Dès l’aube de l’humanité, nos ancêtres ont entrepris d’opérer leurs semblables. Il y a cent trente mille ans déjà, on pratiquait des trépanations ; les Grecs et les Romains savaient soigner les fractures et certaines tumeurs. On ignorait pourtant pratiquement tout du corps humain : c’est la très approximative théorie hippocratique des humeurs, perfectionnée au IIe siècle de notre ère par le médecin Claude Galien, qui fait foi en Occident jusqu’à la Renaissance, avant d’être rendue obsolète par les découvertes anatomiques des humanistes André Vésale ou Ambroise Paré. Longtemps rattachée au métier de barbier, la pratique chirurgicale gagne son indépendance et ses lettres de noblesse avec Charles-François Félix, qui débarrasse le roi Soleil, avec succès, d’une fistule anale. Tandis qu’outre-Manche John Hunter ou Robert Liston opèrent avec célérité, dans des amphithéâtres bondés, des patients souffrant le martyre, l’invention de l’anesthésie en 1846, à Boston, révolutionne la chirurgie, qui s’affranchit enfin de la douleur. Mais c’est aussi la découverte des bactéries – et la promotion par Joseph Lister de l’asepsie en salle d’opération – qui permettra de faire chuter les infections postopératoires ainsi que la mortalité en couches, et de propulser la discipline dans la modernité.
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00:00:00Que ce soit pour une opération bénigne ou une intervention majeure, nous passons presque
00:00:14tous un jour ou l'autre sur le billard.
00:00:15Pendant des millénaires, se retrouver à la merci d'un chirurgien revenait à côtoyer
00:00:22la mort de près.
00:00:23Quant à l'intérieur du corps humain, son fonctionnement est longtemps resté une énigme.
00:00:35Une sorte de continent inconnu, très difficile à explorer.
00:00:40Pour faire reculer la maladie et sauver des vies, des êtres courageux ont pris tous les
00:00:52risques.
00:01:22En 2016, une équipe d'archéologues israéliens et américains fait une découverte majeure
00:01:37dans la cité antique de Megiddo.
00:01:39Des squelettes humains de plus de 3000 ans, ceux de deux frères.
00:01:48Ils sont aujourd'hui conservés à Tel Aviv.
00:01:51En les examinant, Rachel Kalischer repère quelque chose d'inhabituel.
00:01:55J'ai commencé à nettoyer les os pour les étudier et remarquer une découpe de forme
00:02:08carrée.
00:02:09J'ai d'abord pensé qu'un confrère était passé par là entre deux saisons de fouille
00:02:14et avait prélevé un morceau de la boîte crânienne pour l'envoyer à une autre université.
00:02:20C'était bizarre, une entaille aussi nette aux arrêtes tranchantes.
00:02:23Mais quand je me suis renseignée, on m'a dit, mais non, personne n'y a touché.
00:02:27En continuant mon travail, j'ai reconstitué les différentes parties du crâne et j'ai
00:02:32compris que je me trouvais face à quelque chose de très atypique.
00:02:35Les squelettes ont été retrouvées côte à côte, mais seul l'un des deux présente
00:02:42cette ouverture carrée.
00:02:43A l'évidence, l'homme a subi une trépanation.
00:02:48C'est-à-dire qu'un trou a été pratiqué dans sa boîte crânienne.
00:02:51On a retrouvé deux des fragments d'os prélevés lors de la trépanation qui présentent des
00:02:58bords bien nets.
00:02:59Ici, on peut même voir le point d'incision.
00:03:03On comprend que pour réaliser cette intervention, on enlevait de petits morceaux d'os progressivement
00:03:12avant de faire levier.
00:03:18Mais dans quel but pratiquait-on une telle opération ?
00:03:31Les deux hommes présentaient les signes d'une maladie diffuse et généralisée.
00:03:37Ils étaient visiblement atteints depuis longtemps et en l'absence de médecine moderne et d'antibiotiques,
00:03:42on peut penser que leur état s'est dégradé.
00:03:48On ignore quel était l'objectif précis de cette intervention, mais selon moi, c'était
00:03:54une tentative pour remédier au mauvais état de santé du sujet.
00:04:03La trépanation était déjà pratiquée il y a plus de 130 000 ans.
00:04:07Peut-être pour traiter des maladies chroniques et atténuer des troubles tels que des maux
00:04:11de tête ou des crises d'épilepsie.
00:04:13A cela s'ajoutaient souvent des motifs religieux ou rituels.
00:04:17Peut-être cette pratique était elle aussi censée faire entrer la lumière ou chasser
00:04:33le mal.
00:04:34En s'étant reculé, le patient n'était généralement pas anesthésié, ni même
00:04:38endormi.
00:04:39On a retrouvé en Hongrie de nombreux crânes, d'époque plus ou moins lointaine, qui portent
00:04:48les traces de différentes méthodes de trépanation.
00:04:51Et bien souvent, les patients semblent avoir survécu à l'opération.
00:04:54Ce crâne de l'âge du bronze présente les caractéristiques d'une trépanation
00:05:11cicatrisée.
00:05:12Sur le pourtour de l'incision, on voit une structure osseuse corticale, quasi identique
00:05:22à celle de la face extérieure du crâne.
00:05:26Cette couche osseuse résulte d'un long processus de guérison.
00:05:31Ossements, instruments, mais aussi représentations héritées d'époques variées, tout indique
00:05:45que la trépanation est la plus ancienne des interventions chirurgicales.
00:05:49On y recourt plus que rarement aujourd'hui.
00:05:51« De nos jours, la trépanation consiste simplement à pratiquer un trou dans le crâne
00:06:05avec un trépan, c'est-à-dire un forêt.
00:06:08Elle concerne le plus souvent des personnes atteintes d'hémorragie cérébrale, chez
00:06:12qui il faut retirer un caillot sanguin qui pose problème.
00:06:15On perce donc la boîte crânienne en enlevant une portion d'os, on aspire le caillot,
00:06:22et l'état du patient s'améliore.
00:06:24»
00:06:25Les civilisations antiques disposaient déjà de connaissances médicales avancées.
00:06:31Ainsi, les Égyptiens confectionnaient-ils des instruments destinés à diverses interventions.
00:06:36Les Grecs et les Romains savaient refermer les plaies et soigner les fractures ainsi
00:06:45que certaines tumeurs.
00:06:46En Chine, on a réalisé très tôt des opérations de l'abdomen.
00:06:53Pourtant, les praticiens ignoraient à peu près tout de l'intérieur du corps humain.
00:07:01Au deuxième siècle de notre ère, un médecin de Pergame, en Asie mineure, veut combler
00:07:15cette lacune.
00:07:16Le pourtour de la Méditerranée est alors dominé par l'Empire romain.
00:07:26Gallien soigne les gladiateurs qui risquent leur vie dans l'arène, ce qui fait de lui
00:07:32une sorte de médecin du sport au cœur bien accroché puisqu'il subit au quotidien la
00:07:36vision de chair sanguinolente.
00:07:38C'était un érudit, un médecin greco-romain au physique avantageux et à l'égo surdimensionné.
00:07:54Ces gladiateurs, souvent très grièvement blessés, sont un objet d'étude idéal.
00:08:01Gallien en profite pour inspecter l'intérieur des plaies et étudier le fonctionnement des
00:08:06corps vivants.
00:08:07Auteur de plus de 200 écrits sur l'anatomie humaine, il va influencer la médecine jusqu'à
00:08:13l'époque moderne.
00:08:14Mais malgré sa grande curiosité, il n'a pas la possibilité d'approfondir systématiquement
00:08:19la physiologie de l'organisme.
00:08:21A l'époque, il était interdit de pratiquer des dissections humaines, il fallait donc
00:08:30se rabattre sur des animaux.
00:08:31Gallien s'imaginait qu'il pouvait disséquer indifféremment des porcs ou des singes car
00:08:37à ses yeux, l'anatomie des animaux était identique à celle de l'homme.
00:08:42Mais quand il décrit l'anatomie de l'estomac, c'est en réalité d'un estomac de porc
00:08:47qu'il parle, très différent d'une autre.
00:08:49Gallien laissera cependant des milliers de pages sur l'anatomie et la physiologie humaine.
00:08:58Ses travaux reposent sur la théorie des humeurs, formulée 500 ans plus tôt par le médecin
00:09:04et philosophe grec Hippocrate.
00:09:06Le corps serait composé de quatre fluides essentiels, le sang, la lymphe, la bile jaune
00:09:13et la bile noire.
00:09:15Chacun correspond à un élément, respectivement l'air, l'eau, le feu et la terre.
00:09:20Et les troubles de la santé s'expliquent par un déséquilibre entre eux.
00:09:24Selon lui, toute maladie est liée à l'une de ces quatre humeurs.
00:09:32Il affirme par exemple que le cancer est dû à un surplus de bile noire.
00:09:37Trop de lymphe provoque un rhume, un excès de bile jaune est responsable des affections
00:09:43du foie et l'abondance de sang entraîne de la fièvre.
00:09:47En guise de traitement, une seule solution, rétablir l'harmonie des humeurs dans l'organisme.
00:09:54Pour ce faire, on pratique couramment des saignées, quel que soit le mal dont souffre
00:09:58le patient.
00:09:59Problèmes cardiaques, maladies intestinales ou états fébriles.
00:10:02Considérée comme une panacée, cette technique sera longtemps utilisée.
00:10:08Elle subsiste même de façon très ciblée et encadrée de nos jours.
00:10:13Bien souvent, la perte de sang s'avère pourtant fatale pour les malades déjà affaiblis.
00:10:17Plus encore que les autres humeurs, le sang représentait la vie.
00:10:27On ne pouvait pas voir facilement la bile noire ou jaune, ni même la lymphe, alors
00:10:33que le sang apparaissait à la moindre coupure et à chaque cycle menstruel.
00:10:37Des quatre fluides, c'était donc celui que les gens de l'époque pensaient pouvoir
00:10:43le mieux contrôler, même si ce n'était pas réellement le cas.
00:10:47Les autres leur échappaient.
00:10:50C'est aussi grâce à Gallien que la chirurgie devient une profession reconnue dans l'Empire
00:10:57romain.
00:10:58En 2023, une équipe archéologique découvre des sépultures romaines près de Budapest,
00:11:14dont celle d'un homme qui exerçait vraisemblablement la profession de chirurgien.
00:11:18Il a été inhumé avec deux coffrets pleins d'instruments chirurgico-antiques en bronze
00:11:31et en fer, richement ornés.
00:11:33Le médecin attachait sans doute une certaine importance à l'image qu'il donnait de
00:11:37lui-même ainsi qu'à la qualité de son matériel.
00:11:39« Ces instruments sont en fait des scalpels pour des opérations en tout genre.
00:11:53Voici le manche et puis la lame interchangeable.
00:12:01On pouvait donc en changer rapidement, même en cours d'opération.
00:12:07»
00:12:08Avec la disparition de l'Empire romain, le savoir des anciens aurait pu tomber dans l'oubli.
00:12:18Mais les savants du monde arabe prennent le relais et préservent de nombreux manuscrits
00:12:22antiques.
00:12:23Ils élaborent à leur tour leurs propres instruments et méthodes opératoires.
00:12:30« L'Empire islamique s'étend et gagne du terrain en Europe.
00:12:44À cette occasion, on réintroduit des ouvrages de l'Antiquité qui ont entre-temps été
00:12:50traduits en arabe et peuvent à présent être retraduits.
00:12:53Sans le travail de ces érudits arabes au fil des siècles, ce trésor aurait été perdu.
00:12:59»
00:13:00Au Moyen-Âge, la chirurgie souffre d'une image controversée dans l'Occident chrétien,
00:13:09du moins au nord des Alpes.
00:13:11Elle s'incarne dans la figure du barbier chirurgien itinérant.
00:13:15Souvent organisés en corporations, ces professionnels cumulent une double compétence, comme leur
00:13:25nom l'indique.
00:13:26Ils sont capables de raser leurs clients comme de traiter tumeurs, abcès et fractures.
00:13:30Ils ne craignent pas de se confronter aux chers meurtris, contrairement aux médecins
00:13:42instruits qui s'estiment indignes de ce travail manuel.
00:13:44Les tableaux du début de l'époque moderne montrent des opérations horrifiques et des
00:14:01patients aux traits déformés par la douleur.
00:14:03De véritables dynasties de chirurgiens voient pourtant le jour.
00:14:09Elles se transmettent leurs savoirs de génération en génération et atteignent parfois des
00:14:13positions de pouvoir.
00:14:14Au 15e siècle, la ville marchande d'Oxbourg est aussi un haut lieu de la chirurgie.
00:14:27On témoigne un document exceptionnel découvert il y a quelques années.
00:14:31Ce manuscrit est fascinant parce qu'il offre un aperçu inédit de ce qu'était la chirurgie
00:14:43à l'aube de l'ère moderne.
00:14:44Le voici sous forme numérisée, ce qui permet de le feuilleter.
00:14:49Chaque petit bloc de texte correspond à un patient.
00:14:53Et sur la page de droite, le diagnostic est présenté non pas en mots, mais sous la forme
00:14:58d'un dessin.
00:14:59En l'occurrence, ce sont des calculs des voies urinaires retirées principalement sur
00:15:04des hommes.
00:15:05Le manuscrit provient de la clinique chirurgicale fondée par les Fouguerres, une puissante
00:15:13famille de commerçants et de banquiers.
00:15:15A l'époque, c'est l'adresse de référence pour les opérations des calculs.
00:15:20On remarque que les patients sont souvent des enfants.
00:15:23Le chirurgien travaille vite, avec précision.
00:15:27Il peut rapidement passer d'un instrument à l'autre et insérer la pince par une incision
00:15:36à l'entrée de la vessie pour en extraire le calcul.
00:15:40Les chirurgiens portaient à la ceinture une petite sacoche qui leur permettait d'avoir
00:15:45tous leurs instruments sous la main sans perdre de temps.
00:15:48C'est sur des cadavres qu'ils s'entraînaient à opérer.
00:15:52Les nouvelles méthodes en vigueur à la clinique des Fouguerres sont la marque d'une grande
00:15:56capacité d'innovation.
00:15:57On y opère aussi les hernies à laine, selon un protocole précis.
00:16:02Après la consultation préopératoire, vienne la prière, puis le bain.
00:16:08L'intervention est ensuite réalisée sur un patient pleinement conscient.
00:16:11A cette époque, la douleur était inhérente à l'opération.
00:16:16On aurait pu l'atténuer car on connaissait des plantes permettant de provoquer une perte
00:16:20de conscience artificielle.
00:16:22Mais c'était trop dangereux.
00:16:24Un bon chirurgien ne faisait pas courir de risques inutiles à ses patients.
00:16:28Il aurait su les endormir, mais peut-être pas les réveiller ensuite comme le font aujourd'hui
00:16:32les anesthésistes.
00:16:33Mais si de nouvelles techniques opératoires sont mises au point, les connaissances anatomiques
00:16:42n'ont guère progressé au cours des siècles.
00:16:44Louvain, dans le duché de Brabant, au XVIe siècle.
00:16:52Près de 1300 ans se sont écoulés depuis la publication des travaux de Galien que personne
00:16:59n'ose remettre en question.
00:17:00Mais un étudiant en médecine, d'un naturel curieux, va révolutionner le savoir.
00:17:06Il dissèque tous les cadavres qui lui tombent sous la main.
00:17:08Ou plutôt, il les dérobe dans les cimetières, ce qui est bien sûr interdit, et récupère
00:17:24les corps des criminels exécutés.
00:17:26Son nom, André Vézal.
00:17:33Vézal explique qu'il a toujours été passionné d'anatomie, depuis sa plus tendre enfance.
00:17:39Très jeune, il a disséqué de petits mammifères, des chiens, des chats, des souris.
00:17:45Ça paraît bizarre aujourd'hui, mais à l'époque, c'était la preuve d'une grande curiosité scientifique.
00:17:55Quittant sa terre natale pour suivre quelques années d'études à Paris, Vézal arrive
00:18:00à Padoue en 1537.
00:18:02La ville possède une université de réputation internationale, installée dans le Palais-Beau.
00:18:16À Paris, il a été assez déçu, car il y avait peu de cours d'anatomie, et qu'en
00:18:21plus, ils étaient moins fondés sur le livre de la nature, c'est-à-dire les cadavres,
00:18:25que sur le livre de la plus grande autorité classique en la matière, à savoir Galien.
00:18:29Seulement, Vézal voulait dépasser Galien.
00:18:41Il voulait être le nouveau Galien.
00:18:43Ce qui est extraordinaire, et totalement contraire aux usages de notre époque, c'est
00:18:47qu'il a été nommé professeur de chirurgie et d'anatomie dès le lendemain de l'obtention
00:18:51de son doctorat.
00:18:52Le jeune homme remet en question le mode d'enseignement classique de la chirurgie
00:19:00et de l'anatomie.
00:19:01Il dénonce la façon dont se pratiquent les dissections.
00:19:09On a un professeur, à l'écart, qui fait la lecture du haut de sa chair, et pendant
00:19:20ce temps-là, c'est un assistant ou quelqu'un d'autre qui officie.
00:19:25Pour Vézal, ça ne va pas.
00:19:31Il préfère se mêler aux étudiants, s'approcher des cadavres et manier lui-même le bistouri.
00:19:37C'est une nouvelle ère qui s'ouvre pour l'anatomie et la médecine.
00:19:49Vézal a été le premier professeur d'anatomie à pratiquer lui-même la dissection.
00:19:59Au fil de ces dissections, on a l'occasion de regarder de près les cadavres et de les
00:20:09étudier.
00:20:10On compare ce qu'on voit à l'enseignement de Galien et on se rend compte qu'il n'y
00:20:15a rien qui correspond.
00:20:16De quoi parle-t-il ?
00:20:17De quoi parle-t-il ?
00:20:18Tout est faux.
00:20:19Vézal couche sur le papier ses découvertes dans un ouvrage en sept volumes, La structure
00:20:27du corps humain.
00:20:28Rédigé en latin, ce manuel d'anatomie théorique et de chirurgie pratique décrit
00:20:34dans le détail le processus de dissection.
00:20:36Il recense, en outre, plus de 200 erreurs relevées chez Galien concernant l'anatomie
00:20:46et le fonctionnement du corps humain.
00:20:48Le message est sans équivoque.
00:20:51Le roi est mort, vive le roi.
00:20:54Vézal révèle ainsi un univers totalement nouveau à ses contemporains.
00:20:57On a l'impression d'être juste derrière lui, d'assister à la dissection par-dessus
00:21:11son épaule.
00:21:13Plus que tout autre, il a amorcé une meilleure compréhension de la géographie du corps
00:21:19humain et des voies anatomiques.
00:21:21Mais tout en décrivant minutieusement les veines et les artères, Vézal n'a qu'une
00:21:31représentation limitée de la circulation du sang dans l'organisme et du rôle joué
00:21:35par le cœur.
00:21:36Or, c'est un point d'achoppement pour les chirurgiens.
00:21:40S'il est impossible d'arrêter une hémorragie, le patient opéré n'a aucune chance de s'en
00:21:44sortir.
00:21:45Celui qui veut devenir bon chirurgien doit s'enrôler et suivre les armées, affirme
00:21:56une citation attribuée à Hippocrate.
00:21:58Et les guerres ne manquent pas à la Renaissance.
00:22:01Aux armes d'estoc et de taille s'ajoutent maintenant les arquebuses et les canons qui
00:22:07des blessures atroces, choquantes pour les soldats autant que pour ceux qui les soignent.
00:22:15Paradoxalement, ce contexte violent devient l'occasion d'innombrables expérimentations
00:22:19en Europe de l'Ouest.
00:22:21Les découvertes de cette époque vont conduire à l'avènement d'une chirurgie plus proche
00:22:25de celle que nous connaissons de nos jours.
00:22:30Le musée d'histoire de la médecine est installé dans les anciens locaux de l'école de chirurgie
00:22:34de Paris.
00:22:35Ses collections comprennent des instruments utilisés notamment sur les champs de bataille.
00:22:45La guerre a toujours été un élément fondamental pour faire faire des progrès aux chirurgiens.
00:22:50Toutes les guerres, depuis toujours.
00:22:53Et les barbiers chirurgiens ont tout de suite compris qu'il fallait qu'ils suivent les
00:22:58troupes pendant les campagnes des rois et des seigneurs.
00:23:03Grâce à ça, ils ont rapidement été reconnus en France et en Allemagne comme des gens
00:23:08très utiles.
00:23:11En 1537, les barbiers chirurgiens sont d'ailleurs présents non loin de Turin, où s'affrontent
00:23:16les Français et les Italiens.
00:23:19L'un d'eux se nomme Ambroise Paré.
00:23:22Il est formé aux méthodes d'opération de son temps et espère enrichir son expérience
00:23:26pratique.
00:23:27Allez, il faut agir vite.
00:23:29Vite !
00:23:37Mais il découvre surtout les horreurs de la guerre.
00:23:48Avant Ambroise Paré, pour faire une amputation, c'était quelque chose d'assez douloureux
00:23:55et terrible.
00:23:56Puisque pour faire une amputation, d'abord il faut savoir qu'on va employer un couteau.
00:24:02Pas un pistolet, c'est un couteau pour couper le muscle.
00:24:06Et ensuite, bien entendu, il va falloir couper l'os.
00:24:10Voilà le type de scie qu'on utilisait à l'époque d'Ambroise Paré.
00:24:15Et puis comme, bien entendu, tout ceci saignait abondamment.
00:24:21Comme beaucoup de ses confrères, Ambroise Paré pense que c'est la poudre à canon qui
00:24:25affecte les blessures causées par les projectiles.
00:24:28Pour stopper l'hémorragie consécutive à l'amputation, il cautérise les plaies au
00:24:32fer rouge, puis les traite à l'huile bouillante.
00:24:43Comme on peut s'en douter, c'était atrocement douloureux.
00:24:46Le fait d'appliquer de l'huile bouillante sur la chair à vif conduisait souvent à
00:24:51des infections mortelles.
00:24:55Ambroise Paré s'est dit qu'on ne devrait utiliser ni l'huile chaude, ni les fers
00:24:59ardents.
00:25:00Il faut trouver des méthodes moins éprouvantes pour les patients.
00:25:08Très affecté par les souffrances qu'endurent les blessés, Ambroise Paré cherche une autre
00:25:12façon d'arrêter un saignement.
00:25:14La lecture des auteurs antiques va lui donner une idée.
00:25:25Ambroise Paré a l'idée qu'il n'a pas inventé, d'ailleurs il ne prétend pas l'avoir inventé,
00:25:32ne plus faire de cotères, mais de faire une amputation en utilisant des pinces comme
00:25:39celles-ci, qu'on appelle les pinces à bec de corbin.
00:25:43On attrape les artères et les veines qui saignent, on la maintient fermée et on met
00:25:49autour une ficelle.
00:25:51Et comme il n'avait pas de ficelle, il a pris la queue du cheval, de l'ambulance, il a tiré
00:25:57des crins et il a fait le nœud.
00:25:59C'est pour ça qu'on appelle encore aujourd'hui, en français, le fil de chirurgien un crin.
00:26:09En remplacement de l'huile bouillante, Ambroise Paré obtient par ailleurs de bons résultats
00:26:13avec des pansements gras.
00:26:15Il devient l'un des plus célèbres médecins du Royaume de France.
00:26:22Vous vous sentez mieux, n'est-ce pas ?
00:26:27Il y a une formule qu'on attribue à Ambroise Paré.
00:26:30Je l'ai pensé, Dieu l'a guéri.
00:26:33C'était un humaniste et il a rendu la chirurgie plus humaine, comme Wesall qui a permis aux
00:26:39chirurgiens de mieux maîtriser l'anatomie.
00:26:42N'oubliez pas qu'à cette époque, on ne connaissait ni l'anesthésie, ni l'antisepsie, ni l'action
00:26:48des bactéries.
00:26:50Mais au moins, on a commencé à comprendre l'anatomie et à mettre fin au saignement
00:26:55pour regarder ce qui n'allait pas.
00:27:02La médecine fait à nouveau un grand pas en 1594 lorsque l'université de Padoue se
00:27:07dote d'un théâtre anatomique.
00:27:09Dans ses gradins, on croise entre autres des ecclésiastiques.
00:27:13À l'époque, la recherche anatomique n'était pas du tout condamnée par l'Église.
00:27:23En fait, celle-ci y était même favorable.
00:27:27Pourquoi ? Parce que l'ouverture d'un corps révèle l'extraordinaire complexité des
00:27:32organes, des appareils, des systèmes.
00:27:35Et on considérait cette incroyable complexité comme la preuve de l'existence d'un esprit
00:27:42supérieur.
00:27:44On venait ici étudier le chef-d'œuvre de Dieu, le chef-d'œuvre de l'esprit supérieur.
00:27:53Cette inscription dit « Ici est le lieu où la mort se réjouit d'aider la vie ».
00:27:59Et ce théâtre va devenir le modèle de tous les théâtres anatomiques d'Europe, puis du monde.
00:28:13L'occupation des gradins suivait un ordre hiérarchique.
00:28:19Les premières places étaient réservées aux personnalités de marque, les membres de
00:28:23la noblesse et les professeurs des autres écoles.
00:28:27Au-dessus venaient les étudiants, et notamment les étudiants en médecine.
00:28:35Mais cette disposition hiérarchique servait aussi un but pratique.
00:28:43Ces places sont les meilleures parce qu'elles offrent la meilleure vue sur le corps, mais
00:28:47aussi parce qu'on y est moins incommodé par les mauvaises odeurs qu'ils dégagent.
00:28:53Car les odeurs montent.
00:28:55Et c'était donc les pauvres étudiants qui pâtissaient le plus de cet inconvénient
00:28:59de la recherche anatomique.
00:29:04L'un de ces étudiants est l'anglais William Harvey.
00:29:07À l'âge de 24 ans seulement, il obtient à Padoue le titre de docteur en médecine en 1602.
00:29:16De retour à Londres, il entame des expériences sur des poissons et d'autres animaux vivants
00:29:20pour observer la pulsation du sang.
00:29:23Son ambition ? Résoudre l'un des plus grands mystères anatomiques de son temps.
00:29:28D'où vient le sang ? Et où va-t-il ?
00:29:32À cette époque, la théorie de Galien est toujours en vigueur.
00:29:35Le sang serait produit par le foie à partir de la nourriture ingérée.
00:29:43Harvey n'est pas le seul à s'intéresser à cette question.
00:29:46Les séances de dissection à l'université de Padoue
00:29:49donnent lieu à des préparations d'anatomie humaine sur bois
00:29:52qui comptent parmi les plus anciennes connues.
00:29:55Baptisée aujourd'hui planche d'Evelyn, du nom de leur acquéreur anglais,
00:29:59elle montre les artères, les veines et les voies nerveuses.
00:30:06On privilégie alors de plus en plus les méthodes expérimentales dans la science et la médecine.
00:30:11Par exemple, l'anatomie comparée passe par la dissection d'animaux aussi bien que d'humains.
00:30:16Il s'agit de mieux comprendre la nature, les corps et la biologie.
00:30:20Et William Harvey s'inscrit dans ce mouvement.
00:30:26Le jeune médecin met même à contribution son personnel pour ses recherches.
00:30:30Il remarque que le sang ne reflue jamais dans les veines
00:30:33et circule toujours dans le même sens.
00:30:35Il en conclut que de petites portes, les valvules, empêchent son retour.
00:30:40C'est une révélation.
00:30:42Je commençais alors à me demander si le sang n'était pas animé par un mouvement circulaire.
00:30:47Écrira-t-il plus tard ?
00:30:52En 1628, il publie son traité anatomique sur le mouvement du cœur et du sang chez les animaux.
00:30:58Il y réfute les conclusions de Galien selon qui le sang circule depuis le centre du corps vers sa périphérie.
00:31:04Et il décrit comment les battements du cœur propulsent le sang dans tout le corps par les artères
00:31:09avant qu'il revienne par les veines.
00:31:18Il découvre que le sang ne va nulle part, qu'il chemine en circuit fermé.
00:31:22Il ne s'agit pas de chirurgie à proprement parler,
00:31:25mais c'est une contribution importante à la compréhension de la circulation sanguine.
00:31:30Où commence-t-elle ? Où finit-elle ?
00:31:33C'est le grand apport de Harvey à l'histoire de la médecine.
00:31:41Malgré des compétences de plus en plus pointues,
00:31:43les chirurgiens ne bénéficient pas de la même reconnaissance que les médecins diplômés de la faculté.
00:31:49C'est grâce à l'aide de soutiens influents que leur situation évolue.
00:31:53Par exemple, Louis XIV.
00:31:59En 1686, le roi Soleil souffre d'une douleur extrêmement mal placée.
00:32:04Il compte sur son chirurgien Charles-François Félix de Tassie pour le soulager.
00:32:14Félix annonce au roi qu'il est atteint d'une fistule anal qui requiert une opération,
00:32:18tout en admettant qu'il manque d'expérience en la matière et ne sait pas comment procéder.
00:32:25Il s'est documenté, mais n'a jamais lui-même pratiqué cette intervention.
00:32:30Alors il s'entraîne sur des cadavres et des patients jusqu'au jour où il se sent prêt à opérer le souverain.
00:32:40Un matin, à 7 heures, les dés sont jetés.
00:32:45L'enjeu est grand pour Félix.
00:32:47L'entourage du roi est dans l'attente.
00:32:53Félix a fait fabriquer un instrument spécial.
00:32:57D'abord, il est en argent et non pas en fer.
00:33:02C'est normal, je suis en train de toucher avec mes gants un outil qui a touché quand même le postérieur du roi Soleil.
00:33:10Donc, vous imaginez les précautions que je prends.
00:33:13Toute cette partie-là allait dans la fistule.
00:33:18On sortait au niveau du canal anal, à l'intérieur du canal anal.
00:33:23Et là, avec la partie tranchante, on coupait.
00:33:29La maladie est une constante dans la vie de Louis XIV qui a déjà subi de nombreuses opérations.
00:33:35Il affronte vaillamment cette nouvelle épreuve ne prononçant que deux mots au plus fort de la douleur selon le récit de son premier médecin.
00:33:42Mon Dieu.
00:33:45Oh mon Dieu !
00:33:48Il a fallu personne pour le tenir.
00:33:50Il y a Louvoix qui était son ministre de la guerre qui lui a tenu la main pendant toute l'opération.
00:33:56Il paraît que même les ongles du roi ont un peu pénétré dans la main de Louvoix.
00:34:01C'est tout ce que l'on sait.
00:34:02Donc, ce sont des gens très courageux.
00:34:05Il accepte le risque.
00:34:06Il est dans les mains de Dieu.
00:34:09L'opération réussie et rétablie, le roi Soleil est à nouveau à cheval quelques jours plus tard.
00:34:15Délivré de ses douleurs peut-on supposer.
00:34:20Tous voulaient se faire opérer comme le roi.
00:34:23Ils voulaient, tous, les gens qui étaient à Versailles, voulaient une opération à la royale.
00:34:29Même s'ils n'en avaient pas besoin.
00:34:31Une des autres conséquences est la demande que Félix fait au roi Louis XIV de séparer définitivement la barberie de la chirurgie.
00:34:43Instituée en métier à part entière, la chirurgie en sort revalorisée.
00:34:51C'est le début de l'organisation de la profession de chirurgien.
00:34:55Tout cela, c'est grâce à Félix.
00:34:59C'est dire si l'opération de Louis XIV a été importante.
00:35:05Par la suite, Félix a encore renforcé sa position en France et a contribué à structurer la chirurgie qui s'est développée au fil des ans.
00:35:17En Grande-Bretagne, la séparation entre les barbiers et les chirurgiens est également consommée en 1745.
00:35:23Avec la création de la Compagnie des chirurgiens, qui deviendra plus tard le Collège royal de chirurgie.
00:35:31Dans le hall d'entrée de son siège à Londres, sous les portraits de ses membres illustres, se trouve la statue de l'Écossais John Hunter, figure importante du XVIIIe siècle.
00:35:46Très tôt, il s'intéresse à l'anatomie des êtres les plus variés qu'il prépare pour les conserver.
00:35:54John rejoint à Londres son frère aîné William, qui enseigne l'anatomie.
00:35:58D'abord, à son propre domicile.
00:36:01Ses cours fondés sur l'étude de cadavres frais attirent un vaste public.
00:36:05A sa création, cette institution était la seule en Grande-Bretagne à permettre aux étudiants de pratiquer eux-mêmes des différents styles de chirurgie.
00:36:13Le seul, a finit par devenir l'un des plus récents.
00:36:16qui attirent un vaste public.
00:36:28À sa création, cette institution était la seule en Grande-Bretagne
00:36:32à permettre aux étudiants de pratiquer eux-mêmes des dissections
00:36:36et de se former à l'anatomie sur des corps humains.
00:36:41Des étudiants de tout le Royaume-Uni et d'Amérique
00:36:44s'inscrivaient en nombre à l'école des frères Hunter,
00:36:48ce qui veut dire qu'il leur fallait une grande quantité de cadavres.
00:36:54Les deux frères s'approvisionnent de façon peu orthodoxe,
00:36:57car les corps mis à disposition légalement
00:37:00sont réservés à la compagnie des chirurgiens et au Collège royal de médecine.
00:37:04John va devenir profanateur de sépulture au service de William.
00:37:11Pour l'aider dans cette tâche macabre,
00:37:14il recrute des assistants bien charpentés à la sortie des auberges.
00:37:18Moyennant quelques tournées de bière et une certaine force de persuasion,
00:37:22il trouve sans difficulté de jeunes hommes prêts à lui prêter main forte.
00:37:28John Hunter était un curieux personnage.
00:37:31On dit que sa femme était dégoûtée par l'odeur qu'il dégageait
00:37:35à force de disséquer des animaux et autres.
00:37:39C'était un coriace.
00:37:41Il avait un tempérament de chirurgien,
00:37:43des idées bien arrêtées sur ce qu'il voulait faire.
00:37:46Et il était intelligent.
00:37:48Mais il paraît surtout qu'il était extrêmement habile de ses mains.
00:37:56Préparateur de talent, John Hunter constitue tout au long de sa vie
00:38:00une collection de plus de 14 000 objets anatomiques.
00:38:04Une partie subsiste de nos jours,
00:38:06conservée dans un musée au siège du Collège Royal de chirurgie.
00:38:13Cadavres humains, animaux ou végétaux,
00:38:16aucun être n'échappe au scalpel de John Hunter.
00:38:21Il était animé par une vraie passion depuis son enfance.
00:38:25Il voulait comprendre comment était apparue la vie sur Terre
00:38:28et comment étaient reliées les différentes espèces.
00:38:32Cette tentative de reconstituer le puzzle de l'origine des espèces
00:38:35s'inscrivait déjà dans une perspective évolutionniste
00:38:38et annonçait la démarche de Darwin.
00:38:43Si John Hunter exerce la médecine, c'est la recherche qui l'aime par-dessus tout.
00:38:48Ses travaux reflètent une nouvelle approche des sciences.
00:38:51Toute théorie doit être étayée par des observations systématiques et des expériences.
00:38:57Il incite ses étudiants à mobiliser tout leur sens dans leur quête de savoir.
00:39:05Il les encourage à utiliser leur odorat pour étudier les organes qu'ils dissèquent,
00:39:09à regarder ce qu'ils ont sous les yeux,
00:39:12à écouter les sons émis par les corps
00:39:14et même à tester les différents liquides organiques.
00:39:21Lui-même raconte avoir goûté les sucs gastriques et le sperme,
00:39:24dont il détaille le goût.
00:39:31Selon la légende, il se serait même inoculé des maladies contagieuses
00:39:34comme la syphilis ou la gonorrhée pour mieux les comprendre.
00:39:38Ayant reçu plusieurs distinctions pour ses travaux,
00:39:41il est nommé en 1776 chirurgien extraordinaire du roi George III.
00:39:57Sa dépouille repose aujourd'hui dans la prestigieuse abbaye de Westminster,
00:40:01tout près de la tombe du physicien et mathématicien Isaac Newton,
00:40:05une consécration pour un chirurgien.
00:40:17Son épitaphe le qualifie de fondateur de la chirurgie scientifique.
00:40:23La science chirurgicale commence à s'affirmer et à se libérer des dogmes,
00:40:27de l'empirisme et de l'influence de la religion.
00:40:33Hunter marque une rupture à cet égard en faisant de la chirurgie une science.
00:40:40Au quotidien, l'activité des chirurgiens reste cependant un spectacle sanguinolent.
00:40:45Cet amphithéâtre chirurgical est un lieu de recherche
00:40:49Cet amphithéâtre chirurgical est installé en 1822 à Londres,
00:40:53dans le grenier de la chapelle d'un hôpital.
00:40:57Il sert une population pauvre.
00:41:00Les classes aisées peuvent s'offrir un traitement à domicile qui permet un plus grand confort.
00:41:05Cette salle était pleine à craquer, bruyante et remplie d'étudiants en médecine
00:41:09qui, au XIXe siècle, avaient la réputation d'être assez chahuteurs.
00:41:14Le patient était allongé sur la table, sans anesthésie,
00:41:17puis était scruté par une cinquantaine de pères dieux
00:41:21pendant qu'on réalisait sur lui une intervention lourde.
00:41:25C'était spectaculaire et théâtral.
00:41:28Et tout comme les gens aimaient assister aux exécutions publiques,
00:41:31ils venaient volontiers voir une opération.
00:41:37L'un des chirurgiens les plus en vue est alors Robert Liston,
00:41:40surnommé le scalpel le plus rapide de l'ouest de Londres.
00:41:45Ses opérations express et ses bistouris affûtés garantissent au patient une souffrance minimale.
00:41:51Liston soigne sa réputation et s'enorgueille de ses précieux instruments.
00:41:58Les chirurgiens cultivaient une image de gentleman.
00:42:01Ils tenaient à porter la redingote et arboraient à la taille un magnifique jeu d'instruments portatifs.
00:42:08Bon nombre d'entre eux travaillaient en hôpital, mais aussi auprès de particuliers.
00:42:13Et vis-à-vis de ces patients, il était important de paraître élégant.
00:42:20La redingote est alors l'habit de travail du chirurgien.
00:42:23Et tant mieux si elle est maculée de rouge.
00:42:29Les taches de sang pouvaient même être un élément de prestige.
00:42:32Elles indiquaient que le chirurgien opérait lui-même.
00:42:35Et qu'il avait de l'expérience.
00:42:38Il était capital pour sa renommée qu'il puisse se prévaloir d'un grand nombre d'opérations.
00:42:45Les praticiens contribuent à l'amélioration de leur propre matériel en coopération avec les fabricants.
00:42:52De nouveaux instruments rendent les opérations plus rapides, plus efficaces et plus supportables pour les patients.
00:42:58Une partie de l'équipement commandé par Robert Liston est conservée au centre hospitalier universitaire de Londres.
00:43:07Les chirurgiens de cette époque ont donné leur nom à de nombreux instruments encore utilisés aujourd'hui.
00:43:12En anglais, le Liston knife, par exemple, est un scalpel qui sectionne le muscle plus rapidement que la scie à amputation utilisée jusqu'alors.
00:43:22Liston, comme beaucoup de ses contemporains, mise sur la rapidité.
00:43:27Mais l'amputation reste un supplice pour ses patients, qui doivent être maintenus par plusieurs assistants.
00:43:35Et s'il était possible d'opérer sereinement, sans que le sujet crie et se débatte ?
00:43:40De l'autre côté de l'Atlantique, Boston compte déjà parmi les hauts lieux de la médecine.
00:43:49En 1846, une page importante de l'histoire de la chirurgie va s'écrire à l'hôpital général du Massachussetts.
00:43:56La chirurgie de Boston n'est pas la première opération de l'Hôpital général de Boston.
00:44:01La chirurgie de Boston n'est pas la première opération de l'Hôpital général de Boston.
00:44:05En 1846, une page importante de l'histoire de la chirurgie va s'écrire à l'hôpital général du Massachussetts.
00:44:17Un patient a rendez-vous pour se faire ôter une tumeur à la mâchoire.
00:44:21Mais le chirurgien en chef, John Collins Warren, doit patienter.
00:44:26Son jeune collègue, William Morton, est en retard. Or, la réussite de l'opération dépend de lui.
00:44:36C'est une journée capitale dans l'histoire de la chirurgie, de la médecine et peut-être de l'humanité.
00:44:43Le 16 octobre 1846.
00:44:49Morton finit par arriver muni d'un dispositif qu'il a mis au point lui-même pour l'expérience qu'il compte mener.
00:44:55Un globe de verre plein d'éther sulfurique.
00:44:59William Morton avait 25 ans, contre 67 pour John Collins Warren, qui était le doyen de la faculté de médecine de Harvard.
00:45:07La hiérarchie était donc bien posée. En cas d'échec, Morton risquait gros.
00:45:13Warren pouvait toujours se désolidariser et le taxer de charlatanisme.
00:45:21Morton, lui, risque sa jeune carrière.
00:45:23Il a pour ambition de vaincre la douleur à une époque où on ne maîtrise pas encore l'effet des anesthésiants.
00:45:29Lors d'une précédente opération de chirurgie dentaire, le patient s'est réveillé trop tôt.
00:45:38Morton est attendu au tournant, y compris par ses pairs.
00:45:42Il doit impérativement contrôler la dose d'éther.
00:45:45Trop faible, le patient souffrira.
00:45:48Trop forte, il n'y survivra pas.
00:45:54On ne vérifiait pas le pouls et on ne savait pas encore prendre l'attention.
00:45:59Morton devait s'assurer que son patient était sain et sauf, qu'il allait se remettre d'avoir inhalé de l'éther.
00:46:08Dès que le produit commence à faire effet, Warren saisit son scalpel.
00:46:12L'intervention peut commencer.
00:46:14De nos jours, la salle utilisée par les deux chirurgiens, au troisième étage d'un bâtiment de l'hôpital général du Massachusetts, est appelée le Dôme d'éther.
00:46:24En l'absence de lumière électrique ou d'éclairage spécialisé, c'est sous cette coupole en verre qu'a eu lieu l'opération.
00:46:31La luminosité était idéale.
00:46:34Les patients étaient hébergés au premier étage, loin du troisième, où ils auraient pu entendre les cris des patients opérés sans anesthésie.
00:46:41À Boston, la chirurgie est aussi un spectacle public et édifiant pour les médecins et les étudiants.
00:46:51Avant l'invention de l'anesthésie, les opérations se limitaient en gros à l'amputation.
00:46:56On n'envisageait pas d'opérations de neurochirurgie ou d'incision à l'abdomen, puisque le patient bougeait.
00:47:01Il était immobilisé par la lumière électrique.
00:47:03On n'envisageait pas d'opérations de neurochirurgie ou d'incision à l'abdomen, puisque le patient bougeait.
00:47:09Il était immobilisé par des assistants musclés après avoir avalé une lampée de whisky.
00:47:17Réussir à opérer sous anesthésie, ce serait non seulement mettre fin au calvaire des patients, mais aussi pouvoir s'aventurer sur des terres inconnues.
00:47:26Le suspense est à son comble.
00:47:29La tumeur est retirée, la plaie recousue. C'est l'heure de vérité.
00:47:34Le patient de Morton et Warren va-t-il revenir à lui ?
00:47:45Gilbert Abbott déclare n'avoir perçu qu'une sensation de raclement.
00:47:50Gilbert Abbott déclare n'avoir perçu qu'une sensation de raclement.
00:47:55C'est miraculeux.
00:48:00Le patient se réveille et déclare qu'il n'a rien senti.
00:48:03C'est une explosion de liesse.
00:48:06Dès cet instant, plus rien n'est comme avant.
00:48:12Du jour au lendemain, la chirurgie s'affranchit de la douleur.
00:48:16En quelques semaines, le monde entier entend parler de cette opération.
00:48:24Les journaux de Boston titrent sobrement « Opération réussie ».
00:48:28Et précisent que l'homme inconscient ne présentait aucun signe de souffrance.
00:48:35Mais de part et d'autre de l'Atlantique, on prend rapidement la mesure de cette nouvelle historique.
00:48:40Très vite, on entend parler de cette innovation au Royaume-Uni,
00:48:44où elle est relayée dans des revues médicales.
00:48:51L'information arrive aux oreilles d'un éminent confrère.
00:49:01Robert Liston, avec son tempérament audacieux, veut être l'un des premiers à utiliser cette invention.
00:49:06Un jour de décembre 1846, il réunit ses étudiants en médecine,
00:49:11et il placarde une affichette invitant les gens à venir le voir tester pour la première fois en Angleterre
00:49:17l'anesthésie par inhalation d'éther.
00:49:23C'est devant un public nombreux que Robert Liston va s'essayer à la méthode Yankee.
00:49:28Sportif dans l'âme, il se chronomètre, comme à son habitude.
00:49:31Une question est sur toutes les lèvres.
00:49:34Le procédé va-t-il fonctionner ?
00:49:37Le patient va-t-il réellement se réveiller sans avoir rien senti ?
00:49:40Cette fois, il ne s'agit pas d'une simple opération de la mâchoire.
00:49:54Le patient est un domestique du nom de Frédéric Churchill.
00:49:57Liston procède comme toujours avec précision et vélocité, sans prendre de risque.
00:50:02Après tout, sa réputation est en jeu.
00:50:05Peut-être va-t-il même un peu trop vite ?
00:50:08Mais il s'avère après coup que le patient a dormi pendant toute l'opération.
00:50:14Il avait sombré dans le sommeil sans s'en rendre compte.
00:50:17A son réveil, il aurait demandé ce qu'il avait fait,
00:50:20mais il n'avait rien fait.
00:50:22Il avait sombré dans le sommeil sans s'en rendre compte.
00:50:25A son réveil, il aurait demandé si l'opération allait bientôt commencer.
00:50:29C'est un franc succès pour Liston.
00:50:34En quelques mois, l'anesthésie à l'éther est adoptée dans toute l'Europe et jusqu'en Asie.
00:50:45A Boston, cette méthode révolutionnaire a même son monument dans un parc.
00:50:53C'est l'avènement de la chirurgie moderne.
00:50:56Mais au-delà de ça, c'est l'idée que l'humanité a vaincu la douleur.
00:51:01Il va l'éradiquer du monde.
00:51:05Et c'est exaltant.
00:51:11Depuis l'Antiquité, on cherche à neutraliser la douleur et à faire perdre connaissance au patient.
00:51:16Pour ce faire, les Égyptiens utilisent le pavot à opium.
00:51:21Les Grecs et les Romains, la racine de Mondragore.
00:51:31Quelques siècles plus tard, on teste le laudanum, mélange d'alcool et de poudre d'opium.
00:51:37Mais cet analgésique peut facilement devenir malade.
00:51:41Avec le laudanum, il y avait un danger de surdose.
00:51:45Une patiente à qui on administrait une certaine quantité d'opium avant une opération du sein,
00:51:49risquait de rester inconsciente et de ne plus réagir.
00:51:54Dès 1804, le Japonais Hanaoka Seichu opère un cancer mortel.
00:52:00Il a été décédé par une épidémie de cancer.
00:52:04Cet exploit ne sera connu à l'étranger que beaucoup plus tard.
00:52:09Le XIXe siècle naissant marque aussi le début de l'usage récréatif du gaz hilarant et de l'éther,
00:52:14dans des fêtes privées ou des foires.
00:52:17Car il s'avère que ces premiers anesthésiants ont aussi un puissant effet désinhibant.
00:52:22Le grand public veut faire des expériences.
00:52:25On s'éloigne d'une conception hiérarchique du savoir cantonnée à l'apprentissage.
00:52:30À partir de la fin du XVIIIe siècle, la soif d'acquisition de la connaissance
00:52:34passe par l'expérimentation de la connaissance.
00:52:38La science est une expérience de la connaissance.
00:52:42La science est une expérience de la connaissance.
00:52:46La science est une expérience de la connaissance.
00:52:49La soif d'acquisition de la connaissance passe par l'expérimentation,
00:52:52en testant les choses soi-même.
00:52:55L'histoire de l'anesthésie est particulièrement riche en la matière.
00:53:01Une nouvelle étape importante est franchie en 1847 à Édimbourg.
00:53:20Un matin de novembre, un domestique fait une découverte inquiétante
00:53:23dans la salle à manger de son maître.
00:53:27La veille au soir, l'obstétricien James Young Simpson
00:53:30en entreprit de comparer l'efficacité du chloroforme et de l'éther
00:53:34sur des confrères et des membres de sa famille.
00:53:38À l'époque, on ignore encore que le chloroforme est toxique,
00:53:41et même mortel à haute dose.
00:53:50Fort heureusement, tous les convives se réveillent.
00:53:54Simpson a trouvé son anesthésiant de prédilection.
00:53:59C'est la substance idéale pour un obstétricien.
00:54:02Ininflammable, mais aussi facile à administrer et à transporter.
00:54:06Alors Simpson adopte le chloroforme avec enthousiasme.
00:54:11La même année, une nouvelle expérience de l'anesthésie
00:54:15La même année, il devient médecin de la Reine Victoria.
00:54:18Celle-ci a déjà mis au monde plusieurs enfants dans la douleur.
00:54:21Pour le huitième, elle veut tenter le chloroforme.
00:54:24Et le résultat dépasse ses attentes.
00:54:27Selon elle, l'accouchement a été absolument délectable,
00:54:30et elle-même ne s'est jamais aussi bien remise.
00:54:35Si l'anesthésie est bien accueillie,
00:54:38elle reste un procédé à risque les premières années.
00:54:41Il y a quelques affaires retentissantes de patients endormis
00:54:44qui ne se réveillent pas, dont on pense aujourd'hui
00:54:47qu'ils avaient reçu une dose trop élevée.
00:54:50C'est donc une pratique controversée,
00:54:53dangereuse pour les chirurgiens.
00:54:56Un ou deux patients haut placés qui décèdent
00:54:59peuvent compromettre une carrière.
00:55:04C'est encore sur les champs de bataille
00:55:07que l'on éprouve les méthodes novatrices.
00:55:10A partir de 1861,
00:55:13les deux belligérants de la guerre de Sécession
00:55:16emploient un nouveau type de projectiles, les balles minieres.
00:55:19Elles occasionnent des blessures terribles,
00:55:22broyant les os et arrachant les membres.
00:55:28Plus de 80 000 soldats doivent être opérés au cours du conflit.
00:55:31Souvent, l'amputation est la seule solution,
00:55:34et le chloroforme s'impose comme le produit anesthésiant numéro un.
00:55:40Le bruit court parmi les soldats qu'on a des chances de survivre
00:55:43à une amputation réalisée sous chloroforme.
00:55:47C'est une rupture majeure malgré la tragédie de la guerre.
00:55:52L'anesthésie se retrouve sur le devant de la scène,
00:55:55ce qui lui permet d'être acceptée et reconnue comme une innovation.
00:56:01S'ils sauvent des vies, le chloroforme est utilisé de façon sélective.
00:56:06Les soldats noirs qui combattent pour le camp nordiste
00:56:09n'ont pas accès à des soins médicaux de qualité.
00:56:16Les états du nord disent pourtant vouloir abolir l'esclavage.
00:56:20Mais de nombreux chirurgiens blancs refusent de soigner les soldats noirs.
00:56:25Des praticiens afro-américains sont formés en urgence.
00:56:30A la fin du conflit, on compte en tout et pour tout
00:56:3313 chirurgiens militaires noirs, ainsi qu'un certain nombre d'infirmières.
00:56:37Le chemin vers l'égalité des droits en médecine sera encore long.
00:56:42La question se pose aussi à un autre niveau.
00:56:45Les femmes ne sont pas les bienvenues sur le front,
00:56:48mais finissent par être tolérées comme infirmières
00:56:51face à l'hécatombe qui décime les armées.
00:57:00Entre 1853 et 1856, la guerre de Crimée oppose la Russie
00:57:04à une coalition composée notamment de la France et du Royaume-Uni.
00:57:09Cette fois, les femmes servent dans les hôpitaux de campagne.
00:57:13Florence Nightingale se porte volontaire.
00:57:16Cette infirmière anglaise est révoltée par les conditions de traitement des blessés.
00:57:21Livrées à eux-mêmes dans des postes médicaux sales et mal aérés,
00:57:24ou les rats prolifères, ils s'entassent parfois jusque dans les couloirs.
00:57:28Elle est déterminée à changer les choses.
00:57:34Elle voulait devenir infirmière,
00:57:37une vocation plutôt inhabituelle pour une femme de la classe moyenne.
00:57:41Elle a convaincu ses parents de lui permettre de se former,
00:57:44puis persuadé un ami, secrétaire à la guerre,
00:57:47de la laisser conduire une mission de femme en Crimée
00:57:50pour ouvrir un hôpital.
00:57:54Ses collègues masculins ne voient pas sa démarche d'un très bon oeil.
00:57:57Florence Nightingale obtient pourtant des résultats.
00:58:00Elle repense l'organisation hospitalière,
00:58:03améliore l'hygiène et les soins aux soldats,
00:58:06assiste les chirurgiens qui opèrent.
00:58:12Elle insistait pour qu'on respecte les normes d'hygiène stricte,
00:58:15qu'on change les draps régulièrement,
00:58:18qu'il y ait de l'eau salubre,
00:58:21que les hommes soient bien nourris et qu'on aère les pièces.
00:58:24Et elle a établi des statistiques pour montrer l'effet de ces mesures
00:58:27sur le taux de mortalité.
00:58:32L'hygiène est le domaine dans lequel il est urgent
00:58:35de progresser au XIXe siècle.
00:58:39L'urbanisation rapide en Europe s'accompagne de la construction
00:58:42de grands hôpitaux qui accueillent souvent les patients démunis
00:58:45manquant de ressources pour des soins à domicile.
00:58:49Il devient nécessaire de former une nouvelle génération de soignants.
00:58:52C'est à Vienne que se trouve l'un des établissements
00:58:55les plus exemplaires à cet égard.
00:59:00Il a vu le jour sous l'impulsion de l'empereur Joseph II
00:59:03dès la fin du XVIIIe siècle.
00:59:06Le josephinome est le premier à former des chirurgiens
00:59:09de façon systématique et scientifique.
00:59:16En témoigne l'exceptionnelle collection de modèles anatomiques en cire
00:59:19constituée par l'empereur.
00:59:26Joseph II avait une approche pratique
00:59:29des sciences et de la formation.
00:59:32Or la chirurgie militaire était la branche pratique
00:59:35de la médecine par excellence.
00:59:41Les pièces les plus remarquables de la collection
00:59:44sont celles qui représentent des corps humains à l'échelle
00:59:47avec une fidélité déconcertante.
00:59:51Joseph II les fait réaliser à Florence
00:59:54puis transporter jusqu'à Vienne.
00:59:57Il débourse 30 000 florins pour près de 1200 cires.
01:00:00Une petite fortune pour l'époque.
01:00:07On s'inspire de cadavres pour leur réalisation.
01:00:10L'hôpital Santa Maria Nuova de Florence
01:00:13dispose d'ateliers
01:00:16où des artistes collaborent avec des anatomistes
01:00:19et des scientifiques.
01:00:25Une résine vient ensuite rigidifier la cire
01:00:28et l'ajout de pigments permet d'affiner la ressemblance
01:00:31avec le corps humain.
01:00:36En souverain moderne, l'empereur fait exposer ses modèles
01:00:39pour l'édification de ses sujets.
01:00:42Si cette plongée à l'intérieur du corps humain
01:00:45marque le grand public,
01:00:48l'hôpital Saint-Jean-Marie-de-France
01:00:51est l'un des meilleurs hôpitaux visuels.
01:00:54À la même époque, Joseph II confie aux chirurgiens militaires
01:00:57un nouveau domaine spécialisé, l'obstétrique.
01:01:00Bien souvent, dans les villes de garnison,
01:01:03les chirurgiens militaires étaient les seuls médecins disponibles.
01:01:06Ils soignaient donc également la population civile
01:01:09et s'occupaient des accouchements
01:01:12des épouses de soldats ou d'officiers.
01:01:15Ce qui semble être un progrès
01:01:18se fait en réalité au détriment des parturiantes.
01:01:23Traditionnellement, les professionnels de santé
01:01:26affectés à l'obstétrique et à l'accouchement étaient des femmes.
01:01:29Puis, au XVIIIe siècle,
01:01:32les hommes prennent peu à peu la main sur ce domaine.
01:01:35Ils décrètent par exemple
01:01:38qu'il est indispensable d'utiliser certains instruments
01:01:41pour l'accouchement, comme les forceps.
01:01:44C'est pourquoi il faut confier cette opération aux hommes
01:01:47plutôt qu'aux sages-femmes.
01:01:50Mais le taux de survie maternelle n'augmente pas pour autant.
01:01:53N'importe quel médecin peut s'en rendre compte.
01:02:00C'est également le cas à Vienne,
01:02:03où la fièvre puerpérale inquiète.
01:02:06Cette infection, contractée après l'accouchement, fait des ravages.
01:02:10Le pathologiste Karl von Rokitansky
01:02:13s'intéresse aux causes des maladies et de la mortalité,
01:02:16convaincu que c'est en étudiant les cadavres
01:02:19qu'il trouvera les réponses qu'il cherche.
01:02:25Cofondateur de la 2e école de médecine viennoise,
01:02:28il réalise au cours de sa longue carrière
01:02:31plus de 30 000 autopsies
01:02:34et recense les symptômes qu'il observe
01:02:37dans des comptes rendus et des préparations.
01:02:46Ce bâtiment est surnommé la Tour des Fous.
01:02:51Ancien asile psychiatrique,
01:02:54il faisait partie autrefois de l'hôpital général de Vienne.
01:02:57On peut y admirer aujourd'hui la collection de pathologies
01:03:00de Karl von Rokitansky, la plus vaste au monde,
01:03:03avec plus de 49 000 pièces.
01:03:06Un tour d'horizon complet des organes et membres malades
01:03:09conservés dans le formol depuis près de deux siècles.
01:03:18Une ordonnance a imposé la réalisation d'une autopsie
01:03:21sur tout patient mort à l'hôpital.
01:03:24On amenait les cadavres en salle d'autopsie
01:03:27où Rokitansky et ses collaborateurs officiaient
01:03:30selon un protocole précis.
01:03:33Ils étudiaient la dissection en vue d'améliorer leur traitement.
01:03:36En étudiant les causes de décès d'un individu,
01:03:39on espérait éviter d'autres morts à l'avenir.
01:03:45La renommée de l'école de Vienne
01:03:48attire de nombreux jeunes médecins.
01:03:51Parmi eux, Ignace Semmelweis, le fils d'un épicier de Budapest,
01:03:54partage son temps entre les bibliothèques,
01:03:57le chevet de ses malades et la salle d'autopsie.
01:04:00Désireux de comprendre la mortalité des jeunes mères,
01:04:03il va recevoir le soutien de Rokitansky.
01:04:10Semmelweis devient médecin assistant
01:04:13au département d'obstétrique de l'hôpital général.
01:04:16Parallèlement aux femmes qu'il reçoit en consultation,
01:04:19il réalise aussi des autopsies.
01:04:22Mais il a beau étudier les dossiers médicaux
01:04:25et s'entretenir avec ses patientes, un mystère demeure.
01:04:28Il propose la fièvre puerpérale.
01:04:31Pourquoi tant de femmes en bonne santé meurent-elles après un accouchement ?
01:04:38Différentes théories circulaient
01:04:41concernant la raison des infections telles que le choléra.
01:04:44La plupart des médecins croyaient à la théorie des miasmes,
01:04:47c'est-à-dire qu'ils expliquaient la propagation des maladies
01:04:50par l'air vicié et les odeurs fétides.
01:04:59C'est une triste coïncidence
01:05:02qui finit par mettre Semmelweis sur la piste de la vérité.
01:05:05Au retour d'un voyage d'études,
01:05:08il apprend le décès de son collègue et ami Jakob Kolecka.
01:05:22En inspectant sa dépouille,
01:05:25il comprend que le professeur est mort des suites d'une septicémie
01:05:28et fait soudain le rapprochement.
01:05:31Juste avant de mourir,
01:05:34Kolecka s'était blessé au doigt pendant une autopsie.
01:05:38Semmelweis s'en tire les conclusions qui s'imposent
01:05:41et fait le parallèle avec la fièvre puerpérale.
01:05:44Il évoque une substance cadavérique
01:05:47qui aurait provoqué l'empoisonnement lors de la dissection
01:05:50et il en tire un enseignement
01:05:53qui explique que la fièvre puerpérale
01:05:56n'est pas une maladie.
01:05:59C'est-à-dire qu'elle n'est pas une maladie.
01:06:02C'est-à-dire qu'elle n'est pas une maladie.
01:06:06Et il en tire un enseignement très juste.
01:06:09L'hygiène, notamment des mains,
01:06:12est la clé pour faire reculer la fièvre puerpérale.
01:06:19A l'hôpital, les médecins enchaînent sans se laver les mains
01:06:22autopsie, examen et accouchement.
01:06:26Semmelweis institue un protocole de désinfection
01:06:29à l'hypochlorite de calcium
01:06:32pour éviter la mortalité.
01:06:36Ses collègues à l'hôpital étaient horrifiés.
01:06:41Ils refusaient d'admettre que c'était leur faute,
01:06:44qu'ils étaient responsables de la mort de leur patiente.
01:06:47À une époque où les bactéries sont encore inconnues,
01:06:50les thèses de Semmelweis sont rejetées
01:06:53par ses confrères fatigués de son insistance.
01:06:56Trop en avant sur son temps,
01:06:59l'hôpital ne peut plus être marginalisé.
01:07:02À partir de 1846, on réalise un nombre croissant
01:07:05d'opérations de plus en plus ambitieuses.
01:07:08Et les patients meurent toujours.
01:07:11Pourquoi ? Parce qu'on ne sait pas contrôler les infections.
01:07:18Ce fort taux de mortalité post-opératoire
01:07:21intrigue le britannique Joseph Lister,
01:07:24chirurgien à l'infirmerie royale de Glasgow.
01:07:27Soucieux de la protection de ses patients,
01:07:30il a l'habitude de faire nettoyer de fond en comble sa salle d'opération.
01:07:35Puis, en 1864, il découvre un article de Louis Pasteur
01:07:38décrivant comment des organismes microscopiques
01:07:41provoquent la putréfaction des aliments.
01:07:45Pasteur les nomme « bactéries ».
01:07:53Les gens n'avaient pas de microscope.
01:07:56Ils ne pouvaient rien examiner de tout près et voir les bactéries.
01:07:59Ils ne croyaient pas à leur existence.
01:08:05Lister s'aperçoit que tous les instruments et tissus
01:08:08utilisés lors d'une opération portent des microbes.
01:08:11Il en va de même des doigts du chirurgien.
01:08:16Il prend l'habitude de vaporiser dans la salle un antiseptique
01:08:19de l'acide carbolique.
01:08:22Il en asperge ses patients et y plonge ses propres mains.
01:08:27Le taux d'infection diminue pour atteindre un niveau acceptable.
01:08:30Il devient possible de pratiquer
01:08:33des interventions de grande envergure
01:08:36sans que le patient succombe à une infection.
01:08:40Pour diffuser la bonne parole,
01:08:43Joseph Lister va parcourir le monde.
01:08:46Ses confrères mettent souvent un certain temps
01:08:49à reconnaître l'efficacité de ce protocole antiseptique compliqué.
01:08:52Mais le chiffre d'infection est élevé.
01:08:55Mais le chirurgien est au pignâtre.
01:08:58Il a transformé la chirurgie grâce à sa compréhension
01:09:01des mécanismes de l'infection
01:09:04qui a entraîné une baisse de la mortalité.
01:09:07Et au-delà de ça, il a fait le tour du monde
01:09:10pour diffuser l'information dans le milieu médical
01:09:13et faire connaître sa méthode.
01:09:16Transformé peut-être,
01:09:19mais la chirurgie demeure une profession masculine.
01:09:22Chaque homme qui sont mis à l'honneur par la presse médicale
01:09:25est présenté comme des héros modernes.
01:09:28Pourtant, quelques femmes se battent pour se faire une place
01:09:31dans ce métier très fermé.
01:09:34La première à achever des études de médecine aux Etats-Unis en 1849
01:09:37est une Britannique, Elizabeth Blackwell.
01:09:40D'autres lui emboîtent le pas.
01:09:43Les albums de photos des étudiantes du Collège de médecine pour femmes
01:09:46de Pennsylvanie, datant de la fin du XIXe siècle,
01:09:49présentent une certaine convivialité et du plaisir d'étudier.
01:09:55Les jeunes filles posent avec des squelettes
01:09:58exactement comme leurs homologues masculins à l'époque.
01:10:01Bien que confrontées à de nombreux obstacles,
01:10:04les femmes ne se laissent pas décourager
01:10:07et conquièrent peu à peu les blocs opératoires
01:10:10à l'instar d'une autre Britannique.
01:10:13Elizabeth Garrett Anderson
01:10:16Elle était une fille d'une famille de la classe moyenne
01:10:19où elle étouffait, s'ennuyait et cherchait un sens à sa vie.
01:10:22Elle a été une pionnière en Grande-Bretagne,
01:10:25mais la plupart des portes qu'elle a ouvertes
01:10:28se sont tout de suite refermées.
01:10:31Peu de femmes ont marché sur ces traces,
01:10:34mais elles ont été de plus en plus nombreuses
01:10:37à vouloir faire des études et entrer dans le monde médical,
01:10:40si bien que les universités ont été bien obligées de les accueillir.
01:10:44Elizabeth Garrett Anderson est l'une des premières en Europe
01:10:47à devenir chirurgienne.
01:10:50Elle contribue à fonder à Londres un dispensaire d'un genre nouveau
01:10:53qui ne soigne et n'emploie que des femmes.
01:10:56Mais son cas reste une exception.
01:11:03La Première Guerre mondiale marque un nouveau tournant
01:11:06pour les femmes en médecine.
01:11:09Elle compte bien faire la preuve de leur savoir-faire
01:11:13L'armée britannique ne tenait pas
01:11:16à ce que les femmes travaillent dans les hôpitaux
01:11:19à proximité du front.
01:11:22Alors elles sont allées proposer leur service en France,
01:11:25à la Croix-Rouge et aux autorités,
01:11:28dans l'espoir de pouvoir gérer des hôpitaux militaires
01:11:31comme elles le souhaitaient.
01:11:34Ainsi, un groupe d'Écossaises s'engage auprès des Français
01:11:37et ne vont pas tarder à montrer de quoi elles sont capables.
01:11:40Le premier hôpital des dames écossaises,
01:11:43tenu exclusivement par des femmes,
01:11:46voit le jour à Calais, non loin des combats.
01:11:49De quoi battre en brèche l'idée selon laquelle
01:11:52le sexe faible ne supporterait pas la vue du sang,
01:11:55des plaies et des fractures ouvertes.
01:12:00Puis c'est au tour de Louisa Garrett Anderson
01:12:03et de Flora Murray d'ouvrir des hôpitaux militaires en France.
01:12:06Le succès du projet de ces deux femmes médecins
01:12:09et des militantes suffragettes ne passe pas inaperçu
01:12:12dans leur pays d'origine.
01:12:15L'armée britannique leur propose alors la gestion
01:12:18d'un grand hôpital militaire dans le centre de Londres.
01:12:21Elle crée en 1915 l'hôpital Dendal Street,
01:12:24qui accueille des soldats alliés de tous horizons.
01:12:27Agrandi au fil des ans,
01:12:30l'établissement comptera jusqu'à 500 lits.
01:12:33Il emploie très majoritairement des femmes
01:12:37La devise de ses fondatrices,
01:12:40des actes et non des mots.
01:12:43C'est un sacré pari.
01:12:46Et dans un premier temps,
01:12:49personne ne s'attend à ce qu'elles réussissent.
01:12:52Mais les hommes les acceptent et selon la presse,
01:12:55leur hôpital est le plus apprécié et le plus fréquenté de Londres.
01:12:58En cinq ans,
01:13:01Dendal Street voit passer au moins 26 000 patients
01:13:05Pourtant, l'institution ferme ses portes à la fin de la guerre
01:13:08et licencie son personnel.
01:13:18Où en est-on au XXIe siècle ?
01:13:21Les femmes représentent à peine plus d'un quart
01:13:24des chirurgiens en France et occupent 8%
01:13:27des fonctions dirigeantes dans ce domaine en Allemagne.
01:13:30Pourtant, les amphis des facultés de médecine
01:13:33sont les plus féminisés.
01:13:36A Berlin, les étudiantes ont accès à cette discipline depuis 1908.
01:13:39La capitale allemande se trouve alors à l'avant-garde
01:13:42de la pratique médicale.
01:13:45L'hôpital de la Charité emploie des scientifiques de renom,
01:13:48dont le pathologiste Rudolf Virchow.
01:13:51Celui-ci veut que ses étudiants apprennent
01:13:54à regarder à l'échelle microscopique.
01:13:57Son ancienne salle de cours est aujourd'hui en piteux état.
01:14:03Ce qui bouleverse complètement la conception médicale
01:14:06de l'anatomie humaine.
01:14:09Ce ne sont plus les liquides organiques qui constituent le corps.
01:14:12Désormais, c'est la cellule qui forme
01:14:15la plus petite unité de l'organisme
01:14:18et elle est facile à délimiter.
01:14:21Pour les chirurgiens,
01:14:24cette découverte a des conséquences non négligeables.
01:14:28Il devient aisé de différencier
01:14:31une cellule saine d'une cellule malade.
01:14:34Théoriquement, il doit donc être possible
01:14:37de les séparer avec précision par la chirurgie.
01:14:45Rudolf Virchow et ses confrères
01:14:48considèrent les maladies comme des changements localisables
01:14:51survenant dans certains organes solides ou régions du corps
01:14:54auxquels il est possible de remédier
01:14:57par une intervention ciblée.
01:15:00Une révolution dans la façon de considérer la maladie
01:15:03et son traitement.
01:15:06L'Allemagne devient en matière de médecine un pays phare
01:15:09qui attire de plus en plus.
01:15:12C'est une époque de grande rivalité internationale
01:15:15entre plusieurs conceptions fondamentales de la médecine.
01:15:18Elles contiennent toute une part de vérité
01:15:21mais doivent être pondérées.
01:15:24Ce qui se fait au prix de débats très animés.
01:15:31C'est également à Berlin que sont approfondies
01:15:34les mesures d'hygiène ébauchées par Joseph Lister.
01:15:37A partir de 1890,
01:15:40les médecins stérilisent à la vapeur instruments,
01:15:43linges, compresses et bandages
01:15:46ouvrant ainsi la voie à une chirurgie aseptique.
01:15:51Théodore Bilroth, chirurgien et pathologiste,
01:15:54fait lui aussi ses débuts dans la capitale allemande
01:15:57mais poursuivra sa carrière à Zurich,
01:16:00puis à Vienne, faute de poste à sa convenance.
01:16:03Il s'illustre par ses opérations du système digestif,
01:16:06son domaine de prédilection.
01:16:09Les progrès de l'anesthésie lui permettent de s'aventurer
01:16:12plus loin que beaucoup de ses confrères.
01:16:16Il a réalisé des interventions extraordinaires
01:16:19que personne n'avait jamais tentées,
01:16:22notamment à l'abdomen.
01:16:25Que ce soit l'estomac, le pancréas ou les intestins,
01:16:28Bilroth a été le premier à chaque fois.
01:16:36Beaucoup de ses élèves deviendront de grands noms de la chirurgie
01:16:39et on vient de loin pour le voir opérer.
01:16:46Il n'y avait pas de formation aux Etats-Unis, c'était le Far West.
01:16:49Plus de 15 000 Américains ont donc découvert
01:16:52Outre-Atlantique, les laboratoires, les hôpitaux
01:16:55et les études de médecine.
01:16:58Les Européens étaient très en avance sur nous à cet égard.
01:17:03L'Américain William Olstead est l'un de ces jeunes gens avides de savoir.
01:17:09Fils d'une famille aisée, il fait ses études à Vienne
01:17:12entre 1878 et 1880.
01:17:15Il écrit à un ami
01:17:17J'ai été particulièrement impressionné par l'ampleur des opérations
01:17:20ainsi que par le savoir-faire de Bilroth et de ses assistants.
01:17:26Olstead veut compléter sa formation médicale et chirurgicale
01:17:29là où l'enseignement est parmi les plus poussés.
01:17:34Et pour ça, il faut aller en Europe.
01:17:38À son retour des Etats-Unis, sa formation viennoise
01:17:41fait de lui un chirurgien très demandé.
01:17:45Il exerce notamment au vénérable hôpital Bellevue de New York.
01:17:53Il a rapporté d'Europe les méthodes antiseptiques
01:17:56et la théorie des germes qu'il a intégrées à sa pratique.
01:17:59Il a ainsi introduit la science dans l'étude
01:18:02de la chirurgie et de la médecine en Amérique
01:18:05où elle faisait cruellement défaut.
01:18:09William Olstead prend aussi des risques.
01:18:12En 1882, il est amené à retirer en urgence
01:18:15des calculs biliaires sur une patiente qui se trouve dans un état critique.
01:18:24Le docteur Olstead a réalisé cette opération sur une table de cuisine.
01:18:30La patiente, une femme de 70 ans, était en réalité sa mère.
01:18:35Pour un jeune chirurgien, cette intervention délicate
01:18:38était un exploit assez remarquable.
01:18:45D'autant qu'elle se termine bien, ce qui n'était pas joué d'avance.
01:18:49Débarrassé de sept calculs, sa mère survit à l'opération.
01:18:53Mais quelques années plus tard, le parcours de Olstead
01:18:56prend une tournure inattendue.
01:19:00L'année 1884 voit la publication de deux articles médicaux
01:19:04importants sur la cocaïne qui retiennent l'attention du docteur Olstead.
01:19:09Le premier, de Sigmund Freud, l'intéresse car il décrit la cocaïne
01:19:12comme un stimulant.
01:19:17Le second est un compte-rendu dans lequel Karl Kohler rapporte
01:19:20l'avoir employé comme anesthésiant local lors d'une chirurgie de la cornée.
01:19:28De quoi éveiller la curiosité de Olstead.
01:19:34Il convie quelques confrères et étudiants à son cabinet new-yorkais
01:19:37avec le projet de tester la substance.
01:19:41Mais il ignore tout du dosage à appliquer.
01:19:49Olstead envisage d'administrer la cocaïne par injection
01:19:52à proximité d'un air
01:19:55afin d'endormir une zone du corps en vue d'une opération.
01:19:59C'est la naissance de l'anesthésie locale.
01:20:04Il tient à tester lui-même le psychotrope.
01:20:14Mais l'expérience va mal tourner.
01:20:26Olstead et les autres participants sont devenus dépendants à la cocaïne.
01:20:29Jusqu'à la fin de leur jour pour certains.
01:20:35Et ils ne sont pas les seuls.
01:20:38Drogue miracle, la cocaïne fait un tabac en Europe et aux Etats-Unis
01:20:41jusque dans le monde médical.
01:20:45Au début du XXe siècle, la recette du Coca-Cola
01:20:48contient encore de l'extrait de feuilles de coca
01:20:51à l'origine du nom de la marque.
01:21:00Olstead sombre dans l'addiction.
01:21:03Avec le soutien de son entourage, il tente un sevrage
01:21:06avec un produit de substitution.
01:21:09Mais le remède s'avère pire que le mal.
01:21:12Et il devient également dépendant à la morphine.
01:21:23Il avait facilement accès à la morphine.
01:21:26On ne pouvait plus l'arrêter.
01:21:29Il s'en injectait de grandes quantités au quotidien à l'insu de tous
01:21:32et pourtant il a accompli énormément de choses.
01:21:38En 1886, un ami l'aide à obtenir un poste
01:21:41à l'hôpital Johns Hopkins de Baltimore,
01:21:44alors en construction, qui recrute des chirurgiens motivés.
01:21:47D'abord affectés à la recherche,
01:21:50il retrouve bientôt les salles d'opération.
01:21:57Il instaure dans son service le port de tenues blanches,
01:22:00faciles à nettoyer, et veille méticuleusement
01:22:03au respect des règles antiseptiques.
01:22:06Mais les chirurgiens et les infirmières finissent par avoir les mains abîmées
01:22:09à force de lavages et de désinfections répétées.
01:22:18Sa meilleure collaboratrice, Caroline Hampton,
01:22:21menace de démissionner.
01:22:27Le docteur Halstead craint de perdre Caroline Hampton.
01:22:30Il a l'occasion de rencontrer à New York
01:22:33des représentants de Goodyear,
01:22:36le fabricant de caoutchouc et de pneumatiques.
01:22:39L'entreprise accepte de lui fabriquer
01:22:42deux paires de gants en caoutchouc.
01:22:45Il s'adresse à Caroline Hampton
01:22:48pour qu'elle lui fasse des gants en caoutchouc.
01:22:51L'entreprise accepte de lui fabriquer
01:22:54deux paires de gants en caoutchouc.
01:22:57Ils peuvent être mis à bouillir et plongés dans le phénol
01:23:00pour stérilisation, puis réutilisés lors d'une future opération.
01:23:03Grâce à Goodyear,
01:23:06Caroline Hampton reste donc dans son service.
01:23:12Selon moi, si le docteur Halstead a entrepris cette démarche,
01:23:15c'était surtout pour garder Caroline Hampton à ses côtés.
01:23:22Il l'épouse d'ailleurs un an plus tard.
01:23:25Et c'est ainsi que les gants vont se généraliser
01:23:28dans les services chirurgicaux.
01:23:37En dépit de ses addictions,
01:23:40William Halstead n'hésite pas à se lancer
01:23:43dans des opérations audacieuses,
01:23:46cancer du sein, hernie ou encore un évrysme.
01:23:49Il a vu l'on outre des principes importants
01:23:52sur la cicatrisation des plaies
01:23:55et la manipulation des tissus pendant une chirurgie.
01:24:01L'anesthésie locale à la cocaïne,
01:24:04qui l'a contribué à populariser,
01:24:07reste en usage pendant plusieurs décennies.
01:24:10Ces images tournées en 1917
01:24:13montrent un patient conscient pendant une intervention.
01:24:19Il s'affranchit de la dimension spectaculaire
01:24:22des amphithéâtres à l'ancienne
01:24:25au profit d'un environnement calme
01:24:28où il réalise des interventions méthodiques
01:24:31et scientifiques.
01:24:34Il a étudié l'anatomie,
01:24:37la pathologie et la physiologie,
01:24:40toutes choses qu'il tient à intégrer à sa pratique.
01:24:44Il importe en outre le système de formation
01:24:47qu'il a découvert en Europe,
01:24:50ce qui aura des effets durables sur la profession aux Etats-Unis.
01:24:57Le docteur Halsted a formé de grands noms de la chirurgie
01:25:00qui ont par la suite créé leurs propres établissements.
01:25:03Il a modernisé le métier
01:25:06et introduit des changements qui se sont répandus dans tout le pays
01:25:09grâce à ces nouvelles méthodes de formation.
01:25:14Nous sommes nombreux à pouvoir remonter le fil de nos professeurs
01:25:17jusqu'aux étudiants directement formés par le docteur Halsted.
01:25:24En cette fin de 19e siècle, époque de grand bouleversement,
01:25:27les chirurgiens osent toutes sortes de nouvelles opérations.
01:25:32Mais tous les patients n'en profitent pas.
01:25:35L'hôpital Provident à Chicago est l'un des premiers établissements
01:25:38dirigés par des Afro-Américains et forme également des infirmières.
01:25:44Il est fondé en 1891 par le chirurgien Daniel Hale-Williams.
01:25:50Deux ans plus tard, celui-ci est confronté à un cas difficile.
01:25:57Le jeune James Cornish, blessé d'un coup de couteau à la poitrine,
01:26:00est amené dans son service.
01:26:03Il est urgent d'agir,
01:26:06mais personne n'a encore entendu parler d'une opération à cœur ouvert.
01:26:14La lame avait atteint le péricarde,
01:26:17le sac entourant le cœur.
01:26:20Celui-ci se remplissait de sang,
01:26:23ce qui empêchait le cœur de jouer son rôle de pompe.
01:26:26Le patient semblait condamné.
01:26:31Daniel Hale-Williams a incisé le thorax
01:26:34et réussi à recoudre le péricarde endommagé
01:26:37afin de stopper l'afflux de sang.
01:26:40Et le cœur s'est remis à battre normalement.
01:26:43Williams devient ainsi un pionnier mondial de la chirurgie cardiaque.
01:26:48C'était un tour de force.
01:26:53À l'aube du XXe siècle,
01:26:56l'intérieur du corps humain resté si longtemps une énigme
01:26:59commence à être bien connu.
01:27:02Les patients n'ont plus à craindre les infections ni la douleur
01:27:05et on sait opérer presque toutes les parties de l'organisme.
01:27:11Grâce au progrès technique et à l'avancée des connaissances,
01:27:14il devient courant d'ouvrir la poitrine ou l'abdomen,
01:27:20d'opérer le cerveau,
01:27:26de procéder à des reconstructions faciales ou à des greffes.
01:27:33Les opérations du cœur, longtemps inimaginables,
01:27:37se multiplient.
01:27:44Tout cela s'est combiné, cumulé
01:27:47et à l'heure actuelle, la chirurgie nous permet de pratiquer des actes
01:27:50qui semblaient encore impossibles il y a 30 ou 40 ans,
01:27:53qui n'existaient tout simplement pas.
01:27:56Ils sont devenus réalité aujourd'hui,
01:27:59ce qui ouvre des horizons nouveaux pour l'avenir.
01:28:03Des méthodes brutales et sanglantes des débuts,
01:28:06aux technologies les plus modernes,
01:28:09le chemin a été long.
01:28:12Et ce voyage est loin d'être terminé,
01:28:15car l'histoire de la chirurgie est faite d'un foisonnement constant
01:28:18d'inventions et de découvertes.