• il y a 2 mois
Thomas Jolly, directeur artistique des Jeux de Paris, était l'invité de franceinfo jeudi, au lendemain de la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques.

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00:00Émouvante, esthétique et sans doute révolutionnaire, voilà en quelques mots ce qu'a été la cérémonie d'ouverture des Jeux Paralympiques
00:07alors que vous entendez Born to Be Alive interprétée par Christine and the Queens.
00:11Bonjour Thomas Joly, mille merci d'être en studio avec nous ce matin, j'imagine que la nuit a dû être un petit peu courte encore une fois.
00:18Vous êtes le directeur artistique, le chef d'orchestre de ces cérémonies des JO et des Jeux Paralympiques.
00:24Cérémonie intitulée hier soir de la discorde à la concorde, est-ce que vous avez l'impression d'avoir réussi ?
00:29Écoutez, en tout cas on a lancé le signal qu'il y avait des questions à se poser en ce qui concerne notamment notre regard sur les questions de handicap
00:38mais aussi ce qu'il faut continuer à faire pour adapter les villes par exemple, enfin voilà toutes sortes de questions qui sont liées à notre grand vivre ensemble,
00:47à ce grand nous et que même si c'est qu'un spectacle, maintenant les questions sont lancées.
00:52Alors notre regard justement, vous l'avez porté sur ces images, celles par exemple qu'on retient au tout début, ce contraste entre dans un premier tableau
01:00les valides nombreux en noir et blanc, les non-valides en couleurs et bien sûr moins nombreux, c'est pour représenter la société ?
01:06Absolument, Alexander Eckman qui est le chorégraphe que j'ai invité à traduire finalement ces concepts et cette dramaturgie que j'avais élaboré avec la même équipe d'ailleurs
01:16que les précédentes cérémonies, Alexander Eckman a choisi en fait de poser clairement cette discorde, alors ça ne veut pas dire qu'on est fâchés, ça veut dire que c'est discordant
01:25et effectivement il a mis face à face une partie plus stricte on va dire, plus uniformisée qui serait notre société normée, on va dire ça comme ça
01:36et puis un groupe de performeurs en situation de handicap avec effectivement d'autres costumes et puis surtout de la créativité et de la beauté
01:44et l'idée était aussi de représenter les corps, tous les corps et de montrer que oui, 15% de la population mondiale est touchée par le handicap
01:51qu'il soit mental, physique, sensoriel, psychique ou autre et du coup, c'est une représentation de tout ça
01:57Un peu plus tard dans la soirée, on a aussi pu voir une chorégraphie avec des béquilles, une autre avec des fauteuils, ce ne sont pas des objets forcément anodins
02:05à quel moment vous vous êtes dit tiens, si on les utilisait ?
02:08Eh bien c'est encore une fois une traduction d'Alexandre Eichmann qui a voulu créer une utopie
02:13Eh bien et si nous faisions une équipe où il n'y aurait pas d'un côté des athlètes en situation de handicap et de l'autre une équipe avec des athlètes dits valides
02:23mais une seule et même équipe faite d'athlètes
02:27Oui parce que si je vous donne mon sentiment de spectateur, on a l'impression d'une forme de normalité
02:31Bah oui, en fait en réalité on peut faire du sport ensemble
02:35D'ailleurs dans ce tableau, l'entraîneuse si vous vous souvenez était une entraîneuse en situation de handicap
02:41et il y avait ce très très beau danseur qui s'appelle Moussa Mota qui est en béquilles
02:45et comme il est en béquilles, eh bien si on prenait tous des béquilles et qu'on faisait une course tous en béquilles
02:52C'était des idées comme ça un peu utopiques
02:54Ça a été un travail compliqué j'imagine d'arriver à faire danser en même temps des valides, des non-valides ou pas ?
03:02Non, je crois que ce sont des danseurs et des danseuses en situation de handicap mais malgré tout danseurs et danseuses aussi
03:09et l'idée c'était surtout bien de... Nous ce qu'on voulait avec notre équipe c'était être clair
03:17Voilà, poser la chose de manière élégante mais lucide, je dirais ça
03:21et pas tourner autour du pot, on le dit on commence par la discorde
03:25et en plus il y avait ce très beau mot de Concorde qui nous permettait d'aller dans cette issue souhaitée
03:31à laquelle il faut travailler et à partir de là en réalité c'était une histoire de rencontre bien sûr
03:36mais on a tous été aussi bouleversés les uns par rapport aux autres
03:41Je pense par exemple à Louis-Gabriel Nouchy qui a conçu les costumes et qui a dû faire du cas par cas bien sûr
03:47mais c'est d'ailleurs ce qui se lit dans les Jeux paralympiques et c'est pour ça que c'est important qu'ils soient dissociés
03:53d'une certaine manière des Jeux olympiques, c'est le cas par cas, c'est la singularité
03:58nous avons tous et toutes, qu'on soit d'ailleurs en situation de handicap ou non, des singularités
04:02il y a aussi des handicaps invisibles et donc cette considération
04:07et donc moi en tant que directeur artistique et Alexandre Eichmann en tant que chorégraphe
04:12cette représentation, elle permet de faire avancer mais au final on se rencontre et c'est ça qui compte
04:17et puis on a vu et entendu aussi ceci, le chanteur Lucky Love né avec un seul bras
04:24qui enlève sa veste, montre son buste
04:34c'est aussi ça, faire que les regards ne se détournent plus
04:38je crois, la visibilité, montrer, rendre visible, moi j'ai fait du spectacle, je le disais
04:45nous dans notre jargon théâtrale on dit qu'on fait une représentation, l'histoire de spectacle
04:49mais représenter, ce mot est important, à la fois on représente mais aussi on présente à nouveau
04:56il y a les deux sens et se présenter à nouveau, représenter c'est ce qui compte
05:01parce que oui à partir du moment où on se regarde, où on se considère alors je crois qu'on se comprend mieux
05:06c'est un peu le fil qu'on tire sur toutes les cérémonies, parlons de pluralité, parlons de diversité
05:12et constatons que finalement c'est en passant par là qu'on crée de l'unité, enfin moi je crois
05:16et puis à la fin de la cérémonie on a entendu aussi ces mots, ceux du patron de l'organisation Tony Estanguet
05:20avec vous on sera comme des gosses quand vous serez sur la ligne de départ, on sera comme des coachs
05:26quand viendra la balle de match et on sera comme des fous quand vous franchirez la ligne d'arrivée
05:32chacune des émotions que vous allez nous faire vivre portera en elle un message qui lui ne
05:38s'effacera jamais, vous n'avez aucune limite alors arrêtons de vous en mettre, c'est ça la révolution
05:45paralympique, une révolution douce mais qui va changer chacune et chacun d'entre nous en profondeur
05:51et pour toujours. Votre cérémonie c'était le début de cette révolution, en tout cas c'était la place
05:57la place de la Concorde qui nous l'a inspiré, je rappelle que sur cette place nous avons coupé
06:01la tête de la monarchie et changé de société. Oui, Tony Estanguet a raison, vous savez dans
06:07l'expression personne en situation de handicap le mot important c'est situation, c'est un escalier,
06:12c'est un ascenseur qui ne marche pas, qui crée une situation de handicap mais les personnes
06:17elles n'ont pas de problème en réalité. On a aussi vu le retour dans cette cérémonie d'une des stars
06:23des Jeux Olympiques, la frige, elle recouvrait le taxi de Théo Curin quand il a ouvert la cérémonie,
06:29on a vu aussi des friges danser sur scène, enfin plutôt on a essayé de les voir. Vous avez pris en
06:33compte le succès de la mascotte aux JO ou c'était déjà prévu d'avance ? Dites-nous honnêtement.
06:37Écoutez, moi je l'aime depuis le début, je les aime d'ailleurs depuis le début et plus on est nombreux
06:43à les aimer et plus ça me fait plaisir et plus d'ailleurs on est heureux de les voir. Oui, vous
06:47répondez pas exactement. En fait c'est aussi le choix d'Alexander Eichmann qui pendant la parade
06:52des athlètes voulait que les friges accueillent les délégations du monde entier et comme c'est
06:58long une parade et bien les friges ont redoublé d'inventivité, on les a vu faire plein de choses
07:04hier, lire le journal, manger du popcorn, s'entraîner, faire du break, on les a vu
07:10faire plein de choses et je crois que c'est un personnage qu'on gardera longtemps parce qu'il
07:15est tellement fantaisiste et moi je les aime. Alors on n'a pas vu de drag queen, on n'a pas vu
07:20de tête tranchée, vous vous êtes censuré cette fois ? Absolument pas, c'est juste que c'était pas
07:25là. Moi je me censure pas, la création artistique est libre mais la question là elle était
07:30travaillée sur les valeurs qui sont portées par les Jeux Paralympiques alors que dans la
07:38première cérémonie l'idée était de donner une grande carte d'identité de ce qu'est la France.
07:43Et oui, la France compte beaucoup de diversité et notamment des drag queens mais vous savez la
07:50question du travestissement, du cabaret, c'est aussi un héritage culturel français. On dit drag
07:55queen parce que c'est l'art du drag dont on parle beaucoup en ce moment notamment grâce à ce grand
08:00concours Drag Race France notamment mais l'art de se travestir, de se déguiser, je viens du théâtre
08:06en plus. Tout ça pour vous dire que ça date pas d'hier. Quand on voit ce que vous avez fait, que ce
08:11soit sur la scène, que ce soit hier entre Champs-Elysées et Concorde, c'est pas facile pour les
08:17suivants parce que la cérémonie dans un stade ça devient pas complètement ringard.
08:23Bon ça ce sont les grandes idées de Thierry Reboul, rendons lui hommage aussi, rendons à César ce qui lui
08:27appartient. Thierry Reboul qui est le directeur des cérémonies, c'est lui qui a eu cette idée de poser
08:31les cérémonies d'ouverture dans la ville et les clôtures elles se passent au stade effectivement.
08:36Artistiquement, je vais pas vous mentir, c'est vrai que tout à coup il y a une matière mais en réalité
08:42qui est déjà là et qu'on utilise mais en fait en réalité qui travaille d'elle-même. Hier, place de
08:48la Concorde, vous avez vu ou pas la tour Eiffel des fois scintillée comme pour dire non mais c'est moi
08:52je suis normalement la reine de Paris mais là c'est pas toi. Mais en même temps elle participe à la
08:57fête et en même temps on a dans le ciel de Paris tout à coup qui se découpe l'Arc de Triomphe, le
09:03Grand Palais, bref on a comme si Paris, les monuments venaient participer à la fête. Des plans qui sont
09:09faits par exemple je crois sur le frontispiece de l'Assemblée Nationale à un moment donné où on
09:12voit tout à coup cette cette gravure. Voilà, ça participe, notre histoire est là, la création et le
09:18patrimoine travaillent ensemble. Merci beaucoup, merci Thauvin Joli d'être venu sur France Info ce
09:23matin. Vous êtes, je le rappelle, directeur artistique des cérémonies d'ouverture et de
09:27clôture qu'on a pu voir depuis le début des Jeux Olympiques.

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