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00:00:00sur la côte est, qui viennent avec leur pirogue, qui s'installent, qui font des campements sur les
00:00:05plages, qui viennent, nous dit-il, chercher des arbres pour faire leur pirogue et qui échangent
00:00:13des poissons contre des légumes avec les gens de la grande terre et qui aussi entrent dans des
00:00:19échanges matrimoniaux, ce qui là aussi évoque les mythes d'origine qu'on a pu recueillir plus
00:00:27tard des clans sur la côte est qui souvent évoquent des origines loyalsiennes. Mais lui,
00:00:32il voit ça et c'est un point important, ça permet d'évoquer un autre point intéressant,
00:00:38même décisif, c'est la question des langues. Parce que manifestement, Canibajac était très doué
00:00:44pour les langues et quand il a vécu à Samoa, au bout de deux ans, il parlait le samoan. Il a vécu
00:00:50pendant six ans à Fidji, dans la zone orientale où il n'y a qu'une langue, ce qu'on appelle le
00:00:56fidjian actuel qui était parlé, il l'a chopé. Quand il est allé à Tonga, il a très vite compris
00:01:00le tongien par sa proximité avec le samoan. Puis il est allé en Nouvelle-Zélande, il a décrit quand
00:01:06il est arrivé en Nouvelle-Zélande le fait qu'en fait il y avait de grandes proximités avec le
00:01:10samoan. Mais par contre quand il arrive à Wailu et qu'il débarque, qu'il déserte et qu'il est
00:01:16accueilli par le chef Wanga, qu'on retrouve plus tard dans d'autres archives, il dit, alors là par
00:01:23contre lui quand il me parle je ne comprends rien. Et donc c'est un gros problème parce qu'ils sont
00:01:28en train de déserter, ils sont poursuivis par les autres, et il raconte soudain il y a ce type qui
00:01:33vient d'Ovea et qui est venu me parler. Et là j'ai découvert que non seulement je comprenais tout
00:01:39ce qu'il disait, mais qu'en plus je pouvais lui parler. Pourquoi ? Parce que cet Ovea était un locuteur
00:01:43du Faga Ovea et que comme vous le savez sans doute, le Faga Ovea c'est la seule langue kanak d'origine
00:01:49polynésienne, puisqu'en fait c'est une langue qui est très très proche du Faga Ovea qui est
00:01:54parlé à Walis. En gros c'est à peu près la même. Comme lui il parlait parfaitement le samoan, le ton
00:01:59géant, évidemment il avait ce lien. Et donc c'est grâce à la présence de ces médiateurs linguistiques
00:02:05d'Ovea, des Faga Ovea, que Kanibataq va pouvoir parler avec ce chef de Wailu, puisque
00:02:13les gens d'Ovea parlent leur langue et parlent aussi la langue locale. Et ces gens là sont d'autant
00:02:18plus importants que finalement il va partir à bord d'une pirogue d'Ovea pour aller de Wailu
00:02:24jusqu'à Tiwaka et puis plus tard pour aller de Yengen jusqu'à Puebo. Quand il arrive à Tiwaka,
00:02:30il raconte que dans la chefferie de Tiwaka, l'un des conseillers proches du chef, celui
00:02:39qui est son boucher en chef, c'est un homme d'Ovea qui est installé là et qui va donc être son
00:02:43interprète pendant longtemps. Donc ça c'est aussi quelque chose d'intéressant, c'est quelque chose
00:02:47que les missionnaires avaient aussi remarqué. Quand les maristes sont arrivés à Balade en 1843,
00:02:53en fait c'est parce qu'il y avait un mariste qui parlait, qui était à Wailu avant, qui parlait
00:02:57le Faga Ovea, qu'ils ont pu parler avec les gens de Balade parce qu'il y avait des gens d'Ovea
00:03:01qui étaient là. C'est très intéressant cet espace de médiation linguistique. Et puis Kanibataq nous
00:03:10dit qu'au bout d'un moment, il a commencé à parler, à comprendre les langues à la fin de son
00:03:16séjour à Tiwaka, c'est à dire qu'il commençait à comprendre le Tsimouki, et qu'ensuite il a
00:03:21commencé à parler un peu plus haut quand il était dans la Tipinjé, qu'il a commencé à parler le
00:03:26Pidjé. Et il raconte que de proche en proche, les langues, il parvient à les acquérir. Alors je doute
00:03:34qu'il ait été un grand linguiste, mais par contre qu'il ait réussi peu à peu à se débrouiller dans
00:03:41des langues. Et puis il raconte aussi qu'il tombe sur des gens qui systématiquement parlent la langue
00:03:45d'à côté, puisqu'il y avait un multilinguisme très développé dans le monde kanak. Grâce à ça,
00:03:49il va développer ses connaissances linguistiques. Et il y a quand même dans son texte même, là encore
00:03:54comme je vous le disais, les noms des clans et les noms de lieux tombent juste. Quand il fait des
00:04:01petits traduits des mots, en fait ça tombe juste aussi. Donc là aussi c'est quand même très
00:04:06troublant quand on le lit. Par exemple, il dit qu'il va dans une tribu montagneuse dans le haut
00:04:11de la Tipinjé, qui s'appelle à l'époque Païk, un peu comme Teken Païk. Et il dit que Païk,
00:04:18ça veut dire un endroit rocheux ou caillouteux. Donc je suis allé regarder dans le dictionnaire
00:04:23de Pinjé, et effectivement Païk, ça veut dire pierre. Quand il est à Kône, il dit qu'il parle
00:04:29le Juvulo, il écrit ça Juvulo, G U tiré V U L O. Quand on regarde dans le dictionnaire Haïké,
00:04:36de la langue du bord de mer, il y a l'expression Juvulo, qui veut dire la vraie langue, la langue
00:04:42de l'endroit. Quand il est à Kône toujours, il dit qu'ils ont posé un tabou, et il dit que dans
00:04:48leur langue, ça se dit Nîmbu. J'ai regardé dans le dictionnaire, effectivement c'est Nîmbu. Et puis
00:04:56il évoque aussi la répartition géographique des langues. Il dit que les gens de Gomène,
00:05:03Pinbois et Bondé parlent la même langue, que les gens de Kumak et Nenema, c'est à dire les îlots
00:05:10de Pou, parlent une autre langue, et puis que les gens de Bélèpe, Arama et Balade parlent une
00:05:19troisième langue. Il écrit ça. En fait, ça correspond très précisément à la répartition
00:05:25du Yuanga, du Nenema et du Nyarayu. Donc c'est ce genre d'observation qui vous laisse un peu
00:05:34pantois en se disant que le mec ne délirait pas complètement. Et puis le dernier point qu'il
00:05:41remarque, ce sont les épidémies. Il raconte qu'il y a des grandes épidémies qui se passent lors de
00:05:46son séjour à l'intérieur des terres, dans la zone de Waiagé, et qu'il y a même le chef
00:05:54qui lui dit pourquoi les Blancs avaient amené ces maladies. Il dit que cette croyance est
00:06:01partagée par tout le monde, parce qu'ils disent tous qu'il n'y avait pas ces maladies avant et
00:06:05que ce sont les bateaux qui les ont amenées. Effectivement, ça renvoie à ce qu'ont décrit
00:06:10les missionnaires et surtout à ce que les travaux des archéologues nous disent sur l'immense
00:06:15dépopulation qui a touché le Pacifique et notamment la Calédonie, dont on n'a pas la
00:06:19mesure, mais on est sûr que c'est un élément qui a profondément modifié le contexte des sociétés
00:06:26locales de Nouvelle-Calédonie. Alors voilà en un mot ce texte là, très très très dense, il y a
00:06:35je ne sais plus combien de centaines de pages où il évoque tout ça. Je vais passer très rapidement
00:06:41sur son deuxième séjour quand il revient, pour une raison très simple, c'est que je vous l'ai
00:06:45dit, je n'ai pas eu accès à ce document puisque William Emilsen le garde par devers lui. Par contre
00:06:52ce qui est intéressant, c'est que comme il arrive au moment où il y a les français, en fait
00:06:56on a des archives pour comparer ce texte là, si on pouvait le comparer, c'est-à-dire
00:07:05qu'il y a les missionnaires qui sont installés désormais, qui sont revenus à Balade, Puebo, Ouagap,
00:07:09et puis il y a les militaires qui sont là. Et ce qui est intéressant, c'est qu'il est évoqué
00:07:16dans ses sources militaires. Quand le gouverneur se trouve à Yengen en juin 1855, le tout premier
00:07:23gouverneur, le gouverneur Dubouzet, il dit qu'à Yengen il rencontre trois beachcombers dont l'un
00:07:31a vécu, j'ai plus la citation exacte, l'un a vécu nu, a fait le tour, a vécu dans toutes les tribus
00:07:39dans un état complet de nudité pendant 15 ans. Moi je suis sûr que c'est lui en fait, à mon avis
00:07:46c'est lui. D'autant qu'il écrit lui dans son texte qu'il a rencontré le gouverneur d'une part, donc ça
00:07:53correspond, et que deuxièmement il reste sur la côte ouest, mais que comme désormais il y a les
00:07:57missionnaires sur la côte est, en fait les guerres et tout ce qu'il vit sur la côte ouest, qui est
00:08:02complètement en dehors des radars français, finalement malgré tout c'est rapporté aux
00:08:08missionnaires qui en parlent aux militaires, et que peu à peu sa réputation enfle, sa réputation
00:08:15enfle, et que du coup il écrit les gens commencent à croire que je suis jamais parti de ce pays,
00:08:19ce qui veut dire que je suis là depuis 15 ans. Donc c'est pour ça que quand Dubouzet écrit ça,
00:08:24à mon avis il parle de lui. Il y a d'autres éléments, mais je passe vite, il y a un point important, c'est
00:08:28qu'il y a le père Lambert qui était un des missionnaires, le premier à fonder la mission de
00:08:33Bellep en janvier 1856, et bien en avril 1858 il dit que voilà qu'arrive un certain Jack le
00:08:45calédonien, très connu, et que finalement il arrive, mais c'est quelqu'un de très agité, de très
00:08:53bagarreur, il est avec un autre bitchcomber, finalement ça se passe mal, il veut que les
00:08:58gens ramassent de la pêche de mer, ils ne veulent pas, et finalement ça se passe très mal. Donc c'est
00:09:02une autre mention de ce type qui est assez intéressante. Ce qu'on saisit, mais là je vais
00:09:09pas en parler parce que j'ai pas le temps, ce qu'on saisit c'est que peu à peu au fur et à mesure que
00:09:13l'ordre colonial français s'installe, il est de plus en plus mal vu par les autorités. Pourquoi ?
00:09:21Pour deux raisons essentiellement, parce que Canibal Jack c'est quelqu'un qui fait tout le temps
00:09:24la guerre avec les Canaques, c'est à dire que les Canaques font des guerres, c'est un peuple guerrier,
00:09:30et que lui là où il est, il va faire la guerre sans problème. Or pour les français, l'ordre
00:09:36colonial qui s'est instauré, ça suppose que désormais il y a des violences légales dans le cadre des
00:09:44campagnes militaires françaises de répression, et le reste de la violence elle est tendanciellement
00:09:49illégale. Donc on n'a pas le droit de faire la guerre en Calédonie. Concrètement dans ces années
00:09:541850, comme les français sont à peine implantés un tout petit peu à Nouméa et un tout petit peu à
00:09:59Balade, les français ne se mêlent pas des guerres entre Canaques, sauf si ça concerne des alliés
00:10:05proches ou alors des convertis qui sont proches des missionnaires. Mais si c'est pas le cas,
00:10:12si c'est entre deux tribus païennes dans le nord-ouest ou je ne sais où où ils ne connaissent
00:10:16pas du tout, les français n'ont pas l'ambition de pacifier, entre mille guillemets, les mœurs
00:10:24canaques. En revanche ils ont l'ambition et le devoir, et c'est écrit noir sur blanc dans les
00:10:29archives françaises, d'empêcher que les blancs fassent partie de ces guerres. Et donc Canibal Jack
00:10:36va, quand on entend dire qu'il participe aux guerres, en fait c'est quelque chose d'assez
00:10:41intolérable, et c'est un indice intéressant de l'ambiguïté de son statut, parce qu'en fait
00:10:47quand les gens l'appellent Jack le Calédonien, ça veut dire Jack le Canaque à cette époque là,
00:10:52et ça sous-entend qu'il est extrêmement proche des Canaques, et en même temps il reste blanc,
00:11:00et donc en tant que blanc il doit, ne montrer pas de blanc c'est le cas de le dire, donc ne
00:11:06pas complètement s'investir dans les guerres canaques. Donc ça c'est le premier problème. Le
00:11:12deuxième problème, plus largement, c'est qu'au fil de la décennie des années 1850, plus on se
00:11:17rapproche de la fin de la décennie, et plus les autorités françaises vont faire preuve d'une
00:11:20suspicion générale pour les anglais, tous les anglais qui sont dans la colonie, tous ces
00:11:26aventuriers, tous ces petits caboteurs, etc. En considérant que ce n'est pas des français,
00:11:33donc il y a une suspicion de déloyauté nationale, en plus c'est des protestants, alors que les
00:11:38maristes sont très fortement appuyés par l'administration, et ça ça va monter en tension,
00:11:43en particulier sur un point, c'est Yéngen. Yéngen qui est un endroit qui est très fréquenté depuis
00:11:48bientôt 20 ans par les anglais, et finalement, je vous passe les détails, mais finalement il va
00:11:57y avoir une campagne militaire contre les anglais, enfin contre les gens de Yéngen et contre les
00:12:02anglais, qui est faite en 1859, et ça c'est intéressant, parce que ce qui se passe à ce
00:12:06moment là, c'est que lors de l'attaque, donc il y a des combats sanglants qui se déroulent en septembre
00:12:131859 à Yéngen, et il y a trois anglais qui sont prisonniers et qui vont être exécutés pour
00:12:22collaboration avec l'ennemi, et outre ces trois anglais, donc il n'y a pas qu'Andy Baljak dans le
00:12:28plan d'attaque, mais outre ces trois anglais, les autorités vont dire qu'on a cru voir d'autres
00:12:34blancs avec eux, et le gouverneur va écrire qu'un européen nu comme les calédoniens fut
00:12:43également vu, on crut reconnaître Jack le Calédonien, connu pour avoir adopté le costume du
00:12:48pays. Conclusion, quelques jours après, il y a une affiche qui va être mise, placardée à Noméa,
00:12:54qui va dire qu'il y a cinq anglais qui sont expulsés de la colonie, et que si on les retrouve,
00:12:59ils sont condamnés à mort, et parmi ces cinq anglais, il y aura Jack le Calédonien. Ce qui est
00:13:05intéressant, c'est que finalement, on sait par le texte de Andy Baljak, et même par d'autres témoins,
00:13:10que lui, il était déjà parti depuis un an, en fait, donc il n'était pas là. En septembre 1859, il
00:13:17était en train d'écrire son livre en micronésie, comme je vous l'ai raconté, et donc à partir de là,
00:13:22ça va rajouter à sa réputation sulfureuse, il va être condamné à mort par Contumas, et il
00:13:28n'apprendra ça que plus tard, en fait, qu'en Nouvelle-Zélande, deux ans plus tard. Excusez-moi,
00:13:33je suis obligé d'aller très vite, je voudrais finir en parlant de son troisième séjour, parce
00:13:38que là, ça évoque plus de liens avec les familles canaques d'aujourd'hui. Il y a deux étapes
00:13:46importantes, c'est à la fin, au milieu des années 80, il se trouve alors à Fidji, depuis une vingtaine
00:13:55d'années, il a quand même 65 ans, ce qui veut dire qu'il a survécu à mille dangers dans sa vie.
00:14:00Mais on apprend bien plus tard, en fait, excusez-moi, il faut que je fasse une rupture chronologique,
00:14:11je reviens au tout début, vous aviez le missionnaire Hadfield qui a récupéré ce manuscrit que lui a
00:14:17donné le vieillard, quand il a préparé le livre qui va devenir Canibal Jack dans les années 20,
00:14:22il a écrit à son vieux copain Reed, John Reed, l'ancêtre des Reed d'aujourd'hui, des Reed canaques
00:14:32de l'IFU. C'est ce blanc qui est à gauche, et c'est son copain, la photo elle vient des archives
00:14:41de la famille Hadfield, et il lui dit on a retrouvé ce document de Canibal Jack, on va en faire un
00:14:47livre, est-ce que tu pourrais me donner un peu plus d'éléments sur lui, qu'est-ce que tu connais
00:14:51sur lui. Et Reed va lui écrire, moi je n'ai vu Canibal Jack qu'une seule fois, c'est quand il
00:14:58est arrivé de Fidji avec Stretter, avec Joseph Nelson Stretter, qui était un charpentier de
00:15:06marine, qui était installé à Fidji, et Reed raconte que Stretter et Canibal Jack ont construit
00:15:21un bateau, et qu'ensuite ils sont partis avec le bateau, et qu'ils ont débarqué à loin de l'ONI,
00:15:29que dans le bateau il y avait Canibal Jack, Stretter et trois enfants Stretter,
00:15:38qui sont arrivés à loin de l'ONI, qui ont été accueillis par Forest, donc c'est tous ces anglais
00:15:45qui ont fait souche en Calédonie, dont on connaît encore les patronimes aux îles, mais que Canibal
00:15:50Jack est reparti au SISEC. Alors c'est une histoire qui est restée dans la mémoire des
00:16:00descendants Stretter, et donc ils sont peut-être là, je ne les ai pas vus tout à l'heure, mais j'ai
00:16:09travaillé avec plusieurs d'entre eux, et il y a une histoire tout à fait fascinante, ce sont les
00:16:17souvenirs, donc ce vieux Joseph Nelson Stretter est parti de Fidji avec trois enfants, deux garçons
00:16:24et une fille, c'est les deux garçons qui ont fondé les lignées Stretter jusqu'à aujourd'hui. La fille
00:16:30elle, Maria, c'est à dire Mariah, qui est là en photo, elle a épousé, elle est notamment entrée
00:16:40dans la famille Saoumé, et le vieux qui est parti maintenant, le vieux Paolo Saoumé, que j'ai
00:16:53rencontré, m'a raconté qu'il avait été élevé par sa grand-mère Maria, qui est ici, et qu'elle lui
00:17:03a raconté l'immigration de Fidji, qu'elle était une petite fille, qu'elle avait sept ans, et donc
00:17:13c'est extrêmement touchant quand on fait même, intéressant mais touchant, c'est à dire de faire
00:17:18faire tout ce travail sur les archives, sur ce personnage un peu mythique, et puis on touche du
00:17:22doigt quelqu'un qui dans son histoire familiale est connecté à cette affaire. La vieille raconte
00:17:28au vieux, à son petit-fils, qu'ils ont fait le voyage à bord du bateau, qu'elle était avec ses deux
00:17:33frères, son père et un anglais, un anglais, donc c'était lui, et un détail moi qui m'a complètement
00:17:44qui m'a vraiment beaucoup impressionné, la vieille Maria raconte à son petit-fils que quand il y
00:17:54avait des tempêtes à bord du bateau, elle, son frère, ses frères et son père allaient dans le fond
00:18:02du bateau et que l'anglais lui, il disait vous allez m'encorder autour du gouverneil, vous allez
00:18:08m'encorder autour du gouverneil, comme ça je reste à la barre. Dans le livre Cannibal Jack de 1928,
00:18:16Cannibal Jack décrit une scène de naufrage ailleurs, à Tonga, et il explique, alors quand
00:18:23tu vois ça, c'est complètement romanesque, il explique qu'en fait il était dans une pirogue
00:18:29tongienne et qu'il y a eu la tempête, etc, et qu'il s'est retrouvé enlacé malgré lui au gouverneil,
00:18:37et que ça, ça l'a maintenu en dehors de l'eau. Moi quand j'ai dit ça, j'ai dit bon d'accord, c'est un peu
00:18:43le côté un peu romanesque, mais quand il y a quelqu'un qui n'a pas lu ce texte là et qui évoque
00:18:48un paramètre comme ça, on ne peut qu'être troublé. Ça c'était donc, je vous l'ai dit, mais il n'est
00:18:55pas resté à Alifou, il est allé à Marais. Et à Marais donc, on a retrouvé sa trace, je vous l'ai
00:19:03dit, d'après le témoignage de Hadfield, chez le vieux Thierry Humbert. Thierry Humbert qui était
00:19:11un vieux balenier qui était installé à Marais, qui avait pris une épouse de Rowe et qui a eu une
00:19:18descendance donc métissée de Jean Humbert. Il y avait un autre personnage à ce moment-là, un
00:19:27autre ancien balenier qui vivait à Rowe, qui s'appelait John Robertson. Dans le texte de
00:19:37Cannibal Jack, dans ses anciens écrits, dans Jack le Cannibal Killer, quand il passe à Marais en
00:19:421859, il décrit déjà la présence de ces deux-là. Il dit, il y a mon ancien compagnon de bateau John
00:19:50Robinson, Robinson Robertson, c'est le même, et puis il y a ce type qui s'appelle Jerry. Donc là
00:19:58aussi c'est très troublant parce que finalement on retrouve la trace de ces gens-là. Donc Cannibal
00:20:04Jack va finir sa vie avec eux. Je vous ai mis ces photos-là parce que c'est à la fois des très
00:20:11belles photos et que la personne au milieu de la photo, les descendants, il y a des familles
00:20:20aujourd'hui de Marais, famille Tsava, Royaridri, Enoka notamment, qui se considèrent descendants
00:20:32de John Robertson et qui ont cette photo, cette photo ovale au milieu. Par ailleurs, dans une
00:20:39autre collection de photos privées, on a la photo de cet homme à gauche, le barbu, le fameux Beachcomber
00:20:47de la fin du 19e. Et quand on compare les deux photos, en fait quand on regarde de près, il est
00:20:53à peu près sûr qu'il s'agit du même homme, jeune et puis très vieux. Donc cet homme-là c'est John
00:21:00Robertson ou Dirty Jerry Imbert. Parce qu'il y a eu des histoires complexes liées notamment au fait
00:21:11que le premier enfant de Dirty Jerry Imbert, il lui a donné le nom de son copain. Donc ce premier
00:21:20enfant s'appelle John Robertson Imbert. Donc ça se sait au sein des familles, mais ça se
00:21:28sait aussi par cet acte de naissance dont je vous ai fait la copie, où en fait il cite le nom des
00:21:34trois enfants Imbert et le premier c'est John Robertson Imbert. Et ce John Robertson Imbert,
00:21:40plus tard, il va laisser tomber le Imbert et donc il va se faire connaître comme simplement John
00:21:46Robertson. Conclusion, il y a deux John Robertson. Il y a le balainier anglais et puis il y a le
00:21:51fils Imbert. Et ces histoires-là se mêlent en fait, se mêlent beaucoup. Si tout ça, vous allez
00:21:59me dire quel est le lien avec Hannibal Jack, c'est que bien plus tard dans les années 60, il y a un
00:22:05ancien curé qui est devenu anthropologue, le père Dubois, que vous connaissez sans doute, qui a fait
00:22:11des enquêtes gynéalogiques à Marais, dans ces familles-là. Et ses interlocuteurs de l'époque
00:22:19étaient de la famille Imbert et lui ont dit que d'une part il y avait Hannibal Jack qui vivait avec
00:22:26eux, qu'il était avec une vieille de Marais qui s'appelait Lizzie, qui était originaire de Tadine,
00:22:33qui avait une fille qui s'appelait Annie, qui est devenue la fille adoptive de Hannibal Jack. Cette
00:22:41Annie ensuite elle s'est mariée avec un fils Imbert et ils ont eu une longue descendance qui a
00:22:46peuplé une bonne partie de Marais. Alors pour les gens qui connaissent Marais, Marais-les-Foutigas,
00:22:51ils voient de quoi je parle, pour les autres je suis désolé c'est très compliqué et je ne peux pas
00:22:55résumer comme ça, il faudrait qu'il passe une éternité. Mais en tout cas il est situé dans cette généalogie-là
00:23:00et puis les interlocuteurs du père Dubois dans les années 60 lui ont aussi dit que le premier
00:23:06fils Imbert qui s'appelle John Robertson Imbert, qui a perdu le Robertson puis qui a encore changé de
00:23:11nom plus tard parce qu'on a retrouvé avec le nom Roquette, que ce type-là, que ce vieux-là avait
00:23:17été adopté aussi par Hannibal Jack. Donc ça c'est ce que des gens ont dit au père Dubois dans les
00:23:26années 60. Moi quand j'ai vu ça j'ai tiqué et depuis j'essaie désespérément de comprendre cette
00:23:31histoire. Donc je suis revenu notamment pour ça et je suis en train de faire des enquêtes pour
00:23:38essayer de mieux comprendre ça. Je n'ai pas la prétention d'y arriver et puis en tout cas,
00:23:45et c'est là dessus que je terminerai, je suis désolé ça a pris énormément de temps, il a fini dans
00:23:50cette zone, il a fini à Marais, à Raux ou à Eotse, qui était un petit village à côté de Raux qui a
00:24:01été déserté parce que les gens se sont approchés de Raux pour l'église mais où il y a encore des
00:24:06pierres tombales et il y a notamment, pour les gens du coin ils la connaissent, il y a cette pierre
00:24:13tombale que j'ai mis à gauche d'une vieille femme qui était mariée à John Robertson. Et il a
00:24:22probablement fini sa vie dans cet endroit même s'il n'y a pas de traces dans les
00:24:27registres. Une fois de plus, même à la fin, il a filé à l'anglaise, c'est le cas de le dire, donc il est
00:24:33passé entre les mailles du filet administratif, on ne sait pas comment il a fini, on ne sait pas à
00:24:36quelle date, mais il y a des témoins qui disent qu'il est mort en 1891, sans doute à Eotse et
00:24:42parmi ces pierres tombales, là c'est la femme Robertson, juste à côté, ce que vous voyez,
00:24:47la photo en bas à gauche, il y a une pierre tombale sans nom, on dit dans les familles que dans cette
00:24:52pierre tombale c'est le John Robertson lui-même, mais il y a sans doute d'autres pierres tombales
00:24:56dans la région, dans la zone, et probablement qu'il est enterré par là, même si je n'ai pas retrouvé.
00:25:04Et donc je vais conclure sur cette photo de la baie de Eotse, parce que c'est là que tout a
00:25:10commencé, tout a fini. J'avais beaucoup d'autres choses à dire, mais je ne peux pas. Je voudrais en
00:25:16conclusion vous dire que vous comprenez que c'est une histoire fascinante, dont j'ai moi-même du
00:25:20mal à comprendre pourquoi elle me fascine autant. Mais ce qui me rassure, c'est que je ne suis pas le
00:25:24premier, ça fait un siècle que ce personnage fascine, il fascine pour tout ce qu'il a vécu,
00:25:30il fascine pour l'ambition démesurée d'une vie comme la sienne, parce que l'échelle de son ambition,
00:25:40de son projet, c'était le pacifique dans son immensité, et donc d'ailleurs quand on suit
00:25:44Canibal Jack, on n'est pas que à Eotse en fait, on couvre des milliers de kilomètres, c'est ça
00:25:50qui est tout à fait fascinant. Et puis pourquoi il écrivait ? Pourquoi il écrivait comme ça ? Pourquoi
00:25:56il a voulu laisser une trace derrière lui ? Est-ce qu'il se rendait compte que sa vie était
00:26:01extraordinaire ? Est-ce qu'il voulait nous montrer de quoi étaient faits les mondes océaniens ? Ou
00:26:06bien est-ce qu'il voulait être romancier, un truc d'aventure ? Parce qu'en fait au fond de son texte,
00:26:11il y a à la fois la volonté de documenter les mondes océaniens, mais aussi la volonté de faire
00:26:16des romans d'aventure, des choses incroyables, et je pense même qu'il a d'une certaine façon fait
00:26:21de sa vie un roman d'aventure, et c'est aussi pour ça qu'il a endossé un nom comme Canibal Jack,
00:26:26et que jusqu'à la fin de sa vie, il était toujours en mouvement, même à 65 ans, en vieux pépé, à
00:26:32partir comme un bandit, etc. Et puis dans le fond, c'était aussi une autre façon d'être un
00:26:40Européen dans le Pacifique, je pense que moi c'est une des choses qui me touche chez lui, c'est à
00:26:44dire que dans ces situations, c'était contrairement au contexte colonial, au rapport colonial, le
00:26:52rapport de domination était inversé, ce n'était pas lui qui arrivait comme triomphant, c'était
00:26:57toujours à lui de s'adapter à ce monde-là, à ces mondes-là, à comprendre comment ça fonctionnait,
00:27:02à comprendre les langues, à comprendre la coutume, à comprendre les mœurs, et c'était à ces conditions-là
00:27:07qu'il pouvait survivre et faire son trou. Ce que je sais, et c'est pour finir, c'est que
00:27:14vraiment ces textes sont incroyables, et que donc j'en reviens à ce que je disais au départ, je pense
00:27:20que c'est pas normal qu'ils ne puissent pas être accessibles, et que j'espère que ça deviendra à la
00:27:26fin. Voilà, je vous remercie, je vais m'arrêter là. Merci Benoît, on est un petit peu saisi par
00:27:47cette avalanche de détails, de superficie qu'a traversé Cannibal Jack, donc je ne sais pas si
00:27:53les gens ont encore de l'énergie pour en savoir davantage, les parties que tu n'aurais pas traitées,
00:27:57mais en tout cas les micros sont à votre disposition, de part et d'autre de la salle, n'hésitez pas.
00:28:03Bon, manifestement ce garçon, il savait très bien lire et écrire alors qu'il
00:28:33a quitté, vous avez nous dit, à 16 ans la Bretagne, donc qu'a été sa base scolaire culturelle, d'autant
00:28:46qu'il ne l'a mise en oeuvre que 10 ans, 15 ans après le début de ses aventures, donc d'où lui
00:28:55venait cette facilité littéraire que vous décrivez comme aussi riche, dense et précise ?
00:29:02Alors, il était d'une famille, je ne sais plus si je l'ai dit, mais de commerçants agricoles qui
00:29:11étaient en ascension sociale sur plusieurs générations, c'est à dire que son grand-père
00:29:16était devenu propriétaire par une alliance matrimoniale avec un homme propriétaire qui
00:29:21n'avait pas de garçons, son père était lui-même devenu propriétaire et commerçant de bétail,
00:29:28donc plutôt de la classe moyenne haute rurale anglaise, et lui était le seul héritier, parce
00:29:37qu'en fait c'était le seul garçon d'une fratrie de six où il y avait cinq filles et un garçon. Donc
00:29:42il avait le nom du père et très clairement dans les logiques de transmission c'était à lui de
00:29:49continuer cette lignée. Donc il y avait un fort investissement sur lui et ça s'est manifesté
00:29:54notamment par le fait qu'il a été mis, dès l'âge de 8-9 ans, dans ce qu'on appelle une
00:30:02Latin Grammar School, donc qui étaient les écoles d'élite relativement prestigieuses qui étaient
00:30:11fondées depuis plusieurs siècles en Angleterre, et il a vécu une dizaine d'années sur les bancs
00:30:17de l'école, au moins 8-10 ans sur les bancs de l'école, et c'est ça qui lui a donné ce capital
00:30:24culturel dont il s'est servi bien plus tard. Il raconte dans ses textes, et puis les archives sur
00:30:30cette école montrent aussi qu'à la fois c'était très prestigieux et donc il apprenait à lire,
00:30:35etc., mais c'était aussi un univers extrêmement répressif, extrêmement dur, et quand il évoque
00:30:42la période de l'école c'était pas du tout une période rêvée, mais par contre il a acquis ça.
00:30:47Et puis il y a un autre élément très intéressant, alors évidemment je peux pas rentrer dans tous les
00:30:51détails, mais quand le livre Canibal Jack est sorti en 1928, 4 ans plus tard, 4 ans plus tard,
00:30:59les Hadfield ont reçu une lettre d'une dame qui disait je viens de lire votre livre, je l'ai tout
00:31:05de suite reconnu, je suis la nièce de Canibal Jack. Ah bon d'accord. Et du coup cette dame,
00:31:10dans cette lettre incroyable, donne des éléments de la mémoire familiale de Canibal Jack. Elle dit
00:31:16ben voilà en fait ma mère c'était telle sœur de Canibal Jack, ça c'était sa tante, etc., et ses
00:31:20sœurs m'ont toujours raconté comment leur frère était là, et il s'entendait pas avec son père,
00:31:27dit-elle, qui avait un caractère de feu, un caractère très difficile, et le père, dit la
00:31:38nièce, le père désapprouvait son comportement parce qu'il passait son temps à lire, il passait
00:31:45son temps à lire des livres d'aventure, et le père considérait que c'était un truc de paresseux.
00:31:51Et donc, vraiment quand on lit ce texte, c'est quand même incroyable, quand on voit ce qui s'est
00:31:56passé à côté, et donc la nièce dit, et donc le fils était en conflit avec le père, il disait si
00:32:03ça continue je vais me casser, enfin il ne disait pas ça comme ça, mais c'était ça l'idée, je vais
00:32:06partir, et ses sœurs essayaient de le calmer, mais un jour il a disparu, et depuis plus aucune
00:32:13nouvelle d'elle. Donc après, moi à partir de cet indice, j'ai regardé ce qui à l'époque avait
00:32:21pu tomber entre ses mains, or à l'époque, les années 1820-1830, c'est la grande époque de
00:32:29Walter Scott, de Fenimore Cooper, des romans maritimes d'aventure, et puis Robinson Crusoé
00:32:37aussi qui était une figure littéraire, donc il y avait sans doute un univers littéraire d'aventure
00:32:42et d'ailleurs qui l'a nourri, parce qu'à contrario, s'il avait simplement voulu fuir sa famille,
00:32:47fuir son père, fuir l'école, il n'était pas obligé d'aller dans le Pacifique, parce que Londres à
00:32:53l'époque c'était la plus grande ville du monde, il y avait deux millions d'habitants, et c'était
00:32:57l'endroit rêvé pour disparaître, changer de nom et devenir un autre, donc s'il est monté à bord
00:33:03d'un bateau pour partir au loin, c'est parce qu'il voulait plus que ça, et c'est pour ça qu'à mon
00:33:08avis, mais on ne peut pas en savoir plus, mais il avait déjà des idées, en tout cas il était
00:33:15déjà un grand lecteur, et dans le récit de ses périples en fait, ce qui est assez marrant,
00:33:23c'est qu'il peut traverser des épreuves pas possibles, mais quand il tombe sur un missionnaire,
00:33:28par exemple, il demande tout de suite s'ils ont des livres, ou quand il est chez un colon
00:33:32isolé en Nouvelle-Zélande, donc il raconte ça des années plus tard, il dit je me rappelle à ce
00:33:36moment là, j'ai lu tel livre, etc, donc il avait déjà une espèce d'appétence pour l'écrit, sans
00:33:41doute, c'est des hypothèses, mais par contre comme il l'écrit plus tard dans ses textes, il dit
00:33:48j'aurais jamais pensé moi-même écrire si le capitaine Erskine en 1850 ne m'avait pas mis cette
00:33:56idée dans la tête, donc il y a aussi cette trajectoire littéraire particulière qui donne
00:34:02sens à sa vie, parce qu'à mon avis, une de mes hypothèses, c'est qu'à partir du moment où, parce
00:34:08qu'il fallait un temps fou pour écrire ce qu'il a fait, il fallait une volonté de faire,
00:34:13parce qu'il vivait quand même dans des circonstances pas possibles, donc s'astreindre à passer son temps
00:34:18à écrire, ça veut dire que c'était quelque chose qui le tenait debout, et même John Reed de l'IFU
00:34:26dit à Hadfield dans les années 20, qu'il avait mania for scribbling, donc il avait la manie de tout
00:34:35le temps écrire, et c'est pour ça d'ailleurs que Hadfield lui a demandé mais que sont devenus ses
00:34:39papiers après sa mort, et Reed lui a répondu les papiers de Canibal Jack après sa mort sont
00:34:45passés à Jerry Humbert, puis sont passés à son fils John Robertson Humbert, qui se fait appeler
00:34:52John Robertson, écrit Reed, mais que tout ça a disparu parce que c'est parti en fumée, voilà,
00:35:01après je sais pas si c'est que John Robertson Humbert a mis le feu, ou si c'est sa maison qui a
00:35:07été brûlée à cause de conflits locaux, voilà, parce que dans le texte de Reed c'est assez ambigüe
00:35:12la formulation, donc il y a toute une trajectoire comme ça, et puis ça me fait penser à autre chose
00:35:16aussi, c'est qu'en fait, vous voyez, très souvent il a écrit sous de faux noms, et il a eu je ne sais
00:35:23combien de pseudonymes au fil de sa vie, ce qui veut dire qu'il y a peut-être bien d'autres
00:35:26manuscrits qui existent encore en fait, et que peut-être un jour quelqu'un tombera dessus et
00:35:31se rendra compte que ça se reconnecte à cette histoire, donc on a une vision de son oeuvre qui
00:35:37n'est peut-être pas complète.
00:35:47Bonsoir, j'aurais aimé savoir si dans ce qu'il a écrit on trouve des choses qui sont une
00:35:54contradiction des connaissances officielles, puisque vous avez parlé des autres sources
00:35:59qu'on a par les militaires par exemple, ou les curés, est-ce que le peu de récits auquel on a
00:36:05accès de sa part apporte des informations contradictoires avec les thèses officielles
00:36:09ou les connaissances du monde? Alors le problème c'est que le texte auquel j'ai accès il n'y a pas
00:36:16d'autres textes pour les comparer, et puis le deuxième six jours on n'a pas accès au texte,
00:36:20donc on ne le sait pas véritablement. Donc je ne sais pas si c'est contradictoire, mais par
00:36:27contre ce qui est précieux c'est qu'en fait il donne un point de vue canaque, c'est ça qui est
00:36:31intéressant, c'est à dire que les missionnaires ont un point de vue missionnaire, donc ils
00:36:37réfléchissent à l'aune de leur grille et c'est normal, mais disons que lui il n'a pas cette grille là,
00:36:41alors il a la sienne malgré tout, c'est pas un canin qui écrit ça c'est sûr, c'est lui,
00:36:47c'est ce blanc, mais son écriture et son regard témoignent d'une autre échelle et d'un autre
00:36:56prisme que celui des sources habituelles. Par exemple c'est pas tant sur les militaires que
00:37:03c'est frappant que vis-à-vis des missionnaires en fait, parce que quand on lit les sources
00:37:07missionnaires en gros il y a les gentils et les méchants, et les gentils ils sont convertis et les
00:37:11méchants ils ne sont pas convertis. Lui il a tendance à avoir un discours beaucoup plus critique et fin,
00:37:16parce que c'est au ras du sol. Le problème encore une fois c'est que pour vraiment creuser cette
00:37:22question là, ça c'est ce que disent les spécialistes de Fidji par exemple, mais sur la Calédonie il
00:37:27faudra avoir accès véritablement à ces matériaux et puis serrer de très près, ce qui n'a pas été
00:37:32possible jusqu'à présent. Pourquoi il évite-t-il les photos ? Pourquoi il évite les photos ? Oui.
00:37:42Aucune idée. Il ne l'a jamais expliqué, mais c'est une très bonne question. Pourquoi il évite
00:37:51les photos ? J'en sais rien. Mais je sais qu'il les évite. Alors il y a notamment un très très bon
00:38:00spécialiste de Fidji, qui connaît Fidji sur le bout des doigts, et qui connaît notamment toutes
00:38:05les collections photographiques de Fidji. C'est vraiment quelqu'un de très fort, il s'appelle
00:38:10Fergus Cluny, et il a énormément, j'en ai pas parlé, parce qu'on ne peut pas tout faire,
00:38:17il est déjà à l'heure qu'il est, je suis désolé, mais Fergus Cluny quand il a découvert les textes
00:38:23de Kani Bajak sur Fidji, il s'est fiévreusement plongé dedans, sur les manuscrits, et il a essayé
00:38:29de les dater très précisément. Donc il a fait un gros boulot, mais tellement gros boulot qu'il
00:38:34n'a jamais publié son article. Ça c'était à la fin des années 70. Et j'ai pris contact avec lui,
00:38:38il m'a donné tous ces documents, ce qui est formidable, et il m'a dit, vas-y reprends le
00:38:43flambeau, et puis fais pour le mieux. Et d'ailleurs, après mon voyage en Calédonie, je vais le voir à
00:38:51Sydney. Et donc lui il m'a dit, mais par contre Benoît, ce que je ne peux pas te fournir, c'est
00:38:57une photo de Kani Bajak, on a des photos de ses amis, du moins les gens avec qui il a fait du
00:39:02business, les Barnes, Work, Hyde, Bucknell. On a des photos parce qu'en fait il y avait eu dans
00:39:11les années 70 une série de portraits de tous les vieux pionniers de Fidji qui ont été faits. Ça a
00:39:16été publié après dans un bouquin qui s'appelle Cyclopédia of Fidji en 1907. C'est un espèce de
00:39:22kaléidoscope de, je crois, il y a 700 portraits de figures de vieux colons, des gens qui étaient
00:39:29là avant la prise de possession britannique parce qu'ils étaient très nombreux, etc. Et donc il n'est
00:39:34pas dans ce kaléidoscope, ce qui est extrêmement étrange. Et donc il devait fuir, alors peut-être
00:39:42que parce qu'il était recherché par les autorités françaises de Calédonie, mais bon, je ne sais pas,
00:39:50mais ce qu'il faut voir aussi c'est que de toute façon quand tu fais de l'histoire, on se pose des
00:39:53questions, on a des points d'interrogation et puis un jour on a une archive ou une photo ou un
00:39:58témoignage qui répond à cette question. Donc peut-être qu'un jour on trouvera une photo de
00:40:03lui ou peut-être, parce que par contre il se décrivait souvent, donc on sait qu'il était
00:40:08petit et qu'il avait des yeux bleus perçants. Hyde, il l'appelle les yeux d'acier. Mais bon,
00:40:17à part ça, je n'ai jamais vu une photo. Le vieux Beachcomber, c'était pas lui. Donc je ne sais pas,
00:40:23mais c'est une bonne question. Bonsoir M. Trépied, merci beaucoup pour votre travail. J'avais une
00:40:32question s'il vous plaît. Tiens, j'ai mon petit qui est fatigué. Je suis descendant des Anglais,
00:40:38mais de Poum, qui sont passés par Marais dans les mêmes régions au tout début. Donc je descends
00:40:44du Capitaine Vincent, de Brown, de Williams et de Winchester, puisque tous les descendants se sont
00:40:52mariés entre eux. Je voulais savoir si Cannibal Jack était passé dans la région d'Elimin. Vous
00:40:57en avez parlé tout à l'heure, donc j'ai eu ma réponse. Et combien de temps il était resté là-bas,
00:41:01s'il avait eu des histoires ou des anecdotes, parce que nous aussi, j'avais découvert dans
00:41:06mes recherches pour mes ancêtres, cette histoire de Cannibal Jack qui m'a fasciné. C'est pour ça
00:41:10que je suis là ce soir, parce que comme vous dites, il y a très peu d'écrits. Et finalement,
00:41:15en fait, je voulais savoir si lui avait fait des écrits de ces autres Anglais qui avaient eu des
00:41:19femmes de Marais, qui se sont installés sur les îles du Nord et qui ont fondé finalement un petit
00:41:26peu la colonie, la deuxième colonie, on va dire anglaise, celle qui était aux îles de Loyauté,
00:41:31il y avait d'autres beach converse, mais eux étaient installés là-bas. Ma question, est-ce
00:41:35que vous avez entendu parler de ce capitaine Vincent? Est-ce que Cannibal Jack décrit ces
00:41:41gens ou est-ce qu'il a écrit sur des Anglais du Nord en fait? Alors là encore, le problème c'est
00:41:47que la deuxième partie, son premier passage en Calédonie, il ne croise personne à ce moment-là,
00:41:55mais c'est parce que c'est très, très tôt, 47, 49. Son deuxième séjour, on n'a pas accès aux
00:42:03documents, alors moi quand j'ai feuilleté, j'ai quand même vu qu'il citait pas mal d'autres
00:42:08beachcombers dans le coin, mais là-haut je ne sais pas, mais par contre ces mecs-là circulaient
00:42:17beaucoup aussi, donc c'est surtout qu'il les a vus à Connay, parce que moi j'ai regardé en
00:42:21particulier les trucs à Connay et il raconte que Winchester passe à Connay par exemple,
00:42:26mais qu'il n'y reste pas, mais qu'il y passe. Pareil avec Stewart,
00:42:31il y a sûrement des choses dans ce manuscrit, après lui comme il racontait sa vie, il ne faisait
00:42:44pas des encarts, des portraits comme ça standard en disant, ben c'est-il, il y a tel type qui fait
00:42:50ça, etc. C'est plutôt quand il était en relation avec eux, mais comme dans son deuxième séjour,
00:42:56en gros il y avait plus de blancs que lors de son premier séjour, il faisait pas mal de
00:43:02biches de mer sur Connay, il allait la vendre à Yengen, il les vendait à Kanala par exemple,
00:43:09je vous ai dit tout à l'heure quand il était à Kanala et qu'il apprend que son livre est sorti,
00:43:15il cite le nom du magasinier, du responsable du comptoir centralier de Padone à Kanala,
00:43:22c'est Tindal, qui est un nom qui circule encore aujourd'hui. Pour répondre à votre question,
00:43:31il faudrait regarder de près ce deuxième manuscrit, il n'est pas là, et c'est bien
00:43:36dommage, c'est sûr qu'il les a croisés, mais je n'en sais pas plus. Le capitaine Vincent n'a pas
00:43:42été cité par Turpin de Morel, c'est là où je l'ai vu, c'est bien le même genre de gars et c'est
00:43:51vrai qu'on aimerait en savoir beaucoup plus sur cette histoire des baleiniers anglais du nord,
00:43:56des îles, leurs liaisons avec les femmes kanaks, notamment de Marais, et il faut continuer le
00:44:04travail. Monsieur, vous avez parlé beaucoup du séjour chez les kanaks, est-ce qu'il y a des
00:44:22témoignages des kanaks sur Jacques? Il n'y en a pas directement, parce que c'est très éloigné,
00:44:36donc ce n'est pas évoqué, sauf dans les généalogies de Marais dont j'ai parlé tout à
00:44:42l'heure. C'est là où il apparaît, là où il a fini sa vie, et en lien étroit avec les familles
00:44:50Robertson et Imbert, là il apparaît, en tout cas il était évoqué par les kanaks de Marais des années
00:45:0060 que le père Dubois a rencontrés. Moi qui refais ces enquêtes 60 ans après et qui travaille
00:45:07avec les gens de Marais, en tout cas ceux que j'ai rencontrés, de Raux, de Tiga, ça ne dit
00:45:14trop rien. Donc peut-être que cette mémoire s'est perdue, et Hakone par contre, il n'apparaît pas
00:45:24dans les généalogies, dans les récits comme ça, mais c'est très long, et puis le vrai problème
00:45:32c'est qu'en fait il aurait été mémorisé s'il avait fait souche, et s'il avait en gros élevé
00:45:42ses enfants. Parce qu'il dit qu'il en a fait plein, et ça je n'en doute pas, à un moment il raconte
00:45:47qu'il passe à Yangen et il dit tiens là j'aimerais bien voir mon fils, ça fait deux ans qu'il est
00:45:54là. Tu dis quoi pardon ? C'est qui, c'est quoi ? Mais le problème c'est qu'il ne l'a jamais transmis en fait,
00:45:59comme c'était un espèce d'électron libre et un vagabond éternel, donc comment dire, il a
00:46:07semé des graines partout mais il ne les a jamais regardées pousser, si je puis dire, et donc cette mémoire là
00:46:13elle s'évanouit, en tout cas au sein des familles. Mais ce qui est assez marrant, enfin marrant, ce qui
00:46:21est intéressant c'est qu'il y a des gens qui se posent des questions, et notamment il y a actuellement,
00:46:26mais pas seulement en Calédonie, parce que c'est aussi le cas à Fidji et à Samoa, il y a plein de gens
00:46:30qui se posent des questions sur leurs ancêtres, et d'ailleurs des fois qu'ils m'écrivent en disant
00:46:35moi je suis un descendant de, enfin j'ai bossé avec les Straiters, les descendants Robertson,
00:46:40les descendants Imbert, c'est des questions qui tournent beaucoup aujourd'hui pour comprendre
00:46:44mon interlocuteur là, juste avant, donc des gens qui aujourd'hui se posent des questions sur ces
00:46:51ancêtres là, et par exemple j'ai été en contact avec des gens au Samoa qui disaient, je me demande
00:46:57si en fait ce serait pas mon ancêtre Cannibal Jack, parce que j'ai vu que dans son texte il dit qu'il
00:47:02était là, moi c'est le même truc, etc. Donc c'est une vraie préoccupation actuelle, mais difficile
00:47:10d'en retrouver, il y a eu une rupture générationnelle et mémorielle, donc les gens aujourd'hui font un
00:47:17travail pour essayer de mieux comprendre, mais lui-même à l'époque il n'a pas transmis son
00:47:22histoire, mais il n'a pas transmis son histoire à ses descendants ou aux Caninques ou aux gens avec
00:47:25qui il vivait, parce qu'il transmettait à l'écrit en fait, et qu'il ne s'adressait pas à sa famille,
00:47:30il s'adressait à tout le monde, il voulait que les gens connaissent sa vie et son histoire,
00:47:34comme la citation que j'ai dit au début, c'est il dit j'espère que j'ai pas vécu et écrit en vain,
00:47:39donc d'une certaine façon il avait une ambition plus large, mais donc concrètement pour répondre
00:47:47simplement à votre question, non, les gens ne parlent pas de lui directement dans leurs histoires,
00:47:54à ma connaissance, je n'ai pas la chance d'en faire ça.
00:47:59Bonsoir monsieur, merci pour cette conférence passionnante sur un sujet passionnant,
00:48:09je vais juste revenir sur un petit aspect que vous avez évoqué un petit peu vite,
00:48:14donc vous vous invalidez la thèse de Jean Guillard, c'est pas une thèse, il a juste écrit 4 lignes
00:48:21dans un coin d'un bouquin, comme quoi Caliban Jacques aurait fait partie justement des anglais
00:48:26qui avaient fait le coup de feu contre les français avec le grand chef Boirat,
00:48:29ou qui au moins l'aurait fourgué des armes. Il l'a peut-être fourgué des armes,
00:48:35mais ce qui est sûr c'est qu'il n'était pas à Nguyen Nguyen au moment de l'assaut,
00:48:37et donc quand le gouverneur a dit on a cru reconnaître Jacques le Calédonien,
00:48:41c'était pas lui, parce qu'en fait le deuxième volume là, donc moi j'ai regardé les trucs sur
00:48:48Connay, puis j'ai regardé les chapitres, les débuts de chapitres en fait, 1858, il part à L'Ifou,
00:48:54en 1858, il part à L'Ifou en 1858, c'est à dire juste après que le père Lambert les croisait à
00:49:00Bélep, donc il était passé avant à Nguyen Nguyen beaucoup, et il a peut-être tout à fait fait
00:49:04du business de munitions avec les gars du coin, ça c'est tout à fait possible, en revanche au
00:49:11moment de ce qui s'est appelé dans les archives au sein de l'administration coloniale, l'affaire de
00:49:17Nguyen Nguyen, et au moment où il a été condamné à mort, lui il était pas là, il était pas là,
00:49:22il était déjà en train d'écrire à Pompéi, à tel point qu'il y a un document, là encore merci les
00:49:28sites Trove et Paper Past, les sites des journaux du 19e siècle, en tapant Cannibal Jack, je suis
00:49:36tombé sur, dans les journaux néo-zélandais, je suis tombé sur des extraits de jugement,
00:49:42parce qu'il est passé devant le tribunal, parce qu'il était bourré dans la rue, parce que vous
00:49:48pensez bien qu'il aimait bien tiser, or il y a eu une loi qui l'empêchait, et donc on retrouve,
00:49:53et donc là il y a sa déposition, donc ça vaut de l'or, je ne peux pas tout raconter sinon on est
00:49:59là jusqu'à deux heures du matin, mais ça vaut de l'or, et il dit notamment, donc sa déposition
00:50:03est prise, il dit deux choses importantes, il dit je m'appelle William Diaper, on me connaît
00:50:09dans le Pacifique à travers toutes sortes de noms, comme Caledonia Jack, Fidji Jack, mais par
00:50:16contre jamais personne ne m'a appelé Cannibal Jack, donc ça veut dire que c'est cette archive là qui
00:50:23me fait dire que c'est à ce moment là qu'on a commencé à l'appeler Cannibal Jack, parce que là
00:50:27il est en train de dire c'est quoi cette affaire, c'est pas moi Cannibal Jack, mais en fait c'est
00:50:31les colons de Nouvelle-Zélande qui lui disent ça, et c'est à partir de là que ce nom va rester,
00:50:37et il dit autre chose dans sa déposition, il dit je suis pas au courant que le gouvernement
00:50:44français a mis ma tête à prix, après il dit mais c'est fort possible parce que en anglais
00:50:51il dit j'aime bien jouer des tours aux autorités, donc il dit c'est bien possible mais je ne suis
00:50:58pas au courant que ma tête est mise à prix, et ça il le dit en 1861, donc c'est en Nouvelle-Zélande
00:51:04qu'il apprend ça, qu'il apprend qu'il a eu l'affaire de Yengen, et qu'il apprend qu'il a été
00:51:08accusé à tort, voilà, merci, si je peux me permettre pour complexifier encore un peu les choses, je me suis
00:51:18laissé dire qu'il y avait un second Cannibal Jack, tu peux nous en dire un peu plus là dessus, oui alors
00:51:24je peux, rapidement, si vous voulez, non je dis ça parce qu'il existe un portrait de ce Cannibal Jack
00:51:31que les gens ne confondent pas, voilà, en fait il existe, je vais te dire, il en existe même plus que
00:51:36deux, il y en avait au moins trois ou quatre, mais celui dont tu parles, effectivement il y avait
00:51:42un Pakeha Maori, c'est à dire un blanc qui vivait avec les Maori en Nouvelle-Zélande, donc
00:51:51c'était comme un Beachcomber, là bas ils appellent ça Pakeha Maori, qui était dans le nord dans le
00:51:56Hokianga, et qui s'appelait Jackie Marmon, voilà, et ce type là, alors c'est très intéressant
00:52:07parce que j'ai, tu peux m'en espérer, j'ai regardé ça de près, il n'a été appelé Cannibal Jack que
00:52:15au moment de sa mort dans les nécrologies de la presse, c'est à dire que les archives antérieures,
00:52:23quand on parle de lui, on dit jamais Cannibal Jack, jamais, on dit Jackie, Jackie, Jackie,
00:52:30Jackie, c'est troublant et c'est d'autant plus troublant que l'article que j'ai montré tout à
00:52:36l'heure sur notre Cannibal Jack qui parait à Fidji en 1880, il est reproduit dans un journal
00:52:45néo-zélandais et que Jackie Marmon meurt quelques temps plus tard, donc je ne sais pas comment ce
00:52:53nom circule, mais c'est possible que ce soit de l'un à l'autre que ça se soit passé, et puis
00:52:59l'autre chose plus intéressante, enfin c'est des mises en abîmes infinies en fait, c'est que,
00:53:07mais non j'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais on sait que quand il était en
00:53:11Noël-Zélande en 1861, Diaper, il était au même endroit, il était dans la même région que ce
00:53:17Jackie Marmon et selon toute vraisemblance ils se connaissaient, à cause d'une archive particulière,
00:53:24voilà, donc qu'ils se connaissaient ces deux types là, parce qu'en fait si je peux vous le dire quand
00:53:31même, vous vous rappelez, je vous ai dit, il y a le libraire d'Auckland qui a racheté le deuxième
00:53:39le deuxième manuscrit en 1861, et ce libraire d'Auckland, dix ans plus tard, donc en 1872,
00:53:50il a publié le début de ce manuscrit dans le journal de Sydney, le début du manuscrit de
00:53:58Canibal Jack, là aussi c'est grâce au site que j'ai retrouvé ça, et il a décrit la scène, il a
00:54:04décrit la scène quand Canibal Jack a débarqué dans son bureau, a déposé le manuscrit en disant
00:54:09regardez, il dit, I'm Canibal Jack and this is the story of my life, il fait ça genre ok d'accord, et lui il le décrit, il dit
00:54:17oh là là il avait des yeux pas possibles et tout, bon ok on y est dedans, c'est tout à fait fascinant,
00:54:21mais ce qu'il dit, le libraire quand il raconte cette scène, il dit que quelques temps auparavant,
00:54:28quelques mois plus tôt, il était à bord d'un bateau avec ce bon vieux Jackie, l'autre, et que
00:54:37Jackie lui a raconté sa vie extraordinaire avec les maoris, ses festins canibales et tout ça,
00:54:43et que lui le libraire lui a dit, oh là là Jackie, tu devrais écrire l'histoire de ta vie, ok, trois
00:54:50mois plus tard, Diaper débarque, il pose le livre, et donc dans le dialogue, c'est vraiment écrit comme ça,
00:54:56il dit, je suis Canibal Jack et voici l'histoire de ma vie, et donc le libraire, il dit, pardon,
00:55:02oui de quoi s'agit-il, et il dit, vous n'avez pas dit à Jackie, il y a quelques mois, que vous
00:55:08vouliez l'histoire de sa vie, lisez donc la mienne, il écrit ça noir sur blanc, donc si Diaper sait
00:55:16que Jackie, enfin que le libraire a dit ça à Jackie, c'est que c'est Jackie qui lui a dit,
00:55:21comme ils habitent au même endroit, selon toutes ressemblances, ils se connaissaient,
00:55:25mais quand on cherche aussi, le nom Canibal Jack, il circule aussi, parce que ça correspond au
00:55:34fantasme du moment, et puis c'est très romanesque, je ne sais pas si les dialogues sont vrais, mais on
00:55:44dirait des punchlines, mais cette archive là, elle est formidable, il décrit, là je pourrais vous
00:55:52le dire, mais toutes les descriptions qu'il fait, il dit, c'était un petit bonhomme, qui n'était pas
00:55:58bien habillé, mais il avait un regard félin, et on sentait qu'il y avait une espèce de violence
00:56:07sauvage à peine contrôlée, enfin il décrit un truc comme ça, c'est vraiment, ses cerveaux sont
00:56:13pesants de cacahuètes. Chaque fois qu'il a débarqué d'un bateau, vous avez utilisé le terme de
00:56:22déserter, quelle réalité ça recouvre, parce que déserter, ça renvoie à la rupture d'un contrat,
00:56:31à la menace d'une poursuite, d'une capture, d'une exécution. C'était le terme qui était
00:56:42employé à l'époque, et c'était aussi un phénomène qui était extrêmement répandu sur les bateaux du
00:56:4919ème siècle, en particulier sur les balayniers, c'est à dire qu'on considère que je crois que
00:56:54quelque chose comme un tiers des équipages qui partaient, ne revenaient plus, et donc il y avait
00:56:59même un immense turnover, parce qu'à chaque étape, il y avait des matelots qui partaient,
00:57:04et puis il y avait d'anciens matelots qui avaient quitté des navires antérieurement, qui étaient
00:57:10réembauchés, donc il y avait un gros turnover, et donc je crois que c'était vraiment un phénomène
00:57:17massif, en tout cas ça s'est avéré par l'historiographie des balayniers, et de tout ça,
00:57:22il y avait des... s'ils étaient retrouvés, ça se passait mal, parce que par exemple,
00:57:28Caniba Jack, il a d'abord déserté à Nakety, à Kanala, mais il a été repris,
00:57:37et après il a été enchaîné sur le pont avec eau et pain sec, jusqu'à la nuit d'après, ils sont arrivés à
00:57:44Wailu, où il y a deux types qui l'ont dit, tu veux pas venir déserter avec nous, on y va,
00:57:48et ils sont partis comme ça, voilà, mais j'en sais pas plus, mais c'était pas du tout un mythe,
00:57:54le turnover des marins qui partent et qui reviennent, c'était très répandu,
00:58:02et puis on a peine à imaginer, je pense, les conditions de vie et de travail des marins sur
00:58:08les bateaux du 19e siècle, c'est-à-dire que quand on creuse un peu cette question, on se rend compte
00:58:12que c'était extrêmement dangereux, extrêmement violent, mais qu'il y avait aussi une
00:58:19lutte des classes entre les officiers et les simples matelots, qui était très fortement
00:58:26marquée, parce que, par exemple, les sévices physiques, le fouet pour les matelots, c'était un
00:58:32truc très répandu, ça a été interdit au milieu du 19e, mais ça a encore perduré longtemps, et donc
00:58:38il y avait par exemple plein de témoignages de marins qui comparaient la condition des marins
00:58:43à bord des bateaux à celle des esclaves aux Etats-Unis, parce que les trois quarts des bateaux
00:58:46c'était des bateaux américains, et ils disaient mais on n'est pas des esclaves, on n'est pas des
00:58:53noirs esclaves, donc on ne doit pas être traité de la même façon, il y avait tout ce truc-là,
00:58:57donc ces rapports de classes étaient tels que les gens partaient énormément, et ça me permet
00:59:05d'évoquer une autre chose, c'est que là j'ai dit que la vie de Canibajac, c'était incroyable,
00:59:09la façon dont il avait vécu dans les îles, c'était déjà incroyable qu'à 16 ans il ait quitté sa
00:59:15famille bien douillette pour devenir matelot à bord d'un bateau, parce que c'était déjà un
00:59:20dépaysement inimaginable, un déclassement tout à fait, mais qu'il avait voulu, parce qu'il se met
00:59:28toujours en danger, parce qu'il veut toujours changer, et c'est d'ailleurs pour ça qu'il a
00:59:32manifestement dès l'âge de 16 ans en fait il est devenu marin, donc il a témoigné d'un savoir-faire
00:59:38d'adaptation, qu'en fait ensuite il a redupliqué quand il est allé dans les îles, mais finalement
00:59:47en termes de déplacement social, en termes de changement d'univers, d'apprendre de nouvelles
00:59:53marques, un monde qui n'a rien à voir avec celui dont on vient, il avait déjà fait cette expérience
00:59:58vu son passé familial et scolaire, puis sa trajectoire de marin, donc il avait quand même
01:00:05une flexibilité comme ça pour renouveler sa vie, qu'il n'a pas cessé de mettre en oeuvre ensuite.
01:00:18Bonsoir et merci beaucoup. Vous avez tout à l'heure fait référence à un choix qui a été fait dans 19
01:00:25manuscrits si je me souviens bien, plus les deux manuscrits qui ne sont pas encore publiés,
01:00:29en conclusion, en final, on pense qu'il y en a combien ?
01:00:34Déjà ceux-là, c'est déjà pas mal, les 19 en fait, le livre de 1928, c'est donc trois des 19 cahiers qu'il a rassemblés,
01:00:47quand Hadfield a lu ça, il a tout de suite demandé à Reed où étaient les autres,
01:00:55où étaient les 19 autres, et c'est là où Reed lui a dit tous les papiers ont brûlé,
01:01:00c'est parti en fumée, apparemment, et donc, il dit autre chose aussi, ça me revient, il dit autre chose,
01:01:06il dit que quand il a fait la ruée vers l'or, il a écrit un manuscrit et il l'a perdu,
01:01:11donc il sera peut-être quelque part, le truc c'est qu'on sait pas si c'est la ruée vers l'or en
01:01:16Californie ou en Australie, alors j'ai décidé que j'allais pas chercher, j'avais pas creusé cette
01:01:21piste, parce que j'ai une vie quand même, donc je vais faire autre chose, mais peut-être qu'un jour
01:01:27surgira du fond de la Sierra Nevada ou du New South Wales ou de je ne sais où, un autre manuscrit,
01:01:34parce qu'il dit qu'il a, il dit au détour d'une page, j'ai écrit un manuscrit et je l'ai perdu
01:01:40aux diggings, comme on dit dans les mines, mais il dit pas à lesquelles, donc il y en a peut-être
01:01:47d'autres, et puis il y en a, mais bon, en tout cas, le fait d'avoir retrouvé celui du milieu Jack
01:01:52the Cannibal Killer qui avait été perdu, c'est déjà beaucoup, et c'est celui-là qui, pour la
01:01:57Calédonie, est de loin le plus précieux, mais ce que je vous ai dit par contre sur la fin de sa vie aux
01:02:02îles Loyauté, ça il ne l'a pas écrit, enfin, c'était dans les 19 cahiers qu'on brûlait,
01:02:07mais en tout cas, on n'a pas de traces de ça, et c'est vraiment dommage, parce qu'on aimerait
01:02:11savoir comment il est revenu en Calédonie comme un vieillard, à l'époque où la Calédonie n'était
01:02:16plus, c'était devenu une colonie bien serrée, même si aux îles c'était un peu différent,
01:02:24mais quand il est revenu à Roe en 1889, on était en plein dans les conflits entre l'administration
01:02:31et l'église protestante, et au sein de l'église protestante, entre les partisans du pasteur Jones,
01:02:35qui avait fait sécession des autres, et les partisans des pasteurs français, avec qui la
01:02:43grande chefferie de Guama était désormais alliée, donc il y avait de terribles fractions, de terribles
01:02:49scissions à l'intérieur de la zone précisée où il est arrivé, en lien avec l'articulation complexe
01:02:54du pouvoir politique et du pouvoir religieux, mais il n'a pas écrit sur ça à ma connaissance,
01:02:59donc on ne sait pas. Par contre, il y a eu beaucoup d'archives administratives et religieuses sur ce
01:03:05moment amarré, et sur cette zone, donc j'ai eu beaucoup d'espoir, je les ai lus, je les ai relus,
01:03:11je les ai recoupés, mais en fait, leurs auteurs ne parlaient que des conflits religieux, et lui,
01:03:17il était en dehors de ça, manifestement. Par contre, Gerry Humbert, il y a des choses sur lui,
01:03:22il y a des choses sur lui, parce qu'en fait, il était très proche du pasteur Jones, enfin pour
01:03:27ceux qui ne connaissent pas, je ne vais pas rentrer dans ces détails-là, mais après le départ du
01:03:31pasteur Jones, c'était Gerry Humbert qui a géré la gestion de la vente des biens du pasteur Jones,
01:03:36et il y a même des lettres de Gerry Humbert au pasteur Jones, mais qu'il n'y ait pas de Jacques,
01:03:42on ne sait pas. C'est une histoire parcellaire de toute façon.
01:03:46Excusez-moi, vous pourriez parler dans le micro, s'il vous plaît ?
01:03:54Il a été amnistié alors à la fin de sa vie, puisqu'il avait été condamné à mort quelques
01:03:58années plus tôt. Il y avait sans doute prescription, parce qu'il a été condamné en 1859,
01:04:02il est revenu en 1889, ça fait 30 ans, mais c'est surtout qu'il est revenu en Katimini,
01:04:07à Marais, en fait. Mais c'est peut-être à cause de ça que je n'ai pas retrouvé sa trace dans les
01:04:13actes de décès des citoyens de statut commun de Marais, parce qu'on n'a aucune trace de sa mort,
01:04:20enfin on a des traces indirectes, mais lui-même, normalement, il aurait dû être recensé dans les
01:04:26registres. S'il ne l'a pas été, c'est peut-être qu'il était un peu caché, et peut-être qu'il était
01:04:32un peu caché parce qu'il avait cette réputation. Parce que John Reed, dans sa lettre des années
01:04:3820 au pasteur Hadfield, lui dit, je crois qu'il y a très longtemps, il avait été condamné à cause
01:04:45de la vente d'armes dans le nord de la Calédonie. Si Reed dit ça dans les années 20, c'est que cette
01:04:53légende de Canibal Jack, ou en tout cas qu'il l'avait appris quand Canibal Jack était venu dans
01:04:59les années 80 à l'IFU, donc que cette mémoire était encore là. Peut-être que c'est pour ça que
01:05:05Canibal Jack, peut-être c'est aussi pour ça qu'il a fui les photos, mais c'est surtout peut-être
01:05:11pour ça qu'on n'a pas sa trace dans les archives, ce qui n'est pas normal. Si la colonie était aussi
01:05:16efficace qu'elle est censée l'être, ce qu'elle n'est jamais véritablement, parce que le résident
01:05:22il était à l'IFU, le résident français, le représentant de gouverneur, il était à l'IFU et
01:05:29que Rowe était une zone en très forte dissidence à cause des conflits religieux. Mais néanmoins c'est
01:05:35vrai qu'il n'y a rien de plus frustrant que de regarder les registres de décès de Marais, on sait
01:05:39qu'il est mort en 1891 d'après plusieurs témoins, on regarde, il n'y a rien. Il y a tous les autres mais il n'y a pas lui.
01:05:52Non mais c'est tout simplement, d'abord bravo, c'était vraiment passionnant. Et alors donc ton
01:05:59propre manuscrit, quand sera-t-il publié ? Parce qu'on attend ça avec une grande impatience, tu l'imagines.
01:06:05Joker ? Non, je suis en plein dans l'écriture et donc il devrait paraître en 2024-2025. Voilà,
01:06:19j'espère que la prochaine fois je pourrai venir vous le présenter. Mais sa vie est tellement immense
01:06:26qu'on ne sait pas, c'est très difficile de savoir comment traiter un sujet pareil. Et puis l'histoire
01:06:32de ces manuscrits est aussi fascinant que sa propre vie. Donc tu as envie de raconter tout ça en même
01:06:38temps, l'enquête dans l'enquête. Et en même temps les éditeurs ne sont pas très partants pour publier
01:06:43des livres de 2000 pages. Donc il faut trouver une solution. On y travaille mais voilà. En tout cas,
01:06:49je suis plongé dans l'écriture depuis le Covid en gros. Et donc j'espère que ça paraîtra bientôt.
01:07:00Voilà. Pour reprendre sur ce que vient de dire Christiane Therrier qui m'a enlevé les mots de la
01:07:07bouche, je voulais juste dire que c'était absolument addictif. Je ne sais pas si c'est
01:07:12un tâchement d'orateur ou si c'est les contenus, mais sans doute les deux. Mais quand tu m'avais
01:07:17parlé de ce sujet il y a 4 ans, je frétillais déjà, comme tu l'as dit si bien. Et je continue
01:07:23à frétiller et on est demandeur de la suite avec beaucoup d'intérêt. Et en guise de clin d'œil,
01:07:30je voulais peut-être rajouter qu'il serait peut-être bien d'envoyer à M. Emile Sen la captation de
01:07:37Calédonia ce soir. Ne serait-ce que pour lui montrer le monde qui était présent et l'intérêt que ça
01:07:42suscite, l'attente. Peut-être que son français s'est amélioré et qu'il comprendra que l'on a
01:07:47besoin de lui, en tout cas, qu'il nous fasse part de ce manuscrit. Et puis, tu l'as évoqué tout à
01:07:53l'heure, peut-être qu'on peut aussi évoquer les pistes diplomatiques. Peut-être même un peu plus.
01:08:01Nobel Cayenne pourrait peut-être se manifester, peut-être devenir un peu plus active auprès de
01:08:05ce monsieur qui détient un trésor national. Je pense qu'il n'y a pas d'autre mot. C'est alors
01:08:11un texte fondamental, absolument unique sur cette période. Je partage le même avis et c'était
01:08:17aussi pour ça que je voulais faire cette conférence. C'est effectivement un trésor
01:08:23national à préserver, je pense. On comprend déjà un rendez-vous quand le livre sera sorti,
01:08:30dans cette même salle, pour la suite des aventures. En tout cas, un grand merci à toi et un grand
01:08:36merci à vous d'être venus si nombreux. Et puis, pour la dernière de l'année, rendez-vous l'année prochaine pour un meilleur livre de la France.