L'Ukraine revendique lundi le contrôle de 1.000 kilomètres carrés de territoire russe dans la région frontalière de Koursk, où ses forces sont toujours à l'offensive près d'une semaine après y avoir lancé une incursion armée.
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00:00Et soudain, au cœur de l'été, l'Ukraine a pris la Russie de court.
00:05Deux ans et demi après le début d'une guerre qui s'enlisait, Kiev mène depuis
00:09maintenant une semaine une offensive surprise en territoire russe, une incursion d'ampleur
00:14dans la région de Kursk, une première depuis février 2022 et même la plus grande offensive
00:19d'une armée étrangère sur le sol de la Russie depuis la deuxième guerre mondiale.
00:23Alors est-ce de nature à faire basculer le cours de ce conflit qui ces derniers mois
00:27se résumait à une lente avancée des troupes russes dans l'Est ukrainien ? C'est l'objet
00:31du grand entretien ce matin, pour nous éclairer, trois invités, Elsa Vidal, vous êtes rédactrice
00:36en chef de la rédaction russe de RFI, Radio France Internationale, Marie Dumoulin, diplomate
00:41de carrière et spécialiste de l'espace post-soviétique, membre du Conseil européen
00:45pour les relations internationales, et Olivier Kempf, spécialiste militaire, chercheur associé
00:50à la Fondation pour la Recherche Stratégique, bonjour à tous les trois ! On attend bien
00:56sûr, chères auditrices et auditeurs, vos questions au 01 45 24 7000 et via l'application
01:02France Inter.
01:03Alors d'abord, peut-être pour commencer avec vous Elsa Vidal, un mot de la carte de
01:06la situation à l'heure où l'on se parle, une semaine je le disais après le début
01:09de cette incursion inédite, quels sont vraiment les gains, les avancées de l'armée ukrainienne
01:13dans cette région frontalière russe ?
01:16Alors on se base d'abord sur les déclarations de l'état-major ukrainien puisqu'on n'a
01:19pas de vérification totalement indépendante, et ils sont estimés à 1000 km², ainsi
01:25que des déplacements de populations qui s'en suivent, 121 000, 122 000 personnes,
01:31et des prises assez importantes, un terminal gazier, et puis une progression probablement
01:36en direction d'une des centrales nucléaires de la région de Kursk, qui pourrait être
01:40là aussi une prise permettant de faire pression sur les industries d'armement qui sont installées
01:46dans la région de Kursk, ou peut-être de servir de monnaie d'échange pour la centrale
01:50de Zaporizhia, si importante pour l'Ukraine, Ukraine qui est véritablement touchée dans
01:54son réseau énergétique et qui craint un hiver particulièrement difficile.
01:57Vous parliez d'un terminal gazier, on va y revenir parce que c'est aussi stratégique,
02:01vous disiez 1000 km² pour qu'on se représente un peu la surface, c'est dix fois la surface
02:05de Paris.
02:06Olivier Kempf, alors évidemment les autorités russes reconnaissent certes une offensive
02:11mais bien plus modeste de leur côté, 28 localités disent-elles passées sous le contrôle
02:15de Kiev en une semaine, quoi qu'il en soit, ce qui se passe depuis sept jours, est-ce
02:20qu'on peut dire que c'est rapide ? Est-ce qu'on peut dire que c'est d'une ampleur significative
02:26ou pas ?
02:27J'aime bien vos mots, oui c'est exactement ça, ça a été d'abord surprenant mais pourquoi
02:32surprenant ? Pour plusieurs raisons, d'abord parce que finalement les Ukrainiens depuis
02:37plusieurs mois, vous l'avez dit, subissaient des revers et donc ils ont réussi à réunir
02:43des réserves, on parle de 3 à 4 brigades donc une dizaine de milliers d'hommes, pour
02:47deuxième surprise les mettre à un endroit totalement surprenant, à 100 kilomètres
02:52à l'ouest du front le plus extrême du côté de Kharkiv, donc à un endroit vraiment très
03:00nouveau et d'ailleurs sans grand intérêt stratégique, la station de gaz il y en a
03:05en Ukraine et de toute façon elle sert l'Ukraine et puis la centrale nucléaire elle est à
03:0950 kilomètres, ça semble bien loin donc on ne voit pas vraiment d'exercice technique
03:13et puis le troisième sujet et réellement ça c'est très intéressant, c'est le franchissement
03:18politique de l'incursion sur un territoire russe et ça c'est tout à fait nouveau.
03:23Et très symbolique au-delà de la conquête territoriale, on va y revenir, Marie Dumoulin
03:28on l'a dit il a plus de 120 000 habitants évacués dans cette région de Kourks ces
03:32derniers jours, le régime d'alerte antiterroriste déclenché aussi dans la région voisine de
03:37Belgorod où la situation est alarmante, ce sont les mots des autorités locales, aujourd'hui
03:43dans ces régions russes, c'est le sauve-qui-peut clairement, c'est la panique ?
03:47Il y a une forme de panique dans la mesure où cette attaque n'était clairement pas
03:53attendue, on avait, ça a été rappelé depuis plusieurs mois maintenant, une guerre qui
03:59se concentrait sur le Donbass et dans laquelle c'était la Russie qui progressait certes
04:06très lentement mais qui grignotait petit à petit du territoire et par cette incursion
04:11en Russie, l'Ukraine utilise une faiblesse de la Russie, la Russie n'avait pas suffisamment
04:17protégé ses régions frontalières pour reprendre l'initiative qu'elle avait perdue
04:21depuis un an.
04:22Et où en est la défense russe depuis sept jours ? Parce que Moscou dit avoir stoppé
04:27cette offensive, est-ce qu'on en sait un peu plus ? Est-ce qu'elle parvient à la repousser
04:30?
04:31Alors il faut voir qu'on a, comme ça a été dit par les intervenants précédents,
04:35très peu d'informations précises et recoupées sur ce qui se passe, donc effectivement les
04:40autorités russes ont annoncé envoyer des renforts pour faire face à l'incursion ukrainienne.
04:47Les Ukrainiens disent qu'ils voient ces renforts arriver mais que ça ne suffit pas, parce que
04:54l'un des objectifs des Ukrainiens était peut-être aussi de dégarnir le front sur
04:58d'autres portions où elle était plus en difficulté et pour l'instant les renforts
05:03que la Russie amène dans la région de Kursk ne se traduisent pas par un affaiblissement
05:10des effectifs dans les autres portions du front. Donc pour l'instant on ne voit pas d'arrivée
05:17massive de renforts russes et on ne voit pas non plus d'obstacles majeurs posés à l'Ukraine,
05:24mais encore une fois il faut avoir beaucoup de précautions, on n'a pas de détails sur
05:30tout ce qui se passe et puis on ne sait pas non plus ce que la Russie prépare.
05:34Elsa Vidal là-dessus ?
05:35Oui tout à fait, on ne connaît pas non plus les objectifs des Ukrainiens, donc on est
05:39quand même dans une situation où on parle souvent du brouillard de la guerre, ben là
05:43on y est, avec des échos très contradictoires des deux côtés. En revanche vous évoquiez
05:47la panique. La panique elle concerne les habitants des districts frontaliers, donc le label de
05:55zone d'opérations contre terroristes qui parle beaucoup aux Russes, parce que c'était
05:59le système appliqué en Tchétchénie pendant la fin de la Deuxième Guerre. Cette situation-là
06:05elle correspond pour les habitants locaux à effectivement un grand désarroi, il y
06:08a eu quand même des habitants de la région qui se sont filmés et une adresse vidéo
06:13qu'ils ont adressée à Vladimir Poutine pour lui demander d'intervenir et d'expliquer.
06:18La panique elle se sent dans les décisions prises côté russe, les décisions administratives,
06:23sécuritaires et politiques.
06:24Alors quel objectif ? On en parlait, c'est le cœur de notre sujet, on a dit la rapidité,
06:28la surprise de cette offensive, le Kremlin pris de court. Dans quel but Olivier Kempf
06:35d'un point de vue déjà militaire ?
06:37On l'a tous un peu expliqué depuis le début, c'est-à-dire qu'on voit peu d'objectifs
06:41militaires parce qu'il n'y avait pas de force sur place, il n'y a pas de vrais objectifs
06:46tactiques comme un grand dépôt ou des choses comme ça, ou une grande ville ou une menace
06:50sur une grande ville. Donc d'une part réaffirmer la surprise, d'autre part essayer d'attirer
06:56des troupes et ça a été dit, finalement il y en a très peu. Et d'ailleurs les Russes
07:03ont connu leur progression dans le long de base, c'est ça qui est très surprenant.
07:06On voit que la Russie a visiblement dépêché, semble-t-il, plutôt des forces de l'intérieur
07:12et des forces de conscrits plutôt que ce qui avait été engagé dans le long de base.
07:15Donc il n'y a pas de déplacement, si vous voulez, de forces russes. C'est-à-dire que
07:18militairement, ça fait une semaine que tous les experts, qu'ils soient militaires ou
07:23non militaires d'ailleurs, disent qu'on ne voit pas l'objectif militaire. Et donc
07:27l'objectif il est politique. Et là on voit assez bien le genre de choses. Tout d'abord
07:32vous avez un effet de messagerie, de morale vis-à-vis de la population ukrainienne qui
07:40a besoin, après des mois finalement, d'annonces de nouvelles, après une mobilisation qui
07:44se passe mal, qui a besoin de réconfort et ça, ça marche très bien. Vis-à-vis des
07:48Occidentaux, alors les Occidentaux sont très silencieux mais malgré tout, c'est leur
07:52dit, vous voyez, l'Ukraine est encore capable de faire tout un tas de choses. Vis-à-vis
07:56de la population russe, en espérant aussi que la population russe réagisse et que sa
08:02fragilise un peu le pouvoir de Poutine, ça c'est la première chose. Donc c'est un aspect
08:05de communication. Et puis un deuxième aspect, prise de gage territoriale. Et là tout le
08:09monde parle depuis maintenant plusieurs semaines de négociations qui pourraient s'engager,
08:15qui sont peut-être engagées en arrière scène et nous ne sommes pas au courant. Et là ça
08:19a tout à fait du sens, surtout par rapport au Donbass.
08:22Ça voudrait dire dans ce cas-là, c'est vrai que depuis quelques semaines, Volodymyr
08:25Zelensky se dit ouvert des pourparlers avec la Russie en présence de représentants russes.
08:30Ça voudrait dire dans ce cas-là, potentiellement, des territoires monnaie d'échange entre
08:34cette région de Kursk et d'autres territoires conquis par les russes en Ukraine ?
08:38Oui, probablement. Surtout qu'on voit bien que les russes aujourd'hui sont dans une
08:45dynamique. Ils prennent 10 à 15 kilomètres par jour ces derniers temps. Donc c'est assez
08:50énorme. Mais si jamais il y avait des négociations, ils ne sont pas intéressés finalement à
08:54échanger. Ils sont intéressés à faire durer. Avec ça, c'est aussi un moyen de leur dire
08:58« Écoutez, quoi que vous fassiez, nous on vous a pris 500 à 1 000 kilomètres carrés
09:01d'un coup. Donc arrêtez. On est capables de passer sur d'autres paramètres de négociation
09:07que sur la simple question de territoire. »
09:08Elsa Vidal, deux questions. D'abord sur l'objectif. Vous êtes d'accord avec ça,
09:14d'abord psychologique, d'abord symbolique ?
09:16C'est le plus évident à nos yeux, nous les observateurs. Mais je pense qu'il nous
09:19manque un paramètre. C'est que les autorités ukrainiennes ont aussi fait savoir qu'elles
09:24ne s'arrêteraient pas là et qu'il y avait d'autres volets prévus dans cette nouvelle
09:28offensive. Pour moi, ce qui est le plus important, et nous résistons beaucoup encore, mais c'est
09:33normal parce que nous avons des représentations de la puissance russe qui s'y opposent.
09:36Ce que fait l'Ukraine, c'est effectivement, en direction des Occidentaux, nous montrer
09:41la faiblesse de la Russie. Nous montrer que, non pas la faiblesse absolue, que la Russie
09:47n'est pas invincible, que l'histoire n'est pas écrite et qu'il est encore possible
09:52d'y porter des coups sans que celle-ci n'appuie sur le bouton nucléaire.
09:55Surtout après les déceptions de l'an dernier sur l'échec des contre-offensives ukrainiennes.
09:59Mais est-ce que les troupes ukrainiennes ont de quoi tenir dans le temps sur le sol russe ?
10:04Est-ce que le risque n'est pas celui d'un coup d'épée dans l'eau ?
10:06On ne le sait pas, effectivement, on ne connaît pas leurs plans. Tout ce qu'on voit, c'est
10:09qu'il y a effectivement des tranchées qui sont, par exemple, creusées à l'entour
10:12de la centrale nucléaire de Koursk. Les Ukrainiens disent d'eux-mêmes qu'ils n'ont pas l'intention
10:17de disparaître et de se retirer. Ce n'est pas juste une incursion. J'entre et je repars
10:21dans des actions de guérilla qui vident, par exemple, à harceler. Non, là, il y a
10:25quand même une progression de 50 à 60 kilomètres dans le territoire. On ne sait pas où elle
10:29va s'arrêter. Effectivement, ça veut les Ukrainiens attendre que le front se dégarnisse
10:34à d'autres endroits. Mais il faut s'attendre à d'autres activités de la part des Ukrainiens
10:39qui pourront, peut-être, continuer la surprise.
10:41Marie Dumoulin, quelles peuvent être les conséquences politiques pour Vladimir Poutine
10:46en Russie ? Le Kremlin, surpris, prit de cour des habitants en train de fuir, qui paniquent
10:52un peu, qui peuvent aussi s'exprimer et dire leur colère. La Russie est incapable de maintenir
10:56sa souveraineté territoriale dans cette région. C'est dommageable à quel point pour Poutine ?
11:00Je pense que le dommage politique intérieur restera contenu. Les Ukrainiens disent beaucoup
11:07que cette offensive permet aussi d'amener la guerre en Russie. La guerre, en réalité,
11:15je pense que la population russe a compris que la Russie était en guerre. Elle a normalisé
11:21cette guerre et ça fait désormais partie du quotidien. Mais il n'y a pas de surprise
11:26dans le fait qu'il y ait une guerre avec l'Ukraine. Poutine peut aussi utiliser cette incursion
11:34pour dire, vous voyez bien, que lorsqu'en février 2022, je vous disais que l'opération
11:40militaire spéciale visait à défendre la Russie face au projet agressif de l'Ukraine,
11:47j'avais raison de vous le dire, la preuve, l'Ukraine, avec ses appuis occidentaux, attaque
11:50la Russie. Donc l'effet ne sera pas nécessairement de fragiliser Poutine, il peut au contraire
11:56lui redonner des arguments de politique intérieure. Vous n'y voyez pas forcément un affront,
12:02une humiliation personnelle pour Poutine ? Alors il y a certainement une humiliation personnelle,
12:06mais que ça se traduise dans le rapport que la population entretient avec son régime,
12:15je ne pense pas, en tout cas pas de manière immédiate. Ce qui en revanche aura un impact,
12:21c'est la manière dont cette incursion va faire évoluer la guerre. Est-ce que le fait
12:28que le territoire de la Russie même puisse être attaqué sans qu'il y ait, comme le
12:34disait Elsa Vidal, de réaction nucléaire incitera les occidentaux à revoir leur doctrine
12:39sur l'utilisation des équipements qu'ils fournissent à l'Ukraine ? Est-ce que ça
12:45place la Russie dans une position différente dans d'éventuelles futures négociations ?
12:50Tout ça, il est encore trop tôt pour le dire, ça dépendra aussi de ce que peut faire
12:55l'Ukraine sur le territoire russe. Est-ce qu'elle peut conserver ses territoires ou
12:59non ? Alors il y a un autre enjeu, c'est de savoir
13:01aussi, et c'est encore assez flou, à quel point cette incursion, cette offensive, elle
13:05s'appuie sur les armes occidentales. Olivier Kempf, qu'est-ce qu'on sait là-dessus,
13:107 jours après le début de cette offensive ?
13:11On a vu quelques armes, on a vu par exemple des VAB français, véhicules d'avant blindés,
13:17et donc ces vieux transports de troupes blindées qui sont hors d'âge, qui ont une quarantaine
13:23d'années, mais ils sont tellement rustiques que ça marche encore. On a vu quelques Marders
13:27qui sont des blindés allemands, donc en termes de symbolique, justement dans la région
13:32de Kours, avoir des blindés allemands en posture de guerre sur le territoire russe,
13:37bien évidemment, le symbole était assez fort. Est-ce qu'il y a eu des frappes de
13:43longue portée ? Probablement aussi, mais ça ne me donne pas l'impression d'avoir
13:49mobilisé beaucoup d'armes occidentales. D'abord, je ne crois pas qu'il en reste
13:53tant que ça. Le renseignement, bien évidemment, le cyber, on sent qu'il y a eu beaucoup
13:57d'actions de préparation en cyber, et peut-être une aide occidentale.
14:00Mais comment vous analysez-vous le silence approbateur, on peut le dire comme ça, des
14:05occidentaux, notamment des Etats-Unis, depuis sept jours ?
14:08Oh, des Etats-Unis, mais aussi des Européens, parce que finalement, sur la scène internationale,
14:15tout le monde se tait. Et même la Russie, Zelensky n'a parlé qu'au bout de cinq
14:20jours, Poutine au bout de six jours, la Chine a parlé seulement hier en appelant à la
14:24désescalade. Vous avez un grand silence qui n'est pas dû à l'été, qui est dû,
14:28je pense, à l'expectative. C'est-à-dire que pour tout le monde, et on parlait de brouillard,
14:33Elsa Vidal parlait de brouillard de la guerre, on ne sait pas très bien où ça en est,
14:37on ne sait pas d'abord si le front est stabilisé, si ça continue à bouger d'une part, on
14:42ne sait pas si ça va durer, on ne sait pas finalement le sort de cette aventure, si c'est
14:49quelque chose de durable ou pas durable. Si ce n'est pas durable, ce n'est pas grave,
14:51il y aura un effet politique, c'est important, mais ce sera tout. On attend de voir s'il
14:54y aura un effet militaire, et pour ça, je pense que tout le monde est très prudent
14:58et plutôt que de dire des bêtises, se tait.
15:01L'Allemagne a quand même pris position sous la forme du vice-ministre des Affaires étrangères
15:07qui a dit que dans le droit international, un Etat agressé a parfaitement le droit
15:11de mener des actions militaires sur le territoire de son agresseur et qu'il ne voyait pas
15:15où était le problème avec cette incursion. Et les Américains ont un peu fait une réponse
15:20similaire, très sibylline, très floue, mais en disant « non, ce qui se passe semble
15:24rentrer dans le cadre de nos accords ».
15:26Alors justement, on a une question au standard là-dessus. Bonjour Eric, vous nous appelez
15:30du Var.
15:31Oui, je voulais savoir en termes de droit international, est-ce que l'attaque ukrainienne
15:36est considérée comme une agression ou est-ce que c'est considéré comme de la légitime
15:40défense par rapport à l'agression russe ?
15:41Comme de la légitime défense par rapport à l'agression russe ?
15:44Olivier Kemp, vous êtes d'accord avec ça ?
15:46Oui, oui, personne n'en discute, même les Russes, même s'ils ont parlé d'actions
15:53terroristes, mais je ne pense pas que ce soit à prendre au sérieux parce que c'est un
15:59langage codé vis-à-vis de la population russe.
16:01Marie Dumoulin, est-ce que Zelensky a pu prendre cette décision sans l'aval des Occidentaux
16:06et notamment de Washington ? Parce qu'on a, j'ai beaucoup dit, le Kremlin a pris
16:10de court, mais est-ce que les Occidentaux n'ont pas eux-mêmes aussi été pris de
16:13court ?
16:15Alors, ça fait partie des choses qu'on ne sait pas, je ne pense pas que Zelensky et
16:23l'état-major ukrainien fassent valider leur décision tactique par qui que ce soit, qu'ils
16:31aient informé les Etats-Unis de cette opération, c'est possible, s'ils l'ont fait, ils
16:38l'ont fait par des canaux extrêmement discrets et limités parce qu'on voit bien que cette
16:45opération a aussi bénéficié du grand secret qui a entouré sa préparation.
16:50S'il y a armes occidentales utilisées pendant cette offensive, cette approbation de certains
16:57pays occidentaux, est-ce qu'il n'y a pas le risque aussi, Elsa Vidal, de tomber dans
17:02cette fameuse co-belligérance qui ferait aussi le sel de la propagande de Poutine ?
17:07C'est certain que c'est un argument qui peut nous être opposé et qui va nous être
17:11opposé très probablement par les dirigeants russes, mais la question de la co-belligérance
17:15elle ne se pose que dans ses conséquences en réalité.
17:17Ce qui doit nous concerner c'est, va-t-on entrer finalement en état de confrontation
17:22armée directe, militaire directe avec la Russie du fait de ce concept de co-belligérance
17:28qu'il nous a imposé ? Et moi je ne le crois pas, au sens où la Russie a eu elle-même
17:32la démonstration qu'elle a des problèmes intérieurs à régler avec ses forces armées
17:36pour gérer le conflit avec l'Ukraine, et je ne crois pas du tout qu'il soit envisageable
17:42pour les dirigeants russes d'ouvrir un front, même sous la forme d'une provocation par
17:46exemple sur les territoires baltes ou en direction de la Pologne via le Bélarus, pour signifier
17:50aux occidentaux qu'ils sont allés trop loin.
17:52Je pense que ce ne serait pas du tout raisonnable du point de vue des forces à disposition
17:57de la Russie.
17:58Non, ce qu'on voit en ce moment c'est une reprise de contrôle par les autorités
18:01de Moscou sur le territoire, et notamment sur les autorités de la région de Belgorode,
18:06le vice-gouverneur de Belgorode a été condamné pour corruption hier, l'ancien vice-gouverneur,
18:11à une très forte amende, à 5 ans de prison, et on a fait connaître que du coup il allait
18:16combattre là-bas, parce que cet homme-là, il a, plutôt que de faire construire des
18:20défenses sur le terrain, il a commencé à les faire construire, puis il s'est emparé
18:24de la somme restante.
18:25Donc c'est plutôt ça qui est en œuvre en ce moment.
18:28On a parlé un petit peu de la forme que pourrait prendre la réplique russe, la riposte russe
18:35Olivier Kempf, qu'est-ce qu'on peut imaginer, ça va dépendre, j'imagine, de la suite
18:41de cette incursion ukrainienne, mais est-ce qu'il faut forcément, pour Vladimir Poutine,
18:46qu'il riposte aussi fortement ?
18:48Ah, du côté russe, bien évidemment, il va falloir réduire ce qui est pour eux une
18:55verrue, donc à mon avis, je ne me risque pas à faire une prédiction, mais à mon
19:00avis ils vont faire des efforts pour réduire finalement cette incursion russe, ce territoire
19:05contrôlé par les Ukrainiens.
19:08D'un autre côté, militairement, ça les arrange aussi, parce que, comme les Ukrainiens
19:14ont mobilisé 4, 5 brigades, avec des brigades derrière, donc une dizaine de milliers d'hommes,
19:19et bien ce sont autant d'hommes qui ne sont pas ailleurs, et il semble d'ailleurs qu'il
19:23y ait des unités qui soient venues du Donbass, côté ukrainien, et donc finalement, pour
19:28les Russes, cette affaire, tactiquement, militairement, les aide aussi, parce que ça affaiblit les
19:33Ukrainiens ailleurs, et donc ça facilite les opérations russes ailleurs, donc toute
19:37la question pour les Russes va être de mobiliser, ils sont lents, ils ne sont pas très bons,
19:41ils sont lents, mais à la fin, finalement, ils réussissent à mobiliser des choses,
19:44et donc à rassembler des unités, pour d'abord contenir ce qui est un peu en train de se
19:49faire, visiblement, l'incursion ukrainienne, et puis, petit à petit, la réduire, est-ce
19:54que ça va prendre 15 jours, est-ce que ça va prendre 4 mois, je ne sais pas.
19:56Un dernier mot rapidement, Olivier Kamm, sur la menace nucléaire, est-ce qu'elle pourrait
20:00revenir dans les propos de Vladimir Poutine, dans un premier temps, puisque, vous le disiez,
20:05la doctrine, théoriquement, selon le Kremlin, si on attaque le territoire russe, il y a
20:09réponse nucléaire ?
20:10Alors, ce n'est pas aussi simple que ça, aussi mécanique que ça, parce qu'on a une
20:16notion de seuil, voilà, je veux dire, toute la question est celle du seuil, quand vous
20:20lisez la doctrine, il faut une incursion massive sur le territoire, et la mise en danger de
20:24l'État, on en est bien évidemment loin, c'est une miette sur le territoire russe,
20:29et donc, ce n'est pas quelque chose d'absolument mécanique, mais, évidemment, la question
20:35s'est posée, se pose, et se discute, et d'ailleurs, les experts en discutent, cela
20:40étant, à mon avis, il est beaucoup trop tôt pour envisager, finalement, une riposte
20:45nucléaire, ça vous faudrait vraiment dire que les russes ne sont pas en état de riposter
20:49avec leurs moyens habituels, et ça, ça serait très inquiétant.
20:52Merci, Olivier Kamm, je rappelle votre dernier ouvrage, Guerre d'Ukraine, aux éditions
20:57Economika, Elsa Vidal, vous avez publié « La fascination russe politique française,
21:0230 ans de complaisance vis-à-vis de la Russie », c'est chez Robert Laffont, et merci
21:05encore à Marie Dumoulin, invitée ce matin du Grand Entretien, bonne journée.