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00:00Bonjour Damien Lecomte, vous êtes docteur en sciences politiques à l'université parisien Panthéon-Sorbonne.
00:06Ce gouvernement est jugé plus à droite que le précédent, mais est-ce qu'il n'est pas l'aboutissement logique du glissement vers la droite, du macronisme ?
00:14En un sens oui, c'est-à-dire que c'est la première fois depuis la première élection d'Emmanuel Macron qu'il y a cette fois-ci une vraie coalition post-électorale avec le parti Les Républicains.
00:23C'est d'ailleurs assez impressionnant de voir que ce parti, qui jusqu'à très récemment refusait catégoriquement toute idée de coalition avec les macronistes,
00:30finalement, mis devant le fait accompli de la nomination de Michel Barnier, a accepté assez facilement de constituer ce gouvernement dans lequel ils occupent à peu près la moitié des postes.
00:39Mais c'est vrai que d'un point de vue purement idéologique, ça n'est pas très surprenant, puisqu'on a vu que depuis 2017, le macronisme s'ancrait dans une orientation plutôt à droite,
00:47plutôt proche de ce qu'était l'orientation de François Fillon en 2017. Et donc là, on a un peu un aboutissement de cette fusion politique, quasiment en tout cas de cette alliance politique avec la droite.
00:55Et les macronistes s'en sortent bien ? Ils restent les plus nombreux.
00:58Oui, c'est évidemment assez inespéré quand on regarde le résultat des élections législatives où la gauche a décrit ce gouvernement comme une alliance de perdants.
01:05C'est assez juste dans le sens où le résultat des élections législatives, ça avait été au premier tour en particulier une sanction très claire de la coalition présidentielle sortante,
01:12qui était arrivée à troisième, assez loin derrière, et les républicains qui étaient encore plus loin derrière.
01:16Donc là, effectivement, ils ont été sauvés un peu par le fond républicain dont la gauche a été motrice et qui a majoritairement bénéficié aux macronistes et en partie aux républicains.
01:24Et donc là, aujourd'hui, c'est cette alliance des perdants, en quelque sorte, qui forme ce nouveau gouvernement.
01:28Ce qui est assez ironique, d'ailleurs, c'est que si cette coalition avait existé avant la dissolution, lors des deux précédentes années, lors de la précédente législature,
01:36elle aurait eu la majorité absolue. Là, aujourd'hui, cette coalition se forme à un moment où elle a une majorité très, très relative, d'à peine 210 députés.
01:43Et surtout, c'est le fait majeur où elle doit compter sur la tolérance du Rassemblement national.
01:48Oui, c'est sous surveillance du RN. En tout cas, le gouvernement dépend, sa survie dépend du Front National, du Rassemblement national.
01:56En ce qui concerne les domaines réservés du président, les affaires étrangères et la défense, c'est-à-dire les ministres Sébastien Lecornu et Jean-Noël Barraud,
02:04ils seront aux ordres du président ?
02:06Alors, c'est compliqué à dire. On n'est pas dans une situation de cohabitation, puisque, clairement, la coalition présidentielle participe pleinement à ce gouvernement.
02:13Mais Emmanuel Macron a laissé entendre qu'il laisserait plus de marge de manœuvre à ce gouvernement qu'au précédent.
02:18Néanmoins, c'est vrai que la tradition, même si ce n'est pas vraiment ce qui est écrit dans le texte constitutionnel,
02:23mais la tradition et la pratique veulent que la politique extérieure soit gérée directement par le président de la République.
02:29Et en période de cohabitation, c'est non pas un domaine réservé, mais un domaine plutôt partagé entre le Premier ministre et le président.
02:34C'est le terme qu'a employé Michel Barnier.
02:36Absolument. Et le fait que les deux ministres en charge de ces secteurs soient issus de ce qu'on appelle le bloc central et de la coalition macroniste
02:43laisse supposer que, effectivement, le président continuera à être associé dans ces secteurs,
02:49même s'il reste à voir dans quelle mesure Michel Barnier aura une certaine autonomie sur ces secteurs-là et sur la politique gouvernementale en général.
02:55Merci le jeune macroniste également. Antoine Armand est donc nommé.
02:59Du coup, est-ce que le Premier ministre Michel Barnier a rattaché le ministère du Budget à Matignon ?
03:06Michel Barnier, on voit que c'est une question de la politique économique qui avait un vrai sujet au moment de la formation du gouvernement
03:11et qui s'est joué presque à front renversé.
03:13C'est-à-dire que Michel Barnier semblait être prêt à davantage augmenter les impôts sur les plus riches pour résoudre les problèmes de déficit public.
03:20Il a parlé de justice fiscale ?
03:22Absolument. Il a parlé même de justice fiscale, là où Emmanuel Macron, mais aussi Gabriel Attal et la majorité du bloc central
03:27étaient vraiment arc-boutés sur le maintien de leur héritage politique, qui étaient les baisses d'impôts, en particulier pour les classes supérieures et les classes moyennes.
03:34Donc semble-t-il que Gabriel Attal a dit qu'il avait obtenu de ne pas avoir de hausses d'impôts sur les classes moyennes,
03:40ce qui laisse supposer qu'il ne s'interdit pas d'accepter des hausses d'impôts sur les classes les plus aisées.
03:47Mais voilà, on voit que c'est sur ce point-là qu'il y a un rapport de force peut-être entre Michel Barnier et Emmanuel Macron,
03:52entre le bloc central et les Républicains, même si les deux camps d'ailleurs ne sont pas totalement unis sur ce sujet-là.
03:58C'est là qu'il peut y avoir potentiellement le plus de frictions, et c'est intéressant de voir qu'il joue un peu à front renversé d'ailleurs sur ce sujet-là.
04:03Et on va y revenir au budget, mais comment il faut-il, en continuant dans les nominations, à des postes importants,
04:09comment faut-il interpréter la nomination d'Annie Jeuneté, qui est sans expérience spécifique au ministère de l'Éducation nationale ?
04:16On voit que ce ministère de l'Éducation nationale pose de vraies difficultés à Emmanuel Macron depuis sa réélection.
04:25C'est-à-dire qu'on a eu un Jean-Michel Blanquer qui a géré ce ministère pendant cinq ans, pendant tout le premier quinquennat,
04:30et depuis on a eu une succession de ministres, avec Papandière qui était plutôt issu de la gauche et qui a eu beaucoup de mal à se faire une place,
04:36Gabriel Attal qui restait brièvement avant de devenir Premier ministre, et surtout l'épisode assez désastreux d'Amélie Oudek, etc.,
04:43qui a laissé de très mauvais souvenirs.
04:46Et ensuite, Nicole Belloubet.
04:47Et ensuite, Nicole Belloubet, jusqu'à aujourd'hui.
04:49Donc on voit que ça a été très difficile de stabiliser le choix de quelqu'un pour ce ministère,
04:53et on peut penser que ce ministère était un peu une variable d'ajustement dans les équilibres entre LR et la coalition centriste,
04:59et d'où le fait de la nomination d'une ministre qui n'est pas spécifiquement réputée sur ce secteur-là.
05:05Et est-ce que, finalement, le vrai ministre de l'Éducation nationale, ce n'est pas le président Emmanuel Macron ?
05:09On sait que le président a eu un intérêt particulier pour ce secteur-là.
05:13On a souvent dit, d'ailleurs, que son épouse aussi, Brigitte Macron, avait un intérêt particulier pour ce secteur en tant qu'enseignante elle-même.
05:20Donc oui, on peut penser que sur ce domaine-là, comme sur d'autres, Emmanuel Macron gardera un œil, en tout cas, sur les politiques qui seront menées.
05:27Il reste aux affaires.
05:29Ce qui marque le plus ce nouveau gouvernement à droite, c'est la figure de Bruno Rotaillot,
05:34ancien directeur de campagne de François Fillon, qui voulait durcir la loi asile-immigration,
05:39et qui jugeait l'ancien gouvernement de Gabriel Attal trop laxiste.
05:43Alors maintenant qu'il est ministre, est-ce qu'il va se recentrer ?
05:47Peut-être que par la force des choses, il va adoucir un petit peu, arrondir les angles.
05:52Mais c'est vrai qu'il est la figure marquante de cette droitisation du gouvernement.
05:55De manière générale, on a vu dans votre reportage que la plupart des ministres issus de LR étaient effectivement sur une ligne assez dure
06:00en matière d'environnement, de droits des femmes, de droits des personnes LGBT.
06:04Sur tout un ensemble de sujets, et d'immigration et d'identité nationale en particulier,
06:08on voit qu'il y a eu une droitisation de ce gouvernement avec des membres plutôt issus de l'aile droite du gouvernement.
06:14Sans doute que par la force des choses, ils vont un peu arrondir les angles en tant que membres de ce gouvernement.
06:19Mais il faut voir aussi qu'encore une fois, ce gouvernement va être dépendant de la non-censure du RN pour se maintenir.
06:25Et c'est probablement aussi vers le RN qu'il va devoir chercher des voies pour faire adopter les textes qu'il pourra faire adopter.
06:30Donc on peut imaginer que... De toute façon, c'est un peu pour ça que c'est Michel Barnier, un membre des Républicains, qui a été nommé.
06:36C'est pour être un peu au point d'équilibre entre la coalition dite « bloc central » et l'extrême droite.
06:41Donc sans doute qu'ils vont devoir se modérer. Mais malgré tout, il va quand même falloir chercher des voies du côté du RN.
06:47— Est-ce qu'on peut dire que l'extrême droite soutient ce gouvernement comme la corde soutient le pendu ou pas ?
06:54— Oui, en un sens. C'est-à-dire que... Alors on verra du coup ce qui se passera lorsque la gauche déposera une motion de censure.
06:59Donc la plus probable, actuellement, c'est que le RN ne la vote pas. Ce qui veut dire que, d'un point de vue technique,
07:03il y a un peu une sorte de soutien sans participation. En tout cas, il tolère l'existence de ce gouvernement tout en étant officiellement dans l'opposition.
07:10Mais il est vrai que, du coup, Marine Le Pen et le RN se deviennent un peu maîtres du calendrier, puisque le gouvernement tombera...
07:16Lorsqu'elle le décidera, le jour où le RN décide de voter une motion de censure déposée par la gauche, à ce moment-là, le gouvernement tombera.
07:23Donc c'est elle, aujourd'hui, qui est un petit peu la maîtresse des horloges et qui peut décider de faire tomber le gouvernement,
07:28peut-être après le budget, avant l'été prochain, quand il sera à nouveau possible de dissoudre l'Assemblée nationale.
07:33On ne peut pas savoir aujourd'hui. Mais en tout cas, elle a une certaine maîtrise du calendrier aujourd'hui.
07:36— Et il va y avoir justement deux tests. Alors d'abord le budget, vous le disiez, ensuite l'immigration.
07:41Et en ce qui concerne le budget, les économies, elles vont être difficiles à faire passer, notamment si c'est la sécurité, la justice, la santé,
07:49l'éducation, la recherche. Où est-ce que vont se faire les coupes ? Où est-ce qu'il y a du grain à moudre ?
07:55— Alors d'abord, comme on l'a vu, il y a déjà la question des recettes, où effectivement, il y a ce rapport de force dans la coalition
07:59sur est-ce qu'on peut aller chercher de nouvelles recettes en augmentant les impôts sur les catégories supérieures.
08:05Mais oui, la question des coupes va être essentielle, parce que de fait, ils vont sûrement expliquer qu'il y a certaines dépenses qui sont inutiles,
08:14certaines GAPJ dans certains secteurs. Mais dès qu'on entre dans le concret, ça devient toujours plus compliqué.
08:18Alors la politique du rabot qui consiste à tout baisser de façon proportionnelle, ça provoque toujours des mécontentements.
08:23Et ça paraît toujours la solution de facilité et dénuée de pertinence. Mais dès qu'on s'interroge sur quelles dépenses on doit baisser,
08:32eh bien évidemment, on voit que tous les sujets sont importants et que tous les sujets vont rencontrer des résistances avec des secteurs publics
08:40qui sont déjà en difficulté. Donc ça va être un test très important, surtout que l'usage d'un 49.3 sur le budget cette fois-ci
08:46pourrait être un peu risqué, compte tenu du fait que l'ORN, du coup, resterait maître de l'adoption ou pas de ce budget, si jamais il votait la censure.
08:54Et parallèlement, il y aura le vote de financement de la Sécurité sociale.
08:57Ça sera un test pour la nouvelle ministre de la Santé, Geneviève Darriussec, qui est la sixième ministre de la Santé.
09:03Oui, là aussi, la santé comme l'éducation, c'est effectivement un ministère qui a connu un certain turnover ces dernières années,
09:09avec des ministres, d'ailleurs, parmi ses prédécesseurs, un Aurélien Rousseau qui, entre-temps, a été en désaccord avec le macronisme,
09:16tellement qu'il est désormais dans le Nouveau Front Populaire.
09:19Donc oui, la santé, en fait, le budget de l'État et le budget de la Sécurité sociale, qui sont les deux grands tests qui définissent,
09:25généralement, par tradition, les contours de la majorité et de l'opposition, parce que, de fait, par nature, ils sont un peu transversaux
09:30et qu'ils déterminent la politique générale du gouvernement.
09:32Donc ça va être de vrais grands tests qui vont vérifier si ce gouvernement barnier est capable de tenir l'équilibre entre son aile gauche,
09:39si on peut dire, qui est le bloc central, avec y compris des macronistes qui se revendiquent à avoir une sensibilité sociale et progressiste,
09:45et un rassemblement national dont il aura besoin qu'au moins ils s'abstiennent de s'opposer à ce texte.
09:51En sachant que la FHF a demandé une augmentation, qui est dirigée sous la coupe d'Arnaud Robinet, une augmentation de 4%,
09:57et que les hôpitaux sont en déficit record de 2 milliards d'euros.
10:01Les poids lourds, maintenant, qui ne sont pas dans le gouvernement.
10:04Eux, ils préparent la prochaine élection présidentielle en 2027, ou avant.
10:10Ils vont soutenir le gouvernement, mais au fil des mois, est-ce qu'ils ne vont pas avoir tendance à faire entendre leur petite musique, à se démarquer ?
10:17Probablement, parce que oui, ils vont soutenir le gouvernement, ne serait-ce que pour montrer qu'ils ont un esprit collectif.
10:23C'est-à-dire que ce serait évidemment très mauvais genre de montrer qu'on souhaite l'échec d'un gouvernement pour prospérer sur l'échec.
10:28Évidemment, il faut la jouer collective, il faut montrer qu'on est derrière ce gouvernement.
10:31Mais il est évident que lorsqu'on a un président qui ne peut plus se représenter pour un troisième mandat,
10:36et que par ailleurs, il est désormais très affaibli par cet échec aux élections législatives,
10:40même s'il parvient à sauver les meubles avec cette coalition avec les Républicains,
10:43évidemment que maintenant, la course pour la prochaine élection présidentielle est lancée.
10:46Et on a vu que la déclaration un peu surprenante, un petit peu à contre-temps d'Edouard Philippe pour la présidentielle,
10:52suggérait que certains pensent qu'une démission d'Emmanuel Macron avant le terme de son mandat n'est pas qu'une hypothèse d'école.
10:58Donc on voit qu'effectivement, les poids lourds qu'on a cités, Edouard Philippe,
11:02et Gabriel Attal, François Bayrou, et Laurent Wauquiez pour la droite,
11:06puisque du coup, il y a maintenant cette coalition qui rassemble les macronistes et la droite,
11:11et désormais, il y a des présidentielles dans chacun des deux camps.
11:13Tous ces présidentielles qui partagent désormais la responsabilité du gouvernement
11:17ont évidemment un œil sur une prochaine élection présidentielle qui pourrait arriver plus tôt qu'en 2027.
11:22Un mot de Rachida Dati. Elle reste à la culture, mais son objectif principal, c'est la mairie de Paris.
11:28Oui, et Rachida Dati, d'ailleurs, elle peut se satisfaire de voir que cette coalition se réalise, finalement,
11:32puisqu'elle qui vient de LR et qui, bien que par le passé, ayant critiqué le macronisme,
11:36a fait ce pas de rejoindre le gouvernement d'Emmanuel Macron.
11:41Désormais, elle peut considérer qu'elle est...
11:45On lui donne raison, finalement, du côté de la droite en faisant cette coalition.
11:51Elle a été une des premières à rejoindre.
11:53Vous savez à quoi correspond la mission du nouveau ministère de la coordination gouvernementale,
11:59avec à sa tête Marie-Claire Carhergé ?
12:01Pas exactement, non. J'imagine que du coup, comme il y a une coalition post-électorale,
12:06on peut se dire que les relations avec le Parlement et les relations internes dans ce gouvernement
12:10entre ces parties qui n'avaient pas travaillé ensemble jusqu'à présent vont être particulièrement difficiles.
12:15D'où le besoin de se coordonner.
12:17Et on verra quels sont ces moyens d'action.
12:19On verra quels sont ces moyens d'action, effectivement.
12:20Une dernière question. Vous pensez que ce gouvernement va pouvoir tenir jusqu'en juin prochain ?
12:24Les paris seront ouverts.
12:26Tout dépend, comme on l'a dit, de Marine Le Pen.
12:28Le plus probable, à mon avis, serait qu'il survive au budget,
12:32même s'il parvient en tout cas à respecter certains équilibres
12:35et que le RN veuille montrer une certaine respectabilité en ne le faisant pas tomber trop tôt.
12:40Mais à partir de 2025, effectivement, tout dépendra de la bonne volonté du RN
12:45qui pourrait avoir envie de le faire tomber plus tôt.
12:47Mais en tout cas, c'est vrai que l'échéance, en particulier de la prochaine dissolution possible,
12:51donc pas avant juillet 2025, peut-il survivre au moins jusque là ?
12:54C'est la grande question.
12:56Merci beaucoup, Damien Lecomte, pour votre analyse sur France 24.
12:59Merci à vous.

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