Christophe Khider, condamné pour mort d'un homme lors d'un braquage et connu pour plusieurs tentatives d'évasion, s'est vu accorder plusieurs permissions de sortie pour effectuer ses leçons de conduite. Une décision "incompréhensible" pour les syndicats, alors que le chef d'établissement avait également émis un avis défavorable
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00:00Aujourd'hui, ce qu'on voudrait comprendre, c'est où est la cohérence de la décision judiciaire qui vient d'être prise,
00:06au regard du contexte dans lequel on se trouve depuis le 14 mai dernier,
00:11la signature également du protocole d'accord qui a été fait avec le ministère,
00:15où on est en train de revoir l'ensemble des niveaux d'escorte.
00:19Et aujourd'hui, on a un détenu qui est classé toujours DPS,
00:23qui nécessite derrière des moyens logistiques particuliers
00:27et un renfort de police ou de gendarmerie dès lors qu'on le sort de l'établissement.
00:32Et aujourd'hui, on a un magistrat qui décide de lui accorder une permission de sortie en totale autonomie.
00:39Où est la cohérence là-dedans ?
00:41C'est la simple question qu'on met sur la table aujourd'hui.
00:43C'est-à-dire qu'on ne peut pas à la fois avoir un discours politique qui est « on tape du poing sur la table,
00:48on veut renforcer les escortes, revoir les niveaux de dangerosité, etc. »,
00:52et en même temps, derrière, avoir une autorité judiciaire
00:55pour laquelle, d'ailleurs, le rapport de l'IGJ concernant l'affaire d'un quart d'île
01:00a bien démontré les carences en matière de circulation d'informations.
01:03Encore une fois, aujourd'hui, on est dans cette carence
01:05parce que l'information et la motivation concernant cette permission de sortir,
01:10personne ne veut nous la communiquer non plus.
01:11Donc, voilà, on se dit qu'il y a un problème là.
01:14– Là, il y a le problème de pénitentiaire entre la direction et tout.
01:18Mais le mec, Christophe Kidder, qu'est-ce que c'est ?
01:22Lui, il a posé une permission, on lui a donné une permission.
01:24– Mais on peut pointer quand même une incohérence,
01:27c'est-à-dire qu'il est toujours signalé comme DPS,
01:29il faut rappeler ce que ça veut dire.
01:30– Oui, moi aussi, j'étais DPS jusqu'au bout de ma peine.
01:31– Il est particulièrement surveillé.
01:33– Mais vous m'êtes DPS jusqu'au bout de ma peine.
01:34Là, si je retombe demain, on me remet DPS,
01:36même si c'est pour des faux papiers.
01:41– Voilà, c'est là, Maître Bainsard, je me tourne vers vous,
01:44c'est là où on peut comprendre aussi la colère de survie,
01:46même l'incompréhension du grand public,
01:47qui dit « attendez, on a quand même affaire à quelqu'un qui a un sacré pédigré,
01:51même s'il va y avoir confusion de peine
01:53et qu'on va regarder sa libération conditionnelle,
01:56il est toujours signalé comme DPS,
01:57mais il va pouvoir passer son permis tranquillement,
01:59sortant tout seul quasiment, ça peut interroger.
02:01– Moi, je comprends que ce dossier suscite des polémiques,
02:04mais quand on regarde dans le détail,
02:05d'abord, il y a un élément chronologique qui est fondamental,
02:08c'est un homme qui s'est évadé en 2009, on est en 2024,
02:11ça veut dire que ça fait plus de 15 ans que cette évasion a eu lieu,
02:14ça veut dire aussi que ça fait 15 ans qu'il n'a pas essayé,
02:16de près ou de loin, de quitter la détention,
02:19ça veut dire que ça fait 15 ans que son comportement,
02:21s'il n'est pas exemplaire en tout cas,
02:23n'a pas fait l'objet de poursuites devant le tribunal,
02:25on a donc un individu qui a changé de comportement,
02:27et c'est objectif, ça fait 15 ans qu'il ne l'a pas fait.
02:30La deuxième chose, c'est qu'on commande ce dossier aujourd'hui autour du plateau,
02:32mais personne n'a le dossier précisément entre les mains.
02:35Ceux qui l'ont eu, les trois magistrats,
02:37en premier instant, ce tribunal d'application des peines,
02:39et puis les trois autres magistrats en appel,
02:41la chambre d'application des peines, ont tous dit, de manière unanime,
02:44en premier instant, c'est en appel, que la permission était légitime,
02:47ils l'ont accordée et ça a été confirmé à hauteur d'appel.
02:50Donc je crois que si deux séries de magistrats ont pris cette décision,
02:53c'est que ce détenu le méritait.
02:55Et je terminerai simplement sur ce point,
02:56en vous disant que l'évasion qu'il a commise en 2009,
02:59il a été lourdement puni pour ça.
03:01Il a été puni à hauteur de 15 ans de réclusion criminelle,
03:03avec une particularité, c'est que l'évasion,
03:05c'est la seule peine qui ne peut pas être confondue avec la peine principale.
03:08Donc 2009 plus 15 ?
03:10Non, c'est 30 plus 15.
03:11Il a été condamné à 30 et à 15.
03:13Et donc cet individu a déjà été puni à hauteur de 15 ans pour l'évasion,
03:17on ne va pas lui rajouter une deuxième peine,
03:19qui serait de lui refuser systématiquement
03:21toute activité et toute permission.
03:22Ce n'est pas ça l'esprit du code pénal.
03:24Et vous le savez parfaitement,
03:26on a un article 130-1 qui définit les objectifs de la peine.
03:29C'est bien sûr de sanctionner,
03:31mais aussi de permettre l'amendement et la réinsertion du détenu.
03:33Donc là, on est pile dans ce cadre-là.
03:35L'amendement et la réinsertion, c'est les activités,
03:37c'est l'extérieur, c'est d'avoir un pas dehors.
03:39C'est comme ça que l'on permet aux hommes et aux femmes qui sont détenus
03:42de se réinsérer et de ne pas récidiver.
03:45– Et même, pardon, pour arriver au magistrat que l'avocat dit,
03:51vous passez devant le directeur, le sous-directeur, les surveillants,
03:55une assistance sociale, et s'il donne un avis défavorable,
04:00vous n'arrivez pas à sortir.
04:01– D'accord, mais pourquoi le directeur de la prison donne un avis défavorable ?
04:04Pourquoi le procureur de la République fait un appel ?
04:07Donc il y avait quand même discussion, il y avait polémique.
04:10– C'est très simple, le directeur de la prison n'est pas magistrat.
04:13Il rend un avis qui est consultatif.
04:15– On peut l'écouter, c'est quand même lui qui gère ce débat.
04:17– Il rend un avis.
04:18Dans la plupart des dossiers, il est suivi, mais ce n'est pas systématique,
04:20parce que le magistrat est indépendant,
04:22il décide dans sa plénitude de juridiction.
04:24Et cette décision, elle a été tellement respectée
04:27qu'elle a été confirmée à hauteur d'appel.
04:28Alors que le parquet s'y oppose, qu'un directeur de prison s'y oppose,
04:31on peut le comprendre, mais à partir du moment où deux séries de magistrats
04:34ont considéré que cette permission devait être accordée,
04:36on ne peut pas penser que c'est de la justice lexiste,
04:37on peut simplement penser que le dossier le méritait.
04:40– D'accord, mais malheureusement, il y a l'affaire du péage
04:44avec la tuerie pénitentiaire.
04:46– Moi je ne prends pas ce parallèle.
04:48– Bien sûr, sauf qu'on a découvert à ce moment-là
04:52que parfois les dossiers n'étaient pas transmis,
04:54qu'il y avait un cloisonnement dans l'administration
04:58entre les différents magistrats,
04:59par exemple en ce qui est concerné Mohamed Amra,
05:01on l'écoutait dans sa cellule, il était particulièrement dangereux
05:03et au moment où il sort, personne n'avait eu des informations sur sa dangerosité.
05:07Tout le monde a droit à une deuxième chance,
05:11vous nous dites Michel qu'effectivement il a fait amende honorable,
05:14que c'est un homme qui a changé,
05:16mais est-ce qu'on est sûr que les bonnes informations ont été transmises
05:20de la part de ceux qui le surveillent au quotidien ?
05:22– Si vous permettez deux remarques là-dessus,
05:24d'abord c'est de vous dire que le cas de Mohamed Amra est très différent,
05:27ce n'est pas un individu ou un détenu qui était en permission Mohamed Amra,
05:29c'est un individu qui était en cours de transfert dans un fourgon pénitentiaire.
05:33Ce n'est absolument pas dans le cadre d'une permission
05:35ou d'une mesure de confiance que les événements tragiques ont eu lieu.
05:38– Là c'est réinsertion et totale autonomie,
05:39c'est la totale autonomie pour quelqu'un qui a des PS qui peut s'interroger.
05:43– Non mais justement, la deuxième chose que j'avais à dire
05:47c'est que ce qui s'est passé avec M. Amra est tragique,
05:50mais ce n'est pas parce que ce fait a eu lieu que plus aucun détenu
05:52n'a le droit d'avoir une mesure de confiance de l'institution judiciaire,
05:55sinon on abandonne les aménagements de peine,
05:58on renonce définitivement à toute forme de permission et on arrête,
06:01et on les laisse comme des bêtes en détention,
06:02mais ce n'est pas ça l'esprit de la justice française,
06:04on a une justice qui doit être humaniste
06:06parce qu'elle a au cœur de ses prérogatives la réinsertion.
06:08– Wilfried Fong, vous voulez intervenir ?
06:11– Oui, il ne faut pas faire dire à l'UFAP ce qu'elle n'a pas dit,
06:13c'est-à-dire qu'on n'est pas opposé à la réinsertion,
06:14on n'est pas opposé aux permissions de sortir,
06:16on est simplement en train de dire qu'aujourd'hui vous avez un détenu,
06:20quoi qu'il en soit, qui est toujours inscrit au respectoire des DPS,
06:23niveau escorte 4, renfort de police ou de gendarmerie
06:27à chaque sortie de l'établissement,
06:28et aujourd'hui un magistrat a décidé de faire sortir en totale autonomie.
06:32Où est la cohérence dans tout ça ?
06:33C'est-à-dire que les personnels pénitentiaires,
06:35eux, quand ils le sortent,
06:36sont obligés de déployer des moyens monstrueux,
06:39et aujourd'hui on est en train de dire qu'il va pouvoir sortir seul
06:42pour aller prendre deux heures de leçon de conduite dix fois de suite.
06:45Elle est là en fait la véritable question,
06:47où est la cohérence dans tout ça ?
06:48C'est-à-dire que nous on a signé un protocole d'accord
06:51où on est en train de revoir exactement les niveaux d'escorte
06:54et la manière dont on doit s'y prendre,
06:55et aujourd'hui ce magistrat il est en train finalement
06:58de foutre un énorme coup de pompe
06:59dans toutes les discussions qu'on peut avoir entre les différentes directions,
07:03parce que quelque part ça fout en l'air le boulot
07:04que les organisations syndicales sont en train de faire depuis le 14 mai,
07:08et heureusement d'ailleurs qu'il y ait eu ce protocole,
07:09parce que quand on lit l'intérieur du rapport d'Apkarvi,
07:13effectivement il n'y a rien de nouveau sous le soleil,
07:15c'est-à-dire que tout ce qui a été dénoncé par ces rapports d'inspection,
07:17on le sait depuis des années et des années,
07:19ce manque de communication,
07:21ce manque de partage d'informations, ce n'est pas nouveau.
07:24Donc ça veut dire que selon vous,
07:25attendez, selon vous, le magistrat qui dit go...
07:27Attendez, monsieur Fonck,
07:29le magistrat qui donne le feu vert,
07:31d'après vous, n'a pas tous les éléments qui lui ont été transmis.
07:34C'est ce que vous dites, on est encore dans le cloisonnement administratif.
07:37Je ne sais pas si on est dans le cloisonnement administratif,
07:39je dis simplement que cette décision est en incohérence totale
07:42avec le statut du détenu et les discussions
07:44qui sont en train de se produire en ce moment,
07:46justement sur les niveaux d'escorte depuis le 14 mai.
07:49Voilà, c'est tout ce que je suis en train de dire.