Pierre Fagnart, journaliste, revient sur les défis du nouveau gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour cette rentrée scolaire avec Charlotte Hutin, journaliste au pôle Société, et Eric Burgraff, Chef du pôle Société.
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00:00C'est une rentrée des classes un peu particulière, cette année c'est la rentrée pour les élèves,
00:04c'est la rentrée pour les profs, évidemment, c'est aussi la rentrée pour la nouvelle
00:07équipe gouvernementale et pour Valérie Glatini, la nouvelle ministre de l'enseignement obligatoire.
00:12Quels sont ses rapports avec les acteurs du secteur ? Comment est-ce qu'elles sont cette
00:17année ? C'est ce qu'on va voir dans un instant.
00:18Le soir, repensons notre quotidien.
00:22Et pour en parler, on accueille les deux spécialistes enseignement de la rédaction, le chef du
00:27pôle société, bonjour Éric Burgraff.
00:29Bonjour Pierre.
00:30Merci beaucoup d'être là aujourd'hui.
00:32En face de vous, Charlotte Hutin, également spécialiste enseignement, toujours le pôle
00:35société.
00:36Bonjour Charlotte.
00:37Bonjour Pierre.
00:38Comment est-ce que, je vais d'abord demander à Éric et je vais vous poser la question
00:40à tous les deux, comment est-ce que vous définiriez cette rentrée ? Si vous deviez
00:43choisir un mot, un adjectif, un qualificatif ?
00:45Moi je parlerais d'une rentrée plutôt énigmatique en fait.
00:49Pourquoi ? Parce qu'autant on voit plutôt clair sur les intentions du gouvernement qui
00:54a sorti en juillet une DPC plutôt bien charpentée, en tout cas bien claire sur une série d'intentions,
01:02autant on ne sait pas de quoi l'année va être faite sur le plan social en fait.
01:07Pour l'heure, les syndicats ont l'air d'être calmes, calmes mais déterminés.
01:11Et en fait, on sent que tout pourrait exploser au premier texte un peu polémique que le
01:16gouvernement pourrait mettre sur la table.
01:17De l'autre côté, on voit que la ministre elle veut plutôt le dialogue, la question
01:21de savoir sera-t-elle désamorcer la bombe sociale qui est peut-être en train de couvrir
01:26ce terrain.
01:27On va voir évidemment ça dans un instant.
01:29Charlotte, un mot, un adjectif pour définir cette rentrée ?
01:32Alors moi je dirais plutôt en rupture, alors ça fait presque deux mots, mais c'est plutôt
01:37en rupture par rapport à la politique menée à gauche ou au centre-gauche les vingt dernières
01:42années par les ministres de l'éducation qui sont succédés, qui étaient du parti
01:46socialiste ou des engagés ex-CDH.
01:50On sent à la fois dans les mesures annoncées, dans la déclaration de politique communautaire,
01:55donc la feuille de route du gouvernement pour les cinq prochaines années, et aussi dans
01:59le discours, on sent quand même une droitisation au niveau de certaines mesures et au niveau
02:04du discours que la ministre ou que d'autres peuvent, enfin d'autres ministres peuvent
02:12déclarer.
02:13Donc voilà, je dirais en rupture par rapport à ce qui s'est passé précédemment.
02:16Vous l'avez déjà un petit peu expliqué tous les deux, au moment de la déclaration
02:20de politique communautaire, au moment de la présentation de l'accord de majorité en
02:24Wallonie, en fédération Wallonie-Bruxelles, bah les syndicats ont assez vite dit leur
02:28désaccord, leur peur par rapport à certaines mesures annoncées, est-ce que c'est toujours
02:32le cas, ils sont toujours dans l'expectative les syndicats, ou il y a un petit peu de confiance
02:36qui est revenue ?
02:37Je ne pense pas que la confiance soit revenue pour l'instant, l'expectative est toujours
02:42là, ce qui est très clair c'est qu'à l'occasion de la rentrée ils sont exprimés
02:45dans le soir à Mailleurs aussi pour dire combien ils étaient fâchés de ce qui était
02:49sur la table et combien ils étaient vraiment dubitatifs et prêts à monter au créneau.
02:54Il faut savoir que ce qui se passe c'est que la ministre veut mettre en place un CDI
03:00plutôt qu'un statut à long terme pour les enseignants, pour elle c'est censé être
03:05une réponse à la pénurie, ça permettrait de casser les petits contrats dont bénéficient
03:08tant les enseignants au début de carrière, les syndicats eux ils voient une véritable
03:13provocation, ils sont remontés, je note que les syndicats sont descendus de la rue
03:18régulièrement pour moins que ça, ici je pense qu'ils pourraient éventuellement le
03:21faire s'il y a un texte arrivé un peu polémique, cela étant le dialogue est là, il n'y a
03:29pas ou pas encore de grève annoncée, laissons un peu le temps au dialogue de se mettre en
03:33place.
03:34Oui il n'y a pas encore de blocage extrêmement clair, Charlotte on a parlé de la nomination
03:38des enseignants, on en a d'ailleurs fait un podcast tous les deux, il y a d'autres
03:41mesures qui ont fait peur aux syndicats, qui en tout cas leur faisaient se poser une
03:44série de questions.
03:45Je dirais effectivement que la fin de la nomination pour être remplacée par des contrats à
03:49durée indéterminée c'est vraiment la mesure qui inquiète le plus le secteur parce que
03:53c'est une véritable atteinte au statut, il y a aussi d'autres mesures qui sont un
03:59peu en lien avec le statut des enseignants, c'est la modulation de la charge horaire,
04:03avec les futurs CDI il est prévu que ces enseignants sous CDI travaillent deux heures
04:07de plus par rapport à leurs collègues qui sont déjà nommés, avec des variations selon
04:11l'ancienneté, donc les jeunes enseignants et les enseignants en fin de carrière il
04:15est prévu qu'ils ne fassent pas ces deux heures supplémentaires.
04:17Il y a aussi une évaluation qui est prévue et le cas échéant une modification de la
04:23charge horaire selon la matière enseignée, donc selon le temps de correction, le gouvernement
04:29estime peut-être que certains enseignants ont davantage de travail en dehors des heures
04:33de face classe et donc ça, ça inquiète vraiment les syndicats qu'il y ait une différence
04:40selon le traitement, selon les matières enseignées.
04:44Il y a d'autres mesures ? Oui, il parlait aussi des syndicats qui avaient
04:49des accents de privatisation de l'enseignement dans certaines mesures, il y a des moyens
04:55supplémentaires qui vont être accordés à l'enseignement libre pour avoir une égalité
04:59de traitement entre le libre et l'enseignement officiel de l'État et des communes et des
05:03provinces, une fusion des réseaux officiels aussi qui est annoncée dans la DPC et pas
05:10des deux réseaux libres.
05:11Donc voilà, c'est des mesures, les syndicats craignent en fait qu'on ait une atteinte
05:17à l'enseignement officiel de l'État.
05:21Éric ? Charlotte a fait un bon résumé de ce qu'il
05:25y a dans la DPC, de ce qui peut fâcher les syndicats.
05:27Je préciserais une chose, c'est que dans le monde de l'enseignement, il n'y a pas
05:30que des syndicats évidemment, il y a aussi les fédérations de pouvoirs organisateurs,
05:35donc le CJEC, la FLCI, le CP11, le CECP et évidemment l'OIBE qui est l'enseignement
05:42officiel et que dans ces PO, on entend quand même plutôt des accents plutôt favorables
05:48en tout cas à certaines de ces mesures, ce qui permet de contrebalancer un peu ce
05:51qui se passe côté syndical.
05:53Vous avez rencontré, interrogé la ministre dans le cadre d'une interview qui est toujours
05:58à lire sur notre site.
05:59Elle était dans quel état d'esprit à quelques heures, quelques jours de sa première rentrée
06:05aux affaires ?
06:06Nous l'avons rencontrée vendredi après-midi, moi je l'ai plutôt trouvée sereine, sereine
06:11en demande de dialogue avec le monde syndical et le monde des PO et tous les acteurs de
06:16l'enseignement.
06:17Par contre, je la trouve aussi tout à fait déterminée et prête à défendre sa DPC.
06:21Charlotte, c'est la même impression que la ministre vous a faite ?
06:25Oui, exactement la même impression, à la fois très sereine avec une volonté de continuer
06:30à concerter, d'avoir un processus de concertation qui ressemble en fait à celui qui était
06:33en place sous la précédente législature avec Caroline Désir.
06:36Il y a une certaine continuité à ce niveau-là.
06:37Oui, une continuité avec le comité de concertation du pacte d'excellence qui réunit tous les
06:42acteurs, des concertations avec les syndicats toutes les six semaines.
06:45Donc, on reste dans un processus assez important avec toutefois la volonté de concerter un
06:51panel d'enseignants, comme on l'évoquait dans nos colonnes ce lundi.
06:55On a presque un peu l'impression qu'il y a une volonté d'aller vers les vrais acteurs
07:01de terrain, entre guillemets, ce qui pourrait aussi crisper les syndicats s'ils ont l'impression
07:06que la ministre écoute davantage ce panel d'enseignants que les organisations syndicales.
07:10Je pense qu'elle le disait même aussi que parfois les mesures dans la DPC répondaient
07:16aux consultations de terrain que le parti avait fait, qui étaient parfois en confrontation
07:20avec ce que les organisations syndicales plaidaient.
07:22Il y a une volonté de concerter avec toutefois cette volonté de respecter sa feuille de
07:27route.
07:28Elle ne va pas du tout à l'encontre de ce qui est indiqué dans la DPC.
07:31Je sentais aussi par rapport à la précédente législature où elle était ministre de l'enseignement
07:36supérieur, un discours un peu plus à droite, ce qui est logique puisqu'elle est plus
07:40libre et elle est moins contenue par le parti socialiste et les écologistes.
07:44Par exemple, pour donner un exemple, quand elle parle de la réussite à 60%, elle dit
07:49qu'à l'instar du décret paysage et du resserrement des mesures dans l'enseignement
07:54supérieur, le fait d'avoir cette réussite même au CEB à 60% pourrait d'une certaine
07:57manière motiver des élèves de 12 ans à travailler davantage.
08:01Or, on peut se dire que quand même le processus et le rapport à l'école et à l'évaluation
08:06est différent pour des élèves de 12 ans que pour des élèves majeurs de 18 ans.
08:10Évidemment.
08:11Éric, elle répond quoi aux critiques des syndicats ? Il y a des syndicats où aux avancées
08:17positives des pouvoirs organisateurs, évidemment, ce que les acteurs du monde de l'école
08:21ont dit de la DPC depuis qu'elle a été publiée.
08:23Valérie Glatigny, elle y répond quoi ? Elle répond d'abord que cette histoire de
08:28CDI à la place d'une nomination, ce n'est qu'un élément dans un ensemble, ce n'est
08:32qu'une pièce du puzzle.
08:33Qui a fait beaucoup parler, qui a beaucoup énervé, qui a excité, mais c'est juste
08:37une pièce du puzzle.
08:38C'est la pièce d'achoppement de cette DPC.
08:40Par contre, ce que la ministre dit, et on peut la croire, c'est que ce n'est qu'une
08:44partie de cette DPC.
08:45En fait, il y a un ensemble de mesures qui sont tout à fait sur le tapis, sur la table,
08:52pour renforcer globalement le rôle de l'enseignement, sa fonction dans le monde de l'école.
08:59Elle dit, regardez, l'ensemble et pas uniquement cette petite pièce d'achoppement.
09:03Elle ajoute aussi, mais laissez-nous travailler, il n'y a pas encore de texte, pas de procès
09:08d'attention s'il vous plaît.
09:09Nous vous consulterons, vous les syndicats, nous vous consulterons, vous les fédérations
09:13d'associations de parents et vous aussi, les fédérations de pouvoirs organisateurs
09:16qui sont des employeurs, quelque part, du monde de l'école.
09:20Elle veut éviter les malentendus, elle veut le dialogue, comme je disais, en la sens serein
09:24déterminé, mais aussi à l'écoute.
09:27Cette histoire de s'entourer d'un panel de professeurs pour mieux ressentir la réalité
09:31du terrain, vous lui avez posé la question, l'objectif, ce n'est pas de bypasser les
09:35syndicats.
09:36Certainement pas.
09:37En tout cas, elle balaye tout à fait cette critique, en fait, les syndicats, elle va
09:40les consulter de manière officielle lorsqu'un texte est sur la table du gouvernement, elle
09:45les consultera dans le cadre du comité de consultation du PAC qui, en principe, se réunit
09:48toutes les semaines.
09:49Elle va les consulter de manière informée toutes les six semaines, comme madame Désille
09:53l'avait fait précédemment, donc de ce point de vue-là, je pense que les consultations
09:57sont en place.
09:58Ce qui est intéressant à relever, c'est qu'on a lancé une opération Pourquoi dans
10:02le soir ces dernières semaines, en tout cas ces dix derniers jours, où une série de
10:06lecteurs nous posaient des questions sur le monde de l'école.
10:09Une des questions était pourquoi le monde politique n'écoute-t-il jamais le terrain ?
10:13Et je ne sais pas si la réponse de la ministre est vraiment spécifiquement une réponse
10:18à cette question.
10:19En tout cas, on peut considérer que c'est en une partie une réponse à cette question.
10:22Écouter le terrain, pourquoi pas aujourd'hui le faire de cette manière-là ? En tout cas,
10:27elle veut le faire de manière scientifique en mettant en place des procédures et des
10:32collaborations très précises avec l'université.
10:35Une dernière petite chose, après c'est la question à moitié boule de cristal et
10:40donc je comprends que c'est extrêmement compliqué d'y répondre, mais d'après
10:43vous, vous qui les connaissez aussi pour les avoir interrogés depuis plusieurs années,
10:49ces déclarations de la ministre, c'est de nature à calmer les syndicats ou il faut
10:53s'attendre à une législature, comme Éric l'évoquait en début de vidéo, une législature
10:59éventuellement explosive sur le plan social ?
11:02Moi, je ne suis pas certaine que ce soit de nature à les rassurer, ces déclarations.
11:06Je pense que c'était un discours qu'elle avait déjà tenu lorsqu'elle les a rencontrés
11:09en juillet.
11:10Alors, je pense que les syndicats sont assez rassurés par la personnalité de Valérie
11:14Glatini, qui est quelqu'un qui est très fort à l'écoute dans le dialogue, sereine.
11:18Ce n'est pas quelqu'un qui va foncer tête baissée sans avoir réfléchi à des mesures
11:23et sans avoir concerté le terrain.
11:24Je pense que les syndicats sont rassurés par la personnalité, mais qu'ils sont toujours
11:29inquiets par rapport au contenu de l'ADPC et par rapport aussi à cette question de
11:33nomination.
11:34Je ne suis pas certaine que les déclarations qu'elle a faites dans la presse ces derniers
11:40jours, on peut les rassurer, sachant qu'elle le dit elle-même, elle n'a toujours pas de
11:44texte sur la table et donc il n'y a pas de mesure concrète pour l'instant qui est avancée
11:49et qui serait de nature à les rassurer.
11:50Donc, je pense qu'on pourra les retrouver dans la rue si un texte ne leur plaît pas.
11:55Après, il faut voir dans quelle mesure les profs sont si prêts à se mobiliser par rapport
12:03à ça.
12:04Éric, explosif, pas explosif ?
12:05En tout cas, moi, je retiens un mot, c'est le mot « guerre » qui revient et dans la
12:09bouche des syndicats, notamment de monsieur Lahaye qui est le patron de la CSE d'enseignement
12:13et dans la bouche de la ministre, mais pas dans le même sens en fait.
12:16Monsieur Lahaye nous dit que cette ADPC, c'est une déclaration de guerre aux enseignants
12:20et aux syndicats.
12:22Et madame Gattegni, elle nous dit que je ne suis pas une vâte en guerre, je suis quelqu'un
12:25de dialogue et je vous demande de nous faire confiance en tout cas, de nous laisser travailler
12:31sereinement.
12:32On suivra ça avec beaucoup d'attention à travers notamment vos articles qui sont toujours
12:37à retrouver sur le site et dans l'application du Soir.