• il y a 3 mois
Une femme sur six est ou sera victime de violences conjugales dans sa vie, selon la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF). Et un couple sur sept se forme sur le lieu de travail. Un constat qui permet à Noémie Khenkine-Sonigo, fondatrice de Team’Parents, d’affirmer que l’entreprise a un rôle à jouer pour protéger ses salariés victimes de violences intrafamiliales. Déjà car cela coût aux sociétés et ça peut se dérouler au plus près des DRH et dirigeants.

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Transcription
00:00Générique
00:02...
00:06C'est le Zoom de ce Smart Impact avec Noemi Kent-Kinsonigo.
00:10Bonjour.
00:11Bienvenue. Vous êtes la fondatrice de Team Parent.
00:16On va parler des violences conjugales,
00:18des violences intrafamiliales et de la façon
00:21dont les entreprises peuvent prendre leur part
00:23à la lutte contre ces violences.
00:25Vous êtes une ancienne avocate spécialiste
00:28de crise dans les familles et vous avez créé Team Parent.
00:31C'est quoi ?
00:32Team Parent, c'est une application mobile
00:36qui va venir soutenir les parents séparés
00:38ou qui traversent une crise familiale.
00:40J'ai été avocate en droit de la famille pendant 12 ans.
00:44J'ai accompagné plein de familles et de parents,
00:47en particulier dans des moments de crise, de rupture
00:49ou de difficultés liées aux violences intrafamiliales.
00:53C'est un sujet très présent.
00:54Depuis le début de ma carrière,
00:56je constate que ces parents-là sont démunis.
01:00Ils ne savent pas par où commencer.
01:02Encore aujourd'hui, toutes les semaines,
01:04j'ai des gens de mon réseau qui m'appellent
01:06en me disant qu'ils ne savent pas où trouver une info,
01:09comment trouver un avocat,
01:11est-ce que je dois trouver un avocat.
01:13L'idée, c'est de mettre en lien tous ces gens
01:15qui traversent des crises difficiles
01:17avec un réseau d'avocats vraiment qualifiés,
01:20éthiques, bienveillants,
01:22et des informations fiables et accessibles sur l'application.
01:25Et donc, vous êtes, par votre activité passée
01:29et votre activité actuelle,
01:30au coeur de ce constat des violences conjugales.
01:34Une femme sur six est ou sera victime
01:37de violences conjugales dans sa vie.
01:39C'est un chiffre constant, en augmentation ?
01:41Si on peut essayer de se situer dans le temps ?
01:44Les chiffres officiels, on a le sentiment qu'ils augmentent.
01:48Mais il y a plusieurs facteurs.
01:51D'abord, on est dans une période difficile depuis cinq ans.
01:54Il y a la crise économique, la baisse du pouvoir d'achat,
01:57qui va mettre les familles en tension,
01:59ce qui augmente les risques de violences.
02:02On pense que les violences augmentent.
02:04Est-ce qu'il y a plus de déclaratifs ?
02:06On pense aussi qu'il y a plus de déclaratifs.
02:08Le problème, c'est qu'il faudrait que la justice suive
02:11et les moyens suivent à hauteur du nombre de déclarations.
02:15On pousse maintenant beaucoup les victimes.
02:18Les femmes, il y a aussi des hommes qui sont victimes,
02:21même si l'immense majorité, c'est les femmes.
02:23Beaucoup les victimes à parler,
02:25mais derrière, on n'a pas grand-chose à leur proposer.
02:28D'où l'idée de faire intervenir les entreprises.
02:31Un couple sur sept se forme sur le lieu de travail
02:34et forcément, certains d'entre eux vont se retrouver
02:37confrontés à ces questions de violences intrafamiliales.
02:41Ca veut dire que c'est forcément un sujet
02:43pour les entreprises et pour les DRH ?
02:46Dans une entreprise...
02:47Il y a plein de gens qui sont en train de vous dire...
02:50C'est pas mon sujet.
02:51Premièrement, de plus en plus, les entreprises se rendent compte
02:55que le bien-être, la santé mentale, la parentalité,
02:58c'est aussi leur sujet.
02:59Parce qu'un salarié qui ne va pas bien dans sa vie personnelle,
03:03qui ne trouve pas un bon équilibre vie-pro-vie-perso,
03:06coûte cher à l'entreprise.
03:07Ca, c'est un premier constat.
03:09Il y a vraiment, et notamment depuis le Covid,
03:11une prise de conscience de tout ça.
03:13Quand on parle à un DRH et qu'on lui dit
03:16qu'il y a à peu près 80 % de parents sur ses salariés,
03:19il y en a un sur deux ou un sur trois,
03:22en fonction des lieux et des typologies de population,
03:25qui est séparé.
03:26Il y en a qui vont se séparer dans l'année.
03:28Il y en a un certain nombre qui sont des couples intra-entreprise.
03:32Dans ces couples, il y en a, de manière certaine,
03:35des couples dans lesquels il y a de la violence.
03:37Vous avez des victimes au sein de votre entreprise.
03:40On peut donner des chiffres, des estimations.
03:43Vous avez à peu près une centaine de victimes de violence.
03:46C'est sous vos yeux.
03:47Il faut faire quelque chose avec une grande difficulté.
03:50C'est de l'ordre de la vie privée.
03:52D'abord, est-ce qu'il y a des signes à bon coureur ?
03:56Et puis, à quel moment on décide d'intervenir ?
03:59C'est-à-dire, c'est attendre, forcément,
04:03que le salarié, ou, j'ai bien compris, le plus souvent,
04:06la salariée, vienne vers quelqu'un dans l'entreprise
04:09en disant que ça ne va pas, qu'il est victime de ça ?
04:12Il faut attendre, anticiper ?
04:13Alors, avant de...
04:15La première démarche qu'une entreprise peut faire,
04:18c'est déjà se former et se sensibiliser à ces questions-là,
04:22pour plusieurs raisons.
04:23D'abord, pour que les équipes de managers, de RH,
04:26de responsables diversité et inclusion,
04:29office manager, les gens qui vont être les interlocuteurs
04:32des collaborateurs, se sentent outillés.
04:34Je forme beaucoup les médecins, les internes en médecine,
04:37qui sont aussi les premiers interlocuteurs des victimes.
04:40Ils disent eux-mêmes, ces internes en médecine,
04:43que plus ils sont formés, plus ils voient les signes,
04:46moins ils arrivent à voir et moins ils veulent poser des questions.
04:49Ils ne savent pas quoi faire des infos.
04:51Il faut former les équipes au plus proche des collaborateurs
04:55pour qu'ils soient formés, outillés.
04:57Le deuxième sujet, c'est que ça permet que l'entreprise
05:00prenne sa responsabilité et qu'on adresse ce sujet-là.
05:03Ca permet aussi d'adresser un message aux victimes
05:06qui sont au sein de l'entreprise, qui vont se dire
05:08et prend sa responsabilité.
05:10Un message collectif, déjà, pour commencer.
05:13Je suis parti d'une démarche très individuelle.
05:15Il faut commencer par un message collectif.
05:18Il faut commencer par un message collectif
05:20de, on est entreprise, mais on accepte d'adresser le sujet.
05:24Il ne faut pas que ce soit intrusif.
05:26Il faut respecter la confidentialité.
05:28Il faut que la démarche vienne du parent en détresse
05:31ou de la victime, mais il faut qu'il ait pu identifier
05:34l'interlocuteur.
05:35Mais ensuite, il faut l'orienter.
05:37Il faut l'orienter vers un professionnel.
05:39C'est pas à l'entreprise de régler le conflit intrafamilial.
05:43C'est une évidence que je voulais rappeler.
05:45C'est pas à l'entreprise de régler le conflit,
05:48mais l'entreprise peut avoir soit un service social interne
05:51ou un service social externalisé, un service de médecine,
05:55de médecine du travail interne ou externalisé.
05:57Il peut avoir des partenariats avec des entreprises spécialisées.
06:01Nous, c'est ce qu'on propose aux entreprises.
06:04C'est que les entreprises réorientent vers nous,
06:06les parents, et parfois financent les frais de l'application
06:10et les frais des rendez-vous des avocats
06:12qui sont sur notre application pour leurs collaborateurs
06:15qui vont être ciblés comme étant dans un besoin d'accompagnement.
06:19Vous parliez des médecins des internes que vous formez.
06:22On peut imaginer une formation pour les DRH
06:25ou les salariés d'une entreprise
06:27qui sont en contact et qui sont chers, etc.
06:30Et donc, vous disiez deux choses.
06:32Je voudrais entendre les détails.
06:34On sait pas quelles questions poser.
06:36Surtout, on a du mal à détecter les signes.
06:38Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de plus ?
06:41Alors...
06:42Quand un manager, collaborateur,
06:44pressent qu'un coéquipier traverse une période difficile,
06:48le premier conseil que je peux donner,
06:50c'est de poser les questions les plus ouvertes possible.
06:54Je sens que ça va pas en ce moment.
06:56Est-ce que t'as envie de m'en parler ?
06:58Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ?
07:00Une fois que la parole est ouverte, si elle s'ouvre...
07:03C'est pas le bon moment.
07:05C'est à la personne qui traverse une crise
07:07d'avoir le pouvoir d'agir et de décider
07:09quand c'est le bon moment.
07:11Si c'est le bon moment, le premier réflexe,
07:13c'est de pas rester seul avec ce sujet-là,
07:16de réorienter vers des gens formés,
07:18en interne ou en externe,
07:19de proposer des noms d'association, etc.
07:22Mais le seul fait d'avoir une écoute attentive,
07:25en essayant de pas être dans le jugement,
07:27en posant des questions les plus ouvertes possible,
07:30déjà, c'est une aide en soi.
07:31C'est la victime de violences, si on parle de ça,
07:34dans un cycle de bienveillance
07:37qui va éviter de la renfermer.
07:38Bien souvent, cette victime aura essayé d'aller porter plainte
07:42et elle aura pas réussi,
07:44ou elle va être jugée par son entourage, etc.
07:46Déjà, avoir un oeil bienveillant et une écoute,
07:49ça rend service à la victime.
07:51Il y a une question de confidentialité,
07:53évidemment, qui est majeure,
07:55et ensuite, pardon pour le vilain anglicisme,
07:57de dispatching, d'envoyer vers les bonnes personnes.
08:01Vous faites des formations à l'entreprise ?
08:03Oui. Nous, on a l'application.
08:05On a deux activités qui se servent.
08:07Notre mission, c'est de soutenir les parents
08:10et de former ceux qui les accompagnent.
08:12On forme les avocats, les travailleurs sociaux,
08:15les professions médicales, etc.,
08:16mais on propose aussi des formations en entreprise
08:19pour former, typiquement, les managers, etc.,
08:22pour qu'ils aient le bon oeil.
08:23Vous disiez, au début de notre interview,
08:26qu'il y avait de plus en plus d'entreprises
08:28qui s'en emparaient.
08:29Depuis quand ?
08:31Team Parents, vous l'avez créé à combien de temps ?
08:33Team Parents, dans la version actuelle,
08:36il y a à peu près deux ans.
08:37C'est récent, mais dans votre activité d'avocate,
08:40avez-vous senti une prise de conscience
08:42du monde économique, justement, des entreprises ?
08:45Très clairement, et du monde économique,
08:47mais aussi des pouvoirs publics.
08:49On entend beaucoup parler de monoparentalité,
08:52de violences intrafamiliales.
08:53Depuis le début de ma carrière, je ne traite que de ce sujet-là.
08:57Je vois de la place de ce sujet-là dans les médias,
09:00avec bonheur, parce qu'enfin, il y a de la place.
09:02Et puis, je vois aussi,
09:04par rapport à mes échanges avec des DRH,
09:06même il y a deux ans,
09:08que le sujet est plus mûr, aujourd'hui.
09:10Il y a des mots... Pardon.
09:11Les mots santé-mental.
09:13C'est intéressant, parce que, dans cette émission
09:16ou dans d'autres émissions pour Bismarck Fortune,
09:19j'ai commencé à voir ces mots apparaître
09:21dans la bouche de mes interlocuteurs
09:23il y a, je vais dire, deux ans, moi.
09:25Oui, c'est ça.
09:26Je pense qu'il y a eu vraiment un shift,
09:29pour faire un anglicisme, depuis deux ans.
09:32Les questions de santé mentale
09:33sont éminemment liées avec les questions qu'on traite.
09:36La parentalité est aussi une source de stress.
09:39La séparation est un des moments clés
09:41où il peut y avoir des problèmes de santé mentale
09:44ou de la détresse.
09:45Les violences intrafamiliales ont un impact
09:47sur la santé mentale de la victime, des enfants
09:50et parfois même de l'auteur.
09:52Et donc, pardon, c'est très cynique,
09:54mais sur la rentabilité ou l'efficacité,
09:57le bien-être, évidemment, du salarié.
09:59Même des chefs d'entreprise ou des cadres diront
10:02que ce n'est pas leur problème.
10:04C'est ce que vous disiez.
10:05Il y a un chiffre qui tourne en permanence.
10:08Un salarié qui est dans un mal-être dans l'entreprise,
10:11ça coûte 15 000 euros par an à l'entreprise
10:13en absentéisme, en prise en charge.
10:15Une démission, ça coûte cher.
10:17Un départ, une silent démission,
10:19c'est comme ça qu'on dit, ça coûte très cher à l'entreprise.
10:23Quand on sait que, encore une fois,
10:2580 % des salariés, c'est des parents,
10:27on ne peut pas négliger leur bien-être.
10:30Les plus petites entreprises
10:32se sentent encore plus démunies que les grandes ?
10:35Oui, parce qu'elles ont le sentiment
10:38qu'elles ne sont pas légitimes.
10:40Il y a encore plus d'ambivalence
10:44sur l'envie de prendre soin des salariés,
10:46mais la peur d'être intrusif
10:48au sein des petites entreprises.
10:50Dans les grandes entreprises,
10:52il peut y avoir un peu d'institutionnel,
10:54un service social, parfois en interne, etc.
10:57Il peut y avoir quelqu'un qui est en charge de ce sujet-là.
11:00Dans une petite entreprise, on ne peut pas avoir
11:03un responsable RSE parentalité.
11:05Ces sujets sont traités de manière transverse.
11:07On a plus de mal à prendre en charge ce sujet.
11:10Il nous reste une minute.
11:12Vous l'avez dit, il y a beaucoup moins d'hommes
11:14victimes de violences intrafamiliales.
11:17Dans quelle proportion ?
11:18Il y a 90 % des victimes qui sont des femmes.
11:21Et 80... Oui, 95 % des auteurs sont des hommes.
11:26Il faut rappeler ça.
11:27Oui, on est quand même sur une vraie masse.
11:30C'est toujours important.
11:31Mais pour terminer, des hommes qui en sont victimes,
11:34est-ce qu'ils en parlent encore moins que les femmes ?
11:37Oui. Enfin, d'après les estimations qu'on a,
11:40mais comme ils en parlent peu, on a du mal à évaluer.
11:43Mais oui, il y a une stigmatisation aussi très forte
11:46sur les victimes de violences
11:47quand elles sont des hommes.
11:49Effectivement, c'est aussi un vrai sujet.
11:52Merci beaucoup, Noémie Kentinsonigou.
11:54Merci à vous.
11:55A bientôt.
11:56On passe à notre rubrique start-up tout de suite.

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