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Un nouveau drame a coûté la vie de 12 migrants, dont 10 femmes, mardi au large de Boulogne-sur-Mer. Des évènements traumatisants également pour ces pêcheurs locaux qui croisent ces exilés sur leurs embarcations de fortune. Franck Antson a pu recueillir le témoignage de marins pêcheurs, les Baheu, qui ont participé aux opérations de secours, et qui sont repartis en mer dès le lendemain matin.
Regardez RTL Evènement avec Franck Antson du 05 septembre 2024.

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Transcription
00:00Et ce matin, et c'est notre événement sur RTL, nous avons choisi de revenir sur
00:06ce naufrage au large de la Manche, le pire depuis le début de l'année, au moins 12
00:10morts, on le rappelle 10 femmes et 2 hommes, on en parlait dès hier matin.
00:14Et ce matin nous avons eu envie de donner la parole aux pêcheurs du coin, ce sont souvent
00:17eux qui se retrouvent les premiers confrontés à l'horreur, qui sont les premiers à essayer
00:21d'intervenir.
00:22Bonjour Franck Hanson.
00:23Bonjour à tous.
00:24Vous avez pu recueillir Franck le témoignage de deux marins pêcheurs, un père et un fils,
00:28les Baeux, et ils ont participé aux opérations de secours, même si là ils sont déjà repartis
00:33en mer.
00:34Hier après-midi, quai Gambetta à Boulogne, l'équipage du Murex, un bateau spécialisé
00:38dans les crabes et homards, décharge sa pêche du jour.
00:41Des hommes encore éprouvés, la veille, au large du Cap Grinet, après avoir reçu l'alerte,
00:46ils ramenaient des corps sans vie, Axel Baeux, le patron à la barre, a ses images gravées
00:51en tête.
00:52C'est au réveil où on y pense.
00:53Tu n'entendais pas ce qu'il y a des corps, il était déjà trop tard.
00:55J'étais à 4 minutes de route de leur embarcation, j'étais en train de pêcher
00:59quand j'ai reçu l'alerte du cross, donc on a commencé à ramasser les débris et
01:02puis après on est tombé sur des corps, donc on a ramassé les corps.
01:04Moi j'en ai remonté trois dont deux femmes.
01:06Il y avait une jeune, je ne sais pas dire l'âge, je pense entre 15 et 20 ans, et là
01:10oui c'est dur.
01:11Elle avait le téléphone au cou, le téléphone n'arrêtait pas de sonner dans la pochette
01:13étanche, c'est ce qui m'a le plus marqué, là c'est dur.
01:16Arrivé sur zone avec son cousin après un navire de la Marine Nationale, le pêcheur
01:20a vu les restes d'un bateau complètement disloqué.
01:23Moi quand je suis arrivé, déjà le main qui avait commencé à en récupérer, c'était
01:26tous dans l'eau, accrochés au dernier boudin flottant qui restait gonflé.
01:31Au bateau il ne restait plus rien ?
01:32Non, même nous, quand on récupérait les corps, il n'y avait plus que le petit bout
01:36de boudin à l'arrière qui était comme ça, debout dans l'eau, il n'y avait plus rien.
01:40Moi je les avais vus passer une demi-heure ou une heure avant, il n'y avait pas de gilet,
01:44la seule chose que j'ai vue qui flottait c'était une bouée de piscine en forme de
01:49pneu.
01:50C'est des exilés qu'ils ont pourtant l'habitude de croiser dans ce détroit du Pas-de-Calais,
01:53encore hier matin d'ailleurs, sans forcément penser à cette issue fatale.
01:58Et c'est une situation, Franck, que n'avait pas connu le père d'Axel, lui-même pêcheur
02:03et qui a arrêté de travailler il y a seulement 7 ans.
02:06Jean-Marie, toujours propriétaire du navire, n'était en effet pas habitué à ces situations
02:10en mer.
02:11Moi à l'époque il n'y avait pas, j'ai arrêté de naviguer en 2016, on n'en voyait pas du
02:15tout.
02:17C'est quotidien, ce n'est pas tous les jours mais presque.
02:19Il y en a encore eu un tout à l'heure en départ d'un migrant, quand il fait beau
02:23c'est tous les jours, on n'est pas indifférents, c'est eux qui l'ont choisi comme ça mais
02:26bon, ça fait toujours mal au cœur quand même.
02:28Ce boulonnais voit aussi que son fils reste marqué par cette épreuve.
02:32Déjà hier il m'a appelé, il n'était pas bien, ce matin ça allait mieux mais hier
02:34il n'était franchement pas bien.
02:35Hier on a parlé, on a discuté, est-ce que ça lui a fait du bien peut-être, je ne sais
02:40pas.
02:41Moi je n'ai jamais récupéré de noyé, tant mieux pour moi.
02:45Dans le boulonnais, dans la région, ça fait partie du petit frère ?
02:48Oui, c'est un peu la hantise, la peur de se retrouver dans une situation comme ça,
02:53d'essayer de faire au mieux mais bon, ce n'est pas toujours évident.
02:55Et comme le reste de l'équipage, Axel a décliné le soutien psychologique proposé
03:00par les autorités.
03:01Franck, est-ce que ce drame a changé le regard de ces marins pêcheurs sur la situation de
03:06ce qu'on appelle les migrants ?
03:07Oui, même si ces hommes restent pudiques et ont souvent du mal à se pencher sur leurs
03:11émotions.
03:12D'autant plus qu'il a vu ces matelots mauritaniens et sénégalais en larmes.
03:15Axel Bae avoue qu'il comprend ce qui peut motiver ces candidats à l'exil.
03:20Je pense que tout le monde ici en France, si ça n'y aurait plus qu'on serait obligé
03:22de partir, on ferait pareil.
03:23On se croit toujours plus malin, on dirait mais nous non, on ne ferait pas comme ça
03:27mais ici, je pense, on dit pareil.
03:29Sur ce littoral où le vote RN était encore majoritaire aux dernières législatives,
03:34le patron du Murex assure qu'il réagira différemment s'il croise de nouveaux migrants
03:38en détresse.
03:39Maintenant je sais ce que je dois faire.
03:40À quelques minutes près, dit-il, sous les yeux de son petit garçon, on aurait peut-être
03:44pu sauver des vies.

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