• il y a 3 mois
Liverpool, Brighton, Sheffield, Newcastle... Des milliers de personnes ont manifesté contre l'extrême droite ce mercredi 7 août en Angleterre, "surpassant en nombre" les émeutiers anti-immigration dans tout le pays, après une semaine de heurts et de violences.

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00:00Avec nous pour en parler, Laëtitia Langlois. Bonjour, vous êtes maîtresse de conférence à l'Université d'Angers, spécialiste de la droite populiste.
00:06Bonjour, Maximilien Nagy. Vous êtes journaliste franco-britannique, mais avant, on va prendre la direction de Londres, où on vous retrouve, Laura Calmus.
00:12Vous êtes notre correspondante sur place. Quel regard les Britanniques portent ce matin sur la soirée d'hier ?
00:19Eh bien, pour les Britanniques, c'est un soulagement. Des Britanniques qui voulaient montrer en masse que le racisme n'était que marginal, que ça ne faisait pas partie de leur population.
00:34En fait, on peut le voir regarder avec ses unes de presse ce matin le Daily Mail qui titre « Les manifestants anti-haine se sont opposés aux voyous »
00:45ou encore, regardez la une du Times qui montre cette photo de ces milliers de personnes qui sont venues pour s'opposer à l'extrême droite.
00:55Alors voilà, vous l'avez dit, en fait, c'était un peu une surprise pour les forces de l'ordre qui s'attendaient à voir ces manifestations anti-migrants.
01:05Alors, le pays a répondu justement pour contrer ces manifestations avec, en fait, un pays qui est tout de même toujours traumatisé par cette attaque au couteau qui a tué trois petites fillettes.
01:19Et c'est justement ce que voulait montrer le pays. Hier, par exemple, j'étais dans le nord de Londres où on a pu voir ce multiculturalisme avec toutes les religions qui étaient représentées,
01:29toutes les couleurs de peau aussi, pour montrer un Royaume uni et aussi pour contraster avec les images de violence qu'on a vues ces derniers jours.
01:39Voilà, il y avait effectivement, et vous l'avez signalé, beaucoup, beaucoup de policiers dans les rues aussi, ce qui a sans doute joué un rôle dans le déroulement des événements.
01:45Maximilien Nagy, comment vous interprétez-vous ce qui s'est passé hier soir ?
01:49Bon, je pense que c'est une réaction qui, au Royaume-Uni, est peut-être assez spontanée déjà. Ce sont bien sûr des organisations qui ont joué un rôle pour organiser ces marches.
02:01Elles sont assez faciles à organiser. Il faut moins d'autorisation au Royaume-Uni qu'en France pour manifester. Et dans l'ensemble, on part du principe qu'il n'y aura pas de débordement.
02:11Alors bien sûr, ça arrive. Hier soir, en tout cas, on a vu des groupes de plusieurs milliers de personnes dans plusieurs villes du Royaume-Uni qui, effectivement, ont manifesté une opposition à cette violence,
02:24ce qui montre le caractère très minoritaire de ces groupes. Ensuite, je pense qu'il n'est pas certain que c'est un signe d'apaisement global de la population,
02:39parce qu'il y a des personnalités politiques qui ont profité de ces émeutes pour tenter, en tout cas, de remettre la question de l'immigration sur la table.
02:50Je pense notamment à Nigel Farage, le fondateur et président du Parti Reform UK, qui aujourd'hui est député, et à certains candidats à l'élection à la présidence du Parti conservateur,
03:03dont l'ancien ministre sur l'immigration Robert Jenrick.
03:09Laëtitia Langlois, est-ce que ça veut dire que la mobilisation de ces derniers jours n'était finalement qu'une poussée de fièvre de l'extrême droite,
03:15qui est en fait clairement minoritaire au sein de la population, ou ça traduit quand même un mouvement plus en profondeur ?
03:24Oui, je crois que ce serait une erreur de considérer que c'est très minoritaire, et qu'il ne faudrait pas s'attaquer aux causes de ce qui a causé, en fait,
03:32cette poussée de violence très très forte et totalement inédite depuis près de 11 ans.
03:38Donc, même si ce sont des groupuscules d'extrême droite, même si ça ne représente pas la majorité de la population britannique,
03:47tout de même, ça représente un camp qui pèse aussi politiquement, puisqu'on sait que le parti de Nigel Farage a tout de même remporté 14% des scrutins,
03:57des voix exprimées lors des dernières élections, et on sait aussi à quel point les autres partis plus traditionnels,
04:03tels que le Labour, qui est actuellement au pouvoir, ou le Parti conservateur, ont été obligés aussi de s'adapter dans leur discours,
04:10dans la fermeté du discours, notamment le Parti conservateur vis-à-vis de l'immigration, à cette montée du populisme de droite anti-immigration.
04:19Il y avait aussi un autre élément, Laura Calmus, on y a fait allusion, c'est la réponse policière et judiciaire qui a été très forte depuis deux jours.
04:28Oui, absolument, on a vu une mobilisation à grande échelle de la police, 6000 policiers anti-émeutes étaient mobilisés hier à travers le pays,
04:41c'est la plus grosse mobilisation depuis 2011, lorsque les émeutes de Londres avaient éclaté, alors c'était pour toute autre motivation,
04:49Marc Duggan, un jeune métis, avait été tué par la police, mais la réponse policière, en tout cas, était la même, car en fait,
04:59depuis hier, les forces de l'ordre craignaient de nouvelles violences avec des manifestations, mais ce n'est pas, il faut le comprendre,
05:07des manifestations traditionnelles ou autorisées, c'était plutôt des groupes, télégrammes, qui avaient été interceptés avec des appels à manifester.
05:16La chaîne Sky News, par exemple, parlait de près de 100 manifestations à travers le pays, des manifestations racistes, anti-immigration,
05:26et donc la police était préparée, elle ne voulait surtout pas être prise de cour, et c'est surtout aussi cette police préparée, ces réunions de crise,
05:36aussi de Keir Starmer, le Premier ministre, mais aussi les sanctions que le Premier ministre a voulu appliquer, des sanctions lourdes,
05:45justement pour décourager les casseurs et décourager les violences dans les rues.
05:50Il avait promis effectivement Keir Starmer, Maximilien Nagy, de punir ces émeutiers, il a annoncé des sanctions extrêmement lourdes,
05:59Laura le disait, on a un énorme dispositif policier qui a été déployé, et puis il y a aussi cette campagne dans la presse, The Sun par exemple,
06:08qui a publié la photo, les photos des émeutiers avec les peines encourues, tout ça, ça a pu être dissuasif et expliquer aussi hier le recul de ces militants anti-immigrants ?
06:19Oui absolument, et on voit qu'au moins d'un point de vue de la communication, c'est efficace, puisque ces militants, qui sont-ils ?
06:27Ce sont des personnes qui ont des motivations assez claires, assez violentes, et qui, on l'a vu, sont prêts à passer à la violence.
06:35Ensuite, quel est le degré d'organisation de ces groupes et le degré de détermination ?
06:40Au fond, ce ne sont pas des membres d'une milice armée ou qui ont d'une certaine manière des objectifs politiques.
06:48Donc oui, la réaction a été relativement efficace. Je rejoins en tout cas Laetitia Langlois sur les conséquences futures de ces événements.
07:03Je pense effectivement que ces riots, ces émeutes, ont un effet en particulier, c'est de remettre sur la table un sujet qui au Royaume-Uni est très débattu,
07:17et où on a des discours extrêmement opposés, beaucoup plus qu'ici sur le sujet.
07:22À la fois un Labour Party, parti travailliste au pouvoir, qui est relativement enclin à expliquer qu'au fond, le modèle britannique fonctionne,
07:32mais qu'il faut faire attention à l'immigration de masse, mais qui s'arrête là.
07:35Et en face, un parti conservateur qui, quelles que soient les tendances, est beaucoup plus radical, ou en tout cas beaucoup plus ferme sur le sujet,
07:45mais qui a échoué à agir pendant ces 14 années au pouvoir.
07:48Et un Reform UK qui monte en popularité, qui a fait perdre beaucoup de sièges grâce au système électoral au parti conservateur,
07:57et qui aujourd'hui a fait de l'immigration son seul véritable argument de campagne dans cette année.
08:05Et ça va continuer, et on peut s'attendre, quoi qu'on en pense, à une montée de ce parti dans les années qui viennent.
08:13Et je pense que ces événements-là, encore une fois, ne sont pas un simple épisode qui va disparaître par la suite.
08:21Et peut-être que le discours gouvernemental le laisse entendre au Royaume-Uni aujourd'hui, c'est pas du tout aussi certain que ça.
08:27La tentation est grande, Laëtitia Langlois, de remettre le couvercle en se disant « le calme est revenu, il y a eu une réaction de la rue ».
08:34Non, il y a des vrais sujets, il y a des vraies résonances dans la société britannique.
08:38Ah oui, bien sûr. Et là, elles nous ont explosés à la figure, et elles ont explosé à la figure du gouvernement.
08:43Et pendant des années, avant le Brexit notamment, les politiques aussi bien du Parti travailliste que du Parti conservateur
08:51ont sûrement ignoré ces inquiétudes et ces anxiétés qui animaient une grande partie de la population.
08:57Et aujourd'hui, clairement, c'est juste impossible de les ignorer.
09:00Donc il va falloir quand même s'attaquer, comme je le disais tout à l'heure, aux causes de cette violence et de cette frustration, de cette colère, de cette haine même.
09:10Et là, ça va être un grand défi pour Keir Starmer qui est au pouvoir depuis seulement un mois.
09:16Donc c'est sa première épreuve, et là, c'est vraiment un défi qui attend le Parti travailliste de s'attaquer à ça et de pouvoir amener une forme de cohésion nationale dans le pays.

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