• il y a 3 mois
Journée spéciale "Santé mentale" sur France Inter. À 7h50, l'humoriste Constance est l'invitée de Sonia Devillers. Son spectacle "InConstance", dans lequel elle raconte son burn-out et sa dépression, est actuellement joué à la Comédie de Paris, puis en tournée dans toute la France. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-25-septembre-2024-9886826

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00:007h49 Sonia De Villers, dans le cadre de cette journée dédiée à la santé mentale, vous avez
00:05choisi le témoignage d'une humoriste que nos auditeurs connaissent bien.
00:10Parce qu'elle faisait partie, Nicolas, de la bande à Charline à 17h. Enfin, jusqu'à ce qu'elle disparaisse de l'antenne.
00:17Burn out, on nous a dit, et puis non, en fait, c'était plus grave que ça.
00:23Finalement, elle est revenue. Là, elle a craché une chronique pour raconter l'enfer dont elle émergeait à peine.
00:30Ses 6 minutes 30 de radio, tellement crades, tellement belles, tellement gênantes, je ne les oublierai jamais.
00:37Depuis, elle en a fait un spectacle et le public en pleure de rire. Salut Constance !
00:43Bonjour !
00:44Racontez, c'est d'abord affirmer haut et fort que même de l'enfer, on peut revenir.
00:49Oui, absolument. Je voulais vraiment véhiculer un message positif, en fait, par rapport à tout ça.
00:56Je voulais dire, oui, d'accord, c'est une maladie terrible, mais on peut vivre avec.
00:59Et d'ailleurs, la bipolarité, c'est un million de personnes en France.
01:02Et ça peut très bien se passer quand on est stabilisé.
01:05Quels sont les premiers symptômes ?
01:07Ceux qui vous font dire que peut-être vous pourriez mourir à l'Ibis Hôtel de Besançon.
01:13Alors, j'étais très loin de me dire que j'étais bipolaire.
01:16J'étais juste fatiguée, officiellement.
01:19C'est le principe de burn-out, en fait, c'est qu'on a l'impression d'être sur-efficace.
01:22Et quand on tombe, on se dit bon, je suis fatiguée, je suis très fatiguée.
01:24Et on a des phrases qui tournent en boucle dans la tête.
01:26Mais...
01:27Lesquelles, par exemple ?
01:28Moi, en fait, c'était je travaillais tout le temps que je suis restée bloquée sur le fait que je n'avais pas le temps de faire une lessive.
01:33Et je disais, je ne peux même pas laver mes slips, je ne peux même pas laver mes slips.
01:36Donc, c'est assez rigolo.
01:37Mais non, en fait, c'était une boucle infernale.
01:39Le problème, justement, c'est que quand on est une fille rigolote, qu'on est payée pour être rigolote,
01:44qu'on vit de sa rigolotitude, c'est encore plus difficile d'accepter qu'on est fatiguée et qu'en fait, on est triste.
01:51Oui, parce qu'il y a encore une espèce d'avis populaire du fait que quand on travaille dans le divertissement,
01:57c'est que du plaisir, en fait.
01:59On travaille que le soie ou on rigole ou c'est sympa.
02:02Mais en fait, oui, c'est beaucoup de boulot derrière.
02:04Parce qu'une grosse moitié du spectacle consiste à reconnaître, à admettre, à accepter.
02:10Ah oui, je pense que...
02:10Il ne se reste que de s'arrêter.
02:12C'est ça.
02:13En fait, on n'est même pas en train de parler de la maladie mentale, on est en train de parler du burn-out.
02:17Du fait que tant qu'on n'a pas admis que c'était un burn-out, que c'était une dépression, etc.
02:21On est dans le déni, on essaie de forcer.
02:23Moi, très longtemps, j'ai cru que c'était de la faiblesse.
02:25En fait, je me disais, mais moi, non.
02:27Et on accuse les médecins d'inventer des maladies.
02:29C'est ça.
02:31Moi, ça a été plus l'inverse.
02:32C'est-à-dire que c'est les médecins dégénéralistes qui m'ont dit que j'étais juste fatiguée,
02:36qu'il fallait faire du yoga, etc.
02:37C'était hyper dangereux.
02:38Et c'est une amie qui m'a dit, écoute, moi, je suis dépressive, je prends des médicaments.
02:41Sinon, c'est dangereux.
02:42J'ai déjà fait des tentatives de suicide.
02:44Et j'ai commencé à l'écouter.
02:45Parce qu'elle me disait, pourquoi tu ne prends pas les médicaments ?
02:47Je disais, mais ça m'embrouille le cerveau.
02:49C'est pour les faibles.
02:50Moi, je ne fais pas de la dépression, je suis juste fatiguée.
02:52Et non, en fait, c'est la dépression, c'est une maladie.
02:54Il faut absolument se soigner, sinon c'est dangereux.
02:56Ça peut être l'étale, vraiment.
02:58Franchement, vous êtes bipolaire.
03:01Vous ossiez entre des hauts et des bas.
03:04Vous allez nous expliquer.
03:05Vous êtes instable.
03:06Mais comment on peut être instable et s'appeler Constance ?
03:10La vie est quand même rigolote.
03:14Non, mais apparemment, c'est une blague qui se prépare depuis un moment.
03:17Puis là, ça y est, elle a éclaté au grand jour, c'est ça ?
03:20En effet, soit la vie vous a fait une énorme blague,
03:22soit il y avait un petit terrain familial,
03:26mais ça relève du déni total.
03:31Oui, c'est ça.
03:32Et puis, c'est le domaine de l'oxymore, de l'ironie, etc.
03:36Donc, il y a un petit terrain familial.
03:37Oui, oui, moi, j'avais une grand-mère qui était maniaco-dépressive,
03:40à une période où on ne soignait pas encore correctement la bipolarité.
03:44On n'avait pas encore les bonnes molécules.
03:45C'est le début du lithium.
03:47Et malheureusement, cette grand-mère,
03:49qui a fait des tentatives de suicide toute sa vie,
03:51a réussi à mettre fin à ses jours à un moment.
03:55Et je ne sais pas, moi, j'ai eu tout ce bagage familial,
03:57ma mère fait de la dépression aussi,
03:59où j'ai essayé de me dire que j'étais différente, j'étais différente.
04:02Elle vous a appelée Constance.
04:04Elle voulait que vous soyez différente.
04:07La double peine de la maladie mentale, dites-vous.
04:11En quoi double ?
04:13Parce que c'est très difficile physiquement, mentalement, de s'en sortir.
04:16C'est terrible.
04:17Je n'ai jamais connu une pire douleur,
04:20une épreuve aussi terrible que la dépression.
04:24Moi, je voudrais que vous expliquiez ça,
04:25parce que ça, c'est très difficile à comprendre.
04:28L'idée que ça fait mal,
04:30que la souffrance psychique, que la souffrance morale, ça fait mal.
04:34J'étais la première à dire à ma mère, qui faisait de la dépression depuis des années,
04:35secoue-toi.
04:36C'est terrible de dire ça.
04:38Et tant qu'on n'a pas traversé cette épreuve,
04:40on ne peut pas comprendre.
04:41La dépression, ça fait mal physiquement.
04:43On a l'impression d'avoir été roué de coups par une barre de fer.
04:46On ne peut plus bouger.
04:48On ne peut plus respirer, on ne peut plus lever les yeux, on ne peut plus manger.
04:51On ne peut plus réfléchir.
04:53On n'a plus de force de vie, on est mort à l'intérieur.
04:56Et si jamais on n'est pas encadré,
04:57s'il n'y a pas de la famille, s'il n'y a pas des médecins,
05:00s'il n'y a pas les pompiers qui viennent vous récupérer,
05:02s'il n'y a pas les gens qui sont là pour vous tenir la main, les infirmiers,
05:04on est mort, vraiment.
05:06Il faut accepter, il faut être vraiment, vraiment très reconnaissant.
05:10Il y a beaucoup de gens qui sont là pour vous aider.
05:12Et vous, vous vous êtes senti mourir ?
05:14Parce que des tentatives de suicide, vous en avez fait à votre tour.
05:17Même une à l'hôpital.
05:19Oui, et j'ai envie d'en parler parce qu'en fait le suicide,
05:21ce n'est pas de la lâcheté, ce n'est pas de l'égoïsme, c'est un symptôme.
05:25Il faut arrêter de mettre toute cette honte autour de la tentative de suicide.
05:28Il n'y a rien de plus violent.
05:31Il y a un soupçon d'égoïsme ?
05:33Pas du tout.
05:34Un soupçon d'égoïsme de l'extérieur, de l'entourage ?
05:37Oui, mais bien sûr, il y a des gens qui ont arrêté de me parler
05:41parce qu'ils ont trouvé ça impardonnable de faire ça.
05:44Ils m'ont dit « Mais comment tu as pu faire ça ? C'est dégueulasse de faire ça.
05:47Tu te rends compte du mal que tu aurais pu faire autour de toi ? »
05:50Mais je ne sais pas, est-ce qu'on dit à quelqu'un qui a un cancer
05:53ou quelqu'un qui a une maladie dégénérative
05:55« Arrête de faire du chantage, de faire du mal aux gens. »
05:59C'est dégueulasse, c'est une maladie la maladie mentale.
06:02Et puis il y a se réveiller à l'hôpital public.
06:05Alors ça, ça fait un chapitre du spectacle.
06:08Pourquoi l'hôpital public ?
06:10Parce que c'est le parent pauvre de la médecine
06:12et déjà, l'hôpital public est totalement délaissé.
06:16Mais là, la psychiatrie, c'est des mouroirs.
06:18On mélange les gens, ils sont tous les uns sur les autres.
06:23Les soignants n'ont pas le temps de passer.
06:25Une fois, j'ai quand même une nana, une infirmière, qui m'a donné un traitement.
06:28Ce n'était pas le bon traitement.
06:30C'était le traitement de la personne d'en face.
06:33J'ai eu une psychiatre qui est venue dans ma chambre.
06:36Elle était bourrée littéralement.
06:37Elle avait une blouse blanche qui était sale.
06:40On aurait dit une mécano et elle était au bout de sa vie.
06:43Donc moi, j'ai un humour gênant, donc ça me fait hurler de rire.
06:46Mais la pauvre dame, elle ne va pas bien.
06:48En fait, les gens qui doivent soigner des gens, ils sont en burn-out total.
06:52Est-ce que ce n'est pas hallucinant, ça ?
06:54Donc ça veut dire quoi, Constance ?
06:55Qu'il faut un peu de pognon pour se soigner bien ?
06:58Sans déconner, oui.
06:59Il faut du pognon.
07:00Moi, je me suis retrouvée dans la merde parce que j'avais un peu d'argent de côté.
07:03J'ai tout dépensé en clinique.
07:05Tout.
07:06Donc comment on fait ?
07:08Moi, je suis retournée vivre chez mes parents.
07:09Si je n'avais pas de famille, je n'aurais même plus d'endroit où vivre.
07:13Alors pour une humoriste, quelle est la meilleure matière pour faire rire ?
07:17Les soignants, les malades, les fous, les animateurs d'ateliers.
07:21Mention spéciale pour la sophrologie et l'aquagym.
07:24Ce huis clos-là, évidemment, il est très théâtral.
07:28Oui, mais la vie est théâtrale, en fait.
07:30Des fois, on croise des gens à l'extérieur de l'hôpital psychiatrique
07:33qui sont encore pires, qui sont encore plus drôles, qui sont encore plus satins.
07:37Et quand vous vous retrouvez à vivre un an et demi dans une clinique psychiatrique,
07:40en fait, ça devient un monde dans un monde.
07:42Et les choses se remettent en place, quoi.
07:44Il y a les dominants qui piquent la place à la cantine, qui piquent les desserts.
07:48C'est rel'école, les petites histoires.
07:50Et puis voilà, les cours de sport improbables, toutes les personnalités.
07:55C'est passionnant.
07:56Bon, donc en 2022, quand vous êtes revenue à France Inter
08:00et que vous nous avez livré, fait exploser à la figure cette fameuse chronique de 6 minutes,
08:06vous disiez mycose, vous ne dites plus mycose.
08:09Non.
08:09Terminé.
08:10On dit dépression.
08:11Oui, c'est ça.
08:11On dit bipolar.
08:12Oui, exactement.
08:13On met des mots sur les choses parce que ce n'est pas honteux.
08:15Bravo Constance.
08:16Merci.
08:17Le spectacle s'appelle « Inconstance », évidemment.
08:21Il est à la Comédie de Paris jusqu'au 4 janvier, puis après, partout en France.

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