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00:00C'est un accident ce que je suis, alors il faut que je l'assume, j'étais placé sur une orbite et il faut que j'y reste et que j'y sois.
00:08Et puis d'un seul coup, on vous met une étiquette et vous êtes Delon.
00:11Il avait la prestance, l'assurance de ceux qui se savent écouter et admirer.
00:16On va encore dire que je parle à la troisième personne, c'est vrai.
00:18Delon peut faire Klein, Delon peut faire notre histoire, ça ne change rien à sa carrière et ça ne changera rien à sa carrière
00:25parce que Klein est un succès de prestige, Klein est un succès de cinéphile.
00:28Mieux que personne, Delon savait parler de Delon, de l'enfance par exemple.
00:33Très vite et très tôt dans ma vie, je me suis battu seul contre les éléments, seul contre la vie, seul contre les êtres, seul contre les difficultés de la vie.
00:40Et c'est peut-être ça qui m'a marqué, c'est peut-être ça qui fait que pour les gens, j'ai cette impression de trimballer toujours avec moi des cicatrices dont on ignore la provenance.
00:48Ou expliquer ce mal-être qu'il a traîné une grande partie de sa vie de star.
00:53Je suis tout de suite devenu un acteur important, tout de suite une vedette et puis par la suite assez rapidement une star.
00:59Je n'ai pas eu le temps de me fabriquer, je n'ai pas eu le temps de me faire à ça.
01:03Et dans le fond, ce que j'ai toujours dit il y a très longtemps au début de ma carrière, je ne suis pas fait pour ce métier, je n'ai jamais été fait pour ce métier.
01:09Je ne sais pas très bien d'ailleurs pourquoi je suis fait.
01:11Ce qui est sûr, c'est qu'il était fait pour séduire et sur les plateaux télé, il savait en jouer.
01:16Alors votre rôle, c'est encore une fois celui du beau mâle avec un revolver ou plusieurs revolvers ?
01:23Ou des beaux mâles, je le suis, voilà.
01:25Alors un revolver...
01:26Ça je ne dirais pas le contraire.
01:27Merci Christine O'Grane.
01:29Je sais que je peux séduire, je sais que je peux plaire.
01:33J'en suis conscient mais je ne m'en sers pas, c'est-à-dire je ne suis pas ce qu'on appelle un dragueur, je ne suis pas un charmeur.
01:38Je n'ai jamais su m'adresser à une femme que je croise dans la rue qui me plaît.
01:41Quand vous souriez comme ça avec ses yeux bleus là ?
01:44Oui mais ça bof, mais je ne sais pas.
01:46Ah bah bof, ça marche quand même pas mal non ?
01:48Mais je ne sais pas, bon bah oui, peut-être.
01:50Pourquoi le cacher ? Oui, ça marche bien, ça marche plutôt bien.
01:53Je n'ai jamais eu de problème de ce côté-là et j'ai eu la chance, si vous voulez, d'avoir des femmes sublimes tout au long de ma vie.
01:58Je ne suis pas quelqu'un qui a le culte du moi.
02:00Souvent moqué pour la dimension de son égo, l'acteur savait aussi faire preuve d'autodérision et d'humour, comme ici avec Bernard Pivot.
02:07En 1964, il y a 32 ans, j'étais jeune journaliste au Figaro littéraire.
02:13J'avais été vous voir dans le studio de Saint-Maurice, où vous tourniez L'Insoumis d'Alain Cavalier.
02:20Et puis après, il y avait une scène où vous traversiez une vitre avec vos mains et c'était une vraie vitre.
02:25Ils avaient oublié d'en mettre une fausse et vous vous êtes coupé les doigts.
02:28Et alors, ils sont agiclés.
02:30Vous n'avez pas gueulé, vous n'avez rien fait, rien du tout.
02:32Vous avez été vraiment très très bien.
02:34Je l'ai raconté dans un article que j'ai retrouvé.
02:36Mon cher Bernard Pivot, j'étais déjà un samouraï.
02:39Déjà un samouraï.
02:41Un samouraï conscient de la trace qu'il laissera dans le septième art.
02:45Je suis fier de ce que j'ai fait.
02:47Je suis fier de ma carrière parce que je pense avoir été important.
02:51Je pense compter.
02:52Je pense que je ne pourrai pas être absent lorsque je ne serai plus là.
02:56De l'histoire du cinéma français, assurément.
03:01De l'histoire du cinéma européen, sûrement.
03:03Et peut-être un tout petit peu aussi de l'histoire du cinéma mondial.
03:07Du Delon dans le texte.
03:09A la fois son talent d'Achille et sa force.