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00:007h45, on revient avec vous sur l'actualité, bien sûr, et on vous propose de nous appeler pour en discuter.
00:0604-76-46-45-45 avec à l'invité du 6-9 France Bleu-Isère, Théo H, qui est un spécialiste du crime organisé.
00:12Bonjour Média Gérard.
00:14Bonjour, bonjour à tous.
00:16Merci d'être en direct ce matin sur France Bleu-Isère, spécialiste de la géopolitique, du crime organisé,
00:21mais vous n'êtes pas trop éloigné du terrain puisque vous avez fait une étude de terrain, quartier de la Ville-Neuve, à Grenoble, il y a 4 ans.
00:28D'abord, M. H. Gérard, comment vous voyez la période actuelle ?
00:31Une vingtaine de fusillades depuis le début de l'année dans l'agglomération grenobloise,
00:35à chaque fois ou presque liées au trafic de drogue.
00:38Comment on l'explique cette flambée de violences à Grenoble ?
00:42Déjà, malheureusement, on observe une dégradation de la situation sécuritaire dans toute la France, due au narco-banditisme.
00:52Ce n'est pas une particularité grenobloise ?
00:56Alors non, malheureusement, on retrouve ça dans d'autres villes, notamment à Nantes.
01:00Vous savez qu'à Nantes, il y a une vingtaine d'années, on ne retrouvait pas du tout des règlements de comptes comme on peut le voir aujourd'hui.
01:09Mais si, effectivement, on parle de Grenoble en particulier,
01:14ce qu'on peut dire c'est que c'est un territoire quand même connu du crime organisé depuis un certain temps,
01:18qui est bien connu en France.
01:20On a même une implantation de la mafia italienne,
01:22avec des mafieux italiens qui considéraient la région grenobloise comme une zone de repli.
01:28C'est-à-dire, lorsqu'ils étaient chassés ou bien par les forces de l'ordre en Italie,
01:32ou bien par un clon mafieux adverse,
01:34ils venaient notamment à Grenoble pour se réfugier.
01:37Alors, évidemment, ce n'étaient pas des acteurs du trafic de drogue à l'époque.
01:44Ils étaient surtout dans le plan chément d'argent.
01:48Ce qu'on peut dire aujourd'hui sur Grenoble, c'est qu'effectivement, c'est une ville étudiante.
01:52Qui dit ville étudiante, dit gros marché pour les trafiquants de drogue.
01:56On peut aussi dire qu'on a une situation géographique qui peut aussi faciliter le transit permanent de drogue,
02:02proximité de l'Italie, j'en parlais, proximité avec la Suisse,
02:06peut-être aussi des liens avec la région parisienne.
02:11On peut aller facilement de Grenoble à Paris.
02:13Donc, ceci explique qu'on a une situation de trafic de drogue qui est inquiétante.
02:18Mais alors, ce qui s'est passé ces derniers temps...
02:21C'est de pousser de la violence.
02:23C'est de pousser de la violence. Alors, en fait, paradoxalement,
02:27lorsqu'on a des enquêtes de la pôle judiciaire très poussées qui amènent à des arrestations,
02:32notamment de têtes du réseau,
02:34et bien, en fait, le point d'île est déstabilisé.
02:36Et donc, ça va amener de la violence.
02:38Ça peut amener de la violence.
02:40Une guerre de territoire, une guerre de clans.
02:43En tout cas, c'est ce que décrit le procureur de Grenoble, Éric Vaillant.
02:46On va détailler tout cela, Médhi Gérard, dans un instant.
02:49Je voudrais d'abord vous faire entendre Christelle,
02:52c'est une habitante de Grenoble.
02:54On l'a rencontrée dans La Marche Blanche, dimanche,
02:57en mémoire de Lilian Dejean.
02:58Et elle parle, justement, de cet impact du trafic de drogue et de la violence.
03:02Écoutez, et puis on en parle juste après.
03:04C'est de pire en pire.
03:05Et on ne peut plus sortir en étant en sécurité.
03:07On a peur de ce qui peut nous arriver ou n'importe quoi.
03:10Moi, je suis née à Grenoble, j'ai 48 ans, je suis née à Grenoble.
03:13Dans les années 80, ce n'était pas du tout comme ça.
03:15On discute avec les voisins, on sortait en toute...
03:19On n'avait pas peur de sortir, quoi.
03:21En toute liberté.
03:22Moi, j'habite à l'Abbaye, c'est un quartier qui craignait à l'époque.
03:25Jamais il n'y a eu ça, quoi.
03:27Alors, elle dit deux choses, Christelle.
03:28Elle dit d'abord, c'est de pire en pire à Grenoble,
03:32notamment du fait de cette déstabilisation,
03:34vous l'expliquez bien, de cette guerre de clans.
03:36C'est ça qui explique cette poussée de violence en partie.
03:40En effet, c'est-à-dire que là, il y a quelques semaines,
03:44depuis plusieurs semaines, ce qu'on observe, c'est que probablement on a...
03:48Parce qu'en fait, comment ça se passe quand une tête de réseau est arrêtée ?
03:52Soit les lieutenants vont reprendre le flambeau
03:56et la tête de réseau, le dealer, va quand même essayer de gérer le trafic depuis la prison,
04:01mais c'est un peu plus compliqué,
04:02même si on le sait, malheureusement,
04:04les téléphones portables en prison circulent très facilement.
04:06Il y a quand même une gestion qui peut se faire depuis la cellule.
04:10Ou bien les clans adverses, les équipes adverses,
04:14vont tenter de reprendre le point de deal.
04:17Et ça passe justement par des fusillades,
04:19notamment avec des kalachnikovs, qui est vraiment l'arme de prédilection.
04:22Et surtout aussi, un élément important que je peux évoquer ici,
04:26c'est qu'on a eu une évolution depuis la période Covid-19.
04:32Rappelez-vous, pendant la période de pandémie de Covid-19,
04:34on avait des confinements,
04:36et donc on avait une difficulté pour ramener la marchandise.
04:39La drogue ne pouvait pas arriver, notamment par GoFast,
04:42les frontières étaient fermées.
04:43Bon, même si pour la cocaïne,
04:46on va dire que les trajets de la cocaïne étaient un peu moins impactés
04:48parce que ça venait quand même par bateau, etc.
04:50Mais ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu un développement du drive,
04:53les livraisons à domicile.
04:56Et après, le retour à la normale à l'issue de la pandémie.
05:00Ubercheat, notamment, on en a parlé pas mal pendant le Covid-19, effectivement.
05:05Exactement, et en fait, c'est resté.
05:06C'est resté après le retour à la normale à l'issue du Covid-19.
05:11Et donc, concrètement, une des conséquences,
05:14c'est que lorsque vous récupérez un point de deal,
05:18vous récupérez aussi une liste de clients.
05:21Oui, de consommateurs.
05:23De consommateurs, puisque l'ubérisation du trafic
05:30a fidélisé quelque part la clientèle.
05:32Avant, on avait quand même une clientèle plus volatile.
05:34Et maintenant, avec cette possibilité du drive,
05:36ça fidélise un peu plus le client.
05:38Et donc, c'est un marché qui s'accroît.
05:43On le constate aussi.
05:45Enfin, on le constate.
05:46En tout cas, il y a des réactions sur notre page Facebook, Mathieu.
05:48Tout à fait.
05:49Alors, je vous rappelle que vous pouvez nous appeler.
05:51Je vous propose de le faire dès maintenant pour avoir le temps de réagir
05:54et puis de témoigner aussi.
05:550476 46 45 45.
05:57Avec un sujet peut-être qui vous touche,
06:01ce trafic de drogue et cette activité criminelle,
06:03dirons-nous, principalement à Grenoble.
06:06On a des réactions, effectivement,
06:07Soazic sur la page Facebook.
06:08On le disait avec un esprit de...
06:10Oui, un peu.
06:14On a d'abord le témoignage de Corinne
06:16qui nous dit qu'elle est contente
06:17d'avoir quitté le centre-ville de Grenoble.
06:19Elle habitait dans le quartier Notre-Dame avant
06:21et elle a vu le quartier se dégrader d'année en année.
06:24Et puis, effectivement,
06:26des auditeurs un peu désabusés,
06:28on va dire ça comme ça.
06:29Quel endroit n'est pas gangréné par la drogue ?
06:32Quelles mesures pour arrêter ça ?
06:33Nous dit Éliane.
06:34Et puis, comment enrayer radicalement cette économie illégale ?
06:38Quels moyens mettre en plus de ceux actuels ?
06:40Se pose aussi Olga ce matin sur la page Facebook de François Isard.
06:44Un marché qui s'accroît,
06:45on le comprend bien avec vous,
06:46mais dit à Gérard.
06:46Et puis, avec ses commentaires.
06:47Et puis, je reviens au témoignage de Christelle aussi
06:50qui disait que par rapport aux années 80,
06:52la situation s'était dégradée.
06:53Il y avait plus de violences.
06:54C'est un peu ce que dit Corinne aussi.
06:57Mais dit à Gérard,
06:57est-ce que ça, effectivement,
06:59on le voit, est-ce qu'il y a une différence de violences ?
07:01Est-ce qu'il y a plus de violences aujourd'hui
07:03liées au trafic de drogue qu'il y a 30 ou 40 ans ?
07:07Alors, ce que je pourrais dire sur cette problématique,
07:09sur cette question,
07:11c'est qu'on peut penser qu'aujourd'hui,
07:13donc les nouvelles générations de dealers
07:16semblent moins sensibles à la violence brutale.
07:22Ils utilisent plus facilement des armes.
07:25Alors, effectivement,
07:26et surtout qu'en plus,
07:26l'accès aux armes est beaucoup plus facile aujourd'hui
07:29qu'auparavant,
07:30beaucoup plus facile.
07:32On peut même trouver sur internet
07:36assez aisément des armes de guerre.
07:39Je rappelle quand même qu'on retrouve des armes de guerre
07:43dans les CTHLM,
07:44notamment à la Ville-Neuve de Grenoble.
07:47On a aussi une génération qui semble plus perdue
07:50dans le sens où elle est vraiment
07:54dans une machination ultra-capitaliste.
07:56C'est-à-dire qu'en fait,
07:57les dealers d'aujourd'hui ont très bien compris
07:59les mécanismes du capitalisme,
08:01c'est-à-dire comment faire le plus de profit possible.
08:03Oui, les livraisons à domicile, c'est ça.
08:05S'adapter au marché.
08:06C'est un exemple.
08:07Exactement, c'est tout à fait ça.
08:09Alors qu'auparavant,
08:10on était sur des logiques de trafic de drogue,
08:14mais qui étaient moins poussées
08:16et moins considérées comme des entreprises véritablement.
08:19Vous, vous avez constaté cette dégradation,
08:22notamment dans le quartier de la Ville-Neuve.
08:23Vous avez fait une enquête en 2019.
08:25C'est ce que vous disiez,
08:26ce que vous racontez les habitants ?
08:28En effet, ce qui m'avait personnellement marqué,
08:32peut-être que les auditeurs pourront réagir
08:36à ce que je vais dire,
08:37mais en fait, à la Ville-Neuve de Grenoble,
08:39il y a peut-être des territoires
08:40qui étaient moins valorisés que d'autres.
08:42Puisque globalement, la Ville-Neuve,
08:44donc c'est un projet qui est né en 65
08:46par les municipalités de Grenoble et des Chirol.
08:50L'objectif, c'était de créer un quartier moderne
08:53avec une mixité sociale.
08:56Mais moi, quand je me suis rendu à la Ville-Neuve en 2019,
08:59j'ai constaté notamment que le quartier de l'Arlequin
09:04était bien moins valorisé que d'autres secteurs de la Ville-Neuve.
09:09Alors effectivement, je ne suis pas retourné depuis.
09:11À l'époque, quand vous alliez à l'Arlequin,
09:14effectivement, c'était un endroit qui n'était pas attrayant
09:18et qui ressemblait à un coupe-gorge, plus ou moins.
09:21– Et c'est là, effectivement,
09:23qu'est très implanté le trafic de drogues également.
09:26On a justement une réaction au Standard de France Blizzard.
09:28– Nicolas nous appelle de vif.
09:29Bonjour Nicolas.
09:30– Oui, bonjour.
09:32– Nicolas, en l'occurrence,
09:33on va aussi parler d'un coin très concerné,
09:36puisque vous travaillez à Echirol
09:38et vous avez constaté tout ça au quotidien.
09:42– Voilà, c'est ça, je travaille depuis 30 ans à Echirol
09:45et régulièrement, quand je rentre du travail autour de 6h, 6h30,
09:52je vois de plus en plus de jeunes,
09:54jeunes ou pas jeunes, je ne sais pas,
09:56mais qui naviguent avec des motos électriques
10:02pour faire la livraison de drogues
10:06et ça devient quelque chose de plusieurs maintenance.
10:10Ce qui me choque, c'est qu'à temps,
10:12je le trouve pratiquement normal, cette situation.
10:14– Vous y êtes habitué ?
10:15– Ça devient tellement régulier,
10:18alors bien sûr, je ne respecte pas les feux,
10:21régulièrement, je risque des accidents avec eux
10:25et je trouve que vraiment la situation,
10:28en 30 ans, elle est devenue très, très grave.
10:29– Oui, on entend bien cette habitude aussi,
10:33c'est rentré presque dans les habitudes.
10:35Merci beaucoup Nicolas de nous avoir appelés
10:37et puis merci Média Gérard d'avoir été en direct avec nous ce matin,
10:41spécialiste de la géopolitique du crime organisé.
10:44Vous avez mené une enquête de terrain aussi à la Ville-Neuve de Grenoble,
10:48il y a 4 ans.
10:48Merci beaucoup d'avoir été en ligne avec nous, belle journée.