• il y a 4 mois
Plus de 2.000 enfants sont contraints de dormir à la rue, selon L'Unicef France et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) qui alertent aujourd'hui sur les conséquences "désastreuses" d'une enfance sans toit. C'est le cas de Jayed,10 ans, et de sa maman Fathia qui ont vécu 4 mois dans les rues de Lyon.
Regardez L'invité de Yves Calvi avec Yves Calvi du 29 août 2024.

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Transcription
00:00Il est 18h15, c'est une rencontre bien particulière que nous vous proposons maintenant puisque
00:07nous allons retrouver Jaïd qui a 10 ans et sa maman Fatia, l'un et l'autre ont vécu
00:114 mois dans la rue, dans la ville de Lyon, bonsoir à vous deux, merci de prendre la
00:16parole sur RTL.
00:17Jaïd, explique-nous s'il te plaît le premier souvenir qui te vient de ta vie dans la rue
00:22avec ta famille.
00:23Mon premier souvenir c'était que j'étais dans la rue et mes deux petites sœurs pleuraient
00:29pour la première fois à la rue, c'était quelque chose comme ça mais j'essayais de
00:34les faire être contents mais ils n'arrivaient pas à se calmer, c'était la première fois
00:42qu'ils vivaient dans la rue, c'était ça.
00:44Tu as essayé de les accompagner, de les consoler ?
00:46Oui, je les ai consolés, jusqu'à ce qu'on dort, ils se sont consolés.
00:52Est-ce que tu avais peur de vivre dans la rue ? Ce n'est pas normal qu'un enfant dorme
00:56dans la rue ?
00:57Oui, ce n'est pas normal déjà.
00:59Moi déjà j'ai peur dans la rue qu'une personne violente qui adresse à ma famille
01:04lui vienne lui dire par exemple la grèce.
01:09Quels ont été les moments les plus difficiles ?
01:11Les moments les plus difficiles c'était parce qu'il y a ma petite sœur qui est asthmatique,
01:17parce qu'elle attrape ça au froid parce que la nuit il fait beaucoup froid et à chaque
01:25fois qu'elle attrape le froid elle va à l'hôpital.
01:28Donc la pluie, le froid, l'hiver c'est ce que vous avez vécu de plus pénible ?
01:33Oui, c'est ça.
01:34Tu as parlé de ces choses-là avec tes camarades d'école ?
01:36Non.
01:37Pourquoi ?
01:38Parce que j'ai peur qu'ils me disent par exemple viens on y va chez toi, des choses
01:44comme ça.
01:45Et ensuite par exemple j'ai peur qu'ils se moquent de moi.
01:50Donc tu préfères leur cacher la réalité de la vie que tu as vécue ?
01:55Oui, c'est ça.
01:56Comment on fait pour aller à l'école le matin quand on dort dans la rue ?
01:59Déjà j'y vais très très fatigué et quand je vais à l'école je dors en classe quoi.
02:06Et aussi par exemple je dors pas à mon sommeil.
02:09Tu veux dire que tu n'arrivais pas à dormir quand tu étais dans la rue et qu'en fait
02:13tu t'endormais parce que tu étais épuisé, fatigué une fois que tu étais à l'école,
02:17c'est ça ?
02:18Oui et aussi des fois je dors pas à cause de la violence dehors parce que j'ai peur
02:22que ça se recommence.
02:24Quelle violence ?
02:25Des personnes que je ne connais pas, ils viennent nous agresser, ils viennent nous attaquer,
02:31quelque chose comme ça.
02:32Mais c'est arrivé réellement ou c'est juste une crainte ?
02:35C'est une crainte, quelque chose comme ça, c'est une crainte.
02:39Est-ce que tu as pu te confier à des personnes en dehors de ta maman et de tes sœurs avec
02:44qui tu as pu parler de cela ?
02:45Personne.
02:46Ça doit être dur de porter ce genre de choses ?
02:48Oui, très dur.
02:49En plus de vivre ?
02:50Oui.
02:51Très dur même.
02:52Quand tu penses à ton avenir, qu'est-ce que tu souhaites ?
02:55De quoi rêves-tu ?
02:56Des fois quand je dors, je rêve de, par exemple, je suis chez moi, je suis dans une
03:01maison, je suis avec mes sœurs qui sont dans ma chambre, elles jouent avec moi, je fais
03:06des rêves comme ça et des fois je fais des cauchemars.
03:09Par exemple, le cauchemar c'est, je suis dans la rue et je revis des moments un peu
03:13graves.
03:14Ça ne doit pas être facile ?
03:15Non, ça ne doit pas être facile.
03:17En même temps, tu as une énergie étonnante, on l'entend ne serait-ce que dans ta voix.
03:21Où est-ce que tu trouves cette force ?
03:23Cette force, je la trouve, je ne sais pas, n'importe où mais en fait, je ne sais pas
03:29où est-ce que la force, elle me vient.
03:30Elle me vient de n'importe où mais je ne sais pas où est-ce qu'elle débarque.
03:34En tout cas, je te félicite parce que tu parles très bien de ces événements que
03:38tu as vécu.
03:39Tu as un très bon vocabulaire donc ça veut dire que tu ne dors pas toujours quand tu
03:43es à l'école et j'espère que ton avenir va s'améliorer.
03:46À quoi tu penses ? Qu'est-ce que tu rêves de faire plus tard dans la vie ?
03:51Pilote d'avion, quelque chose comme ça.
03:52Non mais, pilote d'avion, quelque chose comme ça.
03:56Alors pilote d'avion ou quoi d'autre ?
03:58Pilote d'avion et aussi je me doute un peu de policier, c'est tout.
04:03Fathia, vous êtes la maman de Jahyed avec qui nous venons de faire cette interview.
04:07Je me tourne vers vous maintenant.
04:08Vous êtes une maman qui a vécu dans la rue avec trois enfants de 10, 4 et 2 ans.
04:12Comment ça vous est tombé dessus ?
04:13À la rue, c'est dur, c'est pas facile pour la maman avec les enfants, avec la petite
04:20mère d'Alia, dernière, elle a 2 ans.
04:22Et le 115 dans tout ça, vous les avez appelés ?
04:24Ah si, toujours, le matin, le soir, toujours.
04:27Pas de place, pas de solution, pour les enfants non, pour les mamans non.
04:33Alors, toute seule ? Non, pas de place madame, pas de place, pas de place.
04:37Toujours, toujours m'ont appelé 115, même la veille sociale et rien.
04:41Merci beaucoup d'avoir pris la parole, Fathia.
04:44Merci à Jahyed.
04:45Je précise que vous êtes logée et soutenue par les associations Solidarité.
04:49Entre femmes à la rue et jamais sans toit.
04:52Jamais sans toit.
04:53Voilà, on pense à vous ce soir, nous qui avons la chance d'avoir un toit.
04:56Merci beaucoup d'avoir pris la parole avec votre fils.
04:58Bonsoir Camille, vous êtes bénévole de l'association Solidarité entre femmes de la rue, on l'évoquait
05:03il y a quelques instants.
05:04Elles sont nombreuses, ces femmes et ces mamans à la rue ?
05:07Oui, alors bonsoir, merci de me recevoir.
05:11Oui, elles sont nombreuses, les femmes avec enfants à la rue.
05:14Nous, on a un collectif qui a à peu près un an, qui est composé d'environ 200 personnes
05:19je dirais à peu près 100 à 120 femmes et puis environ 80 enfants.
05:24Et aujourd'hui, on est face à une recrudescence du nombre de femmes à la rue, alors qu'il
05:31y a quelques années, on n'en voyait pas des femmes, des enfants à la rue, ou très
05:35peu.
05:36Aujourd'hui, c'est le décompte de jamais sans toit.
05:39Donc un collectif qui occupe des écoles, c'est 361 enfants au moins à la rue dans
05:45la métropole, c'est à peu près 180 familles, dont 101 mères isolées.
05:49Donc on voit bien que c'est maintenant aujourd'hui presque autant de familles que de personnes
05:53isolées qui sont à la rue, dont beaucoup de mères, dont beaucoup d'enfants, et avec
05:58toutes les violences qui vont avec et tous les risques qu'on connaît de la rue.
06:01Lesquels, dites-nous, parce que je pense qu'il faut l'entendre.
06:04Oui, les risques de la rue, c'est tout d'abord la violence physique, les agressions physiques,
06:12les agressions sexuelles, les vols, notamment des gens qui se font voler leurs affaires,
06:17c'est des personnes qui ont des troubles du sommeil, des troubles psychologiques, des
06:22troubles alimentaires parce qu'ils ne peuvent pas s'alimenter correctement.
06:24C'est des personnes aussi, et nous, c'est pour ça qu'on a monté ce collectif aussi
06:28de femmes, c'est aussi des fois des situations qui sont moins visibles, c'est-à-dire qu'on
06:32parle pas assez, mais on parle un peu des personnes qui sont effectivement à la rue,
06:36on parle moins des personnes qui sont hébergées chez des tiers contre-service ou des femmes
06:42qui sont victimes de violences conjugales dans leur logement et qui ne peuvent pas quitter
06:44le logement avec leurs enfants parce qu'elles ont nulle part d'autre où aller, parce qu'il
06:48n'y a pas de foyer adapté pour leur situation.
06:50Vous venez de nous dire qu'on exploite des femmes dans tous les sens du terme pour qu'elles
06:55puissent dormir avec leur enfant dans une chambre à peu près normale ?
07:00C'est pas une situation qui est systématique, mais c'est une situation qui est récurrente.
07:05Nous, ce qu'on voit dans le collectif aujourd'hui, c'est que des femmes, pour échapper à la
07:08rue, elles préfèrent être hébergées chez des personnes, peu importe les conditions
07:12parfois, plutôt que de risquer de vivre à la rue avec tout ce qu'il y a avec.
07:16Les autres risques que je n'ai pas évoqués, c'est aussi les risques qui sont liés au
07:19climat, avec des pics de froid l'hiver, des pics de canicule l'été.
07:24Nous, ce qu'on essaye de faire avec notre collectif, c'est qu'on essaye de s'entraider.
07:28C'est vraiment les femmes concernées qui sont au centre des luttes, c'est-à-dire que
07:31c'est elles qui se mobilisent, c'est elles qui se redonnent de la force entre elles et
07:36qui choisissent de se mobiliser par des rassemblements, des occupations de bâtiments et on les soutient.
07:42Comment les aidez-vous, très concrètement ?
07:44Nous, en tant que soutien, c'est les aider à visibiliser leurs combats, c'est être
07:52présente un peu au quotidien, c'est donner un peu les pistes des démarches à faire
07:57et puis surtout quand il n'y a pas de démarches possibles ou que toutes les démarches ont
07:59été faites.
08:00C'est-à-dire quand on a appelé le 115, qu'on est sur liste d'attente depuis des années
08:04pour un hébergement, qu'on n'a toujours pas de solution, pour nous la seule solution
08:08c'est la mobilisation collective et ça, ça passe par, notamment pour nous, des occupations
08:14de bâtiments, c'est-à-dire qu'aujourd'hui l'État se dédouane de la situation, aujourd'hui
08:19l'État s'en fiche que des enfants soient à la rue, que des femmes soient à la rue,
08:22que des personnes soient à la rue parce que je rappelle que l'hébergement c'est un droit
08:25inconditionnel, pas que pour les femmes, pour les enfants, pour tout le monde.
08:28Aujourd'hui on y accède à Lyon que sur critères de vulnérabilité, c'est-à-dire qu'il faut
08:34avoir un enfant de moins d'un an qui, par ailleurs, a des problèmes de santé, c'est-à-dire
08:39que ça ne suffit même plus d'être un bébé, maintenant il faut en plus être malade si
08:42on veut espérer avoir un hébergement d'urgence.
08:44Donc on est dans une situation qui est catastrophique et aujourd'hui on est au pied du mur avec
08:49un État qui n'en a plus rien à faire, avec des institutions locales qui se dédouanent
08:52aussi et qui rejettent tout le temps la faute sur l'État, donc nous ce qu'on fait c'est
08:56qu'on occupe des gymnases, on occupe des centres communaux, on occupe des bâtiments
09:01vides et il y en a beaucoup sur le territoire, il y en a 3 millions en France aujourd'hui
09:05des logements vides.
09:06Donc nous on considère qu'il y a plein de solutions, qu'il y a plein de choses qui sont
09:09possibles et que si les institutions ne le font pas, c'est au collectif, c'est aux personnes
09:13concernées de se mobiliser pour faire valoir leurs droits.
09:16Quels sont les parcours de vie de ces femmes, si on peut essayer de le résumer ?
09:19Ils sont multiples et complexes, donc c'est dur à résumer, j'en ai cité quelques-uns,
09:26mais aujourd'hui vous savez qu'on traverse une crise du logement, il y a un engorgement
09:34des dispositifs d'hébergement et des logements sociaux, donc c'est des personnes qui n'arrivent
09:39pas à accéder au logement, à l'hébergement, parfois qui ont par exemple vécu une rupture
09:44conjugale ou familiale, des personnes qui sont victimes de violences et qui ont quitté
09:49le domicile mais aussi des personnes qui sont issues d'un parcours migratoire, qui demandent
09:53de l'asile en France, aujourd'hui il y a moins de la moitié des personnes qui sont
09:56en demande d'asile qui sont hébergées en France, donc voilà c'est des situations
09:59multiples mais globalement, le dénominateur commun c'est la précarité et l'abandon
10:06des institutions.
10:07Ça veut dire que des petits jaillettes, vous en croisez beaucoup ?
10:08Beaucoup trop, nous on fait des réunions toutes les semaines, alors il faut savoir
10:15que nos réunions sont en non-mixité pour permettre à toutes les femmes qui veulent
10:19de s'exprimer, de raconter leur situation, de se donner de la force et de réfléchir
10:23collectivement à comment on se mobilise, qu'est-ce qu'on met en place, et lors de
10:27ces réunions il y a toujours des dizaines d'enfants, actuellement c'est plusieurs
10:31centaines d'enfants qui sont à la rue, d'autres qui occupent des écoles, d'autres
10:35qui sont dans des squats, hébergés par de la famille parfois mais dans des conditions
10:39qui sont souvent très précaires, qui vivent dans leurs voitures, dans les gares…
10:43Pardonnez-moi, je vous interromps, j'ai bien compris, vous êtes en non-mixité, c'est-à-dire
10:45qu'il n'y a aucun homme dans ces réunions ?
10:47Non, c'est ça, on se retrouve entre femmes concernées ou femmes en soutien.
10:53Pardonnez-moi, vous comprenez, pour que vous puissiez nous l'expliquer, ça peut surprendre
10:58voire choquer ce que vous venez de nous dire ?
11:00Alors, c'est parce qu'il faut l'expliquer…
11:03Bien sûr, c'est pour ça que je vous pose la question.
11:06Bien sûr, oui.
11:07La situation, c'est qu'il y a beaucoup de femmes qui subissent des violences, qui
11:13ont des situations très spécifiques, des choses qui peuvent être liées aussi à l'hygiène,
11:16par exemple la difficulté quand on est à la rue, qu'on a ses règles, quand on est
11:20à la rue et qu'on a des enfants en bas âge, qu'on ne trouve pas le gynéco, qu'on
11:24ne trouve pas le sage-femme, enfin c'est toutes ces questions-là qui sont aussi intrinsèques
11:29à des questions qui touchent les femmes précaires.
11:32En fait, vous nous parlez de pudeur d'une certaine façon, cette acteur, on ne peut
11:35pas dire tout le temps que c'est toutes devant tout le monde.
11:38Non, c'est ça, et c'est aussi une façon de se donner de la force, c'est qu'aujourd'hui,
11:43c'est de se dire en fait, en tant que femme, on est capable de se mobiliser ensemble, on
11:47est capable de protéger nos enfants, on est capable de s'entraider, et c'est aussi
11:52reprendre un peu de force dans des moments qui sont particulièrement difficiles, et
11:56puis par ailleurs, c'est aussi la réalité, c'est-à-dire qu'en fait, notre collectif
11:59Solidarité entre femmes à la rue, la plupart des membres de ce collectif sont des mères
12:03isolées avec enfants et n'ont pas de compagnons.
12:05Donc de fait, c'est aussi une non-mixité de faits, de réalité.
12:09Merci beaucoup Camille, pardonnez-moi, je vous interromps.
12:11Pas de souci.
12:13Merci de votre solidarité entre femmes de la rue, puisque c'est le nom de votre association.
12:18L'UNICEF révèle par ailleurs, je tiens à le préciser, que près de 2000 enfants
12:23vivraient dans la rue en France.
12:24On fait le point de l'actualité dans un instant.

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