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ÉducationTranscription
00:00:30Mesdames, Messieurs, bonsoir et bienvenue à ces rencontres organisées par la médiathèque
00:00:37du Centre Culturel Chibaou.
00:00:39Ce soir, c'est la dernière opération de l'année et j'avoue que de vous voir aussi
00:00:46nombreux, ça me fait plaisir, ça fait plaisir aux conférenciers, j'ai l'impression que
00:00:51déjà on finit en beauté avant même d'avoir commencé.
00:00:54Ceci étant dit, le sujet que je vais aborder ce soir, Benoît Trépied, à mon avis sera
00:01:04la petite cerise sur le gâteau parce qu'il y a une histoire dans l'histoire, vous verrez,
00:01:10je ne veux rien dévoiler, presque du suspense, on a parlé d'enquête dans les Nouvelles
00:01:15Cahiers de Lune, je pense que le mot n'est pas galvonné, on est vraiment dans cette
00:01:19situation.
00:01:21Je vais juste dire un petit mot sur Benoît, je me suis rendu compte qu'il venait faire
00:01:27une conférence tous les 4 ans, un petit peu comme un oiseau migrateur, en laissant à
00:01:32chaque fois quelques plumes ou quelques cheveux, dirons les mauvaises langues, ceci, je vieillis
00:01:41moi-même à chaque fois que je l'accueille, c'est toujours un réel plaisir de le voir
00:01:48déjà.
00:01:49Et puis, pour ceux qui étaient présents aux conférences précédentes, un régal pour
00:01:55les oreilles, même si parfois certaines de ces interventions ont été agitées.
00:01:59Je me souviens par exemple de celle en 2014 sur la question métisse, si ça vous intéresse,
00:02:05l'enregistrement est disponible sur le site du Centre Cultural Chibao, centreculturalchibao.nc,
00:02:11dans le catalogue de la médiathèque.
00:02:13Ceci étant, il a abordé bien d'autres sujets, en 2010, une intervention sur chef ou élu,
00:02:20et puis la dernière en date, 2018, intitulée « Qu'est-ce que décoloniser veut dire ? ».
00:02:25Donc vous avez peut-être vu sur la table qui était devant la salle, il y a quelques
00:02:30documents relatifs à Cannibal Jack, en tout cas à cette période du 19ème siècle, où
00:02:38on rencontrait baléniers, centaliers, aventuriers en tout genre, parfois dans des conditions
00:02:43assez agitées.
00:02:44Mais ce n'est pas le seul sujet, évidemment, qui a été abordé par Benoît Salazanet,
00:02:49et si vous allez sur le catalogue de la médiathèque, encore une fois, vous verrez qu'il y a quand
00:02:52même de nombreuses références, pas loin d'une quarantaine quand même, qui traitent
00:02:57à la fois d'anthropologie et d'histoire, si j'osais, toutes passionnantes les unes
00:03:03plus que les autres.
00:03:04La conférence de ce soir, je vous le redis pour ceux qui ne seraient pas au courant,
00:03:11est évidemment enregistrée, rendue audio-vidéo sur Caledonia, leur chaîne télé puis leur
00:03:17chaîne YouTube, et enfin, quelques temps après, sur la chaîne YouTube du Centre Culturel
00:03:22toujours, où nous mettons à disposition aussi des conférences plus anciennes, puisque
00:03:29le catalogue comporte plus de 200 références, donc au fur et à mesure, vous pourrez découvrir
00:03:34et redécouvrir pour ceux qui n'étaient pas là à ce moment-là, les conférences
00:03:38des années 90, 2000, sur tous les sujets, puisqu'il y a des spécialistes de tous
00:03:42horizons qui sont venus causer ici.
00:03:45Alors, je ne vais pas être plus long, Benoît est peut-être un petit peu fatigué, puisqu'il
00:03:51n'y est arrivé que lundi midi, donc je ne vais pas abuser de son temps.
00:03:56Au-delà de l'appréhension qu'il fera, donc je vous le redis, il y aura un débat
00:04:03tout à l'heure, il y aura certainement de nombreuses questions qui seront posées
00:04:06autour de Cannibal Jack lui-même, William Diaper, et peut-être d'autres personnalités
00:04:11voire personnages même, qu'il a pu croiser en Caledonie ou même dans le Pacifique.
00:04:18Un grand merci à vous d'être aussi nombreux, et puis à tout à l'heure pour les débats.
00:04:23Merci beaucoup Manu, merci beaucoup à vous tous d'être là, ça fait extrêmement plaisir
00:04:37pour moi de pouvoir venir présenter ce travail au Sanchibahou, et je remercie encore mille
00:04:43fois Manuel Castejon, la médiathèque et toute l'équipe du centre de me permettre
00:04:47une nouvelle fois, lors de ce nouveau voyage en Calédonie, de vous présenter un petit
00:04:52peu de ce travail que j'ai fait maintenant, que j'ai entamé depuis 5 ans à peu près.
00:04:58Je suis lancé dans la quête de ce Cannibal Jack dont je vais vous parler ce soir.
00:05:05Effectivement, ce que j'aimerais faire devant vous, c'est vous raconter un peu l'histoire
00:05:11de cet homme extraordinaire qui a marqué l'histoire du Pacifique en général et de
00:05:15la Nouvelle-Calédonie en particulier, qui en gros a traversé ces îles et cet océan
00:05:21un peu comme une étoile filante au 19ème siècle, et qui pourtant reste très peu connu
00:05:26encore aujourd'hui du grand public, hormis pour les spécialistes qui ont déjà entendu
00:05:31parler de lui, alors que véritablement, à mon sens, sa vie, son oeuvre mérite d'être
00:05:38connue, discutée, réfléchie, etc.
00:05:42Cet homme s'appelle William Diaper, de son nom de baptême, c'est un Anglais qui est
00:05:47né en 1820 dans un petit village à peu près une centaine de kilomètres de Londres.
00:05:52Il est plus connu sous le nom de Cannibal Jack, je reviendrai sur ce surnom énigmatique
00:05:59et légèrement mystérieux.
00:06:00Et en gros, à partir de l'âge de 16 ans, il a passé l'essentiel de sa vie à faire
00:06:05deux choses.
00:06:06Il n'a pas cessé de vagabonder à travers le Pacifique.
00:06:11Avec un espèce de mouvement perpétuel qui pose question et dont on n'a sans doute pas
00:06:16la réponse, pourquoi il a autant voyagé ? Et puis, à partir de l'âge de 30 ans et
00:06:22pendant une cinquantaine d'années, il a aussi passé énormément de temps et d'énergie
00:06:26à écrire pour raconter sa vie et raconter ce qu'il vivait.
00:06:30Et écrire, ce n'était pas acheter un bic et un cahier au magasin d'à côté, il fallait
00:06:37de l'encre, une plume, un cahier et il a écrit son oeuvre dans des conditions extrêmement
00:06:44particulières, extrêmement difficiles.
00:06:46Alors, en guise d'introduction, je voulais vous citer un passage qu'il fait dans le
00:06:50dernier manuscrit connu qu'il a fait à la fin de sa vie, où il se présente lui-même
00:06:56et ça vous donnera un peu une première idée du personnage.
00:06:59Voilà ce qu'il écrit.
00:07:00Donc, il a 70 ans à l'époque, il dit, ça fait maintenant plus de 50 ans que je vagabonde.
00:07:05En fait, peut-être 60 ans si j'inclue l'époque de l'école buissonnière en Angleterre.
00:07:09J'ai visité presque toutes les îles situées dans cette vaste étendue d'océans délimitées
00:07:13au nord par la Californie, le Japon, la Chine et l'Inde et au sud par la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande
00:07:18et l'Australie.
00:07:19Et aussi tout ce qui est compris entre la côte ouest de l'Amérique du Sud, c'est-à-dire
00:07:22le Pérou et le Chili et l'Est, à l'Est et la Nouvelle-Guinée ou le Papouasie à l'Ouest.
00:07:28Pour résumer, écrit-il, j'ai visité plus de 1000 îles et j'ai résidé dans près
00:07:34d'une centaine d'entre elles.
00:07:35Mes amis, qui d'ailleurs semblent en savoir autant que moi sur ma vie, ont depuis longtemps
00:07:39déclaré que je suis censé être le père de 38 enfants et de 99 petits-enfants et que
00:07:46par conséquent, dans quelques années, je serai l'arrière-grand-père de 999 arrière-petits-enfants,
00:07:52peut-être 1000.
00:07:53Et si je vis assez longtemps pour que cela devienne un fait accompli, et je ne vois pas
00:07:57pourquoi je ne le ferai pas, eh bien je disais que lorsque ce qui précède sera un fait
00:08:02accompli, je pense que j'aurai alors le droit de me féliciter de ne pas avoir vécu ou écrit
00:08:07en vain.
00:08:08Alors vous voyez déjà que dans ce petit extrait, on sent tout de suite qu'il a une plume,
00:08:15c'est-à-dire qu'il écrit d'une façon très particulière, ça c'est une traduction un
00:08:19peu sommaire que j'ai faite de l'anglais, mais il a aussi un humour caustique, il critique,
00:08:28on ne peut pas être vraiment indifférent à son style d'écriture qui est très saisissant,
00:08:33qui a un côté exagéré, romanesque et qui pose des questions.
00:08:37Alors si ce Kadimadjak est effectivement exceptionnel au regard de l'histoire classique du Pacifique,
00:08:43c'est avant tout, je vous l'ai dit, par ses voyages incessants et immenses à travers
00:08:47l'Océanie, qui ne ressemblent à aucun autre et en particulier qui ne ressemblent pas aux
00:08:52voyages des explorateurs classiques, triomphants et qui viennent avec ce regard un petit peu
00:08:59de supériorité.
00:09:00Lui au contraire, la grande particularité, c'est qu'il s'est fait une spécialité de
00:09:05s'adapter systématiquement aux mœurs locales, partout où il est passé, comme un véritable
00:09:09caméléon.
00:09:10Donc quand il a circulé sur des bateaux, il s'est fait marin, il est devenu marin, il
00:09:14a vécu dans ce monde marin du 19ème, quand il a vécu dans des colonies bien établies
00:09:19comme en Australie, il a vécu comme un Européen et puis dans toutes les îles du Pacifique
00:09:24qui à son époque n'étaient pas du tout colonisées ou alors à peine colonisées,
00:09:29il a vécu la plupart du temps au sein des communautés locales autochtones océaniennes
00:09:35en vivant à l'océanienne complètement, c'est-à-dire en laissant derrière lui sa
00:09:39culture, sa civilisation, ses préférences.
00:09:41Et donc comme si ça ne suffisait pas, en plus il a écrit des pages et des pages pendant
00:09:45des années pour raconter cette expérience.
00:09:48Alors il y a deux mystères, il y a évidemment son surnom qui plante le décor, c'est-à-dire
00:09:53Caniba Jack, qui donne une idée de cette réputation sulfureuse, est-ce qu'effectivement
00:09:58cet Anglais aurait adopté les mœurs des indigènes du Pacifique jusqu'à la question
00:10:05de l'anthropophagie ? En réalité ce surnom il a surgi quand certaines de ses œuvres
00:10:11ont commencé à être connues à partir de 40 ans, quand il avait 40 ans, en Nouvelle-Zélande
00:10:15en 1860, et les gens autour de lui, les colons néo-zélandais disaient, écoute si tu as
00:10:20vécu comme ça, avec les Fidjiens, avec les Kanaks, avec les Samoans, que tu as appris
00:10:25leur langue, tu as appris leurs habits, tu as épousé les femmes, tu as fait des guerres,
00:10:29il y avait des sacrifices, enfin il y avait des festins cannibales, tu as appris par à
00:10:34ça.
00:10:35Et donc à tous les coups tu es cannibale, ce qui était le stigmate ultime, l'insulte
00:10:40suprême.
00:10:41Et donc dans ses écrits il a toujours nié, il a dit non, non, moi j'ai jamais, mais les
00:10:44gens pensent ça, mais c'est pas ça, alors je vous le dis tout de suite j'ai pas la réponse
00:10:48donc on ne saura jamais, on ne saura jamais, ça fait partie du mystère qui est autour
00:10:52de ce personnage.
00:10:53Je vous préviens aussi, il y a un autre point, c'est qu'on n'a jamais retrouvé de photos
00:10:58de cannibale Jacques, j'ai cherché, et avant moi il y a plusieurs générations de chercheurs
00:11:03à travers le monde qui se sont penchés sur ce type fascinant, et la deuxième partie
00:11:08de sa vie, la fin de sa vie, à partir des années 1860-70, la photo se développe dans
00:11:13le Pacifique, il vit longtemps à Fidji où il y a des studios de photos, il y a plein
00:11:16de photos, il finit sa vie ici en Calédonie où il y a aussi de la photo, mais on dirait
00:11:21bien qu'il a fui à chaque fois qu'il y avait un appareil photo, donc c'est extrêmement
00:11:25frustrant, mais sachez que le type qui est derrière moi, c'est pas lui, c'est une belle
00:11:31image qui illustre sans doute le genre de situation qu'il a vécu, mais c'est pas lui.
00:11:37Alors ce que je vais essayer de faire pour vous raconter cette histoire, c'est non pas
00:11:42vous raconter, voilà, il est né là, il a fait ça, il a fait l'école, je vais d'abord
00:11:47vous raconter comment on a appris à connaître ce type, comment on a appris à découvrir
00:11:51l'histoire assez fascinante de la découverte de ses manuscrits et de son oeuvre, pour après
00:11:57revenir plus succinctement sur sa vie et me concentrer sur les trois moments où il a
00:12:02vécu en Calédonie, puisqu'il a fait trois séjours différents à différentes époques.
00:12:06Avant ça, peut-être un petit mot juste rapide sur la catégorie de ces hommes qui, comme
00:12:14lui, étaient des Européens qui ont vécu avec les gens du Pacifique dans leur monde,
00:12:21on les a appelés à partir du XIXe siècle les beachcombers, c'est-à-dire, c'était
00:12:25traduit en français comme les écumeurs de plage, mais en fait c'est une situation qui
00:12:31est apparue dès les premières navigations européennes, dès l'époque de Magellan au XVIe siècle,
00:12:35il y a dans les journaux de bord des témoignages qui disent qu'il y a des marins qui fuient les
00:12:42bateaux, parce que l'univers des bateaux c'est quand même pas la joie, et qui tentent une vie
00:12:46à la sauvage, à l'océaniel. Donc il y a des marins qui désertent, il y a parfois des marins qui se
00:12:54retrouvent dans cette situation parce qu'en fait ils sont abandonnés par leur capitaine qui les
00:13:00laisse sur l'île pendant qu'ils repartent en cas de conflit, il y a des marins kidnappés par les
00:13:05insulaires et il y a des naufragés aussi qui sont recueillis, et puis la dernière figure qui s'est
00:13:11beaucoup développée dans le Pacifique, il y avait aussi des évadés des bagnes australiennes, du bagne
00:13:15australien qui cherchait un refuge. Donc ce phénomène du beachcombing, comme on dit,
00:13:23s'est beaucoup développé avec le développement du trafic maritime marchands et baléniers dans
00:13:28le Pacifique. C'est pour ça que c'est surtout au XIXe siècle que ça s'est très fortement
00:13:32manifesté. La plupart d'entre eux c'était des hommes, il y avait très peu de femmes. Très souvent
00:13:38ils étaient de basse extraction sociale, des gens de peu, pas des intellos, pas des gens très
00:13:44cultivés, sauf exception comme Calimajac, mais plutôt des gens du peuple. Il y en a eu des
00:13:51célèbres comme les deux que j'ai mis derrière, Joseph Cabri qui était français ou William
00:13:57Mariner qui était anglais, qui était à Tonga. Je vous donne aussi une autre image, lui c'est un
00:14:02beachcomber qui a vécu une cinquantaine d'années au Fidji et qui a bien connu Calimajac d'ailleurs,
00:14:09puisque finalement c'était un petit monde. Harry the Jew Dunford, le dessin date des années 50
00:14:18et la photo date de la fin de sa vie à côté de l'une de ses filles. On pense souvent aux beachcombers
00:14:25comme ces Européens vivant chez les Océaniens, mais en réalité les beachcombers étaient de
00:14:31toutes origines, parce que les équipages des bateaux sous pavillon européen étaient composés
00:14:38de marins de toutes origines. Il y avait énormément de ce qu'on appelait les Portugais à l'époque,
00:14:43mais qui en fait étaient soit des Açores, soit des Cap-Verts, donc des Africains en réalité.
00:14:47Il y avait ce qu'on appelait des Malais, tous les gens d'Asie du Sud-Est. Il y avait des Indiens
00:14:52d'Inde, il y avait des Indiens d'Amérique, des Noirs américains, et donc tout cela aussi devenait
00:15:00des beachcombers quand ils laissaient leur navire. Donc la figure, ce n'est pas seulement des Blancs
00:15:04qui sont chez les Océaniens. Il y a une autre figure qui est non des moindres, c'est qu'il y
00:15:10avait aussi beaucoup d'Océaniens sur les bateaux. Comme vous le savez sans doute, dès la fin du
00:15:1418e siècle, quand la marine marchande s'est développée, Hawaï par exemple est devenu un
00:15:20port extrêmement fréquenté par les bateaux, une escale incontournable entre la Chine et la côte
00:15:26américaine. Et du coup, les Hawaïens se sont massivement engagés sur les bateaux, et ceux-là
00:15:31pouvaient devenir beachcombers quand ils arrivaient au Salomon, en Papouasie, etc. Alors parfois,
00:15:36il y avait des beachcombers océaniens qui pouvaient reconnecter d'anciens liens distendus,
00:15:41notamment dans le triangle polynésien où on se rendait compte que les langues étaient proches,
00:15:45mais il y avait aussi des beachcombers qui étaient des parfaits étrangers finalement. Voilà ce qui
00:15:53s'est passé. Alors ces gens-là, s'ils nous intéressent, s'ils nous fascinent, c'est parce
00:15:58qu'en général dans les sources écrites de leur époque, ce n'est pas eux qui écrivent,
00:16:05donc ils ne racontent pas leur expérience. Ceux qui écrivent, ce sont les missionnaires et les
00:16:10militaires et les explorateurs. Et les missionnaires et les militaires explorateurs, ils ont en commun
00:16:15une chose, c'est qu'ils regardent ces gens-là comme vraiment des rebuts ultimes de la société
00:16:22occidentale, pour deux raisons. Parce que je vous l'ai dit, ce sont des gens du peuple, des petites
00:16:26gens, donc on leur prête tous les défauts. Ce sont des ivrognes, enfin vous voyez l'image du
00:16:32marin, le stigmate du marin. Des ivrognes, des bagarreurs, des hommes avides de sexe qui corrompent
00:16:40les mœurs des autochtones, etc. Donc un critère de jugement social très fort, de mépris social,
00:16:47mais aussi un critère culturel et civilisationnel en gros, et ça c'était très présent notamment
00:16:52chez les missionnaires, où ils disaient mais ces gens-là ont renié leur civilisation,
00:16:57ils se sont ensauvagés, c'était le terme méprisant qui signifiait, ils ont complètement perdu leur
00:17:04civilisation, ce sont des hommes perdus. Puisqu'à l'époque on était sur une échelle évolutionniste,
00:17:09on partait des primitifs pour aller vers les civilisés, et pour aller des primitifs aux
00:17:13civilisés c'est facile, il fallait éclaircir la peau. Mais eux c'était des civilisés qui
00:17:18replongaient dans l'état de barbarie, etc. Donc dans ce schéma raciste et évolutionniste,
00:17:24c'était complètement impensable. Et donc quand on lit sur eux, la plupart du temps les gens
00:17:29qui parlent d'eux sont bourrés de mépris vis-à-vis d'eux. Et c'est de ce point de vue-là que
00:17:34Kanye Bajak est précieux, son témoignage, parce que c'est un des seuls, il y en a eu très très peu,
00:17:40un des seuls qui a pris la plume pour raconter cette expérience-là. Et donc pour se distancer
00:17:45de ce regard méprisant, avec cette particularité qu'avaient les beachcombers, et c'est aussi ça
00:17:52qui les distinguait des missionnaires ou des militaires ou des colons ensuite, c'est que
00:17:56leur but, le sens de leur présence dans ces îles n'était pas de changer les sociétés locales.
00:18:03Leur but, c'était de survivre. Ils n'avaient pas de projet. Donc le missionnaire il vient
00:18:09pour convertir les gens, les militaires ils viennent pour conquérir les territoires, les
00:18:15colons, les traders, les commerçants, ils viennent pour exploiter les ressources, exploiter la main
00:18:21d'oeuvre. Mais ces types-là n'avaient pas de grand projet, de grande idéologie. Leur projet
00:18:27avant tout c'était essayer de passer la journée puis voir le lendemain. Et du coup ils arrivaient
00:18:32dans des sociétés où ils n'étaient pas du tout en position de force. Donc c'était l'inverse
00:18:37d'une position triomphante. Et donc finalement ils étaient très vulnérables. Et la seule façon pour
00:18:43eux de survivre dans ces conditions de vulnérabilité, c'était de s'adapter. Donc c'était eux qui
00:18:51s'adaptaient aux mondes océaniens dans lesquels ils étaient accueillis. Et les sociétés océaniennes
00:18:57elles de leur côté, elles avaient des logiques pour intégrer ces gens-là. Parce qu'ils auraient pu
00:19:02tout aussi bien les zigouiller d'ailleurs, ça s'est parfois passé. Mais quand on réfléchit à pourquoi
00:19:08ces beachcombers ont été tolérés dans les sociétés océaniennes, en fait il y a plusieurs types de
00:19:14réponses qui sont intéressantes à creuser. D'abord, vous le savez sans doute, il y a une tradition
00:19:18d'accueil de l'étranger dans les sociétés océaniennes. C'est un mouvement très ancien,
00:19:22très profondément ancré dans les sociétés océaniennes. Kanak mais pas seulement. Et donc
00:19:27il y a une tradition d'accueil de l'étranger, qu'on intègre à la chefferie, etc. Et puis d'autre
00:19:33part, les témoignages qu'on a pu recueillir nous ont montré qu'au départ, ces beachcombers,
00:19:40quand ils arrivaient, parfois ils étaient pris sous la protection d'un chef parce que ça devenait
00:19:44un peu leur mascotte. Ce qui était très humiliant. Ça arrivait à Kanibba Jack, il disait qu'en fait
00:19:50quand il arrive à Fidji, il y a un chef qui le garde, mais qui le garde comme un petit animal
00:19:55domestique en fait. Un pet en anglais, dans son texte il dit ça. C'est-à-dire une espèce de
00:20:00curiosité. J'ai un chien, j'ai un chapeau et j'ai un blanc. D'ailleurs il le disait, je me rends
00:20:09compte que les gens me regardent comme une chose plutôt qu'un être humain et donc ça me rend
00:20:13profondément mélancolique. Il écrivait ça dans son texte. Et puis avec le développement du commerce
00:20:19et l'introduction des armes à feu en particulier, ces beachcombers ont aussi beaucoup été utilisés
00:20:24pour le maniement et la réparation des armes à feu. Et puis enfin comme intermédiaires avec
00:20:29les bateaux de passage et comme assistants guerriers dans les guerres. Et là aussi c'est
00:20:34très important chez Kanibba Jack la part de la participation aux guerres. Voilà, j'en dis pas
00:20:40plus sur les beachcombers pour maintenant un petit peu revenir plus précisément sur Kanibba
00:20:45Jack et sur la façon dont on l'a saisi au fil du temps. Alors on pourrait faire commencer son
00:20:52histoire je vous l'ai dit à sa naissance, à son arrivée dans le Pacifique, mais en fait je
00:20:55préfère commencer par la façon dont il est sorti de l'oubli. Parce qu'en fait c'est ça et si j'en
00:20:59parle aujourd'hui c'est parce qu'il est sorti de l'oubli mais disons que c'était loin d'être
00:21:04gagné. Tout a commencé finalement en 1889 à Marais quand James Hadfield qui était un
00:21:13missionnaire anglais de la London Missionary Society qui était installé à Lifu à l'époque,
00:21:18est venu faire une tournée à Marais dans le monde protestant qui venait de traverser
00:21:26d'immenses secousses avec l'expulsion du pasteur John, etc. Il y avait une guerre entre différentes
00:21:32factions protestantes dans le district de Guam, dans le nord-ouest de Marais. Et donc le pasteur
00:21:38Hadfield est venu pour voir un peu où ça en était et il est arrivé à Rho, dans la tribu de Rho,
00:21:43au nord-ouest de Marais, où il a été accueilli et logé chez un vieil anglais beachcomber qui
00:21:50était installé là depuis longtemps, dont je reparlerai, mais qui s'appelait George Imbert,
00:21:55dit Dirty Jerry, c'était son surnom. Et quand il est arrivé là, il y avait un autre vieillard
00:22:04anglais qui venait de débarquer peu de temps avant, qui était logé chez son ami Dirty Jerry
00:22:12Imbert. Et donc Hadfield rencontre ce vieillard qui courtois, etc. Ce vieillard était dans le
00:22:24besoin, il était dans le dénuement, donc il lui a donné des habits, lui a donné du papier, etc. Et
00:22:28le lendemain, pour le remercier, le... Attendez, j'ai oublié de faire défiler mes photos que vous
00:22:35voyez quand même, pour vous donner une image de Rho. Et il y avait ce beachcomber, je vous en
00:22:45reparlerai à la fin, j'ai des idées sur qui c'est, mais ce n'est pas Caniba Jack, vous ne le verrez
00:22:49pas, mettez-vous ça en tête. Mais en tout cas, un type qui lui ressemble, on va dire, lui donne,
00:22:56en échange de bons procédés, lui donne un manuscrit, un cahier que vous voyez à gauche,
00:23:04quand il a été photographié 30 ans plus tard, en 1928, et un siècle plus tard, quand moi je l'ai
00:23:10vu en Australie, vous voyez, il a bien ramassé le cahier, j'ai mis ma main à côté pour que vous
00:23:16ayez une idée. Donc il lui donne ce manuscrit-là, un cahier qu'il a rempli lui-même. Donc le
00:23:22missionnaire Hadfield repart de marée, il ne reste que quelques jours avec ce manuscrit. Il le lit
00:23:31un an après, il est assez fasciné, mais bon, il range ça dans un coin et il oublie complètement
00:23:36cette histoire. Hadfield et sa femme Emma, qui est célèbre aussi, Emma Hadfield, Emma et James
00:23:43Hadfield finissent leur mission en 1920 aux loyautés, ils rentrent en Angleterre et c'est là,
00:23:49quelques années plus tard, autour de 1925, que leur fils Arthur, un de leurs fils, fouillant les
00:23:57papiers, les archives familiales, dans le grenier, tombe sur ce manuscrit, tombe sur ce cahier, le lit
00:24:03et est complètement fasciné par ce qu'il lit dedans, puisqu'en fait, dedans, il y a cet auteur qui
00:24:10décrit comment il y a très longtemps, dans les années 1840, il a vécu des choses
00:24:15incroyables à Fidji et à Tonga, en passant aussi par l'Asie, par Futuna, etc. Il a un style drôle,
00:24:24il y a des aventures incroyables, donc il est tout à fait fasciné et l'auteur de ce cahier
00:24:32explique que ce cahier représente la copie de trois petits cahiers qu'il a choisi parmi 19
00:24:41cahiers autobiographiques, c'est-à-dire que Caniba Jack avait écrit 19 cahiers et que ça, c'est la
00:24:45copie du numéro 9, du numéro 16 et du numéro 17. On n'a jamais compris pourquoi il a choisi cela
00:24:51plutôt que d'autres. Et donc le fils Hadfield avec James Hadfield reprennent ce dossier en main
00:24:57et se disent mais ce témoignage est incroyable, il faut qu'on le publie. Donc ils vont faire un
00:25:02travail d'édition et en 1928 sort ce livre qui s'appelle que eux nomment Caniba Jack, la véritable
00:25:09autobiographie d'un homme blanc dans les mers du sud. Voilà la devanture du livre, vous voyez
00:25:17qu'ils ont fait un dessin évocateur avec tous les clichés de l'exotisme en vigueur parce qu'en
00:25:22fait finalement ce qu'ils vont essayer de faire c'est de vendre ce livre à la fois disons dans
00:25:27le créneau du roman des mers du sud qui est en plein essor à l'époque avec Hollywood
00:25:34notamment etc. Et donc ils vont faire ce livre. Donc le livre qui s'appelle Caniba Jack sort en
00:25:411928 et c'est là qu'on voit ça. Ils essayent de déchiffrer parce que sur la première page
00:25:49l'auteur a écrit voici quelques extraits de l'autobiographie de William Hun, son nom de
00:25:56famille alias Caniba Jack. Et donc là je vous ai mis parce que c'est quand même assez intéressant,
00:26:02ils ne savaient pas ni d'Eve ni d'Adam qui était ce... Enfin James Hadfield se rappelait que ce
00:26:07vieillard lui avait donné ça mais il n'avait pas fait un questionnaire sur son identité. Et
00:26:13donc ils essayent de déchiffrer le nom de famille et donc je vous ai mis en photo le manuscrit à la
00:26:19main. Vous voyez à gauche William, Dia et donc eux ils ont lu, ils ont réfléchi et ils ont lu
00:26:27Dia Péa avec un A. Si vous regardez bien comment il écrivait les A et comment il écrivait les R,
00:26:35bon après c'est facile quand on connaît la fin de l'histoire en fait il s'appelait Diapeur mais
00:26:40finalement ils ont fait une erreur d'interprétation. Donc le livre est sorti en s'appelant Dia Péa.
00:26:46Voilà donc ça ça se passe en 1928. Le livre a un petit succès d'estime, il y a des revues
00:26:57littéraires, enfin il y a des comptes rendus, il y a des gens qui trouvent ça nul, d'autres qui
00:27:01trouvent ça très bien etc. Mais il tombe dans l'oubli rapidement, c'est pas devenu un best-seller
00:27:06du tout etc. Alors qu'à l'époque ce genre de livre peut faire des best-sellers. Il y a un journaliste
00:27:11qui dit mais dans ce livre il y a vraiment de quoi faire un film ce serait super mais finalement
00:27:14c'est pas à ça qu'il va être fait mais en 1932 ils vont faire Tarzan. Mais c'est un peu la même
00:27:21idée, vous voyez l'homme singe, l'homme élevé par les animaux etc. Mais c'est pas qu'Ani Badja qui
00:27:26va remporter et qui va devenir soudain le grand succès d'estime et donc ça tombe complètement
00:27:30dans l'oubli. Mais James Hadfield, Arthur Hadfield, le fils qui est ici en photo sur la gauche de
00:27:37votre écran, lui considère que c'est un peu dommage de laisser tomber cette affaire, qu'il y a
00:27:43certainement plus à dire et plus à réfléchir à partir de ce livre. D'autant que c'est un projet
00:27:52éditorial qu'il a porté lui-même et que ça lui rappelle son enfance dans les îles puisqu'il est
00:27:58né à Ouvéa. Et donc au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, donc une quinzaine d'années après
00:28:05la sortie du livre ou en une vingtaine d'années, il va écrire une lettre à Jim Davidson qui est au
00:28:10milieu de votre écran. Jim Davidson c'est un professeur d'histoire, un Néo-Zélandais, qui
00:28:17va devenir dans les années 50 le premier professeur d'histoire du Pacifique en Australie, lors de la
00:28:23première chaire d'histoire du Pacifique qui est créée au moment où se crée l'Université
00:28:28nationale australienne. Et donc ce Jim Davidson, si vous voulez, c'est le père fondateur de l'histoire
00:28:33du Pacifique, donc c'est quelqu'un de très important. Et en fait ce qui est bien, c'est
00:28:38qu'à l'Université nationale australienne, il y a les archives de Davidson, ses propres archives, et
00:28:43donc il y a sa correspondance avec Hadfield qui lui dit je sais pas si vous savez qu'on a fait
00:28:48ce livre là. Et donc Davidson dit ah effectivement ça a l'air très intéressant. Et puis parallèlement
00:28:54Davidson reçoit aussi un courrier de Christopher Legge qui est sur la droite de votre écran, qui
00:29:00est un autre personnage intéressant. Christopher Legge c'était un sous-préfet de Fidji, un personnage
00:29:08original paraît-il, mais qui avait comme particularité de... c'était un amateur d'histoire et il était
00:29:15à Fidji et il lisait beaucoup de livres historiques, de témoignages historiques sur Fidji. Et lorsqu'il
00:29:24a lu Caniba Jack, le livre Caniba Jack de 1928, il a tiqué. Il a tiqué parce qu'il avait lu en
00:29:33parallèle un autre livre bien plus ancien, Journal of a Cruise Among the Islands of the Western
00:29:40Pacific, qui est un livre qu'a écrit un capitaine de la Royal Navy en 1853 qui s'appelait Erskine.
00:29:48Ce Erskine avait fait toute une tournée dans les îles du Pacifique sud-ouest et a mis à raconter
00:29:56son exploration dans ce livre là. Et en annexe de ce livre là, il a dit je mets en annexe ici le
00:30:06témoignage de l'interprète qu'on a embauché sur notre bateau, un certain John Jackson. Parce que
00:30:13ce John Jackson, on a découvert qu'il avait vécu des années et des années à Fidji et en Nouvelle
00:30:20Calédonie et que tout ce qu'il raconte depuis nous a été confirmé par les missionnaires et par les
00:30:26témoins européens. Et donc voilà son récit et ça va et donc ça s'appelle dans le livre ça s'appelle
00:30:32Jackson's Narrative, le récit de Jackson. Ça sort en 1853, c'est un très vieux livre. Et donc
00:30:42Christopher Legge, le sous-préfet de Fidji, 100 ans plus tard, lit le livre Cannibal Jack de 1928
00:30:49et lit Jackson's Narrative et il se rend compte qu'il y a la même anecdote dans les deux ouvrages.
00:30:55Je ne rentre pas dans les détails mais ça a à voir avec une bataille bien particulière qui a lieu
00:31:02dans le nord-est de Vanua-les-Vous à Fidji avec les mêmes acteurs, les mêmes circonstances et le
00:31:09narrateur qui dit le chef me réveille à deux heures du matin, je ne veux pas y aller mais il
00:31:15me dit d'y aller, on y va, on attaque, ça se passe comme ça. Et c'est la même anecdote qu'il a raconté
00:31:20dans les deux cas. Et dans cette anecdote, il n'y a pas d'autres blancs, il n'y a pas d'autres témoins
00:31:27européens, il n'y en a qu'un. Donc Christopher Legge, en voyant ça, commence à être extrêmement
00:31:33intéressé. Il écrit à Jim Davidson, l'historien de Canberra, en lui disant je ne sais pas si vous
00:31:40avez remarqué cette histoire mais là moi je viens de lire ces deux livres là et je constate que ce
00:31:45serait peut-être le même auteur que ça m'étonnerait pas. Davidson lui répond ça par exemple il se
00:31:51trouve que Hadfield m'a écrit à propos de ce livre voilà notre correspondance des années 40.
00:31:56Et donc alors là ça devient une autre histoire parce que dans ce Jackson's Narrative écrit en
00:32:031800, enfin publié en 1853, l'auteur Jackson raconte qu'il était sur un baleinier, qu'il était
00:32:10marin baleinier et puis qu'il avait 20 ans et qu'il a été capturé à Samoa, qu'il avait
00:32:16vécu un certain temps à Samoa puis que de là il est allé à Fidji. Et donc Legge, comment ça se
00:32:22veut dire, ça veut dire que si c'est le même auteur, ce type a d'abord été capturé à Samoa puis
00:32:27il a longuement vécu à Fidji puis il est allé à Tonga. Ça commence à faire beaucoup parce que si
00:32:31vous vous rappelez le livre de 1928 racontait Fidji et Tonga et là ça raconte Samoa et Fidji. Donc
00:32:36Legge à partir de là va être complètement obsédé par cette affaire et il va faire des recherches
00:32:41extrêmement poussées, il va chercher toutes sortes d'archives à droite à gauche de témoignages,
00:32:47je rentre pas dans les détails mais ça va durer six ans, jusqu'à finalement faire un article sur
00:32:56la biographie de ce Cannibal Jack. Je vous ai mis la première page ici, William Diaper,
00:33:00a biographical sketch, donc une esquisse biographique. Et cet article là va apparaître dans le premier
00:33:07numéro, qui est un numéro historique du journal of pacific history qui est fait à Canberra en
00:33:121966. A partir de là, Cannibal Jack pour la communauté des historiens, des anthropologues,
00:33:19des scientifiques, des chercheurs du pacifique, à partir de là Cannibal Jack va être la vedette du
00:33:24monde entier. Donc les gens étant guidés par cet article là, ils vont aller voir les livres et les
00:33:32spécialistes de Samoa, les spécialistes de Tonga et les spécialistes de Fidji, ils vont en rester
00:33:38bas bas, de la précision des noms qui sont donnés, des lieux, des circonstances, des scènes, des
00:33:45rituels, des guerres, des armes utilisées, etc. Et donc à partir de ce moment là, de 66 jusqu'aux
00:33:53années 70, 80, 90 et plus, tous les écrits de Cannibal Jack, dont on a compris que finalement
00:34:02John Jackson en fait était un pseudonyme de ce William Diaper, qui finalement n'est pas Diaper,
00:34:07mais Diaper et qui s'est aussi surnommé Cannibal Jack, donc on a déjà quatre noms différents pour
00:34:13le même bonhomme, on se rend compte qu'en fait les écrits sont extrêmement précieux. Et donc des gens
00:34:18comme Marshall Salins va énormément utiliser les écrits de Cannibal Jack par exemple. Cela étant,
00:34:28si vous vous penchez, vous reprenez ces deux documents, dans Jackson's Narrative, le livre
00:34:36qui a été écrit en 1853, Erskine raconte que Jackson a écrit ce texte sur Fidji, mais qu'à la
00:34:47fin de la tournée sur le bateau, quand ils sont arrivés à Sydney, il est parti en disant, mais le
00:34:55capitaine Erskine lui a fait promettre d'écrire la suite de ses aventures, la suite de ses aventures
00:35:01qu'il avait certainement dû lui raconter à l'oral à bord du bateau, c'est-à-dire la fin de son séjour
00:35:07à Fidji et surtout, dit-il, son séjour avec les Calédoniens, ce qui veut dire à l'époque les
00:35:13Kanaks, le mot calédonien désigne les autochtones de Calédonie. Et donc Erskine écrit, il m'a promis
00:35:19d'écrire la suite, mais depuis j'ai demandé des nouvelles de lui, il a disparu et j'ai jamais plus
00:35:24entendu parler de lui. Premier indice, dans le livre Cannibal Jack de 1928, qui correspond donc
00:35:32au manuscrit qu'il a écrit à la fin de sa vie quand il était vieillard, il dit que si on l'appelle
00:35:38Cannibal Jack, c'est notamment parce que il y a très longtemps, il a écrit plein de livres et
00:35:44notamment il a écrit un livre qui s'appelait Jack the Cannibal Killer, Jack le tueur du cannibale,
00:35:50et que les gens au bout d'un moment ont mélangé et du coup qu'ils ont créé le surnom Cannibal
00:35:56Jack. Autrement dit, pour les chercheurs à partir des années 60 qui ont ces deux textes-là, ils se
00:36:05disent, ah ok, ça veut dire qu'il n'y a pas que ces deux manuscrits-là, il en a écrit un autre au
00:36:09milieu qui s'appelle Jack the Cannibal Killer. Où est-il, que se passe-t-il ? Aucune idée. Jusqu'à
00:36:16ce qu'on ait un témoignage extrêmement important du révérend George Brown, qui est ici en photo,
00:36:26assis, qui était un des grands missionnaires de l'église méthodiste et qui a notamment été longtemps
00:36:36missionnaire à Samoa dans les années 60. Et à la fin de sa vie, en 1911, il a écrit un texte de ses
00:36:45souvenirs du bon vieux temps dans les îles, un texte qui s'appelle Old Hands and Old Times in the South
00:36:54Seas. Et dans ce texte qu'il a écrit à la fin de sa vie, le révérend Brown raconte sa rencontre avec
00:37:03Cannibal Jack à Samoa en 1863. Donc ça c'est une pièce qui a été découverte par Leigh et Davidson,
00:37:11qui a été rajoutée au dossier. Et donc il raconte plein de trucs extrêmement intéressants sur la
00:37:16personnalité de Cannibal Jack à ce moment-là. Mais il dit une chose aussi très importante,
00:37:20parce que ce révérend Brown, il a lu le texte d'Erskine dans lequel il disait qu'il lui a fait
00:37:28promettre d'écrire la suite de ses aventures. Et donc Brown va demander à Cannibal Jack,
00:37:34mais alors finalement est-ce que tu as écrit la suite ? Et qu'est-ce qui s'est passé ? Et il va
00:37:39nous raconter ce que lui répond Cannibal Jack à l'époque à Samoa. Et il dit, eh bien oui,
00:37:44j'ai écrit la suite. Mais finalement, je me suis retrouvé en Nouvelle-Zélande, il n'y avait plus
00:37:53de pièces. Donc je suis allé voir un bonhomme qui venait d'éditer un livre sur un paquet à Maori,
00:38:00un libraire en gros. Je lui ai montré mon manuscrit et je lui ai demandé, lisez ça et
00:38:07dites-moi ce que vous en pensez. Et donc le type l'a lu, il a dit ça m'intéresse,
00:38:11combien je l'achète ? Est-ce que je peux vous l'acheter ? Et il a dit ok. Et donc Cannibal Jack
00:38:16raconte au révérend Brown, finalement cette suite je l'ai écrite, mais je ne l'ai pas donné
00:38:22au capitaine Erskine comme prévu, je l'ai vendu à un mec d'Oakland. Sur ce, Brown lui demande le
00:38:30nom de la personne à qui il l'a vendu. Mais dans son texte, Brown n'a pas écrit le nom de ce type,
00:38:38mais il dit Cannibal Jack m'a donné le nom de la personne à qui il l'a vendu et des années plus
00:38:43tard je l'ai rencontré. Et je lui ai demandé si effectivement il avait acheté un livre de
00:38:48Cannibal Jack et le type était très surpris, il a dit oui effectivement. Est-ce que je peux
00:38:52vous l'emprunter ? Oui. Et il l'a feuilleté et il a dit mais je n'ai pas pu en faire de copie,
00:38:57enfin je n'ai pas pu recopier quoi que ce soit. Je l'ai rendu au propriétaire et puis là récemment
00:39:03j'ai essayé de trouver sa trace mais en fait je découvre qu'il est mort depuis longtemps et que
00:39:07ses textes ont disparu. Bon. Fin de l'histoire, pensait-on, jusqu'en 1993. Donc un saut dans le
00:39:17temps. 1993, il y a ce pasteur australien qui s'appelle William Emilsen qui étudiait dans la
00:39:28bibliothèque d'un collège théologique à Sydney, à Enfield, dans le bâtiment que vous voyez là,
00:39:33et qui était un vieux bâtiment du début du 20e siècle dans lequel il y avait d'anciennes
00:39:38chambres étudiantes transformées en petites salles de bibliothèque. Et Emilsen raconte que
00:39:43là il y a un espèce de vieux miroir avec un espèce de placard derrière et que lui
00:39:50mécaniquement il ouvre le miroir, il ouvre la porte du placard et que là dans le mur il y a
00:39:57deux vieux manuscrits poussiéreux. Il les prend, il le montre au libraire, au bibliothécaire,
00:40:07le bibliothécaire lui dit je ne sais pas ce que c'est, il les embarque chez lui et il les
00:40:12retranscrit et il se rend compte que c'est le fameux manuscrit Jack the Cannibal Killer de
00:40:17Cannibal Jack. Qu'est ce que ce livre est allé faire dans ce collège ? Aucune idée. Enfin j'ai
00:40:23quand même une idée, c'est qu'à mon avis George Brown qui a écrit cette histoire en 1911, après
00:40:30l'avoir écrit, il a dû remettre la main sur les manuscrits ou alors des proches à lui ont dû
00:40:35remettre la main sur le manuscrit et ils l'ont caché et Emile Senne l'a découvert. Mais bon
00:40:42c'est un sacré, c'est un hasard incroyable. Là-dessus Emile Senne donc va commencer à découvrir ce
00:40:52texte, il va passer plusieurs mois à tenter de le transcrire et le retranscrire à l'ordinateur
00:40:59et puis il va se dire je vais essayer de le publier. Mais comme c'est une somme énorme, il y a
00:41:09deux tomes très très denses, il s'est dit je vais publier des chapitres en fonction des lieux. Donc
00:41:15en 1996 il a publié le premier chapitre dans lequel Cannibal Jack raconte ses pérégrinations en
00:41:24Nouvelle-Zélande en 1846-47. Il va sortir un petit bouquin qui s'appelle, vous voyez que c'est
00:41:32un extrait de Jack le Cannibal Killer et Emile Senne va l'appeler New Zealand Journal William
00:41:39Diaper. Trois ans plus tard il va faire la même chose avec les chapitres dans lesquels Cannibal
00:41:43Jack raconte son séjour, la façon dont il a fait la ruée vers l'or en Californie et en
00:41:50Australie et il publie ça, donc le deuxième livre en 1999. Mais il reste le gros morceau, parce que le
00:41:58gros morceau de ce manuscrit en fait c'est la Calédonie et c'est des centaines de pages,
00:42:04des centaines de pages. Donc Emile Senne après avoir fait ces deux trucs là se dit bon maintenant
00:42:09je vais faire la Calédonie. Donc il va venir ici en 2001 pour essayer de retrouver des traces, il
00:42:17va contacter des intellectuels locaux qui va expliquer cette histoire de manuscrit, il va les
00:42:25montrer, il va montrer notamment sa retranscription et puis ils vont essayer de l'aiguillonner en
00:42:32disant ben là voilà. Et donc à ce moment là, comment dire, une partie de cette retranscription
00:42:41là, donc de ce que Emile Senne a tapé, ça va circuler en Calédonie dans les cercles locaux
00:42:48et il y a des photocopies qui sont faites. Et donc finalement Emile Senne repart mais il y a
00:42:55une copie de sa retranscription qui reste ici et qui circule. Certains essayent de déchiffrer,
00:43:02de mettre des noms etc. Et finalement cette copie elle a fini par arriver aux archives de la Nouvelle
00:43:07Calédonie où elle se trouve aujourd'hui. Mais Emile Senne fait ce voyage en 2001 ici en Calédonie,
00:43:16il parle pas français, il lit pas le français, ce qui rend très compliqué l'édition d'un livre
00:43:22où si vous voulez quand il y a un nom qui apparaît, en fait il faudrait pouvoir plonger
00:43:29dans l'historiographie en français, dans les livres en français ou faire des enquêtes locales avec les
00:43:34gens pour bien comprendre qui est qui. Et comme c'était un hobby, finalement il ne se passe
00:43:42rien et depuis 2001 il ne se passe rien. Il s'est passé quand même un petit quelque chose, c'est que Jean
00:43:49Guiard, l'anthropologue Jean Guiard que vous connaissez sûrement, qui était là, il a reçu
00:43:54Emile Senne, il a vu ses manuscrits et lui comme tous les autres avant, il a trouvé ça hallucinant.
00:44:02Il a trouvé que le texte était d'une richesse prodigieuse et donc il a fait un article qui est
00:44:08paru en 2004 à ce sujet dans le journal de la société des océanistes, un article intitulé
00:44:14du nouveau sur Caniba Jack où il dit le partenaire Emile Senne vient de découvrir ces deux manuscrits
00:44:20qu'il m'a laissé regarder, ils sont tout à fait incroyables etc. Et pour vous dire où moi j'arrive
00:44:28dans l'histoire, en fin de compte c'est que cet article de Jean Guiard a tapé dans l'oeil d'un
00:44:32éditeur en France, des éditions Anacarsis, qui a essayé de creuser cette histoire et qui s'est dit
00:44:40mais cette histoire de Caniba Jack, il faudrait faire une vraie recherche profonde, reprendre tout
00:44:45le dossier. Et donc il m'a passé la patate chaude et une fois qu'on y goûte, on est complètement
00:44:51accro, donc depuis j'essaie de mieux comprendre tout ça. Voilà où on en est aujourd'hui avec
00:44:59cependant deux choses à souligner. La première c'est que, je vais arrêter sur la question des
00:45:07sources etc, mais il y a quand même une chose importante, c'est que depuis une dizaine,
00:45:13quinzaine d'années, il y a quelque chose qui a profondément changé, c'est que tous les anciens
00:45:19journaux australiens et néo-zélandais du 19e siècle ont été intégralement numérisés par les
00:45:26bibliothèques nationales australiennes et néo-zélandaises, qui sont numérisés, qu'on peut faire des
00:45:32recherches par mots-clés et que tout ça est gratuit et c'est sur internet. Donc on ouvre Trove pour
00:45:38l'Australie ou Paper Pass pour la Nouvelle-Zélande, on tape Caniba Jack et là il y a tous les papiers
00:45:44qui ont avec le mot Caniba Jack de 1840 à 1890. Donc ça, ça ouvre des possibilités de recherches
00:45:52prodigieuses qui n'existaient pas pour Jim Davidson, Christopher Legge, etc. Et grâce à ça,
00:45:59moi j'ai pu retrouver des documents, je ne rentre pas dans les détails, mais notamment en 1880 dans
00:46:06un journal de Fidji, le Fidji Argus, il y a un très long article biographique où Caniba Jack
00:46:13raconte sa vie de A à Z. En tout cas, il raconte à un journaliste. Et donc c'est un autre document
00:46:21autobiographique qui permet de mieux comprendre sa trajectoire. Et ce qui est très troublant, c'est
00:46:26que quand on met ce document, qu'on le superpose aux différents écrits, le livre de 1928, etc.,
00:46:34etc., à chaque fois ça concorde. Donc c'est un indice de véracité très important. Et puis
00:46:42la dernière chose, c'est que moi quand j'ai repris l'enquête à partir de 2017, j'ai repris
00:46:47contact avec le pasteur Emile Sen qui a ces fameux manuscrits qui sont ceux sur la Nouvelle-Calédonie.
00:46:52Je l'ai vu à Sydney et il avait à la fois envie et pas envie de me les montrer parce qu'en fait il
00:46:59a fait un gros boulot déjà de transcription et qu'il voudrait finir de publier ça avant que
00:47:05ça circule. Et finalement il m'a dit regarde-les mais ne les copie pas, ne fais rien. Et donc
00:47:14alors il y a la première partie du récit sur la Nouvelle-Calédonie, c'est la fameuse copie qui a
00:47:20circulé en Calédonie et qui se trouve maintenant aux archives. Donc celle-ci je l'avais déjà.
00:47:24Mais il y a la deuxième partie sur la Calédonie, ça correspond au deuxième séjour de
00:47:29Cannibal Jack, ça c'était complètement inédit. Et je pense que j'ai l'impression que personne ne l'a
00:47:35vu même ici en Calédonie. Donc il m'a laissé un petit moment pour le feuilleter, j'ai pris des
00:47:40notes à la volée, il m'a laissé copier les choses sur Coney parce que moi j'ai beaucoup travaillé sur
00:47:43Coney. Mais finalement j'ai vu passer ça comme ça très vite et depuis il ne répond plus.
00:47:50Parce que je pense qu'il a un peu flippé de ma venue ou que ça l'a stressé de voir que...
00:47:59Enfin voilà, ça fait maintenant 30 ans qu'il a découvert ces manuscrits. Alors il ne les a pas
00:48:04donnés à moi. Il y a un organisme qui s'appelle le Pacific Manuscript Bureau de l'Université
00:48:09Nationale Australienne dont le but spécifique c'est la préservation des manuscrits historiques
00:48:14sur le Pacifique, qui l'a contacté, il n'a pas répondu. Et donc le contact est rompu.
00:48:21Et je pense que c'est très dommage. Et c'est aussi pour ça que je fais cette conférence et tout ça.
00:48:29Je voudrais que cette chose soit rendue publique parce qu'à mon avis, en fait il a trouvé ses
00:48:35manuscrits mais ce n'est pas les siens en toute rigueur. Et c'est surtout, ils auraient un sens,
00:48:40ça aurait vraiment du sens qu'ils soient ici ou qu'en tout cas il y ait une version disponible,
00:48:46bien faite en Calédonie. Parce qu'en fait ce que Kani Badjaq raconte de la Calédonie dans les années
00:48:511840 et 1850, c'est tout à fait unique et ça mériterait d'être un support mémoriel de première
00:49:02importance pour comprendre ce pays et notamment comprendre ce qu'était la Calédonie avant les
00:49:08colons puis juste après la prise de possession. Il y a plein de choses dans ce document et je
00:49:15pense que ce n'est pas normal que les gens de ce pays n'y aient pas accès. Donc c'est un appel,
00:49:20s'il y a des responsables administratifs politiques, diplomatiques. Je pense qu'il
00:49:25faut saisir ça. Alors maintenant après vous avoir raconté tout ça, je vais évoquer très vite les
00:49:31voyages de Kani Badjaq. Le problème c'est que Kani Badjaq avait une vie tellement dense que pour
00:49:35en parler il faudrait des heures et des heures. Kani Badjaq est parti d'Angleterre à 16 ans
00:49:42il était très lettré. Il est parti sur un bateau qui s'appelait le Joshua Carroll qui a fait une
00:49:48escadron pacifique en Afrique et il a déserté quand il est arrivé en Australie. En Australie
00:49:54il a fait toutes sortes de choses, il a circulé, etc. Et puis finalement deux ans plus tard il est
00:50:02donc parti sur un baleinier qui s'appelait le Pocklington. Il est parti en décembre 1838,
00:50:08on a trouvé la trace de ce baleinier à plusieurs reprises à Tahiti puis il est monté jusqu'aux
00:50:13îles Kiribati actuelles. En janvier 1840 il était au Samoa et c'est là que le jeune homme,
00:50:21puisqu'il avait à peine 20 ans, a été capturé par les Samoans. Le bateau est reparti et donc
00:50:27lui il a fait sa mue incroyable dans le Pacifique. Je vais essayer de passer vite parce que sinon
00:50:35on est jusqu'à demain. Donc il va vivre deux ans à Samoa quand on met tout bout à bout. Puis
00:50:42de là il va aller cinq ans à Fidji, il va faire un voyage jusqu'en Inde et en Chine, il va revenir
00:50:47en s'arrêtant à Futuna, il retourne à Fidji. De Fidji en 1846 il va à Tonga, donc à chaque fois
00:50:54c'est en vivant avec les gens parce que toutes ces îles ne sont pas colonisées. Il y a quelques
00:50:58missionnaires à droite à gauche, donc il y a certains lieux qui sont chrétiens et d'autres
00:51:01qui sont complètement païens. Lui il s'entend difficilement avec les missionnaires parce qu'il
00:51:06a un mode de vie qui ne correspond pas à la morale du missionnaire. Il va à Tonga en 1846. De Tonga,
00:51:13donc à chaque fois il monte sur des nouveaux bateaux, il va jusqu'en Nouvelle-Zélande et
00:51:16s'il y en a à Nouvelle-Zélande, puis il repart à Sydney et à Sydney il embarque à bord d'un bateau
00:51:22centalier, donc les navires qui venaient chercher du centale dans les îles, en particulier aux
00:51:30Nouvelles-Zébrides, le Vanuatu actuel et en Calédonie. On sait que le bateau fait escale
00:51:35début novembre à Wellington, début novembre 1847 à Wellington en Nouvelle-Zélande, puis dans les
00:51:42jours qui suivent, dans le mois qui suit, il se trouve aux Nouvelles-Zébrides puis en Calédonie,
00:51:46et c'est en Calédonie que Kadimba Jack va déserter du bateau en novembre 1847. Et là,
00:51:53j'y reviendrai, mais il va passer à peu près deux ans à circuler sur la grande terre. En
00:51:591849, après avoir fait ce tour de la grande terre, il embarque sur un autre bateau centalier
00:52:06qui appartient à James Paddon, qui était un grand centalier, qui après va devenir un des
00:52:11premiers colons de la Calédonie, mais qui à l'époque était basé à Anathum, l'île la plus
00:52:17australe du Vanuatu. Donc il arrive sur cette station centalière, et il travaille sur cette
00:52:25station centalière jusqu'à ce qu'il y ait un navire de la Royal Navy qui passe, qui s'appelle
00:52:34le Fly, du capitaine Oliver. Et à ce moment-là, ce capitaine rencontre ce type qui se fait appeler
00:52:42John Jackson depuis qu'il a déserté en Calédonie, et se rend compte qu'il parle les langues du nord
00:52:47de la grande terre, et que comme Oliver a vocation à aller ensuite sur la grande terre, il l'embarque
00:52:54à bord pour être interprète. Donc Diaper est interprète sur ce bateau de la Royal Navy, ils font un tour,
00:53:00ils finissent et retournent à Sydney, et là le capitaine Oliver qui était très satisfait des
00:53:05services de cet homme-là, en parle à son supérieur qui n'est autre qu'Erskine du Havana, qui réembauche
00:53:11Diaper, qui repart faire une tournée dans le Pacifique. Et c'est à ce moment-là, à ce moment-là
00:53:18dans sa vie, que le capitaine Erskine lui se rend compte que ce type connaît plein de choses, et lui
00:53:22demande d'écrire. Donc c'est à ce moment-là qu'il rentre en écriture, ça fait déjà dix ans qu'il
00:53:29signe le Pacifique, qu'il a vécu des trucs pas possibles, mais à partir de là il va avoir une
00:53:33vocation d'écrivain. Et donc il fait la tournée, il écrit ce texte-là, puis après il disparaît,
00:53:41il disparaît, pourquoi ? Parce que c'est l'époque de la ruée vers l'or en Californie, et que
00:53:46Canibal Jack allait en Californie, pas de problème je suis à Sydney, on n'a qu'à traverser le Pacifique,
00:53:50il va faire la ruée vers l'or en Californie, ça se passe pas bien, du coup il dit bon on va aller au
00:53:55Mexique, il va au Mexique, il va au Pérou, il va au Chili, il embarque sur un bateau qui passe par les
00:54:01Marquises et qui retourne à Sydney, parce qu'il a entendu dire que maintenant il y a la ruée vers
00:54:04l'or en Australie. Il fait deux ans la ruée vers l'or, ça a l'air facile comme ça, mais c'est plus
00:54:09difficile. Il fait deux ans la ruée vers l'or en Australie, et en 1853, il repart sur un bateau,
00:54:16il dit qu'il veut aller fonder un petit bar à Hawaï, pourquoi pas, mais il n'y arrive jamais parce
00:54:24que finalement il déserte aux îles Loyauté, et il fait un tour aux îles Loyauté, puis sur la
00:54:29Grande Terre, et là donc c'est le deuxième séjour de Canibal Jack en Calédonie, qui a lieu grosso
00:54:35modo entre 1853 et 1859. Or je vous rappelle que les français prennent possession de la Calédonie
00:54:42en septembre 1853, donc il arrive pile à ce moment là, et il reste pendant 5-6 ans dans la
00:54:49colonie. Deuxième séjour de Canibal Jack, le premier c'est avant les français, le deuxième c'est
00:54:54juste au tout début. Suite à ça, qu'est ce qu'il fait déjà, ensuite, ah oui bien sûr je me rappelle,
00:55:06attendez c'est quand même important, parce qu'il est là, il est en Calédonie sur la Grande Terre,
00:55:10il fait des choses pas possibles et tout, et en 1857 il passe à Canala, j'y reviendrai après,
00:55:16mais il passe à Canala où il y a un comptoir centalier pour Padone, et là il apprend d'un
00:55:25capitaine de bateau venu d'Australie qui lui dit, tiens j'ai vu que ton livre est sorti, raconte-t-il,
00:55:33c'est à dire le livre du capitaine Erskine, j'espère que vous me suivez parce que je n'ai pas
00:55:39le temps de tout raconter, et donc il lui dit, tiens j'ai vu que ton livre est sorti, et à ce
00:55:45moment-là Canibal Jack se dit, j'ai promis au capitaine Erskine d'écrire la suite, il faut
00:55:50que j'y aille. Conclusion, il va monter sur un bateau, alors il est à Canala, il va faire encore
00:55:56quelques trucs dans le nord de la Calédonie, j'y reviendrai, il va aux îles et finalement après
00:56:01il monte sur un bateau jusqu'à l'île de Pohnpei qui est en Micronésie, parce qu'on lui a dit que
00:56:08c'est un endroit bien pour écrire, il va rester un an là, finalement ça va très mal se passer
00:56:13parce qu'il n'est pas bien intégré etc, mais c'est là qu'il va écrire Jack the Cannibal Killer,
00:56:19son deuxième manuscrit dans lequel il raconte ses aventures de Calédonie, donc il repart de
00:56:261846 et il raconte, donc il écrit en 59, il part de 46 et il raconte tout son passé jusqu'à ce que
00:56:33sa plume arrive à son présent, donc il a raconté ce qu'il a fait en 46, en 47, en 50, en 53, en 56,
00:56:40en 57, en 58 et en 59, et donc à la fin il est en train d'écrire, ça devient un journal de bord,
00:56:47ça devient un journal quotidien, il continue d'écrire pendant l'année 1860 alors qu'il repart,
00:56:52il va donc Pohnpei, voilà c'est là sur la carte, il continue d'écrire, il va aller jusqu'à Guam,
00:57:00puis il va circuler dans le Pacifique et finalement il va se retrouver en Nouvelle-Zélande en 1861,
00:57:07donc vous voyez qu'il en a effectivement couvert des milliers et des milliers de kilomètres dans
00:57:12une frénésie de mouvements qui est difficilement explicable. Il se trouve donc finalement en
00:57:18Nouvelle-Zélande et c'est là qu'il vend ce manuscrit qu'il a fait pendant deux ans à un type,
00:57:23ce libraire d'Auckland, le fameux manuscrit Jack the Cannibal Killer retrouvé par miracle par
00:57:31Emilsen en Australie, il vend ça et puis il repart encore par Montséparvaux, il va en l'occurrence à
00:57:38Samoa où il va rencontrer le révérend George Brown, si vous vous rappelez ce que je vous ai
00:57:42dit avant, puis de Samoa il part à Fidji, alors là il y a deux versions, il y a une version qui
00:57:47dit qu'il est resté à Fidji et une autre version qui dit qu'il est un peu allé au Salomon etc,
00:57:51je vais pas rentrer dans les détails, globalement il va rester une vingtaine d'années à Fidji,
00:57:56là il se sédentarise et il va faire plusieurs activités mais peu à peu à Fidji la colonie
00:58:03va le rattraper en quelque sorte parce que Fidji devient colonie britannique en 1874,
00:58:08il y a déjà pas mal de colons qui se sont installés, de planteurs qui font du coton puis du sucre et à
00:58:14la fin il est là et il est finalement contre-maître d'exploitation et commence à être bien tassé,
00:58:21bien vieux, il donne l'interview dans le journal dont je vous ai parlé tout à l'heure en 1880,
00:58:26donc il a 60 ans, mais il a toujours la flamme et finalement en 1885 il repart à l'aventure,
00:58:35je vais vous expliquer avec qui parce que là on se rapproche de ce qu'on connaît plus,
00:58:39il repart et il va arriver aux îles Loyauté une nouvelle fois, en 1886 il est à Marais et puis
00:58:48on retrouve sa trace trois ans plus tard, pardon il est à Lifou excusez-moi et trois ans plus tard
00:58:53il est à Marais en 1889 et c'est là qu'il est vieillard et qu'il reste chez Jerry Humbert qui
00:58:59rencontre Hadfield qui lui donne son dernier manuscrit et il meurt juste après, voilà son
00:59:05histoire. Alors j'avais prévu de vous raconter en détail tout son parcours en Calédonie mais je
00:59:11vais devoir aller plus vite que ça, sachez qu'il a déserté de son premier voyage entre 47 et 49,
00:59:17il a déserté du bateau centenarien à Wailu et puis après peu à peu il est remonté le long de
00:59:22la côte nord-est, tantôt en pirogue, tantôt à pied, il a sillonné jusqu'au nord, il est redescendu,
00:59:31il est remonté, il est passé par l'intérieur des terres, il est allé jusque dans les îlots de
00:59:35l'extrême nord jusqu'à Bélep, revenu et puis finalement au bout d'un moment il a traversé,
00:59:40il s'est retrouvé sur la côte ouest à Kumac, il est descendu à Gomen, il est descendu peu à peu
00:59:45jusqu'à Kone, où il est beaucoup resté à Kone, là il a fait quelques petites traversées jusqu'à
00:59:51la côte est, il est revenu à Kone, il est descendu vers Poya faire la guerre avec les gens de Kone
00:59:57contre des gens de Poya, puis il est descendu vers Bouraille faire la guerre avec les gens de Kone
01:00:02contre des gens de Bouraille, là ça s'est mal passé, il s'est retrouvé tout seul, il a traversé
01:00:06à pied jusqu'à Kanara, de Kanara il est revenu dans la baie de Saint Vincent vers Tontouta mais
01:00:11voilà là il a piqué un bateau, il est remonté à Kone, il est resté à Kone pendant des mois et des
01:00:17mois, puis ils sont redescendus encore pour une coutume avec les gens de Kone à Poya, alors comme
01:00:23ça je vous dis ça comme ça, mais tous les noms de chefs qu'ils donnent et tous les noms de lieux
01:00:26qu'ils donnent tombent juste, en fait c'est tout à fait sidérant, quand il est à Kone, il dit qu'il
01:00:32y a le roi Boume, vous avez des nains Boume à Kone et des Boume qui sont des clans importants,
01:00:38et après il devient très proche du chef Mwangu qui est un chef qu'on retrouve plus tard à l'époque
01:00:43coloniale, 20 ans plus tard quand l'armée française arrive, il arrive à Poya, il va chez le chef
01:00:48Nikliay et ainsi de suite, il est à Yengen avec Boirat, il est à Puebo, il est avec Bonu qui
01:00:58deviendra Hippolyte Bonu plus tard, il est à Tiwaka, il est avec le chef Aman dont le fils est
01:01:06à Penguen, et à Penguen après il aura une importance forte quand il y aura la mission de Ouagad. Enfin
01:01:11si vous voulez, si vous regardez chaque localité où il a été en détail, en fait les noms de clans,
01:01:16les noms de lieux tombent juste, c'est ça qui est tout à fait, c'est ça qui fascine en fait,
01:01:22c'est que ce n'est pas des noms en l'air, et quelqu'un comme Guiard qui avait vraiment
01:01:27beaucoup travaillé sur le monde kanak, il l'a même dit dans son article de 2004, il a dit en fait tous
01:01:32les noms de lieux et tous les noms des gens sont juste, et les trajets qu'il écrit, ce qu'il fait
01:01:36à pied c'est juste, ça tombe juste, du coup on est on est troublé, mais on est troublé aussi parce
01:01:41que dans ses textes il dit ça, mais à côté de ça il raconte des aventures abracadabrantesques,
01:01:47c'est à dire des combats, des bagarres, il raconte comment il est nerveux, comment il se met à tabasser
01:01:53les gens, et puis en plus il est toujours sur la braise, il ne supporte pas la monotonie,
01:02:03il part etc, donc on s'est dit mais qu'est ce que c'est que cette histoire, et en même temps je vous
01:02:06dis à chaque fois qu'on a des éléments sur lesquels pour objectiver sa situation, ça tombe juste,
01:02:11donc c'est fascinant, et donc je vous disais il a conné, il va faire une coutume à Poya,
01:02:18et là il y a trois bateaux centailliers qui arrivent en même temps, et ça grâce aux journaux
01:02:25australiens numérisés sur Trove, j'ai pu retrouver cet épisode, parce que dans les
01:02:32journaux australiens à l'époque, il raconte en détail les tournées des bateaux centailliers,
01:02:36et donc j'ai pu réaliser que ça s'est passé en juin 1849, c'est à dire quasiment deux ans après
01:02:44qu'il ait débarqué, donc il a fait ce tour de la Calédonie à peu près pendant deux ans,
01:02:48en 1849 donc, il y a ces bateaux qui rencontrent à Poya, ils montent à bord de l'un d'entre eux
01:02:56qui est le navire le Gouverneur, qui est un navire qui appartient à James Paddon, avec ce bateau il
01:03:03veut remonter à Coney, parce qu'il va leur dire les gars on va aller à Coney chez moi, parce qu'il
01:03:08y a des bons coins de Centale, d'ailleurs les autres bateaux vont essayer de comprendre où
01:03:13est-ce qu'ils vont, enfin ils se font un peu la guerre, ils remontent jusqu'à Gomen, ils redescendent
01:03:18à Coney, et là ils partent pour de bon, c'est à dire qu'il est à bord du bateau, ils font le tour
01:03:23du sud, donc ils passent à Nouméa, ils dépeint Yate, Tio, Kanala, et de Kanala ils piquent vers
01:03:29Anatome, vers les Nouvelles-Ébriques, c'est comme ça que se passe ce premier séjour en Nouvelle-Calédonie,
01:03:36et alors je peux pas le résumer plus que ça, c'est déjà très compliqué,
01:03:44les grandes lignes de ce premier séjour, et ce qui rend ce témoignage incroyable,
01:03:50donc d'abord c'est qu'il fait ses pérégrinations incessantes, c'est à dire qu'il ne cesse de bouger,
01:03:57alors tantôt c'est parce qu'il a des problèmes, soit qu'il a la famine, il y a des situations de
01:04:01famine à l'époque, à Wailu, à Tuo, dans la zone de Puebo et Ambe, il raconte qu'il ne peut pas rester
01:04:09parce qu'ils n'ont rien à manger, soit il y a des guerres, soit il se met mal avec les gens parce que
01:04:14comme il est très vite colère, il s'énerve très vite, mais des fois tout se passe bien, et en fait
01:04:18dès qu'il y a de la monotonie, lui il déprime, c'était quelqu'un de profondément tourmenté, donc il part,
01:04:24et puis avec son esprit il écrit, il dit au bout d'un moment j'ai pris la décision de faire le tour
01:04:29de l'île, et donc il essaye de faire le tour de l'île, il voit très peu d'autres blancs,
01:04:37il y a deux, trois beachcombers qui sont avec lui à Wailu, et après il les retrouve quelques temps
01:04:45plus tard à Yengen, où se trouvent trois autres beachcombers, parce que Yengen était en particulier
01:04:49un point important, parce que Boirat, depuis le début des années 1840, le grand chef Boirat, était
01:04:54accueillé très volontiers des centaliers, donc c'était un point qui était connu par les centaliers
01:04:59australiens, mais hormis ça, il n'y a pas d'autres blancs, par contre il y a beaucoup de traces de
01:05:03leur passage, parce que la Calédonie à l'époque est dans le moment centalier, et donc il y a des
01:05:09armes, il y a des tissus, il y a des étoffes, il y a des outils, il y a des casseroles, il y a des chiens
01:05:15qui ont été offerts à des chefs, etc. Et donc ce qu'il raconte, c'est qu'il est retourné
01:05:22à la vie sauvage, donc il s'est mis comme il l'avait vécu à Fidji, sous la protection de
01:05:26certains chefs, qui lui ont donné des noms, donc le chef de Tiwaka l'a nommé Atea,
01:05:32donc c'est des noms qui sont des véritables noms de la zone, Apuebo Solé, Tuara Akumak,
01:05:41Teabue Agomen, alors sachant que ce que je vous dis, c'est ce qu'a écrit Kani Bajak, mais il
01:05:47écrivait d'oreille, avec son oreille d'anglais, avec sa plume du 19e siècle, donc des fois il
01:05:52faut chercher, il faut répéter, dire à voix haute les noms, et puis comprendre, par exemple les
01:05:58Païtis disaient Falagit, donc c'est quand même pas très facile à saisir, voilà. Il participe à
01:06:05la vie sociale, il fait beaucoup la guerre, comme vous l'avez compris, et il décrit aussi, et ça
01:06:09c'est quelque chose d'intéressant, c'est que son apparence corporelle se modifie au fil du temps,
01:06:14c'est à dire que d'abord il raconte que quand il va arriver à tout haut, il va se faire tatouer les
01:06:20cuisses, donc ça ça m'a beaucoup interrogé, parce que je ne sais pas s'il y a eu du tatouage en
01:06:26Calédonie, mais comme il y avait aussi beaucoup de migrations qui venaient de l'Est, des îles
01:06:32loyautées et au-delà, notamment de Walis par Ouvéa, c'est possible que ce soit lié à ça, sa chemise
01:06:39elle part en lambeaux, donc au bout d'un moment il va déambuler nu avec un morceau de tapa autour
01:06:44de la taille, il dit que sa peau devient très très très foncée, enfin il dit une jolie teinte de
01:06:50jaune avec le soleil, j'imagine qu'il y était cramé de chez cramé parce qu'il était quand même anglais,
01:06:54ses pieds deviennent aussi durs que les semelles de bottes ordinaires, dit-il, et après donc ces
01:07:01deux ans quand il monte à bord d'un bateau, en fait les matelots le prennent pour un autochtone
01:07:06au départ, c'est-à-dire qu'il raconte qu'il monte et que les mecs le regardent comme ça et au bout d'un
01:07:10moment il se met à parler anglais et ils ouvrent des grands yeux comme ça. Ce qui est aussi intéressant
01:07:14de ce témoignage c'est sa perception de l'organisation politique du monde kanak, lui il appelle ça
01:07:20donc avec ses catégories à lui, il dit je suis passé dans une soixantaine de tribus ou royaumes
01:07:26où il y a un chef ou un roi, ce sont des unités politiques indépendantes dans
01:07:34lesquelles il peut y avoir plusieurs villages mais qui ont des liens entre elles, des liens
01:07:39d'échange et parfois donc de réciprocité ou de hiérarchie selon les événements et il dit par
01:07:47exemple c'est comme ça que le chef de Gomen où il n'y a pas encore eu de navire centallier, il y a
01:07:54chez lui un musket, un fusil, parce que ce fusil a été négocié sur la côte est mais au fur et à
01:08:04mesure par des échanges en fait le fusil a traversé la chaîne et est arrivé jusqu'à la côte ouest et
01:08:10Kanibba Jack se sert après de ce fusil donc c'est pour ça qu'il nous raconte l'histoire, ce qui est
01:08:14intéressant puisqu'en fait c'est des traces, des échanges, là aussi c'est des choses qui ne
01:08:19paraissent pas inimaginables du tout. Alors je ne vais pas passer trop de temps sur ces questions là,
01:08:29une chose intéressante aussi quand même que je veux souligner c'est sa perception du pouvoir des
01:08:33chefs, en fait elle est extrêmement fluctuante. Ceux qu'il appelle les chefs, dans certains coins
01:08:38il décrit un pouvoir extrêmement autoritaire, extrêmement autocratique, mais dans d'autres
01:08:43coins il dit que le chef qui y vit a très peu d'autorité et en fait Kanibba Jack
01:08:51il n'essaie pas de faire une typologie, il n'essaie pas de faire une généralisation, il raconte
01:08:55simplement qu'il est passé à tel endroit, à tel endroit et que là il était sous la protection
01:08:59d'un chef qui avait beaucoup de pouvoir et là il était sous la protection d'un chef qui avait très
01:09:04peu de pouvoir et il était évidemment très sensible à cette question puisque sa vie dépendait de ça.
01:09:08Et donc il donne une image très nuancée en fait de ce qu'était la grande terre à cette époque.
01:09:16Voilà, il évoque un point très important, c'est qu'il évoque la présence des gens d'Uvea,
01:09:24beaucoup de gens d'Uvea sur la côte est, qui viennent avec leurs pirogues, qui s'installent,
01:09:31qui font des campements sur les plages, qui viennent nous dit-il chercher des arbres pour
01:09:37faire leurs pirogues et qui échangent des poissons contre des légumes avec les gens
01:09:43de la grande terre et qui aussi entrent dans des échanges matrimoniaux.