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L'ancien ministre de l'Education nationale commente sur franceinfo le choix d'Emmanuel Macron de nommer Michel Barnier à Matignon

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00:00France Info soir, l'invité Agathe Lambrey.
00:05Bonsoir Jean-Michel Blanquer.
00:06Bonsoir Agathe Lambrey.
00:07Vous êtes ancien ministre de l'éducation nationale, vous avez organisé la première université d'été de votre cercle de réflexion, le Laboratoire de la République, fin août.
00:14Et vous publiez La Citadelle aux éditions Albain Michel, une immersion dans le premier mandat d'Emmanuel Macron.
00:20On va y revenir, mais d'abord je voulais avoir votre réaction.
00:23La fondation Abbé Pierre a annoncé aujourd'hui qu'elle allait changer de nom, alors que l'abbé Pierre est visé par 17 nouveaux témoignages l'accusant de violences sexuelles.
00:32Il y a les victimes, il y a le mythe qui s'effondre. Est-ce que vous redoutez aussi que ce soit la cause qui en pâtisse ?
00:39Il ne faut pas, il faut justement distinguer les deux choses.
00:43Je n'ai pas très envie d'ajouter, de lancer ma pierre à mon tour sur quelqu'un qui est mort.
00:49Mais là, les choses seront précisées dans les temps à venir.
00:52Mais ce qui est certain, c'est que la cause elle-même, personne ne doute qu'elle doit perdurer.
00:55Moi, je vais souvent dans un centre Emmaüs et je vois le travail magnifique qui est fait.
01:00Il n'y a aucune raison d'abîmer cela.
01:02Et s'ils veulent changer de nom du côté de la fondation de l'abbé Pierre, après tout Emmaüs s'appelle Emmaüs.
01:08Donc il y aura sûrement un autre nom à trouver.
01:10Et puis après, il faudra faire la part des choses sur ce qui concerne l'abbé Pierre.
01:15Je le disais, vous publiez La Citadelle aux éditions Albain Michel.
01:18Et c'est la première fois d'ailleurs que la Macronie est racontée comme ça, de l'intérieur.
01:23Vous pointez ses dérives, vous pointez les atermoiements d'un pouvoir ultra centralisé,
01:29sans toujours une colonne idéologique très claire, jusqu'à la dissolution.
01:33Vous jugez assez sévèrement.
01:35A la lumière de ce que vous connaissez du Président, avez-vous été surpris qu'il nomme un homme de droite
01:40que l'on n'attendait pas forcément à Matignon, Michel Barnier comme Premier ministre ?
01:44D'abord, je voudrais dire, par rapport à ce que vous avez dit, que je pointe les lumières et les ombres.
01:49Je ne renie pas toutes les lumières du premier quinquennat et beaucoup de choses positives qui ont été faites.
01:56Mais ça c'est aussi l'histoire d'une déception d'ailleurs.
01:58C'est l'histoire d'une évolution en tout cas, pas seulement de la mienne ou de ma perception,
02:02mais une évolution que tout le monde peut voir, où tout le monde voit bien que le deuxième mandat est quand même moins réussi que le premier.
02:08Et qu'il faut d'ailleurs, comme il n'est pas terminé, qu'il réussisse, ce qui rejoint votre question.
02:13Mais mon livre n'est en aucun cas manichéen ou révisant des choses du passé.
02:20Au contraire, j'essaye de montrer de l'intérieur et authentiquement.
02:25Donc il y a et la lumière et les ombres et je pense que les deux se créditent mutuellement.
02:29On a déjà la mise au point, mais c'est éclairant aussi par rapport à ce que l'on vient de traverser.
02:34Sur ce choix par exemple de Michel Barnier à Matignon.
02:37Sur le choix lui-même, si vous voulez, aujourd'hui mon état d'esprit c'est surtout de dire comment on fait réussir la France.
02:42Donc on a un Premier ministre, Michel Barnier a des qualités incontestables.
02:48Bien sûr, on peut faire beaucoup de commentaires et sur son équation politique et sur le processus qui a amené à le nommer à Matignon.
02:55Mais par-delà tout cela, et on peut en parler, il faut surtout aujourd'hui se dire comment on fait pour que Barnier réussisse,
03:03puisque sa réussite sera celle de la France.
03:05Et comment il faudrait faire selon vous ?
03:07Je pense, et je l'avais dit avant qu'il soit nommé quel que soit le titulaire,
03:12je pense qu'il y a 4 ou 5 sujets qui sont fondamentaux pour l'avenir du pays,
03:16qui sont bien identifiés et qui en réalité sont des sujets sur lesquels on peut rassembler 70 à 80% des Français.
03:23Les Français sont bien conscients qu'il faut équilibrer les comptes publics,
03:27ils sont bien conscients qu'il faut renforcer l'autorité de l'Etat sur différents segments comme les questions de sécurité, les questions d'immigration.
03:33En troisième lieu, il y a la question de la transformation écologique qui est une priorité absolue
03:38et qui peut avoir beaucoup d'effets d'adhésion des Français si ça touche la qualité de la vie,
03:43notre façon aussi d'habiter le monde rural.
03:45On en parlait justement aux universités d'été du Laboratoire de la République parce qu'on était à Autun,
03:49au plein cœur de lieux qui aujourd'hui se sentent déshérités, se sentent en situation par exemple de difficultés démographiques.
03:57Donc tous ces sujets-là, je viens d'en énumérer trois, mais il y en a au moins deux autres qui sont la question du logement,
04:05qui est une question absolument essentielle, elle aussi d'ailleurs reliée à la question écologique et la question du pouvoir d'achat.
04:12Et ça c'est sur le fond, mais il reste trois ans à Emmanuel Macron pour accomplir tout ça et travailler ses chantiers.
04:19Il n'a jamais été homme à partager le pouvoir, vous pensez que cette fois, alors qu'il a nommé un LR, un Matignon, ça y est, il est prêt à partager ?
04:27En tout cas c'est son intérêt de le faire, parce que c'est la logique politique dans laquelle nous sommes désormais.
04:34Les élections législatives n'ont pas été une victoire du Président de la République, c'est un euphémisme de le dire,
04:41donc il doit en prendre acte et laisser le Premier ministre gouverner en vertu des termes de l'article 20 de la Constitution.
04:47Je considère qu'il fallait vraiment respecter son pouvoir de nomination et donc respecter le fait qu'il avait un choix à faire,
04:56ce choix il l'a fait, maintenant qu'il l'est fait, respectons l'article 20 de la Constitution et donc le chef du gouvernement gouverne.
05:03Votre livre est très éclairant, pour mieux comprendre la personnalité d'Emmanuel Macron,
05:09vous racontez ce pouvoir tout entier concentré à l'Elysée dans cette citadelle,
05:14vous expliquez que la méthode a changé aussi à l'occasion du Covid, pourquoi au moment du Covid cela a changé ?
05:22Oui, encore une fois, ce que je dis n'est pas monolithique, parce que c'est surtout, je dirais, dynamique.
05:27Oui, on l'a entendu, c'est une évolution.
05:29Et d'ailleurs au début, nous n'oublions pas que la campagne de 2017, elle se fait au nom de la participation, de la bienveillance, de l'écoute,
05:35tous ces ingrédients étaient présents dans l'équation politique initiale.
05:38Et c'est ce qui vous a séduit chez Emmanuel Macron, mais ensuite vous découvrez le pouvoir de l'intérieur,
05:42c'est une évolution et vous découvrez, vous dites, la toute puissance d'Alexis Kohler,
05:47ses jugements à l'emporte-pièce qui pouvaient avoir plus de poids qu'une décision mûrie collectivement depuis des mois
05:52et qui concernait des milliers de gens, déplorez-vous.
05:55Ça c'était en effet sur un sujet et à la fin, c'est-à-dire là en l'occurrence, c'était quand je me battais pour l'augmentation du salaire des professeurs
06:01et notamment la loi de programmation que j'envisageais sur le sujet.
06:04Et c'est vrai qu'on avait fait ce qu'on appelle le grenelle de l'éducation,
06:07on avait fait tout un processus pour l'augmentation des professeurs, qui d'ailleurs s'est amorcé à ce moment-là.
06:11Simplement, j'aurais aimé qu'il y ait une loi de programmation avant 2022,
06:15qui était à la fois importante techniquement et qui aurait envoyé un bon signal à tout le monde.
06:20Et pour des raisons qui lui appartiennent, le secrétaire général pensait que c'était mieux de le faire après 2022.
06:26Mais d'une certaine façon, il y a eu un énorme travail de fait et je trouvais étonnant que d'un seul coup,
06:31il y ait finalement une décision qui puisse être prise comme ça sans plus de discussion.
06:36Donc j'explique comment on arrive à ça dans le livre.
06:39Et c'est vrai que la crise sanitaire a représenté un point d'inflexion,
06:42parce qu'à juste titre, elle a réclamé de la concentration des pouvoirs.
06:46On était bien content d'avoir un président sachant décider, avec une très forte capacité de travail,
06:51une capacité à concerter aussi quand même.
06:54Et c'était donc légitime et plutôt réussi.
06:57Mais c'est après la crise sanitaire que, d'une certaine façon, des habitudes de concentration se sont renforcées.
07:03Et la campagne présidentielle de 2022 a un peu montré ça.
07:06Elle manquait de contenu, elle manquait d'énergie aussi,
07:10parce qu'il n'y avait plus ni le cap ni l'ouverture qui caractérisaient la campagne de 2017.
07:16Jean-Michel Blanquer, puisque vous parlez des professeurs,
07:19on a eu aujourd'hui une enquête menée par le SNES-FSU, qui est le premier syndicat du second degré,
07:24qui dit qu'il manque au moins un professeur dans 56% des collèges et lycées.
07:29Est-ce que vous, rétrospectivement, vous prenez votre part de responsabilité dans ce constat ?
07:34Bien sûr, on doit arriver à l'idéal d'un recrutement plus complet de professeurs.
07:41Ceci étant, j'ai entendu qu'il faut prendre un peu de recul sur l'ensemble des chiffres.
07:46Je ne suis plus en responsabilité, je n'ai pas tous les détails,
07:48mais j'ai entendu Nicole Belloubet dire qu'en réalité, tout ceci a été compensé par des recrutements de contrats actuels,
07:54ce qui dans ce cas est relativement classique.
07:56Si vous vous reportez à 10 ou 20 années en arrière, les chiffres étaient plus importants que ceux-là.
08:01Il arrive qu'à la rentrée, il n'y ait pas exactement un professeur dans chaque établissement.
08:06Il ne s'agit pas de relativiser le problème, mais cette donnée-là...
08:10Le recours au contrat actuel, est-ce que ce n'est pas l'idée qu'on n'a pas réussi à rendre la profession plus attractive ?
08:14Bien sûr, vous savez que c'est un problème mondial, la question du recrutement des professeurs.
08:18L'immense majorité des pays du monde ont ce problème-là.
08:21Évidemment, ça nous renvoie à la question de la rémunération des professeurs.
08:25Plus généralement, du prestige qu'on attache à la fonction.
08:28Et c'est un enjeu collectif. J'ai beaucoup travaillé là-dessus.
08:31Je viens de citer le Cornell de l'éducation.
08:33Et dans le livre, j'explique ce que l'on a fait pour cela.
08:35Mais c'est aussi dans la durée que ces problèmes vont se résoudre.
08:38Mais en fait, il y a bien un message que je délivre dans le livre.
08:42C'est qu'une société va bien quand elle met en son centre le professeur et sa valorisation.
08:47Jean-Michel Blanquer, dans votre livre, vous racontez aussi les changements de pied du président et des macronistes.
08:53Vous racontez que le président hésite parfois.
08:56Il vous dit un jour clairement qu'il hésite après la nomination de Jean Castex à Matignon.
09:01Il vous appelle pour vous proposer le ministère de l'Intérieur.
09:04Mais finalement, ce n'est pas vous qui serez nommé, c'est Gérald Darmanin.
09:08Racontez-nous, parce que ça fait écho aussi à ce qu'on a vécu ces derniers jours dans les coulisses.
09:12Oui, il n'y a rien de très anormal dans cet épisode.
09:15Je le raconte parce que tout simplement, c'est ce qui s'est passé.
09:18Je ne pense pas qu'il en fasse une illustration de l'hésitation du président.
09:23Il est bien dans son rôle, dans un moment comme ça, d'avoir des hésitations.
09:27Il les partage avec moi simplement à l'époque.
09:31En effet, il a eu cette idée-là.
09:34Notre discussion était une discussion très franche.
09:37Je lui répondais pourquoi pas, si c'est ce que vous souhaitez.
09:40Mais notre contrat moral, en quelque sorte, c'était que je reste cinq ans à l'éducation nationale.
09:45Justement, le but était que, pour une fois, on réussisse à creuser un signon long,
09:50être dans une perspective de long terme.
09:53C'est ce que finalement s'est illustré.
09:56Le problème, c'est qu'après 2022...
09:59C'est la lecture que l'on fait aussi de cet épisode.
10:02Vous dites, en me proposant quelque chose que je n'avais pas demandé,
10:04pour finalement ne pas me l'accorder, tout en laissant dire que je l'avais désiré,
10:08le président créait une première faille dans mon personnage politique.
10:12Oui, mais il ne le faisait pas exprès.
10:14Il avait d'autres préoccupations.
10:17Parfois, il appelle ça la vie des bêtes.
10:20Il a raison.
10:22La vie des bêtes, c'est la politique politicienne qui est inévitable.
10:27Simplement, les commentaires qu'il y a après ce genre d'épisode ne sont jamais agréables.
10:32Je dirais que ce sont des péripéties secondaires,
10:35où ma petite personne est très secondaire par rapport au reste.
10:40Vous racontez aussi, dans le détail, un rendez-vous à l'Élysée après votre départ du gouvernement.
10:44Rendez-vous dans lequel vous dites à Emmanuel Macron ce que vous pensez de lui.
10:48Vous avez notamment cette phrase,
10:50« Quelle sera l'anthropologie du macronisme ?
10:52De sémillant-trentenaire, technocrate ou intrigant,
10:54les yeux rivés sur les sondages et les écrans
10:56pour piloter à vue sans culture, sans vision et sans valeur. »
10:59Comment a réagi le président ?
11:02Il était poker face, comme on dit souvent maintenant.
11:06Ce que je pointais en disant ça, c'était que j'observais qu'un certain nombre de personnes,
11:11dont moi-même d'ailleurs, partaient du bateau.
11:15Parmi elles, il y avait des personnalités comme Gérard Collomb,
11:19mais d'autres aussi, parfois des gens moins connus, comme les conseillers élysiens,
11:22qui étaient des gens de très grande qualité.
11:25Ce n'était pas un bon signe.
11:28Quand on gouverne, quand on dirige,
11:30quel que soit ce que l'on dirige, mais a fortiori la France,
11:33c'est très important d'avoir des personnes diverses, de tous les âges,
11:36des deux sexes, de différentes origines,
11:39il faut avoir de la diversité autour de soi.
11:42Quand il y a de la standardisation, quand celui qui pense différemment est évacué,
11:45ce n'est jamais très bon signe.
11:48Moi, j'incarnais l'aile républicaine, on peut le dire,
11:51et j'ai vraiment pensé être très utile au président de la République par cette incarnation.
11:56À un moment donné, c'est devenu comme une sorte de handicap.
11:59Nous étions de nombreux de ce que j'appelais la tradition républicaine.
12:02J'ai eu la chance à Jean-Pierre Chevènement et avec d'autres,
12:05comme d'ailleurs Manuel Valls ou Jean-Pierre Raffarin,
12:08des personnes larges, on appelait à voter pour le président de la République
12:11au nom des principes républicains.
12:14Ce qui est très frappant, c'est qu'après l'élection de 2022,
12:17il a évacué cette dimension de sa majorité
12:20et ça a créé quelque chose de bancal après 2022.
12:23Je crois que beaucoup de Français se reconnaissent
12:26dans l'idéal républicain mis en œuvre politiquement.
12:30Que Jean-Pierre Chevènement a très bien incarné à une époque
12:33et que nous sommes quelques-uns aujourd'hui à vouloir faire vivre
12:36face au différentialisme, face au communautarisme,
12:39face aux atteintes à la laïcité, face à toutes les problématiques
12:42de notre temps qui fragmentent la société.
12:45Donc vous rappelez aujourd'hui à Emmanuel Macron son discours des Mureaux ?
12:48Le discours des Mureaux, pour moi, a été l'acmé, le moment fort
12:51où justement une vision républicaine a été exprimée
12:54et à mon avis, on aurait dû garder cette vision.
12:57À mon avis, on aurait dû garder cette ligne droite et claire jusqu'au bout.
13:00Merci Jean-Michel Blanquer.
13:03Je rappelle que vous êtes ancien ministre de l'Éducation nationale
13:06et vous publiez La Citadelle aux éditions Albin Michel.
13:09C'est passionnant et éclairant, surtout dans cette période.
13:12Merci.

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