Zaho de Sagazan : la scène pour exutoire

lalibre

Zaho de Sagazan, née le 28 décembre 1999 à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), est une auteure-compositrice-interprète et musicienne française.  En mars 2023, elle publie son premier album, La Symphonie des éclairs, et gagne très vite en notoriété.  En février 2024, nommée dans cinq catégories de la 39e cérémonie des Victoires de la musique, elle remporte quatre prix, dont ceux de la chanson originale et de l'album de l’année.

Transcript

00:00La scène, déjà, ça représente quand même 70% de mon quotidien en ce moment,

00:08parce que ça fait depuis 2021 qu'on tourne et c'est quelque chose que j'adore,

00:12sinon j'arrêterais évidemment, je n'aurais pas fait autant de dates.

00:14Mais moi, c'est un endroit où notre métier prend un peu sens.

00:18Il y a tout ce moment d'abord où on est seul dans notre caverne à faire notre musique,

00:22à imaginer que les gens vont l'écouter, mais c'est quelque chose d'assez abstrait.

00:26Et tout d'un coup, la scène, c'est là où on voit les regards,

00:29les gens, les sourires, la danse, les pleurs, etc.

00:33Et donc, c'est là où tu prends conscience du pouvoir de la musique

00:35et que tu rencontres des gens.

00:38Et moi, j'adore les gens et j'adore danser, j'adore chanter.

00:40Donc, c'est quand même un endroit où je me sens très bien.

01:00On parle souvent de ta grande sensibilité.

01:02C'est quelque chose que tu dois gérer sur scène

01:05ou est-ce que justement, c'est peut-être une force de te laisser peut-être portée par ça ?

01:10Moi, j'ai toujours été très sensible et pendant très longtemps,

01:13je gérais mal cette sensibilité-là, entre autres,

01:15parce que c'est pour ça que j'en fais une comparaison avec la tempête.

01:18C'est que je ressentais vraiment une tempête qui était en moi

01:20et qui avait besoin de sortir et qui ne sortait jamais au bon endroit.

01:23Qui sortait par des pleurs, qui sortait par des moments où il n'y avait pas lieu d'être.

01:29Et donc, j'étais assez incomprise à ce moment-là.

01:32Et c'est quand j'ai commencé à faire de la musique

01:33et que j'ai commencé à jeter cette tempête-là sur le piano,

01:37que j'ai commencé à mieux gérer cette tempête-là,

01:38parce qu'elle s'en allait au bon endroit et que je me sentais vraiment apaisée.

01:44Depuis que je fais de la scène, j'ai l'impression que cette tempête-là,

01:47elle sort tous les soirs et que du coup,

01:50elle me laisse beaucoup plus tranquille le reste du temps.

01:53Donc, je crois que ça me soigne pas mal.

01:56Je pense qu'il y a une yak, une force dans la tristesse, dans les émotions comme ça,

02:01qu'on peut rejeter comme un peintre sur sa toile, mais là, moi, en concert.

02:05Et en plus de ça, moi, les concerts, à l'inverse, ça aide beaucoup à ma sensibilité

02:08parce qu'il y a beaucoup de gens qui me disent

02:09« Mais à l'inverse, ça doit être terrible parce que tu as trop de sensibilité à ce moment-là ».

02:13Non, à l'inverse, elle sent que c'est au bon endroit pour sortir

02:16et après, je suis tranquille pour le reste du temps.

02:27J'ai passé beaucoup de temps à me regarder.

02:29J'étais longtemps obsédée par des choses que je trouve complètement ridicules

02:32et entre autres, par mon physique.

02:33C'est ce qu'on dit, ne te regarde pas.

02:35J'ai peur de quoi j'ai l'air, de dire n'importe quoi,

02:38de dire des mots de travers, d'avoir l'air ridicule, etc.

02:41J'ai peur et j'ai peur de quoi ?

02:42J'ai peur de l'autre, de ce regard et de ce qu'il va se souvenir de moi.

02:46Petit à petit, plus le temps passe, plus je me dis, mais c'est une...

02:49J'ai passé un temps fou sur un sujet complètement inintéressant

02:53parce que je pense qu'il n'y a rien de plus beau que quelqu'un qui ne se regarde pas,

02:56qui fait les choses avec son cœur.

02:57Et je crois que ne pas se regarder, c'est être libre,

03:00libre des barrières qu'on se met nous-mêmes, parce que généralement,

03:03on est beaucoup plus méchant avec nous-mêmes que le reste du monde l'est avec nous.

03:06Et donc, effectivement, dans mon concert,

03:08il y a toute une partie où je parle beaucoup de sensibilité, etc.

03:11Et puis, il y a un moment où ça se switch et c'est le moment de ne te regarde pas,

03:13où je dis, écoutez, la tempête a bien assez pleuré comme ça.

03:16Maintenant, il est temps pour elle d'aller danser sous l'orage

03:18et d'aller enlever toutes ces peurs-là qu'on a depuis le début

03:22et que je raconte depuis le début du set.

03:23Je fais un peu un truc un peu chamanique où j'invite les gens.

03:27Ne vous posez pas la question de si vous êtes beau, de si vous êtes belle,

03:30de si vous vous sentez bon, de si vous dansez bien.

03:32On s'en fout. On n'est pas un défilé de mode.

03:34On est un concert et on est là pour profiter.

03:38Le corps a besoin de danser.

03:39Le corps, ça lui fait du bien de danser et ça fera du bien à l'esprit en même temps.

03:43La danse, c'est un remède à beaucoup de mémo.

03:45Dès que je ne vais pas bien, je commence à danser.

03:48Pas dès que je ne vais pas bien, dès que je pleure avant de danser, mais voilà.

03:51Est-ce que la danse, elle est réfléchie ou tu te laisses porter par le moment ?

03:56Je pense que c'est très important quand on demande à des gens

03:58de faire quelque chose, de le faire nous aussi.

04:00Je ne pourrais pas demander aux gens de ne vous regardez pas danser n'importe comment, etc.

04:04Si moi, j'étais avec une choré hyper nana, tac, tac, tac et j'étais hyper belle.

04:08À l'inverse, c'est pour ça que je, moi, quand je danse, je fais n'importe quoi.

04:11Et c'est un moment d'ailleurs que j'adore, parce que c'est un moment

04:14où je m'oublie complètement.

04:15Je ne sais pas de quoi j'ai l'air.

04:16Après, je regarde les stories sur Instagram, je me dis oh putain, qu'est-ce que j'ai fait ?

04:19Mais en tout cas, c'est hyper important pour moi d'être alignée avec mon discours.

04:23Tu vois, je m'habille toujours avec mon cycliste de manière le plus basique possible.

04:27Si j'arrivais hyper bien sapée, hyper nana,

04:30je crois que ça n'irait pas avec le discours que j'ai, qui est

04:33on n'est pas là pour être beau, on est là pour être bien.

04:35Donc moi, je suis très bien dans mon cycliste.

04:37Je peux faire tous les mouvements du monde.

04:39Si je transpire, je m'en fous.

04:40Ce n'est pas grave.

04:42J'ai surtout envie de transpirer une eau d'Allah, voilà,

04:45à autre chose que ce que notre société nous impose,

04:48c'est-à-dire être beau, être

04:51voilà, nana, que moi, c'est quelque chose qui m'a fait beaucoup souffrir pendant longtemps.

04:56Et donc, je n'ai pas du tout envie de perpétuer ça.

04:58Voilà, donc je danse n'importe comment.

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