Le Debrief du Doc _ Black lives, Afro-Américains

  • il y a 2 semaines
Transcription
00:00Générique
00:13Bonjour et bienvenue dans ce nouveau numéro du Débrief du Doc.
00:17Aujourd'hui, je vous emmène aux Etats-Unis avec les épisodes de la série Black Lives Afro-Américain
00:22diffusée sur RT France, l'occasion de revenir sur les questions raciales, les violences policières
00:27ou encore le fameux American Dream.
00:29Pour revenir sur ces épisodes, nous avons le plaisir de recevoir Cécile Koke-Mokoko,
00:35agrégée d'anglais et professeure en civilisation américaine à l'Université de Versailles Saint-Quentin
00:40qui a également enseigné aux Etats-Unis et auteur d'un ouvrage en anglais sur les représentations
00:45et le vécu des couples mixtes en Alabama et en France appelé Love Under the Skin.
00:51Cécile Koke-Mokoko, bonjour à vous, merci d'être avec nous.
00:55Avant de rentrer dans le vif du sujet, j'aimerais un petit peu connaître votre avis sur ces épisodes
00:59de la série Black Lives Afro-Américain. Qu'est-ce que vous en avez pensé ?
01:04J'ai pensé qu'il y avait quand même un tableau extrêmement déprimant,
01:08un peu désespérant de la vie des Africains-Américains.
01:12On a besoin d'avoir aussi des explications sur la nature systémique du racisme aux Etats-Unis et des discriminations.
01:20Justement, la société civile semble de plus en plus s'organiser et s'indigner de toute cette violence,
01:26notamment avec le mouvement Black Lives Matter composé de Noirs, de Blancs, de Latinos,
01:31toute la diversité qui fait les Etats-Unis. Est-ce qu'avant, c'était un combat porté par les Noirs uniquement ?
01:38Non, pas du tout. Dans les années 1960, on peut même le voir sur les photos d'archives,
01:43il y avait de nombreux Blancs qui étaient associés à la lutte pour les droits civiques,
01:47pour la bonne et simple raison que le Ku Klux Klan, qui est montré dans l'un de vos épisodes justement d'une manière très intéressante,
01:55le Ku Klux Klan s'opposait à l'immigration, notamment l'immigration catholique, qui était essentiellement blanche.
02:02Donc on avait une coalition qui rassemblait les catholiques, qui était perçue comme n'étant pas suffisamment blancs puisqu'ils n'étaient pas protestants.
02:10Les juifs également, pour la même raison, n'étaient pas suffisamment blancs pour être considérés comme de bons Américains par les suprématistes Blancs.
02:18Et les Noirs Américains ainsi que les Amérindiens, les Latino-Américains, les Asiatiques.
02:25Donc il y avait une coalition qui était plus large que ce qu'on a pu voir sous Obama par exemple.
02:30On va parler un petit peu justement du mouvement Black Lives Matter et on en a beaucoup entendu parler évidemment ces dernières semaines,
02:37ces derniers mots avec toutes ces violences policières.
02:39Justement un des personnages de la série l'impasse Black Lives en parle, je vous propose de l'écouter.
02:45Les Noirs, surtout aux Etats-Unis, n'ont aucune protection.
02:51Quand le président des Etats-Unis encourage les forces de l'ordre à brutaliser les gens, cela nous retombe dessus.
02:57Nous n'avons aucune protection.
02:59Ils peuvent nous faire sauter la cervelle à tout moment et nous ne pouvons rien faire.
03:05En réalité, les Etats-Unis sont le seul pays au monde où on peut tuer des gens en temps de paix sans que cela ait de conséquences légales.
03:12Dans n'importe quel autre pays, vous ne pouvez pas tuer quelqu'un et vous en tirer comme si de rien n'était.
03:17Vous ne pouvez pas faire ça en Corée du Nord, en Russie.
03:20Vous ne pouvez pas tout simplement tuer quelqu'un et être acquitté.
03:25Comment peut-on être une grande démocratie, le gardien du monde et avoir une telle guerre chez soi ?
03:30Cécile Kokemokoko, le sentiment qu'on a en écoutant cet homme et même en regardant plusieurs vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux,
03:36on a un sentiment d'impunité qui perdure aux Etats-Unis.
03:40Oui, c'est un sentiment qui est fondé sur une réalité.
03:43Ce militant que vous avez interrogé fait beaucoup penser à Malcolm X et à ses discours du milieu des années 60 lorsqu'il dénonce le racisme systémique.
03:54Justement, il a tout à fait raison de dire que l'impunité des policiers est un problème dans une démocratie comme les Etats-Unis d'Amérique.
04:03Ce qu'il y a besoin d'expliquer pour bien comprendre l'argument qu'expose ce militant, c'est que les syndicats de police sont extrêmement puissants à travers le pays.
04:15On a pu voir, avec la couverture médiatique qui a été donnée au mouvement Black Lives Matter,
04:19qu'il y avait beaucoup de polices différentes et que selon qu'on était une police de comté ou une police gérée par la municipalité,
04:29les missions n'étaient pas les mêmes, les responsabilités non plus.
04:32Ceci étant, les syndicats de police sont extrêmement puissants aux Etats-Unis et souvent plus puissants que les maires de villes.
04:40Même quand un maire noir ou une mère noire est élue dans une grande ville, cette personne, cet élu n'a pas tous les pouvoirs sur la police.
04:50Et c'est souvent quelque chose qu'on comprend mal lorsqu'on aborde la question de l'intégration raciale aux Etats-Unis.
04:55Les policiers sont un bloc électoral extrêmement important et ils ont une culture policière bien particulière qui va jusqu'à la période coloniale en quelque sorte.
05:10Où les Africains-Américains, à l'époque esclaves, montaient des insurrections et terrorisaient la population blanche.
05:21Il n'y a pas eu énormément d'insurrections sur le continent américain à la différence des Antilles,
05:25mais la mémoire collective a vraiment conservé de ces quelques insurrections d'esclaves une empreinte extrêmement forte
05:34qui permet de comprendre la terreur des policiers lorsqu'ils se retrouvent face à un homme noir
05:40et l'absence de limite lorsqu'il s'agit de gérer une situation de crise.
05:48On ne pense pas à la désescalade, on pense tout de suite à dégainer parce que l'homme noir est inconsciemment vu comme ayant une force surhumaine
05:56et comme étant capable des pires violences.
05:58Justement, Cécile Coquet-Mococot, la première question qu'on se pose c'est qui contrôle la police, qui accepte cette impunité finalement ?
06:05Il y a évidemment des syndicats de police, comme je l'ai dit, qui sont importants,
06:11mais il y a aussi une structure juridique qui permet à ces policiers d'avoir une impunité dès lors qu'ils sont jugés
06:19parce qu'ils peuvent plaider l'impossibilité de recourir à un autre moyen de maîtriser un suspect que l'utilisation de la force létale.
06:31Et donc il est extrêmement compliqué de démontrer qu'ils ont délibérément cherché à violer les droits civiques de ce citoyen.
06:38C'est pour cela que le système juridique, et là on parle vraiment de racisme systémique pour le coup,
06:44le système juridique autorise des acquittements comme ce qu'on a vu très récemment dans le cas des policiers qui se sont introduits
06:54sans mandat dans le domicile de Breonna Taylor, la jeune infirmière de 26 ans qui a été tuée dans son propre domicile,
07:02ce qui est complètement contraire aux valeurs de responsabilité et de liberté individuelle des Etats-Unis.
07:09Justement, on parle de violences policières. Je voudrais qu'on fasse un retour en arrière dans le temps.
07:15Le 31 mai 1921, il y a le massacre de Toussla. Des Blancs commettent le plus grand massacre racial de l'histoire américaine.
07:22C'est un massacre dont on ne parle pas beaucoup. Moi j'ai vraiment dû faire plusieurs recherches pour ensuite tomber là-dessus.
07:28Il a été d'une violence inouïe. Plusieurs centaines de Noirs américains sont morts.
07:32Est-ce que finalement cette violence est ancrée dans l'histoire américaine ?
07:36Cette violence est ancrée dans l'histoire américaine et se renforce, si vous voulez, à différentes périodes de l'histoire.
07:42Ce qui s'est passé à Toussla était la suite indirecte de la montée en puissance économique des Noirs américains au moment de la Première Guerre mondiale.
07:53Beaucoup de citoyens blancs américains sont partis au front en Europe et ont dû être remplacés dans les usines par des femmes blanches,
08:03mais aussi par des Africains américains, aussi par des Latinos américains qui commençaient à être de plus en plus présents dans le pays.
08:12Le fait de pouvoir remplacer ces travailleurs blancs a donné beaucoup plus d'autonomie à des Noirs américains
08:21qui, pour leur grande majorité, n'avaient connu que le travail agricole dans des états extrêmement racistes, gérés par des suprématistes.
08:29Donc le fait pour une bourgeoisie noire américaine d'avoir pu prospérer dans une ville comme Towsa, grâce notamment au boom pétrolier,
08:39ce fait a été vu comme une menace à la prospérité économique des Blancs qui, en rentrant de la Première Guerre mondiale,
08:48se sont sentis menacés par la croissance de la population africaine américaine dans leur ville
08:55et ont saisi n'importe quel prétexte pour faire une descente sur les quartiers noirs et brûler des banques, des institutions commerciales
09:09qui étaient au service de la population noire, mais aussi au service de toute la ville de Towsa.
09:14Donc la représentation des Africains américains comme des Américains qui n'ont pas réussi, qui ne travaillent pas,
09:21qui bénéficient des allocations est une représentation fausse et c'est justement une représentation qui est à mettre en parallèle
09:30avec le succès conçu comme insupportable d'entrepreneurs noirs et le fait d'utiliser le terrorisme qu'est le lynchage aux États-Unis
09:44pour les décourager et pour les chasser de villes qu'on voudrait voir intégralement peuplées de Blancs.
09:50On va continuer à revenir sur les épisodes, notamment l'épisode Destin Perdu de la série Black Lives
09:56où un jeune américain parle de ce fardeau qu'il a à trouver un travail. On regarde et on en rediscute.
10:04Je n'en peux plus. On ne peut pas toujours s'attendre à quelque chose de positif, car il ne se passe rien.
10:11J'ai l'impression que rien ne s'améliorera dans ma vie, dans mon quotidien, alors que je vis comme ça.
10:17Il n'est pas facile pour un jeune homme noir de faire quoi que ce soit.
10:21J'essaie de me rendre la vie plus simple, mais chaque fois que je me rends les choses plus simples,
10:25quelqu'un veut me les rendre plus compliquées. Maintenant, il faut partout postuler en ligne.
10:29Je ne peux plus me rendre un entretien avec mon CV, porter un beau costume.
10:33Si quelqu'un m'en donnait l'opportunité, je voudrais montrer ce que je sais faire,
10:37mais je ne peux rien faire si personne ne m'aide. Je ne peux que m'aider moi-même,
10:41et j'essaie avec les moyens que j'ai, mais cela ne suffit pas, du moins c'est ce que les gens croient.
10:45Il est plus difficile de parvenir là où vous voulez, car il y a tant d'obstacles sur votre chemin.
10:49Cécile Coquet-Mococo, brièvement, puisque j'ai envie d'aborder plusieurs sujets avec vous,
10:55est-ce que les Noirs américains sont plus touchés par la précarité, par le chômage ?
10:59Si oui, à quel point ?
11:01Il est plus facile à un homme blanc qui a fait de la prison de trouver un travail
11:05qu'à un homme noir qui n'a pas fait de tant de prison.
11:09Donc oui, de manière systémique, une fois de plus, il est plus compliqué
11:13pour des jeunes hommes, en particulier noirs américains ou latino-américains,
11:17de trouver du travail.
11:19Il y a un chômage ou bien une précarité qui cible particulièrement
11:26les populations qui sont au bas de l'échelle raciale aux Etats-Unis.
11:30Tout à l'heure, vous avez mentionné Breonna Taylor.
11:33D'autres femmes aussi ont été tuées par la police.
11:36Pourquoi est-ce que, selon vous, on entend moins parler des femmes victimes ?
11:41Parce que, historiquement, il y a cette représentation de l'homme noir
11:45comme un barbare, un violeur, quelqu'un qui a une force incontrôlable.
11:51Alors que les femmes noires sont vues comme potentiellement râleuses,
11:57si on me permettait l'expression, comme n'étant pas féminines,
12:01comme ne devant pas être protégées du viol autant que les femmes blanches aux Etats-Unis.
12:06C'est pour cela que l'empathie vis-à-vis des femmes noires est moindre.
12:11Et il faut aussi souligner que le mouvement des droits civiques
12:14dans les années 1960, même s'il s'est beaucoup reposé
12:17sur la mobilisation des femmes, a principalement mis en avant des leaders masculins.
12:22On va continuer à parler des femmes.
12:24Quelle est la différence entre l'afroféminisme et le féminisme ?
12:28Le féminisme, c'est un mouvement qui remonte au milieu du 19e siècle aux Etats-Unis
12:33et qui initialement alliait sous la même bannière les femmes blanches
12:38qui voulaient gagner le droit de s'exprimer politiquement.
12:41Et les abolitionnistes, de nombreuses femmes étaient elles-mêmes abolitionnistes.
12:45Et cette jonction des deux luttes, cette coalition des deux luttes,
12:50s'était filochée à la fin du 19e siècle,
12:55lorsque l'émancipation des Noirs a été déclarée une cause achevée,
13:01et que les troupes américaines, les troupes de l'État fédéral,
13:05se sont retirées des anciens États esclavagistes
13:08pour proclamer la réconciliation du Nord et du Sud.
13:12À partir de ce moment-là, les féministes blanches ont poursuivi leur lutte de leur côté
13:17pour mettre en avant la respectabilité des femmes bourgeoises blanches,
13:21en particulier, et faire valoir qu'elles étaient les mères des citoyens,
13:25faire valoir aussi qu'elles luttaient contre l'alcoolisme.
13:29Et par conséquent, elles ont complètement abandonné
13:32leurs homologues noirs, latinas, asiatiques, à leur sort.
13:38Puisque c'était des femmes qui occupaient d'ores et déjà
13:41des emplois précaires, notamment dans les industries.
13:44Cécile Kokemokoko, vous restez avec nous,
13:46on va marquer une courte page de pub et on revient.
13:53Bienvenue dans le Débrief du Doc, nous sommes avec Cécile Kokemokoko
13:57pour justement revenir sur le documentaire Black Lives.
14:01Cécile Kokemokoko, on parlait de femmes il y a quelques instants,
14:05il y a d'un côté les noirs américains qui souffrent d'une société
14:09qui les pointe du doigt, des violences policières,
14:12et puis il y a les groupuscules suprémacistes qui existent toujours.
14:16On va regarder un extrait et on en rediscute.
14:19Le gouvernement veut donner l'impression que les Etats-Unis sont en paix,
14:22qu'on est une race unique et heureuse, avec des religions en harmonie.
14:25Mais il n'y a rien de tout ça.
14:27Ils nous ont forcé pendant 50 ans à accepter l'immigration
14:30et maintenant, on se ségrègue nous-mêmes.
14:33Le gouvernement veut faire croire que ça marche
14:35et ce qu'on voit, c'est une fuite des Blancs.
14:38Quand un quartier change, on fait ses valises, on déménage.
14:41On veut que nos enfants aillent dans des écoles à majorité blanche.
14:44Comme je le dis, la ségrégation, on l'a tous les dimanches en Amérique.
14:48Ça s'appelle l'église, tout le monde va à sa propre église.
14:52Nous, on va dans notre église de Blancs,
14:54les Noirs restent dans leurs églises de Noirs
14:56et les Mexicains, eux, ils sont catholiques.
14:59C'est à ce moment que la ségrégation commence.
15:01La ségrégation à l'école, en prison, c'est comme ça et ce sera toujours comme ça.
15:05On a entendu des propos extrêmement violents.
15:08On a du mal à croire que le Ku Klux Klan ne soit pas encore dissous,
15:11surtout dans ce contexte actuel. Pourquoi selon vous ?
15:14Parce que l'argument selon lequel le Klan est un groupe terroriste
15:19à l'intérieur des Etats-Unis se heurte à une culture
15:24qui pour nous est choquante, de la liberté d'expression.
15:27Il se trouve que l'appel à la haine raciale aux Etats-Unis
15:33n'est pas défini de la même façon que chez nous.
15:36Puisqu'on estime que quelqu'un qui va appeler à tuer
15:41par exemple l'intégralité d'un groupe racisé n'est pas réaliste
15:46et il ne sera pas poursuivi au même titre que quelqu'un
15:49qui appellerait à tuer une personne en particulier.
15:52Au nom de la liberté d'expression, on permet à ces groupuscules
15:57de s'exprimer et de défiler dans les rues.
16:00Le Klan avait été interdit vers la fin des années 1920
16:05mais c'était pour une question de fraude vis-à-vis de ses propres adhérents.
16:10Ce n'était pas pour une question de déontologie ou de menace à l'ordre public.
16:15On a eu un aperçu des idées du Ku Klux Klan,
16:18un groupe suprématiste qui existe depuis 1865.
16:21Il y a aussi le groupe Black Panther Party.
16:24Est-ce que ces deux groupes se ressemblent ou ils sont très différents ?
16:27C'est extrêmement différent parce que les Black Panthers
16:31sont nés de l'intimidation qui était pratiquée par les membres du Klan
16:37dont le groupe expérimentait sa propre renaissance
16:43au moment du mouvement des droits civiques.
16:46C'est ce qu'on appelle le troisième Klan,
16:49après l'interdiction dont je vous ai parlé.
16:52Les Black Panthers avaient pour but d'aider les noirs pauvres
16:56à surmonter des situations d'intimidation.
16:59C'est un groupe armé également ?
17:02Les Black Panthers, de toute façon, ont été armés
17:05dès leur naissance à la fin des années 1960.
17:08Mais c'était dans le respect des lois de Californie
17:11qu'ils ont demandé aux citoyens d'occuper l'espace public
17:14avec des armes, du moment qu'elles n'étaient pas cachées.
17:17Ce qu'a fait le Black Panther, ça a été de montrer
17:21que des citoyens noirs pouvaient aussi utiliser
17:25les droits constitutionnels qui leur étaient donnés
17:28par le 2e amendement pour se protéger contre les violences policières
17:31et pour rappeler leurs droits aux citoyens noirs des ghettos,
17:34qui étaient terrorisés par la police plutôt que d'être protégés par elles.
17:38Justement, on parle de politique dans le mouvement Black Lives Matter.
17:41Il y a ce souci de représentation dans la politique et dans la société.
17:45Aussi, il y a eu une figure importante, Barack Obama,
17:48mais il ne semble pas faire l'unanimité.
17:51Je vous propose de regarder un extrait de l'épisode
17:54« L'impasse » de Black Lives.
17:56Obama n'était qu'un noir de substitution.
17:59Les suprémacistes blancs s'affairent des tours de magie.
18:02Ils aiment bien dire « Ok, on vous donne une personne noire,
18:05on la met à un poste important, et voilà, l'égalité est instaurée,
18:09vous n'avez plus de raison de vous plaindre ».
18:12Mettre un noir à un poste important ne veut absolument rien dire,
18:15car la suprématie blanche est un phénomène de groupe.
18:18Ils nomment un noir et disent « Ok, c'est le chef ici,
18:21c'est le président, le gouverneur, le maire ».
18:24C'est ce qu'ils ont fait dans beaucoup de villes noires.
18:27Beaucoup de noirs ont été élus maires de ces villes dans les années 70,
18:30mais ils n'avaient aucun pouvoir réel.
18:33Aujourd'hui, il y a eu des figures noires chez les démocrates
18:36qui sont sorties du lot, mais on a le sentiment
18:39que les personnages emblématiques se situent plus dans le passé.
18:42On a Malcolm X, Martin Luther King, on a Harriet Tubman,
18:45Angela Davis. Aujourd'hui, selon vous,
18:48quels sont les personnages noirs américains
18:51qui représentent aujourd'hui ces figures ?
18:54Les personnages historiques que vous avez cités
18:57n'étaient pas élus, justement.
19:00C'est-à-dire des citoyens de seconde zone
19:03qui n'avaient même pas accès aux urnes, aux bulletins de vote.
19:06À partir du moment où il a été possible
19:09à des noirs américains d'être élus,
19:12on a estimé, comme le formule le militant
19:15qui était présenté dans le documentaire,
19:18on a estimé que le combat était terminé,
19:21alors que, justement, la discrimination systémique continue.
19:24Donc, c'est certain qu'un président,
19:27s'il n'est pas appuyé par un congrès
19:30qui est de son bord, va avoir
19:33les plus grandes difficultés.
19:36Obama ne s'est jamais présenté comme un président révolutionnaire.
19:39Il a surtout voulu être le président de tous les Américains,
19:42ce qui, jusqu'à une date relativement récente,
19:45était ce qu'on attendait d'un président.
19:48Maintenant, les choses changent un peu,
19:51mais ce n'est pas forcément dans le sens d'une cohésion
19:54de la démocratie, disons.
19:57Mais il ne faut pas oublier que,
20:00pendant les 2 premières années de son 1er mandat,
20:03Obama a utilisé la majorité démocrate au Congrès
20:06pour mener à bien une réforme absolument essentielle
20:09pour l'ensemble des Américains, mais aussi pour les plus pauvres,
20:12donc une part substantielle des Américains racisés.
20:15Autrement dit, la réforme du système de santé,
20:18qui était une priorité absolue et une mise à niveau
20:21des Etats-Unis par rapport aux autres grandes nations démocratiques.
20:24Et c'est ce qui est défait actuellement.
20:27Donc le racisme systémique
20:30que votre enquêté appelle
20:33la suprématie blanche, c'est quelque chose
20:36qui est à tous les niveaux, en fait.
20:39Et à partir du moment où on a un Congrès qui pousse
20:42dans un sens conservateur, il est extrêmement difficile
20:45même à un président, qui est censément
20:48l'homme le plus puissant du monde dans ce qui s'agit
20:51du président des Etats-Unis, de faire changer toute la société.
20:54Aujourd'hui, au sein des Noirs américains,
20:57si vous avez peut-être eu l'occasion d'en parler
21:00avec des gens aux Etats-Unis, quel est le bilan qu'ils font
21:03de son mandat ? Est-ce qu'il est toujours brandi
21:06comme le 1er Noir américain qui a été président
21:09ou est-ce que le bilan est plutôt mitigé, finalement ?
21:12C'est quand même toujours un sujet de fierté,
21:15surtout au regard de la place de l'Amérique
21:18dans le monde et de l'image de marque
21:21du pays qui, actuellement,
21:24on ne peut plus dégrader, il faut bien le dire.
21:27Barack Obama reste un symbole,
21:30mais pour être tout à fait franche,
21:33la plupart de mes collègues africains-américains
21:36sont plus proches de votre enquêté
21:39noire du documentaire
21:42et estimaient déjà à l'époque
21:45où il se présentait en 2008
21:48que Barack Obama n'était pas véritablement un Noir
21:51parce qu'il n'était pas un descendant d'esclaves,
21:54parce qu'il avait été élevé par une mère blanche,
21:57par des grands-parents blancs dont il disait lui-même
22:00qu'ils avaient des préjugés racistes
22:03et il était, à leur avis, dans cette position
22:06de favori pour être le candidat des démocrates
22:09pour le racisme institutionnel.
22:12Aujourd'hui, dans les entreprises américaines,
22:15des formations sont proposées contre le racisme.
22:18Est-ce que, selon vous, c'est un bon moyen
22:21pour lutter contre les inégalités ?
22:24C'est un moyen qui est efficace
22:27dans la mesure où les Américains
22:30ne grandissent pas ensemble,
22:33la ségrégation résidentielle étant ce qui divise
22:36On peut se retrouver côte à côte
22:39dans des bureaux, dans des lieux de travail,
22:42mais dès lors qu'il s'agit de relations électives
22:45ou bien de vivre dans un quartier,
22:48on n'a pas véritablement de liberté
22:51et la mixité est extrêmement minime.
22:54Par exemple, dans mon cas,
22:57je devais toujours demander à mes collègues
23:00dans les universités où j'allais enseigner
23:04est-ce que je pourrais vivre
23:07sans mettre ma famille en péril ?
23:10Dans la mesure où mon mari n'est pas de la même couleur que moi,
23:13mon mari étant noir et moi blanche,
23:16il fallait pour notre sécurité savoir
23:19quels seraient les quartiers où nous ne risquerions pas
23:22d'être arrêtés par des policiers
23:25ou bien où nous ne risquerions pas
23:28d'être dénoncés par des voisins.
23:31C'est principalement la ségrégation résidentielle
23:34qui détermine les comportements des Américains.
23:37C'est pour ça qu'on est obligés
23:40d'avoir ces formations,
23:43où on les met dans la peau
23:46de personnes qu'ils ne fréquentent jamais
23:49ou qu'ils ne voient qu'à la télévision.
23:52La tentation est toujours grande
23:55d'assimiler le sort des minorités visibles en France
23:58à celui des Noirs américains.
24:01Est-ce que vous pensez que c'est le même combat ?
24:04Il y a des points communs
24:07dans la mesure où il y a un passé esclavagiste en France.
24:10On l'oublie trop souvent parce qu'il s'agit des Antilles
24:13et c'est loin.
24:16Mais il y a quand même une façon de regarder
24:19nos compatriotes des Antilles
24:22qui n'est pas exactement la même
24:25de ce qu'on appelle l'Hexagone
24:28ou ceux qui ont une ascendance visiblement européenne.
24:31On a aussi le passé colonial
24:34qui, aux Etats-Unis,
24:37va plutôt se retrouver
24:40dans le traitement qui est fait
24:43aux Mexicains américains et aux Amérindiens.
24:46Il y a des processus coloniaux,
24:49impérialistes,
24:52qui vont se retrouver du côté des Mexicains américains
24:55et qui fera penser au traitement des Maghrébins
24:58et de leurs descendants en France.
25:01Notamment l'exemple typique
25:04d'avoir à démontrer qu'on est un citoyen du pays
25:07et qu'on n'est pas un immigré de fraîche date.
25:10Il nous reste un peu plus de 10 secondes.
25:13Comment est-ce que la situation pourrait évoluer
25:16d'ici quelques années ?
25:19L'élection qui s'annonce est tellement incertaine,
25:22il est tellement évident qu'il va y avoir
25:25une contestation des résultats du scrutin
25:28qu'il est à craindre qu'il y ait
25:31un règlement de l'élection
25:34par des voies qui ne sont pas tout à fait démocratiques,
25:37autrement dit celles de la Cour suprême.
25:40Je ne sais pas dans quelle direction va aller le pays.
25:43Cécile Kokemokoko, merci infiniment d'avoir été avec nous.
25:46Vous êtes agrégée d'anglais et professeure
25:49en civilisation américaine à l'Université de Versailles.
25:52Quentin, merci à vous, merci de votre fidélité.
25:55Vous pouvez revoir ce débrief du DOC sur rtfrance.tv
25:58et il en est de même aussi pour la série
26:01Black Lives Afro-Américains.
26:16Sous-titrage Société Radio-Canada

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