Stefan Crepon sur "Drone", "Le Bureau des Légendes", Mathieu Kassovitz et sa coloc avec Benjamin Voisin

  • il y a 4 jours
Transcription
00:00Quand je rencontre des gens qui me demandent ce que je fais dans la vie,
00:02s'ils n'ont pas vu Le Bureau des Légendes ou un autre film,
00:03je ne vais jamais dire que je suis acteur.
00:04J'aime bien inventer un métier.
00:06Alors souvent, j'ai dit que j'étais cascadeur.
00:08Et on a d'ailleurs joué beaucoup à ça avec Benjamin,
00:10où quand les gens le reconnaissent pour un film
00:13et moi, ils ne m'ont pas forcément reconnu,
00:14je vais dire que je suis son cascadeur,
00:16comme dans Once Upon a Time in Hollywood.
00:18Et il y a beaucoup de gens qui n'y croient pas,
00:20mais parfois on arrive à le faire croire.
00:30Marion Barbeau, c'était génial de tourner avec elle.
00:43Moi, je l'ai adoré dans Encore.
00:45Et voilà, en plus, on avait sur ce film quand même des scènes
00:49pas simples à jouer tous les deux,
00:51et donc j'appréhendais beaucoup.
00:53On a fait un gros travail de préparation.
00:55Je ne sais pas si ça aurait été aussi facile avec quelqu'un d'autre.
00:59Je pense qu'elle a très vite compris
01:02à quel point ça m'était désagréable à certains endroits.
01:06Et du coup, on était beaucoup dans le dialogue et dans la bienveillance.
01:09Moi, c'était la première fois que je faisais un premier film.
01:12Et j'ai adoré.
01:13Par rapport à des réalisateurs très expérimentés
01:16comme ceux avec qui j'ai pu tourner avant,
01:18il y a des moments où sur le plateau,
01:19il y a plus parfois de maladresse.
01:21Et il y a des trucs qui sont peut-être moins fluides
01:23et moins rapides, ce qui est évident.
01:24Mais en même temps, il y a une espèce de fraîcheur et de vitalité
01:28parce qu'il y a quelqu'un qui se découvre lui-même,
01:30qui s'invente.
01:31Évidemment, du coup, Mathieu Kassovitz.
01:33Génial partenaire de jeu.
01:36C'était un bonheur d'être avec lui.
01:37Moi, en plus, j'étais très admiratif de l'acteur
01:42et puis surtout du réalisateur.
01:44La haine, ça m'a bercé pendant toute mon adolescence.
01:46C'est un film que j'ai dû voir, franchement,
01:49je pense sans exagérer, une cinquantaine de fois.
01:52Et je l'avais sur un petit iPod Touch que m'avaient offert mes parents.
01:56Et je faisais la technique, à l'époque,
01:58où je cachais un écouteur dans ma manche en cours.
02:02Je le plaçais, je plaçais l'iPod dans ma trousse
02:06et je faisais semblant d'écouter le cours comme ça.
02:07Et je pense que je l'ai vu en cours de français et de maths.
02:11Ouais, sur les 50 fois, il y a bien 35 fois où je l'ai vu en cours,
02:13je pense, à l'époque.
02:15Celui qui deviendra le leader de l'intelligence artificielle
02:18sera celui qui dominera le monde.
02:20Les Russes pensent qu'on est des couillons.
02:21Il y a plein de trucs que je sais faire qu'ils ne savent pas faire.
02:24Donc, mon personnage était spécialisé dans l'intelligence artificielle.
02:27Mais on parle de ça, c'est en 2018,
02:30donc on n'en parlait pas du tout autant qu'aujourd'hui.
02:32Et Éric Rochand, le showrunner et créateur de toute cette série,
02:38m'avait donné plein de documentations à aller voir.
02:41De toute façon, c'est un esprit brillant.
02:42Je pense que c'est un des esprits les plus brillants que j'ai rencontrés.
02:44Et ça m'avait terrifié, à l'époque.
02:46Parce qu'en fait, déjà, on voyait les prémisses de ce qui arrive aujourd'hui
02:49et de ce qui va se passer.
02:50Déjà, on voyait les prémisses de ce qui arrive aujourd'hui
02:53et de tous les dangers que ça peut représenter.
02:55Et notamment, j'avais vu un documentaire assez fascinant
02:59qui s'appelle « Do you trust this computer ? »
03:01qui a été produit, au style paradoxal que ça puisse paraître, par Elon Musk.
03:04Et c'est un documentaire qui parle des dangers de l'intelligence artificielle.
03:08Et j'invite tout le monde à regarder ce documentaire parce qu'il est fascinant.
03:12Mais moi, j'ai adoré jouer ce rôle-là.
03:14C'était génial puisque c'est quand même quelque chose qui m'a bien lancé.
03:18Cédric Kahn, maintenant.
03:20Cédric Kahn, c'est mon papa de cinéma, je dirais.
03:24C'est lui qui m'a donné la chance en premier.
03:27C'est lui qui m'a rappelé, quatre ans plus tard,
03:31pour un des rôles principaux de son dernier film, « Making Of ».
03:35Et puis surtout, maintenant, on a une relation où on s'accompagne dans la vie.
03:40J'adore son cinéma et j'adore sa manière de diriger
03:44parce qu'il y a quelque chose de très vrai qui va à l'essentiel.
03:49Et il adore ça, il adore le jeu des comédiens.
03:52Et on ne peut pas tricher, du tout, avec lui.
03:56Donc c'est parfois éprouvant parce qu'il faut refaire la scène beaucoup, beaucoup
03:59pour arriver à cet endroit de vérité.
04:01Mais en même temps, c'est un travail de recherche qui est passionnant.
04:05Ton film, comment ça va ?
04:06Les techniciens sont énervés.
04:07Vas-y, ferme ta gueule.
04:08Pardon ?
04:12Les acteurs font n'importe quoi.
04:13T'es peut-être une grande vedette, bravo !
04:15Mais t'es surtout un énorme fils de pute !
04:18Moi, ce qui m'avait marqué tout de suite à la lecture du scénario,
04:20quand il m'avait proposé le rôle, je l'avais appelé après.
04:23Je lui avais dit, évidemment, que j'étais partant pour le faire.
04:25Et surtout, je lui avais dit, mais c'est marrant,
04:27ce qui me touche dans ce film, c'est que j'ai l'impression de te voir deux fois.
04:30J'ai l'impression de te voir aujourd'hui dans le rôle du réalisateur
04:33un peu désabusé et désillusionné, dans un sens,
04:35que joue Denis Podaïdès, et dans ce jeune homme
04:38plein de fougue et de vigueur et de rêve, d'envie et de fantasme autour de ce métier.
04:42Il m'avait dit, c'est exactement ça.
04:43Denis peut représenter un peu certains états
04:46dans lesquels je me trouve parfois de fatigue par rapport à cette industrie.
04:51Et toi, ce rôle-là, le rôle de Joseph, c'est un peu une personnification de moi
04:57quand j'avais ton âge et que j'étais l'assistant de Maurice Pialat.
05:00Donc, en fait, je rejouais un peu comme Denis jouait lui aujourd'hui.
05:04Je rejouais le maître et l'élève.
05:06Denis Podaïdès, les transitions sont très bien trouvées.
05:09Denis Podaïdès, c'est impressionnant de travailler avec lui parce que c'est...
05:15Je ne sais pas comment il fait.
05:17Il fait mille choses à la fois.
05:18Entre les prises, il est là avec un livre.
05:20Il est en train de réviser son texte qu'il va répéter à la Comédie française le soir.
05:25Et puis, il fait des révisions sur la pièce qu'il va jouer le lendemain.
05:28Et en même temps, il est en train de lire un troisième bouquin,
05:30qui est sûrement le truc qu'il va mettre en scène dans trois mois.
05:32Et puis, d'un coup, quand il entend moteur, il ferme.
05:35Il redevient le personnage instantanément.
05:37Et il fait, si on doit parler de jeu pur, ce travail d'orfèvrerie.
05:42C'est-à-dire que je ne sais pas par où ça passe.
05:44Donc, j'étais très, très marqué par ça.
05:46Quand j'ai commencé le théâtre, je faisais ça vraiment comme un hobby et comme un passe-temps,
05:50quand tout le monde allait faire du foot ou du tennis le mercredi après-midi.
05:56Mais je ne pensais pas que c'était un métier.
05:58Pour moi, ce n'était pas possible, en fait.
06:00Ce n'était pas concevable.
06:02Quand je suis allé voir surtout Cyrano, je suis...
06:05C'est ma mère qui m'a raconté ça.
06:06Je suis sorti de la pièce.
06:07Je dis, mais attends, les gens qu'on vient de voir, là, ils font ça pour vivre.
06:12Elle me dit, ben oui, monsieur.
06:12Je dis, mais ils ne font que ça.
06:13C'est-à-dire que leur vie, c'est que ça.
06:15Elle m'a dit, ben oui, oui, c'est leur métier.
06:16Ils sont comédiens, acteurs.
06:18Je dis, ah ben, donc si c'est possible, c'est ça que je veux faire.
06:20Absolument.
06:21Et là, c'est devenu une obsession et ce n'était plus un hobby.
06:24Et je me suis dit, ben voilà, c'est ça que je veux faire de ma vie maintenant.
06:27Je m'y attendais un peu.
06:28On tombe sur lui.
06:30Ben, Denis Ménocher.
06:31Je pense vraiment que c'est la plus belle rencontre que j'ai faite depuis que j'ai commencé à tourner.
06:37C'est une personne qui me touche au plus haut point.
06:43Et qui, maintenant, est devenu un très bon ami.
07:03C'était un tournage très particulier pour moi.
07:06On s'est rencontré sur Peter van Kante, de François Ozon.
07:11Et moi, forcément, j'avais un rôle à défendre qui était un peu particulier.
07:15Parce que j'étais là du début à la fin du film.
07:16J'étais là pendant tous les jours du tournage.
07:18Mais on n'entend pas une seule fois le son de ma voix dans le film.
07:21Je suis là dans toutes les séquences, mais entièrement muet.
07:23Donc, j'appréhendais beaucoup.
07:24Même si j'étais très excité.
07:25Mais je me disais, bon, ben voilà, je vais faire un joli plan de verte dans l'arrière-plan.
07:31Puis, j'ai quand même essayé de rendre hommage à ce personnage.
07:34Et je crois que je dois vraiment...
07:38Denis, je lui dois une fière chandelle.
07:40Parce que, déjà, c'est une personne d'une telle bienveillance, gentillesse et générosité.
07:48Je sais que souvent, les acteurs disent ça en parlant de leur partenaire.
07:51Mais lui, c'est...
07:53Je ne sais pas, il est ailleurs encore à ce niveau-là.
07:57Encore aujourd'hui, chaque film que je dois faire, je vais le voir.
08:02Et il m'aide à travailler.
08:04Il habite en Bretagne.
08:05Généralement, c'est un petit rituel, un mois ou deux avant le tournage.
08:08Je pars chez lui et on travaille sur le film et surtout sur le personnage
08:15pendant cinq ou six jours, tous les deux.
08:17Et c'est très, très, très précieux pour moi.
08:19Benjamin Voisin et Vincent Lindon.
08:23Oui, avec qui j'ai eu la grande, grande chance de tourner
08:27dans le prochain film de Delphine et Muriel Coulin,
08:31qui est un film qui s'appelle Jouer avec le feu,
08:33qui sortira là le 22 janvier.
08:35Vincent, moi, c'était un modèle d'adolescence par son exigence,
08:40par les films qu'il a faits, par ce qu'il a transmis.
08:44Et au-delà de ça aussi, quand je suis rentré au Cours Florent à 18 ans,
08:48il avait fait un discours où il avait dit,
08:50moi, quand j'étais à votre place, ici, il y avait deux types de matinées.
08:55Il y avait des matins où je me réveillais et je me disais,
08:58mais pourquoi tu fais ça ?
08:59Mais t'es débile, il y a tellement de gens, tu ne vas jamais y arriver.
09:02Mais pourquoi tu fais ça ? Tu fonces droit dans un mur.
09:05Il y avait aussi d'autres matinées où il disait, ouais, peut-être,
09:08mais en tout cas, je ne sais pas pourquoi, il y a un endroit de moi où je me dis,
09:10ce métier, c'est sûr que c'est ça qu'il faut que je fasse.
09:13Et je ne peux pas exister sans lui.
09:15Et après, bon, ça, c'est...
09:17Mais ce métier ne peut pas exister sans moi.
09:19Et il me disait, voilà, c'est sur ces matinées-là que j'ai décidé de me concentrer.
09:24Et c'est quelque chose que je garde en moi,
09:28encore aujourd'hui, quand il y a des petits jours de doute.
09:30Benjamin, c'est particulier parce que c'était mon rêve aussi
09:35de tourner avec lui depuis un petit bout de temps,
09:37parce qu'on s'est rencontrés il y a quelques années maintenant,
09:41il y a bientôt dix ans.
09:44Et après ça, on a même emménagé ensemble, on a été coloc pendant cinq ans et demi.
09:50Donc ça a toujours été un rêve pour nous de tourner ensemble.
09:53On s'est rencontrés avant de faire du cinéma, lui comme moi.
09:55Donc au début, notre rêve, c'était de réussir à en faire.
09:58Quand on a commencé à en faire un peu, on s'est dit,
09:59putain, mais imagine un jour, on arrive à faire un film ensemble.
10:01Et maintenant, c'est le cas.
10:02En plus, on joue deux frères.
10:03On a été aussi utilisés par les réalisatrices pour notre complicité,
10:07ce qu'on était très contents de faire.
10:09On se laissait complètement utiliser là-dessus.
10:10Et non, c'était forcément...
10:14Ça n'a pas déçu du tout mes attentes.
10:16C'est-à-dire que c'est évidemment fluide.
10:19Je peux finir ses phrases, il peut finir les miennes.
10:21S'il va quelque part, je le sais avant qu'il y aille.
10:25Donc ouais, c'était génial.
10:29Sous-titrage Société Radio-Canada

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