Jean-François Réaud, fondateur de Vignobles Gabriel & Co, décrit dans SMART IMPACT le fonctionnement de son collectif de vignerons engagé, labellisé Ecocert Fair For Life. Il aborde des questions telles que la juste rémunération des vignerons et leur protection en cas de crise, le vin bio ou encore l’actualité de l’arrachage des vignes financé par l’État.
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00:00L'invité de Smart Impact, c'est Jean-François Réau, bonjour.
00:10Bonjour.
00:11Bienvenue, heureux de vous accueillir.
00:12Vous êtes le fondateur des vignobles Gabriel & Co, certifié par le label de commerce
00:16équitable Fair4Life depuis 4 ans.
00:18On va faire le bilan de ce label, évidemment, expliquer en quoi ça correspond.
00:22Mais d'abord, présentez-nous ce label, ce collectif de vignerons, c'est ça ?
00:27Oui, c'est un collectif.
00:29Effectivement, c'est un terme qu'on a complètement inventé, puisqu'il n'existe pas dans la
00:33filière bordelaise du vin à Bordeaux.
00:36Les poncifs habituels à Bordeaux, c'est le vigneron indépendant ou la cave coopérative
00:42ou le négociant en vin.
00:44Et là, c'est un peu hybride.
00:45C'est un modèle totalement hybridé.
00:46Pour moi, de ces trois stocks, on a essayé d'en retirer ce qui était le plus intéressant
00:53pour préserver l'intérêt du consommateur, l'intérêt du vigneron et aussi l'intérêt
00:57du commerçant.
00:59Vous avez fait ça pourquoi ? Parce que chacun était dans son silo ? Parce qu'il fallait
01:03réunir les bonnes idées, les compétences, les bonnes pratiques ?
01:06Parce que moi, quand j'ai repris l'exploitation familiale, je suis vigneron moi-même, et
01:10quand j'ai repris l'exploitation familiale, il fallait tout repenser, reconstruire.
01:14Et surtout, j'avais l'idée de pouvoir me confronter, me challenger auprès du consommateur.
01:20Et le modèle de la filière de vin bordelaise ne le permettait pas et ne le permet toujours
01:24pas.
01:25On ne sait pas quand on est vigneron ce que vous pensez de ce qu'on fait.
01:31Je ne voulais pas passer par le système historique et donc la coopération non plus.
01:36Le vigneron indépendant, je l'ai testé, mais il aurait fallu trois générations pour
01:40construire une clientèle.
01:41Donc, j'ai choisi un modèle qui me permettait de rassembler des idées et des hommes pour
01:46avoir une certaine légitimité.
01:48Et donc, ce label de commerce équitable qui s'appelle Fair For Life, que vous portez
01:55depuis quatre ans maintenant, on va voir, c'est un label éco, certes, ce qu'il propose,
02:01ce qu'il garantit, un prix d'achat équitable supérieur au prix du marché, un mécanisme
02:05de protection pour les producteurs en cas de crise, le renforcement de l'autonomie
02:09des producteurs, des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.
02:11On va reprendre, si on a le temps, les quatre axes, mais je commence par le prix d'achat.
02:17Prix d'achat équitable, quel mécanisme pour tenir cette promesse ?
02:22Très simplement, ce n'est pas du tout par rapport au marché, c'est par rapport aux
02:26coûts de production.
02:27En fait, dans le contrat, les coûts de production de chacun de nos vignerons partenaires qui
02:31sont au nombre de 30, leurs coûts de production sont gravés dans le contrat.
02:37Ils sont révisés tous les cinq ans, évidemment, parce que les coûts de production, c'est
02:40non seulement évolutif, mais c'est très personnel.
02:43Ces coûts de production sont la base en dessous de laquelle, nous, on n'a pas le droit d'acheter.
02:51C'est-à-dire qu'on assure le revenu, au moins, des coûts de production de chacun
02:56de nos vignerons partenaires, mais aussi une plus-value qui est de l'ordre de 5% pour
03:00les vins en conventionnel et de 10-600 des vins en bio ou biodynamique.
03:03Pour y arriver, il faut des contrats sur plusieurs années, forcément ?
03:06Sur des contrats pluriannuels, c'est-à-dire un contrat qui se renouvelle par tacite reconduction
03:09tous les ans, qui est donc sans fin, comme son nom l'indique, sauf si une des deux parties
03:14souhaite y mettre un terme, mais dans ce cas-là, il y a un préavis de deux récoltes pour
03:19pouvoir, à chacune des parties, se réorganiser dans son schéma.
03:23Parce qu'évidemment, quand on est vigneron ou agriculteur, on est dans ce temps long.
03:27La protection en cas de crise, le mécanisme de protection pour les producteurs en cas
03:31de crise.
03:32Quand j'ai vu ça, je me suis dit, mais sauf qu'on va d'une crise climatique à l'autre.
03:36Vous voyez ce que je veux dire ? C'est un peu l'impression que j'ai.
03:38Une année, c'est la sécheresse, l'année d'après, c'est trop de pluie, etc.
03:43Cette protection en cas de crise, elle est justement permise par cette moyennisation
03:47des coûts de production qui sont glissés sur cinq ans.
03:50Tous les cinq ans, nous recommençons une étude de coûts de production vigneron par
03:54vigneron.
03:55C'est un gros travail.
03:56Mais c'est le travail que j'ai souhaité puisque, comme je vous le dis, je suis vigneron
03:59moi-même.
04:00Il n'y avait pas d'autre façon de voir les choses pour qu'on puisse apporter à chacun
04:04des acteurs de notre collectif une rémunération digne de leur travail.
04:08Et surtout, leur permettre de progresser.
04:09Et sur les crises, est-ce que vous, vous le ressentez ça ? Ou est-ce que c'est peut-être
04:14une vue de l'esprit, cette impression qu'on va d'une crise climatique à l'autre ?
04:17Ce n'est pas une impression, c'est une réalité.
04:20C'est une réalité qui nous amène d'un incident climatique à l'autre pratiquement
04:25de tous les ans.
04:26S'il n'y a pas gel, il y a grêle.
04:28S'il n'y a pas grêle, il y a pression de maladie sur la ligne, ce qui a été le
04:32cas cette année.
04:33Donc, la violence des événements climatiques nous impacte.
04:38Ce n'était pas le cas il y a 10 ans, il y a 20 ans ?
04:39Non.
04:40Vous aviez un gel, une grêle tous les 4-5 ans, 10 ans et encore, mais vous n'aviez
04:46pas tous les ans quelque chose qui puisse entamer le capital de récolte.
04:51Je continue la liste de ce qui est lié à ce label Fair4Life, le renforcement de l'autonomie
04:57des producteurs.
04:58Ça me semble paradoxal puisque vous êtes dans une logique de coopération.
05:02Non, on n'est pas vraiment dans une logique de coopération.
05:04C'est une coopération parce qu'on met à disposition des moyens communs, qu'ils
05:08soient techniques, financiers, de réflexion, de progrès, mais au service d'une identité.
05:13C'est-à-dire que chaque vigneron garde sa casquette de vigneron et c'est justement
05:17ce qui fait la singularité du modèle.
05:19L'identité de son vin aussi.
05:20L'identité de son vin et de la personne.
05:23C'est hyper important, chacun garde son autonomie.
05:26On n'est pas au service d'une marque commune, Vignoble Gabriel Enco, et on peut dire une
05:30marque ombrelle d'une singularité de chacun des acteurs du collectif.
05:36Mais d'ailleurs, on peut les trouver dans le commerce, dans les supermarchés, dans
05:40la grande distribution ?
05:41Surtout dans la grande distribution, on est assez, voire très présent chez Carrefour
05:45par exemple.
05:46Je ne sais pas si on pouvait citer.
05:47C'est fait.
05:48C'est fait maintenant, mais pas que.
05:49Également chez Système U, chez Monoprix.
05:52Pourquoi vous avez fait ce choix ?
05:55Ce choix, il a été fait par souci d'impacter de façon assez importante l'esprit du consommateur
06:03qui est quand même aujourd'hui à 70% dans la grande distribution, même si on tend de
06:08plus en plus à aller vers des circuits plus spécialisés.
06:11Et aussi parce que j'ai consacré une grande partie de mon développement, puisqu'on est
06:17parti d'une page blanche, vous imaginez bien le truc, à m'occuper de fédérer ce groupe,
06:23ce qui n'a pas été une mince affaire.
06:24Et à côté de ça, je n'avais pas non plus assez de temps pour développer des aspects
06:30commerciaux hyper pointus.
06:32Moi, quand je vais dans un supermarché, je suis, pardon d'être un peu truel, je suis
06:37paumé.
06:38Il y a l'inert de vin.
06:41Oui.
06:42Bon, il s'est réduit.
06:43Oui, mais quand même.
06:44Vous voyez ce que je veux dire ?
06:46Ce n'est pas trop compliqué, trop d'appellations, trop de…
06:49Je suis entièrement d'accord avec vous.
06:50Et puis, ça dénote aussi un désintérêt, à un moment donné, pour des questions financières,
06:58tout simplement, pour des questions de profit, des enseignes, de se spécialiser.
07:04À un moment donné, on pouvait vendre du vin, même si le consommateur ne comprenait pas
07:07trop ce qu'il achetait.
07:08Il y avait une appétence pour le vin.
07:11Aujourd'hui, il y a beaucoup moins d'appétence et surtout, il y a des gens qui font des choix
07:14et la grande distribution a besoin effectivement de se spécialiser un petit peu.
07:18Tiens, ça m'amène à une question qui est plus une question de contexte, peut-être
07:22d'actualité.
07:23Il y a un plan d'arrachage des vines, c'est ça qui est prévu dans le Bordelais ?
07:27Il est.
07:28Il était prévisible, d'une certaine façon, comment vous pouvez le caractériser ?
07:33Il était inéluctable.
07:34Il est inéluctable parce que la production, la surproduction est structurelle.
07:39Et on a masqué cette surproduction par des outils promotionnels, justement, dans la
07:47distribution, par exemple, pour essayer de vendre deux bouteilles quand on ne peut en
07:50vendre qu'une.
07:51Au bout d'un moment, quand le pouvoir d'achat du consommateur le rattrape, même cette deuxième
07:56bouteille gratuite, le consommateur ne la prend pas.
07:58Il prend zéro, en fait.
08:00Cette problématique de surproduction, elle existait et elle était cachée sous des systèmes
08:06un petit peu superficiels.
08:08Il nous reste deux minutes dans cette interview.
08:10Ça va très vite.
08:11Oui, ça va vite.
08:12Le quatrième pilier, qui est évidemment très important, des pratiques agricoles respectueuses
08:16de l'environnement.
08:17Ça veut dire quoi ?
08:18C'est forcément le bio ?
08:19Pas forcément ?
08:20Le bio n'est pas le critère du certificateur EcoCert.
08:24Mais en tout cas, le pilier environnemental est très important puisque, par exemple,
08:30l'utilisation du glyphosate est prescrite.
08:32Nous, depuis le début, quand on a souhaité légitimer un ADN de commerce équitable, puisqu'on
08:38était éthique et équitable avant d'être certifié, à un moment donné, on a dû légitimer
08:42parce qu'on nous disait, oui, vous dites ça, mais en fait, vous faites ce que vous voulez.
08:45Vous ne l'utilisez pas.
08:46Le glyphosate est interdit.
08:47En fait, on nous pousse véritablement à être bio.
08:50Si on est bio, on n'a plus de problème.
08:52Et on a plus de 60% aujourd'hui du collectif qui est soit certifié bio ou biodynamique
08:59ou en voie de certification.
09:01Vraiment, on ne vise pas les 100%, mais au moins 80% du collectif.
09:05Est-ce que ça a une conséquence, un impact, pour prendre le titre de l'émission, sur
09:11les ventes, sur les consommateurs ?
09:12Est-ce que ça correspond, parce qu'on a vu que le bio avait eu des difficultés dans
09:15certains secteurs, est-ce que ça correspond à une demande des consommateurs ou est-ce
09:19que ça s'est tassé ?
09:20En fait, ça s'est tassé de la même façon que la chute de la consommation s'est avérée.
09:28Pour le bio, quel qu'il soit.
09:30Pour le bio, quel qu'il soit, que ce soit des vins conventionnels ou des vins bio, il
09:33y a un tassement.
09:34En fait, pour moi, en pourcentage, il est identique.
09:36D'accord.
09:37C'est juste que pour faire du bio et qu'il soit appétant pour le consommateur, il faut
09:41qu'il ait un prix qui reste décent.
09:43Bien sûr.
09:44Et là, je vous garantis que ce n'est pas le producteur qui prend les marges dans ces
09:47cas-là.
09:48Donc là, c'est sûr.
09:50Le système beaucoup plus général, vous pouvez se poser des questions.
09:52C'est ça.
09:53Il y a beaucoup d'intermédiations et là, pour le coup, il y a encore beaucoup de travail
09:56à faire à ce niveau-là et raccourcir un peu les circuits.
09:59On y travaille.
10:00Merci beaucoup.
10:01C'était passionnant de découvrir votre collectif Les Vignobles.
10:06Gabriel Hanco, en région bordelaise, bon retour à Bordeaux.
10:11Merci beaucoup.
10:12C'est l'heure du débat de ce Smart Impact.
10:14On va parler d'économie circulaire.
10:16Tiens, mais comment communiquer quand on pratique l'économie circulaire ?