voit le jour dans le puits de Dôme,
07:11un vol d'oiseaux de cette jolie petite cité de Besse et Sainte-Anastèse,
07:16dans les eaux sombres du très fantasmagorique lac Pavin.
07:20...
07:25Ces eaux ont enfiévré des esprits,
07:28au point que les Auverniens les ont qualifiés de larmes du diable
07:32ou de portes de l'enfer.
07:34Mais Pavins, le nom latin du lac,
07:37ne signifie-t-il pas épouvantable ?
07:41En 1605, j'ai trouvé un document qui fait état du lacus Pavins,
07:47ça veut dire le lac terrifiant en latin,
07:50alors que les spécialistes ne lui donnaient un nom d'origine occitane,
07:56palissade, etc.
07:58Mais là, c'est sûr que le lac Pavins, c'est le lac terrifiant.
08:02Alors, est-ce que c'est une création de la Renaissance ?
08:06Moi, je pense que c'est certainement beaucoup plus ancien
08:09et peut-être datant de l'ère gallo-romaine.
08:13Donc, ce lac terrifiant est né vers ?
08:16Alors, le lac Pavins est né il y a un peu plus de 7000 ans,
08:20il a rempli une cavité, c'est un cratère d'explosion,
08:25ce que les géologues appellent un mar,
08:28et c'est la rencontre du magma avec de l'eau
08:32qui était au-dessus du magma,
08:35sans doute d'un marécage ou d'un petit ruisseau local,
08:40et tout à coup, il y a eu une explosion très violente.
08:43Ce genre de lac peut se former en 2-3 jours seulement.
08:47Donc, imaginez la tête des hommes
08:49quand ils ont tout d'un coup vu apparaître sous leur nez
08:52cet énorme lac de 800 m de diamètre pour 96 m de profondeur.
08:58Et surtout, quelle n'a pas dû être leur surprise
09:01de constater qu'il était impossible de s'y baigner.
09:05Souvent, ces lacs, au début, sont des lacs acides
09:10avec des propriétés très, très particulières.
09:13L'acidité de certains lacs volcaniques,
09:17c'est plus acide qu'une batterie de voiture.
09:21Donc, quand on trempe un morceau de fer dedans,
09:24au bout d'un certain temps, il n'y a plus de fer.
09:27Une bonne raison de s'en méfier comme de la peste.
09:33On comprend à présent ce qui a pu inspirer son nom.
09:37Depuis des siècles, personne ne se baigne dans le lac Pavin
09:41parce que les gens ont peur du lac.
09:43Ils ont peur d'être entraînés, qu'il y a des tourbillons,
09:46et on disait que le lac était sans fond.
09:50Donc, personne ne se baigne.
09:52Moi, j'ai des tentes dans ma famille
09:56qui ont traversé tous les lacs de la région,
09:59y compris d'autres lacs de cratères,
10:01mais sauf le lac Pavin,
10:03parce que c'était une sorte de tabou local.
10:08C'est dans cet univers glacé
10:10que se sont donc cristallisés les plus grandes frayeurs
10:13des habitants de la région de Besse.
10:17Et voici ce qu'ils prétendent encore à ce jour.
10:21Le lac Pavin, c'est un beau lac.
10:24C'est vrai que c'est un très beau cadre.
10:26On est dans un volcan, un cratère,
10:29avec ce lac au milieu.
10:31Ce lac qui, depuis des millénaires, a une légende.
10:36On dit qu'il est sans fond.
10:38Sans fond, ça veut dire tout simplement
10:41que si on descend, descend, descend encore,
10:45on va arriver aux enfers.
10:49Qui règne dans les enfers ?
10:52La version actuelle, c'est de dire que c'est le diable.
10:56La version du Moyen-Âge, c'était le diable.
10:58La version des Celdes, c'était autre chose.
11:00Mais le lac Pavin,
11:03lac extrêmement froid, lac sans fond,
11:07lac qui, de temps en temps, bouge,
11:11alimente la légende.
11:13Vous imaginez un lac qui est tranquille
11:15pendant des années et des années,
11:17puis qui, tout d'un coup, se met à trembler, à bouger.
11:20Un mystère que le peuple a mis des siècles
11:22à essayer de comprendre.
11:25Le principal mystère est en fait
11:27que ces eaux profondes sont tout à fait particulières
11:30et c'est un phénomène unique en France.
11:33Elles sont riches en gaz carbonique
11:36et quand ce stock est dérangé,
11:39perturbé par un glissement de terrain,
11:42un tremblement de terre,
11:44eh bien, l'eau peut être déplacée vers le haut
11:47et à ce moment-là, elle dégaze.
11:49Donc, ça peut faire des événements
11:52de dégazage faible
11:54ou des événements de dégazage très fort,
11:57voire catastrophique,
11:59comme ça a été sans doute le cas vers l'an 600
12:02et vers l'an 1300,
12:04d'après les archives qu'on trouve
12:06dans les sédiments du lac.
12:08Événements qui ont forcément échauffé
12:10l'essence des Auvergnats,
12:12qui, à défaut d'en avoir une explication scientifique,
12:15se sont alors mis à broder tout un tas de légendes
12:19dont une en particulier,
12:21visant directement la sécurité
12:23de la ville de Besse et Saint-Anastèse.
12:26En effet, celle-ci se trouve placée
12:28juste en dessous du lac
12:30et on prétend qu'il y a plus de 1000 ans,
12:32à cet endroit,
12:34il y avait une autre ville de Besse
12:36qui aurait été engloutie.
12:38On raconte que la bourgade qui était en dessous
12:41a été inondée,
12:43envahie, détruite
12:46Le lac aurait débordé.
12:48Mais s'il a débordé, pourquoi ?
12:51Tout simplement parce que
12:53le diable est sorti, un beau jour,
12:55en ayant envie d'aller faire un tour sur Terre.
12:58Eh bien, il a trouvé que le paysage
13:00était, ma foi, assez sympathique.
13:02Il s'était broué, mais un diable,
13:04quand ça s'est broué, c'est pas comme vous
13:06quand vous tombez dans la rivière.
13:08Non, non, le diable, quand ça s'est broué,
13:10mais ça vous fait déborder les eaux.
13:12Il en coule de tous les côtés.
13:14Il y a un endroit où ce soit un petit peu
13:16plus simple et effectivement,
13:18il y a un petit ruisseau qui s'écoule.
13:20Eh bien, voilà que le lac Apavène,
13:22tout d'un coup, dévale, en grande partie
13:24ou en petite partie.
13:26Et puis la pauvre bourgade
13:28qui était en dessous disparaît.
13:30Comme c'est un diable qui peut faire ça,
13:32ça ne peut pas être autre chose.
13:34Ce n'est pas un phénomène naturel.
13:36A l'époque, on ne pensait pas
13:38à un phénomène naturel.
13:40C'est un diable.
13:42C'est parce que les gens de la bourgade
13:44en question, ce n'étaient pas des bons chrétiens.
13:46Et le tour est joué.
13:48Les habitants de Besse s'étaient très mal conduits,
13:50avaient des comportements
13:52peut-être même indécents.
13:54Ils ont été punis par une punition divine
13:56et ensevelis
13:58sous l'eau
14:00dans ce qui est devenu
14:02le cratère du lac Apavène
14:04et on dit qu'il y a encore une cloche
14:06qui peut sonner, etc.
14:08Voilà.
14:10C'est donc la légende telle que cela racontait
14:12encore les habitants de Besse
14:14il n'y a pas si longtemps.
14:16Sauf que
14:18les siècles passent
14:20et puis on s'aperçoit que
14:22ce lac, quand même, il est bizarre.
14:24On ne dit plus qu'il n'a pas de fond
14:26maintenant. On sait qu'il en a un.
14:28Mais on commence à se rendre
14:30compte que ce fond de lac
14:32n'est pas aussi
14:34plat, aussi neutre
14:36qu'on pourrait l'imaginer.
14:38Et que si, de temps en temps,
14:40il y a des sortes de bourbourines
14:42qui remontent à la surface,
14:44c'est peut-être parce qu'en bas,
14:46là-bas en dessous, il y a un lien
14:48avec le magma, avec les profondeurs,
14:50avec le feu, avec la puissance terrible
14:52qui fait peur
14:54qu'on ne s'ait pas maîtrisé.
14:56Un volcan, c'est vraiment
14:58la personnification de l'enfer.
15:00Mais les scientifiques commencent
15:02à étudier ce lac
15:04et puis se rendre compte que cette fameuse légende
15:06d'engloutissement,
15:08elle a
15:10raison d'être.
15:12Qu'elle a vraiment
15:14existé.
15:16Qu'elle est partie d'un fait réel.
15:18En fait, une partie de cette
15:20légende est due au fait
15:22qu'on a trouvé une ancienne
15:24meule calo-romaine
15:26extraite sans doute des bords du
15:28pavin, vers le 2e
15:30siècle après Jésus-Christ.
15:32Donc il y avait une occupation romaine dans le pavin
15:34et qui a cessé brusquement.
15:36Et à cette époque,
15:38en 1910,
15:40un érudit local
15:42a dit que
15:44sans doute ces gens avaient
15:46été partis précipitamment
15:48dû à une grande catastrophe
15:50et il invoque une espèce de tsunami lacustre
15:52à cette époque.
15:54Mais cette théorie n'a jamais
15:56été reprise par
15:58personne.
16:00Jusqu'à très récemment, où les volcanologues
16:02se sont aperçus que ça pourrait
16:04bien recommencer.
16:06Sauf que maintenant,
16:08c'est plus une bourgade.
16:10C'est des centaines
16:12et des milliers d'habitants qui habitent en dessous.
16:14Et que si
16:16le diable se réveille à nouveau,
16:18on n'aura pas le temps
16:20de prévenir toute la population.
16:24Et là, on a la légende
16:26qui repointe son nez en disant coucou.
16:28Et là, je vous laisse
16:30les points de suspension.
16:32Parce que nous, c'est pas la suite.
16:34Depuis quelques années,
16:36on a stabilisé les rives du
16:38pavin, puis on les observe.
16:40Mais s'il y a un tremblement de terre
16:42un peu fort,
16:44et c'est le cas dans la région
16:46régulièrement,
16:48tous les deux siècles,
16:50on peut avoir
16:52un dégazage.
16:54Et le pavin est visité
16:56quand même par 200
16:58ou 250 000 visiteurs par an.
17:00Donc,
17:02là,
17:04le risque est à prendre au sérieux,
17:06mais le risque immédiat
17:08est très très faible.
17:10Il faut qu'il y ait un déclencheur.
17:12Mais rassurez-nous,
17:14est-ce qu'il y aura des signes avant-coureurs ?
17:18Non, les tremblements de terre,
17:20ils préviennent pas tellement.
17:22C'est ça, il n'y a pas beaucoup
17:24de précurseurs de tremblements de terre.
17:26Heureusement,
17:28pour l'instant, la bonne ville
17:30de Besse et Sainte-Anastèse
17:32est encore là, et ce depuis plus
17:34de 900 ans.
17:36Si Besse est aujourd'hui
17:38réputée pour sa station de ski,
17:40baptisée Superbesse,
17:42c'est entre la plaine de la Limagne
17:44et les montagnes du massif du Sancy
17:46que cette ravissante cité médiévale
17:48a eu la riche idée de se nicher.
17:54Un carrefour idéal
17:56pour les échanges en tout genre.
17:58Car au XIIe siècle,
18:00les Auvergnats de la région
18:02ont soif de réussite.
18:04Alors, pour édifier cette mecque du commerce
18:06en personnes avisées
18:08et économes,
18:10ils décident déjà d'utiliser
18:12quasi exclusivement les richesses du sol.
18:14En l'occurrence,
18:16la roche volcanique.
18:18Elle est peut-être très dure à travailler,
18:20mais tellement résistante.
18:22Pourquoi ne pas faire
18:24les maisons en pierre de lave,
18:26se disent-ils ?
18:28Ce n'est pas très gai comme couleur,
18:30mais ça tiendra debout pendant des siècles.
18:32Et ils avaient raison, les Bessars.
18:34Regardez,
18:36ne sont-elles pas toujours là,
18:38ces inoxydables bâtisses
18:40qui protègent si bien de la froidure hivernale,
18:42avec leurs toits courts et pentus
18:44qui laissent glisser la neige ?
18:46C'est d'ailleurs aussi en pierre de lave
18:48qu'a été faite, un siècle plus tard,
18:50la cathédrale de Clermont-Ferrand,
18:52reconnaissable entre toutes
18:54dans sa robe d'encre.
18:58Pour l'anecdote,
19:00Clermont s'appelle Clermont
19:02parce que c'était la ville claire.
19:04Et à partir du XIIIe siècle,
19:06on a commencé à construire
19:08des bâtiments publics avec une pierre noire.
19:10Et maintenant, Clermont est devenue
19:12une ville noire.
19:14Mais c'est un beau noir,
19:16un noir très noble.
19:18C'est une pierre qui vous plante
19:20le pays.
19:22Elle est très bien dans ce pays-là
19:24qu'à côté, c'est un pays de verdure,
19:26un pays d'immensité.
19:28Et à un moment donné,
19:30c'est presque ces concentrations
19:32de pierres noires.
19:34C'est un peu comme une vache
19:36plantée dans un paysage.
19:38C'est stable.
19:40Dans d'autres coins de l'Allemagne,
19:42on utilise d'autres types de roches.
19:44Et quelquefois, on a les deux,
19:46ce qui fait une polychromie
19:48superbe.
19:50C'est le cas de l'église de Saint-Nectaire
19:52ou de l'église d'Histoire,
19:54qui sont magnifiques avec des couleurs contrastées.
19:56Un contraste à l'image du pays
19:58qui oscille entre l'ombre
20:00des volcans et la lumière du ciel,
20:02entre Dieu et le diable.
20:10En effet, pour l'église,
20:12le démon faisait souvent office
20:14de garde fou de prédilection.
20:16Lors des veillées auvergnates,
20:18il y avait toujours une bonne histoire
20:20à raconter sur son compte.
20:22Notre prochaine légende a été inspirée
20:24par ce pont du village
20:26de Vieilles-Brioudes
20:28qui enjambe l'Allier en Haute-Loire.
20:30Si le pont que vous voyez là
20:32tient bon depuis 1832,
20:34sachez qu'il n'en a pas toujours
20:36été de même pour ses prédécesseurs.
20:38L'histoire de ce pont
20:40a tant défié l'entendement
20:42des habitants de la région
20:44pendant près d'un siècle
20:46qu'elle est célèbre dans toute l'Auvergne.
20:48Ici, désormais,
20:50on appelle ce monument historique
20:52le pont du diable de Vieilles-Brioudes.
20:56Après avoir tenu
20:58près de quatre siècles,
21:00la première version médiévale de ce pont
21:02que l'on qualifia de plus longue voûte du monde
21:04s'écroula un funeste jour
21:06de 1754.
21:08Depuis, ingénieurs et constructeurs
21:10s'attelèrent à remettre le pont en état.
21:12Mais il sembla mystérieusement
21:14impossible de le reconstruire,
21:16comme si un esprit malin
21:18s'y était farouchement opposé.
21:20Ainsi, pendant près de 80 ans,
21:22les villageois,
21:24impatients de pouvoir retraverser l'Allier,
21:26font des gorges chaudes,
21:28des étranges coups du sort
21:30qui s'acharnent sur l'édification de leur pont.
21:32Une première tentative a lieu en 1783,
21:34mais une crue l'emporte.
21:36On le reconstruit dans la foulée,
21:38mais sept ans plus tard,
21:40il tombe de nouveau.
21:42Et quand enfin, en 1818,
21:44on réussit à le redresser,
21:46quatre ans plus tard,
21:48il s'effondre encore.
21:50Et voici, selon la légende,
21:52quel pacte infernal
21:54les Auvergnats ont dû faire
21:56pour que leur pont se tienne à nouveau debout
21:58sans s'écrouler.
22:00Il s'agissait de construire
22:02un pont sur la rivière,
22:04mais le problème, c'est qu'avec les crues,
22:06on ne pouvait pas construire ce pont.
22:08Dès qu'on en mettait une partie,
22:10tout s'effondrait, tout allait de travers.
22:12La foudre tombait sur le pont,
22:14les crues emportaient
22:16les échappaudages,
22:18et même les gens
22:20qui travaillaient dessus
22:22se sont noyés.
22:24Alors, pour construire ce pont,
22:26il a fallu faire appel au bon Dieu,
22:28mais le bon Dieu n'était pas là.
22:30Si le bon Dieu ne veut pas nous aider,
22:32nous allons faire appel au diable.
22:34Au diable, surtout !
22:36Surtout dans ces hautes contrées d'Auvergne,
22:38ne parlons pas de diablerie,
22:40parce qu'il ne fût un temps pas très lointain
22:42où on brûlait les gens qui parlaient comme ça.
22:44Le diable surgit,
22:46une gerbe d'étincelles,
22:48alors, bien sûr, tout le monde dit
22:50« Qu'est-ce qui va se passer ? »
22:52Et le diable dit « Vous avez un petit problème
22:54avec cette histoire de pont,
22:56mais je règle tout.
22:58En un rien de temps, vous aurez votre pont. »
23:00Et alors, donc, voilà,
23:02le diable dit « Par contre, il me faut un volontaire
23:04parce qu'il va falloir signer un document. »
23:06Alors tout le monde a dit
23:08« Mais si, s'il n'y a que ça à faire,
23:10on va signer le document. »
23:12Mais vous avez bien lu « Tout être vivant
23:14qui passera le pont,
23:16le pont,
23:18je récupère son âme. »
23:20Oui, oui, il n'y a pas de souci, pas de problème.
23:22En fait, on appelle cela faire un pacte avec
23:24le diable.
23:26Alors, du coup, le père François dit
23:28« Moi, je signe. »
23:30Tout le monde dit « Mais t'es fadasse ! »
23:32« Si, si, moi, je signe. »
23:34Donc les travaux commencent,
23:36une grande sécheresse, on peut mettre
23:38les échafaudages, on met les pierres,
23:40l'arche se construit,
23:42tout est parfait,
23:44tout fonctionne très bien.
23:46Et, bien sûr, le matin de l'inauguration,
23:48les villageois étaient d'un côté,
23:50le diable de l'autre,
23:52mais il fallait trouver quelqu'un
23:54qui passe sur le pont.
23:56« Et si t'envoyais ta femme ?
23:58Ma femme ? Non, non, non,
24:00on ne peut pas envoyer ma femme, non.
24:02J'ai une meilleure idée, laissez-moi faire. »
24:04Et il a pris son plus bel âne,
24:06il lui a dit « Allez, traverse le pont. »
24:08Et le bravan, petit à petit,
24:10s'est avancé.
24:12Et au milieu du pont,
24:14le diable s'est bien trouvé surpris
24:16parce qu'effectivement, il a récupéré
24:18l'âme de l'âne.
24:20Voilà, voilà l'histoire.
24:22Ils peuvent en rire aujourd'hui,
24:24car depuis 1832,
24:26leur pont tient bien sur ses jambes
24:28et semble supporter allègrement
24:30les crus de l'allié.
24:32Encore une bonne raison de faire la fête.
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25:40Quand elle n'évoque pas la construction
25:42de leur pont, ô combien nombreux
25:44dans ce pays des eaux,
25:46les légendes locales se plaissent à magnifier
25:48leur château, tout aussi nombreux
25:50en Auvergne.
25:52En effet, le patrimoine castral est ici l'un des plus riches de France.
25:57Dépositaires des secrets de notre histoire,
26:00les bâtisses séculaires s'égrenent de l'ère gauloise au romantisme,
26:04du Moyen-Âge à la Renaissance.
26:06Elles sont à l'image de leur peuple, fières et impénétrables.
26:11C'est un château ici.
26:13C'est un château dont les gens descendaient dans les plaines, aux alentours, régulièrement,
26:18depuis des siècles et des siècles, commercer,
26:20et remonter très vite dans leur château, dans leur domaine.
26:23Ça a été une forteresse, ici.
26:25Et les gens sont restés un peu les maîtres de la forteresse pendant des siècles et des siècles.
26:30Ce qui les a un peu mis en décalage par rapport au reste du monde,
26:35puisqu'ils se sont renfermés, ils se sont capitalisés sur leur monde, ici.
26:41D'ailleurs, regardez le nombre de châteaux quand vous baladez en Auvergne.
26:44C'est impressionnant.
26:46Moi, qui ne suis pas d'Auvergne même, qui viens des bordures sud,
26:50j'ai été impressionné, en arrivant en Auvergne,
26:53de voir quasiment tous les 10 km, il y a un château.
26:56Et des châteaux anciens.
26:59L'un des plus réputés d'entre eux trône sur le massif du Sancy
27:03et s'appelle le château de Murolle.
27:06Perché sur son piton basaltique à près de 1000 m d'altitude,
27:10il domine le village dont il porte le nom
27:12et ressemble à s'y méprendre à une énorme cheminée.
27:16Mais c'est bien une forteresse imprenable,
27:18édifiée au XIIe siècle, qui lui donne ce style roman.
27:23Des seigneurs d'Apchon à la puissante famille Destin,
27:26tout semblait donc avoir été prévu pour résister aux envahisseurs.
27:30Pourtant, elle fut soudain abandonnée,
27:34puis recyclée en prison pour finir sa carrière
27:37en sinistre repère de brigands à la Révolution.
27:43Après quoi, les habitants n'ont pas hésité à la délester
27:46de ces pierres déjà taillées pour en faire leur maison.
27:50C'est aussi ce qui arriva au château de Léotoin,
27:54théâtre de notre prochaine légende.
28:07Quand on voit le château de Léotoin,
28:09ce n'est qu'une ruine à l'heure actuelle,
28:11mais une ruine parlante.
28:13Parlante parce qu'elle est très bien située sur ce petit tombe.
28:16De loin, on la voit, partant de soleil, partant de brume.
28:20Elle a un côté qui vous saisit.
28:22En plus, derrière, il y a les gorges profondes de l'Alagnon,
28:25puis le plateau immense qui s'étend sur l'autre versant.
28:28On se doute qu'il y a quelque chose qui s'est passé là.
28:31La légende qui s'y rattache est une légende très classique,
28:35mais en même temps, elle est installée là.
28:39Elle a vraiment sa place dans cet endroit.
28:42Si vous y allez en saison automnale ou hivernale,
28:46avec des brumes qui s'effilochent, qui s'accrochent,
28:49vous imaginez très bien qu'un jour, effectivement,
28:52les gens qui vivaient en bas, autour du château,
28:56dans les villages alentours,
28:58aient pu entendre des cris, des hurlements, glacer le sang.
29:02Et les histoires se sont installées.
29:05Parce que c'était quelque chose aussi, je pense,
29:08qui fait partie de l'identité auvergnate très puissamment,
29:12même si à l'heure actuelle, malheureusement,
29:15je dirais, elle s'efface un peu.
29:17C'est la présence des troubadours.
29:19On peut parler des volcans, on peut parler des diableries,
29:22on peut parler de l'eau avec ce qu'elle recèle comme mystère
29:25et comme vie.
29:27Et puis, on ne peut pas oublier non plus la présence humaine
29:30des troubadours.
29:32La chambre de Léotoint a donc pour héros un troubadour
29:35qui était passé par là et dont la musique résonne encore
29:38aux oreilles des Auvergnats comme une ode à la princesse des lieux.
29:42Le troubadour qui a frappé à la porte du château,
29:45il avait un peu hésité quand même.
29:48Bien sûr, c'était une bonne adresse.
29:51On savait qu'il serait bien accueilli.
29:54Mais la réputation du seigneur du lieu n'était pas un chanteuresse.
29:59On disait que c'était un homme rude,
30:01que c'était un homme qui ne pensait qu'à une chose,
30:03c'est se battre.
30:05Et se battre contre n'importe qui.
30:07Il n'y avait pas une aura de bonheur qui régnait sur ce château.
30:11Et pourtant, dans cette noirceur,
30:15il avait quand même laissé traîner ses oreilles au troubadour.
30:19Il lui avait dit que la fille du château, la demoiselle,
30:24elle était d'une beauté telle
30:27que de toute façon, il ferait comme tout le monde,
30:29il en tomberait amoureux.
30:31Alors, il a poussé la porte.
30:34Le seigneur a fait demander son intendant.
30:37On a offert au troubadour une chambre pour lui tout seul.
30:43Et on l'a convié à partager le repas à la même table que le seigneur.
30:47Ce n'était pas si fréquent que ça.
30:49En le faisant bien comprendre qu'après le repas qu'on lui offrait,
30:53après les bonnes boissons qui coulaient à flot,
30:56on attendait de lui qu'il chante, qu'il raconte,
31:00qu'il emmène le monde du château ailleurs.
31:05Mais lui, il guettait.
31:08Il guettait un pas quelque part léger,
31:11celui d'une demoiselle, celui d'une apparition.
31:15Elle a fini par venir, à la fin.
31:18Le maître des lieux aussi rustres et désagréables,
31:21il n'a même pas pris le temps de présenter sa fille, bien entendu.
31:24Elle s'est assise à côté de son père et là, tout a basculé.
31:29Quand ce troubadour était là devant ses yeux à chanter,
31:33à l'emporter comme le chant des oiseaux sur les ailes des nuages,
31:38elle a senti que la réalité venait de basculer.
31:43Et quand elle est rentrée se coucher ce soir-là,
31:46elle était dans un état second, mais lui aussi.
31:50Sauf que le Seigneur, il s'était aperçu de quelque chose quand même.
31:54Il tenait tellement à sa fille qu'il ne voulait absolument pas
31:58qu'un homme autre que lui porte les yeux sur elle.
32:03Le troubadour est parti se coucher.
32:05Dans la nuit, comme il ne pouvait pas dormir,
32:08il a penché la tête par la fenêtre.
32:11Puis il a vu qu'à la tour de l'autre côté, il y avait une lumière aussi.
32:16Et en se penchant un peu plus,
32:19il s'est aperçu que la jeune fille était, elle aussi, réveillée.
32:24Et même s'ils étaient loin l'un de l'autre,
32:27ben lui, qu'est-ce qu'il a fait ?
32:29Il a pris sa mandole et puis, à la fenêtre, il s'est mis à jouer et à chanter.
32:38Le lendemain matin, les gens du village, à la pointe de l'aube,
32:42ont été réveillés par un hurlement et par un choc.
32:47On dit que le troubadour a été précipité par le maître du château,
32:52sur les rochers, dans les fossés.
32:57Ce qu'on dit aussi, c'est qu'on n'a jamais retrouvé son corps.
33:01Mais ce qu'on sait, c'est que deux jours plus tard,
33:06la jeune fille avait disparu.
33:08Son père a lancé des recherches de partout.
33:11Il ne l'a jamais retrouvé.
33:13On dit que, des années et des années et des années après,
33:18on a entendu, dans les gorges, dans la vaste plaine,
33:23sur le plateau, derrière, le chant, porté par le vent,
33:28d'une musique de mandole,
33:30de la voix d'un troubadour chantant dans l'Occitane,
33:34accompagnée de celle d'une jeune fille.
33:37Une voix pure et si légère,
33:40qu'on aurait dit deux oiseaux dans le vent.
33:45Mais si le château est en ruines maintenant,
33:47c'est tout simplement parce que les gens du village,
33:49qui en avaient assez de leur seigneur,
33:51un beau jour, ont pris leur courage à deux mains.
33:54Leurs pauvres mains, leurs pauvres armes
33:56ont envahi le château et l'ont brûlé.
33:59Ainsi se termine la légende du château de Léotoint.
34:08Écrins éternels et mythiques des châteaux d'Auvergne,
34:12les forêts couvrant près de la moitié du territoire
34:15du massif central,
34:17ont tout autant exalté l'imaginaire celte.
34:22Peuplée de créatures étranges et de bêtes sauvages,
34:26la forêt héberge depuis des lustres
34:28toutes nos frayeurs enfantines.
34:38La forêt était un lieu à la fois qui faisait peur,
34:41à la fois dont on avait besoin pour s'approvisionner,
34:44et à la fois un lieu dans lequel on rentrait avec respect.
34:48Et dans le monde celte,
34:50il y avait un respect par rapport aux arbres
34:53qui étaient extrêmement puissants, extrêmement forts.
34:57Et dans les forêts vivaient peu de gens.
35:01Il a fallu attendre le passage d'un certain nombre de siècles
35:04pour que des gens s'installent à vivre dans les forêts.
35:07Et ces gens-là ont toujours été regardés un peu de travers.
35:10Et si vous rajoutez à ça la présence du loup,
35:13qui était extrêmement présent dans le massif central.
35:17Le loup...
35:19Je ne sais pas si vous avez déjà entendu chanter un loup.
35:25On avait peur des loups.
35:27Oui, c'est une peur ancestrale, le loup, de toute façon.
35:30Pas qu'en Auvergne, dans toutes les régions de France.
35:33Et du monde, même. Je pense qu'il y a eu une peur du loup.
35:36Le loup a quand même, à certaines époques, dévoré des personnes.
35:40On a des cas avérés d'attaques de loups.
35:43Il y a deux principaux cas où le loup a attaqué les gens.
35:47Il y a le loup enragé.
35:49Et là, tout le monde est tout à fait d'accord pour dire
35:52qu'un loup qui a la rage peut se mettre à attaquer des gens.
35:55Et il y a eu aussi, par le passé,
35:57et ça s'est prouvé par des documents historiques,
36:00des cas de loups qu'on appelle anthropophages.
36:02C'est-à-dire que certains loups, sans avoir la rage,
36:05à certaines époques et dans certains lieux,
36:08se sont mis à attaquer les gens pour les dévorer.
36:11Alors, c'est une très petite minorité.
36:13C'est pas la majorité des loups, loin de là.
36:15C'est peut-être 1, 2, 3 % maximum.
36:18Mais ça s'est bien produit.
36:20Et entre ça, et puis, après la déviance avec les loups-garous,
36:25et la bête du Gévaudan, là derrière,
36:28on est dans ces peurs.
36:30On est dans cette tentative d'appréhension du monde autour de soi,
36:35en sachant pas très bien comment s'en sortir.
36:39Et c'est donc à la faveur d'un fait bien réel
36:42qu'il y a deux siècles et demi,
36:44se sont cristallisées toutes les peurs des Auvergnats
36:47en une légende, celle de la bête du Gévaudan.
36:51Dans l'imaginaire collectif de ces Celtes,
36:54très imprégnés par la chrétienté,
36:56le loup est le féal du diable, quand il n'en est pas l'incarnation.
37:00Ainsi, quand on a vu cette bête monstrueuse arriver en Auvergne
37:04et dévorant tout sur son passage,
37:06on a tout de suite pensé qu'il s'agissait d'une manifestation satanique
37:10et non d'un loup.
37:12Ça a commencé vers 5-6 ans,
37:14peut-être quand ma grand-mère a commencé à m'en parler,
37:17puisque ma grand-mère était du Gévaudan aussi.
37:20Elle, elle racontait l'histoire de la bête.
37:23Elle l'avait entendue racontée par sa propre grand-mère,
37:26qui elle-même l'avait entendue racontée par sa grand-mère,
37:29qui avait sûrement vécu à l'époque de la bête.
37:32Elle disait que c'était des enfants qui gardaient les vaches comme toi
37:35qui étaient attaqués par la bête.
37:37Donc c'est pas très rassurant tout ça.
37:39C'est pour ça qu'arrivait à l'adolescence.
37:41J'ai voulu en savoir plus, et puis voilà.
37:43Et voilà donc comment ce petit gars du pays
37:46s'est mis à chercher la part de vérité
37:48de l'histoire de cette bête légendaire.
37:53Donc l'histoire de la bête commence ici,
37:56dans cette région de l'Angogne.
37:58Ça commence là, ça commence même dans la région voisine
38:01qui s'appelait le Vivaré à l'époque.
38:03Donc la bête commence là, ensuite elle se sauve vers le nord,
38:07et c'est ici dans cette région qui se situait
38:10à la limite du Gévaudan de l'époque et de l'Auvergne de l'époque
38:14que la bête va se cantonner pendant deux années
38:16et qu'elle va terminer sa carrière.
38:19Quand il dit ici, notre historien parle de cette région
38:22du sud de l'Auvergne, dans le massif de la Margeride,
38:25à la limite du Cantal et de la Haute-Loire.
38:32La statue de la bête combattant la bonne du curé local
38:35témoigne des ravages bien réels qu'elle fit dans la région.
38:44Ici on est dans le village de Chanteloupe,
38:46sur la commune actuelle d'Auvergne.
38:49Il faut savoir qu'au XVIIIe siècle, le chef-lieu de paroisse,
38:53puisqu'à l'époque on ne parlait pas de commune mais de paroisse,
38:55le chef-lieu de paroisse était Nausérole,
38:58c'est-à-dire un autre village de la commune.
39:00Il y a eu un transfert de chef-lieu de paroisse.
39:02Bref, mais ici il y a eu plusieurs choses.
39:05Il y a eu déjà sur la paroisse d'Auvergne-Nausérole,
39:08il y a eu au moins sept victimes de la bête du Gévaudan à l'époque.
39:13Jusqu'à preuve du contraire, c'est la paroisse où il y a eu le plus de victimes.
39:17Et c'est ici, à environ un kilomètre et demi de ce village, de Chanteloupe,
39:22que la bête du Gévaudan a été tuée.
39:24Ce qui explique que les Auverniens se soient appropriés la légende de la bête
39:28bien plus que leurs voisins occitans du Gévaudan.
39:31Et voici ce qu'ils racontent.
39:33Raconter l'histoire de la bête, ça a duré trois ans l'histoire de la bête.
39:38Pour la raconter, il faudra la résumer, je suppose.
39:43Et justement, c'est dans ce petit village d'Auvergne,
39:46dont le pavé est partout marqué du passage de la bête,
39:49qu'un passionnant musée lui est consacré.
39:52Les scènes qui y sont présentées illustrent idéalement chaque étape
39:56de ce qui a fait de ce fait divers une légende.
40:00Car la véritable histoire commence avec les premières attaques de cette étrange bête.
40:06Donc, la bête commence ses ravages en juin 1764 dans le sud, du côté de Langogne.
40:13Des premières chasses sont conduites par les nobles du secteur.
40:17Ensuite, très rapidement, les autorités de l'époque, qui sont informées,
40:21font appel à l'armée.
40:23Et ça tombe bien, parce que du côté où les ravages ont commencé,
40:27il y a une troupe de soldats qui est cantonnée là,
40:31qui s'appelait des Dragons de Clermont-Prince.
40:33Alors ça, je crois que c'est une chose très importante à bien comprendre,
40:37c'est que dès le début, on ne fait pas appel à des chasseurs, mais à des militaires.
40:41Et les militaires, ils chassent sans chien de chasse, notamment.
40:46Eux, ils chassent avec leur méthode à eux.
40:48Alors leur méthode, ce sera quoi ?
40:50Ce sera de faire d'immenses battues.
40:52Ils convoquent les paysans aux battues.
40:54Alors ils font des battues qui regroupent parfois 20 000.
40:57On a même des documents qui parlent de 30 000 personnes aux trousses de la bête en même temps.
41:02Et malgré ce déploiement de force vraiment extraordinaire,
41:07la bête ne sera pas abattue.
41:09Alors dans ces chasses, ils vont tuer des loups,
41:12parce que des loups, il y en avait à foison à l'époque.
41:14Alors chaque fois qu'ils tuaient un loup, ils se disaient, après tout, c'est peut-être ça la bête.
41:18On va attendre et on verra bien.
41:20Alors ils attendaient, et bien non, c'était pas ça,
41:22puisque les attaques reprenaient, et donc c'était pas la bonne bête qui avait été tuée.
41:26Dès la fin de la première année, 1764,
41:30il va y avoir un fait très important qui va se produire dans la région.
41:34C'est l'évêque de Mande qui va publier un mandement,
41:37qu'il envoie à toutes les paroisses du Gévaudan,
41:40avec ordre au prêtre de lire ce texte en chair à l'église.
41:44Et dans ce texte, alors il est très important ce texte,
41:48parce que l'évêque, il dit en gros ceci, il dit,
41:50la bête qui vous attaque, ce n'est pas un loup,
41:54ce n'est pas une bête ordinaire,
41:56c'est une bête extraordinaire qui a été envoyée sur Terre par Dieu
42:01pour punir les gens de leurs péchés.
42:04Voilà ce que dit l'évêque.
42:06Alors ça, je pense, ça a beaucoup contribué à mythifier un peu cette bête du Gévaudan.
42:11Tout de suite, ils se sont imaginés que ça serait très compliqué de la tuer.
42:15Tuer un loup c'est possible,
42:17mais tuer une bête fléau de Dieu, c'est beaucoup plus compliqué.
42:20C'est là que le mythe d'une créature démoniaque venue punir le peuple
42:24s'est répandu dans la France entière,
42:26au point qu'un louvetier normand nommé Denwald arriva pour proposer ses services.
42:31Alors ce Denwald, lui il habitait en Normandie,
42:34et il avait à son palmarès, paraît-il, 1200 loups.
42:38Donc avec ce pédigré, il va voir le roi Louis XV,
42:41il lui propose ses services,
42:43et Louis XV lui donne carte blanche,
42:46et donc le normand va venir chasser la bête en Gévaudan.
42:49Parce que lui, il pensait que c'était un loup,
42:51avec du Gévaudan, il pensait que c'était un simple loup.
42:54Et lui qui a tué 1200 loups chez lui,
42:57chez nous il va en tuer zéro, pas un seul.
43:00Alors pourquoi ça ?
43:02Parce qu'il est très très surpris déjà par le relief du Gévaudan.
43:06Lui il a l'habitude de chasser en Normandie, un pays tout plat,
43:10il a l'habitude de chasser à court,
43:12et cette méthode de chasse ne fonctionne pas du tout dans la région,
43:16avec le relief, etc.
43:18Tout ça, ça ne marche pas.
43:20C'est un échec total.
43:36Face à ces échecs répétés,
43:38Louis XV n'en peut plus de cette histoire de bête,
43:41d'autant que la Gazette de France en fait ses choux gras.
43:44Alors, pour en finir, il envoie sur place son porte-arquebuse personnel,
43:49un certain François Antoine.
43:51Alors quand il arrive en juin,
43:53il se met à chasser, il s'installe dans la région,
43:56il se met à chasser, au début ça ne fonctionne pas.
43:59Il ne tue rien en juin, il ne tue rien en juillet,
44:02il ne tue rien en août,
44:04et il s'inquiète beaucoup parce qu'il a ordre de tuer la bête.
44:07Arrive comme ça le mois de septembre,
44:09et le 20 septembre 1765,
44:11dans une chasse, il va avoir la chance de tuer lui-même.
44:16Donc c'est vraiment François Antoine lui-même qui va tuer un grand loup.
44:20Ils l'ont autopsié, ils l'ont naturalisé,
44:24et ils l'ont envoyé à la cour de Versailles.
44:27Et dès que ce loup est arrivé à la cour,
44:30eh bien Louis XV tout de suite a dit,
44:32ça y est, la bête du Gévaudan est morte.
44:35Et à partir de ce moment-là donc,
44:37puisque le roi l'avait dit,
44:39pour les autorités, ça a été une histoire réglée, la bête du Gévaudan.
44:44Toutes les gazettes du royaume annoncent alors l'événement.
44:48Mais un peu tôt semble-t-il,
44:51car un an et demi passe,
44:53et malheureusement, au printemps 1767...
44:57Il va y avoir une grosse recrudescence des attaques.
45:00À nouveau beaucoup, beaucoup d'attaques,
45:02et toujours dans ce même secteur des fameuses trois montagnes,
45:05Montmouchet, Montchauvé, Montgrand,
45:07donc autour du village d'Auvers.
45:11Et à cette époque-là,
45:13les chasses vont être reprises par un noble du secteur
45:16qui s'appelait le Marquis d'Apché.
45:18Donc lui, chaque fois qu'on lui signale une attaque,
45:21il part à la chasse,
45:23avec quelques hommes qu'il prend dans les villages alentours.
45:28Et c'est donc à lui qu'on va signaler la toute dernière attaque de la bête,
45:33qui a lieu le 17 juin 1767.
45:36Et c'est là, à cet endroit, dans la forêt Tenzer,
45:39donc juste à côté du village où on se trouve,
45:42que la bête du Gévaudan va être abattue
45:44par un paysan du secteur qui s'appelait Jean Chastel.
45:48Quand il a tué cette bête,
45:50il y a une chose qui me paraît primordiale,
45:53qui me paraît très importante,
45:55c'est qu'il n'a pas dit, les chasseurs qui sont venus voir tout ça,
45:58ils n'ont pas dit, on a tué un loup, c'est peut-être ça la bête,
46:01comme ils avaient dit maintes et maintes fois.
46:03Ils ont dit tout de suite, ça y est, la bête est morte.
46:06C'est-à-dire qu'ils l'ont reconnue.
46:08Ils ont reconnu aux caractéristiques physiques
46:11que c'était bien la bonne bête après laquelle ils couraient depuis trois ans.
46:15Alors, à quoi ressemblait-elle en définitive,
46:18cette bête mythique sur laquelle on a raconté tout et n'importe quoi ?
46:23Cet animal est de la taille d'un taureau d'un an.
46:26Il a les pattes aussi fortes que celles d'un ours,
46:30avec six griffes à chacune de la longueur d'un doigt.
46:34La gueule extraordinairement large,
46:37le poitrail aussi fort que celui d'un cheval,
46:40la queue grosse comme le bras et au moins de quatre pieds de longueur.
46:45Le poil de la tête noirâtre,
46:48les yeux de la grandeur de ceux d'un veau et étincelants,
46:52les oreilles courtes comme celles d'un loup et droites,
46:56le poil du corps rouge avec une raie noire large de quatre doigts
47:01depuis le col jusqu'à la naissance de la queue.
47:05Ces caractéristiques qui ont été décrites par le capitaine du Hamel
47:09et par d'autres chasseurs après,
47:12ils les ont retrouvées sur le cadavre du dernier animal tué par Jean Chastel.
47:17C'est un domestique du Marquis d'Apché
47:20qui est chargé d'emmener la bête à Versailles pour la montrer à Louis XV.
47:24Il part avec la bête qui a été mal naturalisée.
47:28On est en pleine chaleur du mois de juillet.
47:31Il arrive à Paris avec sa bête qui pue.
47:33Le roi ne juge pas utile de se déplacer.
47:36Et après, la bête est enterrée.
47:38On n'en a rien gardé.
47:40Pas de peau, pas de poils, pas de dents, pas de squelettes, rien du tout.
47:43Ce qui fait qu'encore de nos jours,
47:45il y a une polémique sur ce qu'a pu être cette bête du Gévaudan.
47:49Voilà comment se termine l'histoire.
47:51Eh bien, pas si terminé que ça.
47:53Parce que les Auvergnats n'en ont pas fini avec cette légende
47:56qu'ils semblent ne jamais vouloir cesser de broder.
47:59Cette fameuse bête du Gévaudan
48:02que bien des chasseurs ont prétendu avoir tuée,
48:05ce n'était pas une.
48:07C'était une bête qui était dressée pour tuer
48:09des jeunes filles et des jeunes enfants.
48:12Et là, on est quand même au niveau social
48:14dans quelque chose qui révèle un rapport au monde
48:17qui n'a rien à voir avec une simple histoire
48:20de bête sauvage.
48:22On s'est rendu compte qu'à un moment donné,
48:24il y avait un noble qui était un noble,
48:26qui était maintenant franchement vicieux
48:29et qui, lui, était un type qui n'était pas clair
48:32et qui exerçait une vengeance
48:34à la fois en tant que noble sur les Manons autour,
48:37mais surtout les Manons jeunes filles
48:39et puis jeunes enfants.
48:41Et c'est quand on met tous ces éléments ensemble
48:44qu'on arrive à tisser le film de l'histoire.
48:46Moi, je me base toujours sur les documents d'archives.
48:48Et tous les documents qu'on a,
48:50tous y sont absolument unanimes,
48:52tous y parlent toujours d'un animal,
48:55jamais d'un homme.
48:57Alors moi, on ne m'enlèvera pas de l'idée
48:59que s'il y avait eu un homme derrière la bête,
49:01c'est-à-dire si ça avait été une bête dressée,
49:03recouverte d'une cuirasse,
49:05on ne m'enlèvera pas de l'idée que cet homme,
49:07à un moment ou l'autre, il aurait été vu,
49:09il aurait été dénoncé, il aurait été soupçonné,
49:12ça n'a jamais été le cas.
49:14Moi, je pense que l'histoire de la bête du Gévaudan,
49:16c'est une histoire d'animaux sauvages, tout simplement.
49:19A mon avis, ce n'est que mon avis,
49:21il vaut ce qu'il vaut,
49:23c'est quand même 30 ans de recherche, disons.
49:25Il ne faudrait pas parler de la bête du Gévaudan,
49:29mais des bêtes du Gévaudan.
49:31Moi, je pense qu'il y a eu plusieurs animaux en cause,
49:34et je pense que la bête qui a tué Chastel,
49:38à côté du village de Chanteloupe, d'Auvers,
49:41à mon avis, cette bête était un hybride,
49:44un hybride de loup et de chien.
49:46Cet hybride se serait mis à attaquer les gens
49:48de par la part de chiens qu'il a,
49:50parce que c'est vrai que le loup, normalement, a peur de l'homme.
49:53Par contre, l'hybride ne va pas avoir cette peur de l'homme.
49:57Donc, il va peut-être s'apercevoir qu'il est, en fait,
50:00pour lui, moins risqué d'attaquer le berger
50:02que d'attaquer le mouton.
50:04Et donc, c'est ce qui aurait pu engendrer
50:06cette histoire de bête du Gévaudan.
50:08Moi, je pense qu'il y a toujours une part de mystère qui subsiste.
50:10C'est ce qui en fait, d'ailleurs, tout l'intérêt.
50:12Si on savait tout, on n'en parlerait plus de la bête du Gévaudan.
50:15Ainsi, l'imaginaire Auvernien demeure attaché
50:18à ces bêtes sauvages qui hantent les forêts profondes,
50:21aux châteaux mystérieux trônant près des volcans
50:24dont l'encre de la lave teinte les paysages.
50:28Et ce peuple celte semble encore croire aux fées
50:32qui protègent les rivières qu'enjambent des ponts ensorcelés.
50:36Autant de croyances bouillonnant dans leurs veines
50:39comme la terre du massif central sous leurs pieds.
50:43Le patrimoine légendaire Auvernien est un patrimoine vaste.
50:48Qui déborde, bien entendu.
50:50On est sur un château, on est sur un sommet,
50:53donc ça déborde de tous les côtés, c'est comme l'eau du lac Pavin.
50:56Le légendaire Auvernien est en permanence nourri par ces eaux
51:00qui gloutent, qui bouillonnent,
51:03qui reçoivent aussi tout le bonheur de ciel en-dessus,
51:06toute l'immensité des paysages.
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