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Transcription
00:00Nous allons en parler avec vous Anne-Savine Elbaraz. Bonjour, vous êtes présidente d'Amnesty International France.
00:04Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation ce soir.
00:07C'est un euphémisme que de dire que depuis trois ans, les droits des femmes sont bafoués.
00:12On l'a vu dans ce sujet de Pierre Leduve.
00:15Quel droit ? Encore une femme aujourd'hui en Afghanistan sous régime taliban ?
00:21Eh bien, malheureusement, il n'en reste plus ou quasiment plus, en tout cas plus aucune vie sociale, plus aucune vie publique.
00:28Les femmes sont reclues dans leur foyer avec des conditions drastiques pour circuler, accompagnées forcément d'un homme,
00:39complètement enveloppées dans leurs vêtements qui les couvrent de la tête aux pieds,
00:46interdites de quitter la ville, interdites de travailler, sauf pour certaines, uniquement dans le registre de la santé,
00:56puisque seule une femme peut soigner une femme.
00:59Enfin, on assiste en fait de mois en mois à des restrictions grandissantes, toujours plus d'arrêtés, de décrets qui viennent enfermer les femmes dans leur foyer.
01:12Alors, c'est absolument terrible parce qu'elles sont privées d'ailleurs pour certaines de leurs moyens de subsistance,
01:18puisque certaines femmes travaillaient pour faire vivre leur famille.
01:21Donc, elles n'ont plus de revenus aujourd'hui.
01:24C'est terrible aussi parce qu'il n'y a plus aucune perspective d'avenir.
01:29Toutes ces femmes avocates, politiciennes, journalistes qui ont dû, du jour au lendemain,
01:34s'arrêter de travailler et voir tous leurs espoirs réduits à néant.
01:40Et puis, c'est terrible aussi parce qu'on assiste à nouveau à des mariages forcés,
01:44même si ceux-là ont été interdits par la loi Taliban.
01:48Eh bien, ils sont de fait tout à fait autorisés, en tout cas peut-être pas officiellement, mais officieusement,
01:56des femmes, des fillettes, de se marier de force, y compris des femmes emprisonnées
02:02qui ont pour unique espoir de sortir de prison, de se marier avec des talibans.
02:09Voilà, on est dans une situation absolument effarante.
02:13C'est une impasse totale, une impasse cruelle, triste, douloureuse,
02:19qui vraiment mérite l'attention internationale et de façon urgentissime.
02:26Alors justement, l'attention internationale,
02:29que peuvent faire des ONG comme Amnesty International en Afghanistan ?
02:33Quelle est la mission que vous donnez ?
02:37Alors, ce que nous pouvons faire, c'est faire pression sur les autorités talibanes.
02:42On en a vu justement en ce début d'année où nous avions défendu précisément trois femmes
02:48qui avaient été emprisonnées arbitrairement et torturées.
02:52Nous avons fait pression sur les autorités à force de lettres pour qu'elles soient libérées et elles l'ont été.
03:00Donc, ça prouve bien que même si c'est une goutte d'eau dans la mer, qu'il y a des choses possibles.
03:06Il y a aussi, bien sûr, la question du droit international.
03:11Et là, en l'occurrence, ce qui arrive aux femmes est complètement contraire au droit humanitaire
03:19puisqu'on a vraiment des exactions qui sont généralisées, qui sont organisées.
03:25Donc, c'est un crime contre l'humanité et il faut qu'on s'empare de ce sujet.
03:30Et il faut que la communauté internationale s'en empare,
03:34car les femmes afghanes sont en train de mourir peu à peu.
03:37Elles tombent dans l'oubli.
03:39Et je pense que s'il y a quelque chose qu'on peut faire pour elles aujourd'hui,
03:43c'est justement les sortir de cet oubli, parler d'elles, dire ce qui leur arrive.
03:50Il y a en France des associations de femmes afghanes en exil qui travaillent sur le sujet,
03:57qui mènent des spectacles, des performances artistiques
04:02pour montrer que les femmes afghanes vivent toujours, qu'elles sont encore là
04:07et qu'elles méritent toute notre attention.
04:10Je pense aux femmes et je pense aussi aux fillettes,
04:12parce qu'à partir de 12 ans, elles ne sont plus scolarisées
04:16et malheureusement parfois aussi mariées avant leurs 15 ans.
04:20Vous avez évoqué ces femmes en exil.
04:23Justement, l'exil peut être une solution, si je puis dire, pour ces femmes,
04:28pour avoir tout simplement des droits.
04:31Encore faut-il le pouvoir.
04:33Justement, comment tenter l'exil dans ces conditions ?
04:38Je sais que la France, et plus précisément la Cour nationale du droit d'asile,
04:42les a reconnues, ces femmes, comme groupe social.
04:45Expliquez-nous, en quoi ça change les choses ?
04:48En quoi ça peut être une lueur d'espoir ?
04:51Eh bien, ça peut être une lueur d'espoir parce qu'effectivement,
04:54elles peuvent avoir d'emblée la reconnaissance d'un statut de réfugiée
04:59car groupe en danger, donc les femmes sont en danger en Afghanistan,
05:03donc la CNDH l'a reconnue et ça, je pense que c'est important.
05:08Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est le chemin d'exil des femmes afghanes.
05:11Déjà, pour elles, sortir du pays,
05:13alors qu'elles n'ont même pas le droit de sortir de leur ville,
05:16c'est déjà un exploit.
05:18Et lorsqu'elles sortent du pays, elles vont dans les pays des Mitrofs,
05:21et c'est le Pakistan et c'est l'Iran.
05:24Des pays dans lesquels elles sont aussi inquiétées,
05:28pourchassées, menacées d'expulsion.
05:31Et dans ces pays, l'accès au consulat français, par exemple, est difficile.
05:36Les conditions pour obtenir un visa pour arriver en France sont difficiles.
05:41Nous avons mené une campagne sur ce sujet il y a quelques mois
05:44et je pense que c'est vraiment important que les autorités françaises
05:48fassent tout pour faciliter le trajet d'exil de ces femmes
05:53parce que malheureusement, quand elles ont quitté l'Afghanistan,
05:55ça n'est pas terminé.
05:57Vous évoquiez tout à l'heure rapidement cette nécessité de faire pression
06:02sur les autorités, sur le gouvernement des talibans,
06:05c'est-à-dire qu'il faut dialoguer avec les talibans.
06:08C'est ce que doit faire par exemple l'ONU.
06:10On sait qu'il y a eu un sommet fin juin à Doha,
06:12sans la présence de femmes précisément.
06:15Oui, dialoguer bien sûr, mais en parlant des droits humains.
06:18Sinon, ce n'est pas du dialogue.
06:19Si on évite le sujet principal, ça n'est pas un échange.
06:24Donc, oui, dialoguer avec les talibans, si on le peut,
06:28pour parler des droits humains et pour parler des femmes avec les femmes.
06:32Ce qui est inadmissible, en fait, à Doha, c'est que les femmes ont été interdites.
06:36Donc, c'est quelque chose qui n'est absolument pas acceptable.
06:40Elles sont réduites au silence, complètement invisibilisées.
06:43Et tant qu'on ne les laissera pas parler,
06:46on n'aura pas leurs témoignages, en tout cas pas de cette façon.
06:49Et comment mobiliser la communauté internationale sans les écouter ?
06:53Merci beaucoup. C'est toute la question.
06:55Anne-Savinelle Barras, présidente d'Amnesty International France.
06:57Merci beaucoup d'avoir été l'invité de France 24 ce soir.
07:00Merci.

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