• il y a 2 mois
GRAND DÉBAT / Un an après le 7 octobre en Israël : le traumatisme et les fractures

« Le récap » par Bruno Donnet

Le samedi 7 octobre 2023 à l'aube, le Hamas a déclenché l'opération « Déluge d'Al-Aqsa » contre Israël : le massacre le plus sanglant de l'Histoire du pays après la Shoah. Depuis la Bande de Gaza, des milliers de tirs de roquettes ont été couplés d'opération maritimes et aériennes. Certaines localités israéliennes ont été prises provisoirement par les combattants du mouvement islamiste palestinien. Des kibboutz, bases militaires et un festival ont été victimes de cette attaque massive. Un décompte de 1200 morts, 7500 blessés et 250 otages. Un an après l'offensive, l'Etat hébreu est en guerre contre le Hamas et le Hezbollah, milice paramilitaire au service de l'Iran. La communauté internationale s'inquiète d'un embrasement régional. La société israélienne se fracture entre l'adhésion à la riposte contre le Hamas et la défiance envers Benyamin Netanyahou qui orchestre cette guerre. Les jours de ce-dernier à la tête de l'Etat hébreu sont-ils comptés ? Peut-on craindre l'apparition d'une guerre totale au Proche-Orient ou se dirige-t-on vers un apaisement du conflit ?

Invités :
- Guillaume Auda, grand reporter, ancien correspondant à Jérusalem, auteur de « 7 octobre, année zéro » (Le Cherche Midi),
- Agnès Vahramian, directrice de France Info, ancienne correspondante permanente au Moyen-Orient,
Bilal Tarabey, journaliste franco-libanais, chroniqueur à France 24,
- Général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française à l'ONU,
- David Khalfa, co-directeur de l'Observatoire de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la fondation Jean Jaurès et auteur de « Israël-Palestine, année zéro » (éditions le Bord de l'eau),
- Émilie Baujard, grand reporter à RTL,
- En Skype : Dror Even-Sapir, journaliste, commentateur politique et géopolitique sur i24news.

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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News
Transcription
00:00...
00:05Bonsoir et bienvenue.
00:07Très heureuse de vous retrouver dans Savourgarde.
00:10Ce soir, nous vous proposons une émission spéciale
00:13un an après le 7 octobre,
00:15après les massacres du Hamas, la sidération, l'effroi.
00:19Gros plan ce soir sur la société israélienne.
00:22Est-elle si fracturée que cela ?
00:24La question des otages,
00:26question clé dans la guerre à Gaza,
00:28le traumatisme un an après, est-il indépassable ?
00:32On en débattra.
00:33On fera aussi le bilan d'une année de conflit au Proche-Orient.
00:37Jamais le risque d'embrasement de toute une région
00:40n'a été aussi grand.
00:41Israël, Liban, Iran, la guerre,
00:43jusqu'où ? Ce sera dans la 2e partie de l'émission.
00:46Voilà pour le programme Savourgarde spécial 7 octobre.
00:50Ca commence tout de suite.
00:52Générique
00:53...
01:031 200 morts, 7 500 blessés,
01:05250 hommes, femmes et enfants enlevés par le Hamas.
01:09Ce jour-là, Israël plonge dans l'horreur.
01:12Des maux comme celui de Pogrom refont surface.
01:14Massacre du Niniomi ni son nom, sans doute le plus barbare
01:18contre le peuple juif depuis la Shoah.
01:20On va y revenir ce soir avec Agnès Baramian.
01:22Bonsoir. Merci d'être avec nous.
01:24Vous êtes grand reporter.
01:26Vous venez de passer 3 ans en Israël
01:28comme correspondante pour France Télévisions
01:30et vous êtes la toute nouvelle patronne
01:32de la rédaction de France Info, la radio.
01:35Bonsoir. Guillaume Oda.
01:36Ravie de vous accueillir sur ce plateau.
01:38Grand reporter également, consultant LCI,
01:41ancien correspondant à Jérusalem,
01:43où vous êtes retourné pour ce livre,
01:45à la fois en Israël et dans les territoires palestiniens,
01:48le 7 octobre, année zéro,
01:50qui vient tout juste de sortir hier aux éditions du Cherchemini.
01:53Vous avez rencontré la jeunesse des deux côtés
01:56et mesuré le fossé qui les sépare.
01:58Bonsoir, David Kalfa.
02:00Bienvenue. Vous dirigez l'Observatoire
02:02de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient
02:04de la Fondation Jean Jaurès.
02:06Vous publiez Israël-Palestine, année zéro.
02:08Tiens, ça demande une explication, ce terme d'année zéro.
02:11Le 7 octobre, une onde de choc mondiale.
02:14C'est aux éditions du Bordelot et ça sort le 18 octobre prochain.
02:17Bonsoir, Émilie Beaujard.
02:19Bienvenue à vous, grand reporter
02:21au service international de la rédaction d'RTL.
02:24Vous aussi, vous avez couvert ce conflit.
02:26Avant de vous entendre, tous les quatre,
02:28on va revenir sur cette journée d'horreur en Israël.
02:31Ce pays est devenu vulnérable.
02:33Maïté Frémont.
02:37Ce soir d'octobre 2023,
02:39Léa, Emma et Sarah, encore sous le choc de l'attaque,
02:44se préparent à une nuit de collage.
02:47Ca aurait pu être notre mère, notre sœur,
02:50notre grand-mère.
02:52Sur les murs de Paris,
02:53elles affichent les visages des 251 otages
02:57enlevés par le Hamas.
02:59On a besoin que la société nationale
03:01et internationale comprennent.
03:03Ces portraits orneront désormais
03:06les pancartes de toutes les manifestations
03:09un peu partout dans le monde.
03:13Nous sommes le 7 octobre 2023.
03:18Sur cette vidéo,
03:20la musique...
03:21Cris
03:22...fuit la panique.
03:25...
03:29Le Hamas attaque, tue...
03:31...
03:33et prendra en otage ce jour-là 44 personnes.
03:37...
03:41Ce festival de musique devient une scène d'horreur.
03:46Dans le kibbutz de Niroz,
03:48même scène de cauchemars partout,
03:51des maisons brûlées.
03:53Parmi les 74 personnes capturées par le Hamas,
03:57le père est le fils de cette famille.
04:00La maman témoigne aujourd'hui du traumatisme de son fils,
04:04libéré après 51 jours de détention.
04:08Ils l'ont forcé à regarder des vidéos qu'ils avaient filmées
04:11ce samedi-là.
04:13Les leurs tuant des gens, des enfants, des femmes,
04:17quand ils pleuraient, ils pointaient une arme sur lui.
04:21Ils le battaient et ils disaient qu'Israël n'existait pas.
04:26Son mari, lui, est toujours otage à Gaza,
04:29tout comme celui d'Aviva, elle aussi détenue,
04:32désormais libre, elle raconte.
04:34Ils nous ont emmenés dans une maison.
04:37Il fallait descendre 4 marches et il y avait un trou
04:40pour descendre sous terre dans un tunnel.
04:43Je n'oublierai jamais le visage du terroriste et ce sourire.
04:48« Viens ! » disait-il et il me souriait
04:50pendant que je tremblais.
04:52Kif tremblait aussi, il avait les côtes cassées
04:55et il saignait.
04:56La voici, le jour de sa libération,
04:59encadré par deux membres du Hamas.
05:02Ces images font partie désormais
05:05de l'inconscient collectif des Israéliens.
05:08Un an après, les mobilisations continuent chaque semaine
05:12pour que les otages ne soient pas oubliés.
05:15On veut que tout le monde nous aide à les ramener à la maison.
05:18Enfin, qu'ils déronissent en français.
05:22Le gouvernement français doit nous aider
05:24à les ramener à la maison.
05:2697 personnes seraient toujours aux mains du Hamas.
05:32Agnès Baramion, vous, le 7 octobre,
05:35vous êtes en Israël, dans les premières sirènes retentissent.
05:39Racontez-nous comment vous avez traversé cette journée.
05:42J'étais à Jérusalem, chez moi,
05:45et on a très vite compris
05:47qu'il se passait quelque chose de très grave.
05:50Vous savez, Israël est un petit pays,
05:52on a pris la voiture, on est tout de suite descendu vers le sud,
05:55d'abord à Ashkelon, où arrivaient les ambulances
05:59avec les premiers morts, les premiers blessés.
06:02Et puis, très vite, en fait,
06:05on est descendus encore un peu plus
06:08et on a vu les premières choses que j'ai vues
06:12de cette intrusion des terroristes du Hamas,
06:17c'est leur corps, en fait.
06:19Beaucoup de...
06:20Beaucoup de ces hommes surarmés,
06:23suréquipés, qui avaient...
06:25Qui étaient venus arriver à bord de pick-up
06:28et qui avaient été tués
06:30et laissés là, sur les routes.
06:33Qu'est-ce qui a été le plus difficile à couvrir pour vous ?
06:36Vous êtes une reportère à Guéry, dans les semaines qui ont suivi.
06:40C'est de rencontrer les victimes.
06:42Je me souviens aussi
06:45de mon arrivée sur le site du festival de Nova.
06:49On a été la première équipe,
06:51avec un journaliste de la chaîne 12 israélienne, à entrer.
06:55L'armée n'avait pas encore vraiment pris possession du lieu.
06:59Tous les effets personnels des gens étaient là.
07:01Les corps venaient juste de partir.
07:04Et on déambulait dans cet endroit,
07:07en essayant de comprendre comment le Hamas avait pu arriver
07:12avec des ailes volantes, à qui il s'en était pris,
07:15comment ça avait pu s'être passé, ce chaos au milieu
07:18de ce qui était une fête.
07:20Vous parlez de la chaîne 12.
07:22C'est intéressant, parce que c'est rarissime,
07:25dans l'histoire du direct à la télévision,
07:27que vous connaissez si bien,
07:29qu'on ait quasiment les massacres en direct.
07:31Il y a des appels aux secours qui ont été diffusés,
07:34comme si tous les Israéliens, en touchant l'écran,
07:37pouvaient toucher les vies.
07:39C'est inédit. Il y a eu aussi les vidéos
07:41des chaînes Telegram du Hamas, des combattants en terrorisme.
07:45C'est ça qui était marquant, c'était une attaque de terreur,
07:50faite pour tuer et faite aussi pour terroriser.
07:53Et la mise en scène de certains terroristes,
07:57alors qu'ils maintenaient des otages,
08:00et de se mettre en direct,
08:02ou d'appeler même les gens de Gaza
08:05pour fêter avec eux le fait d'être sur le territoire israélien
08:09et de pouvoir kidnapper des otages,
08:11elle est vécue comme plus qu'un choc en Israël.
08:16On a peine à réaliser ce jour-là.
08:18Il y a une sidération, d'ailleurs,
08:21qui ne va pas quitter la société israélienne
08:23jusqu'à aujourd'hui.
08:25Ils sont restés le 7 octobre.
08:26Ils restent toujours et ils revivent,
08:28finalement.
08:29Moi, j'y étais encore il y a trois semaines.
08:32Ils revivent constamment ce jour-là.
08:35Guillaume Oda, c'est vrai que c'est le pays refuge, Israël.
08:38C'est le pays fort et c'est le pays qui vacille,
08:42pour la première fois, véritablement, de son histoire.
08:45Vous parlez d'un paradoxe existentiel.
08:47Oui, un paradoxe existentiel qui se manifeste à deux égards.
08:53Je vais essayer de l'expliquer assez simplement,
08:55si vous prenez l'Etat d'Israël
08:57dans ses frontières de l'armistice de 1949,
09:00c'est-à-dire en 1967,
09:01donc vous mettez l'occupation d'Assi-Jordanie à côté
09:04et Gaza le bloquus.
09:05Israël, c'est un pays fort, avec une armée forte et loyale.
09:09Tel Aviv, c'est Miami.
09:10Il y a des grues, il y a des routes
09:12qui se construisent absolument partout.
09:15Le PIB d'Israël, c'est 520 milliards de dollars.
09:18C'est plus que les cinq pays qui entourent cet Etat-là.
09:21Sur le papier, il y a de quoi offrir à ces citoyens
09:23un avenir serein, en réalité.
09:25Pour autant, quand on tendait le micro
09:27aux Israéliens de confession juive,
09:30ils vous disent qu'ils ont peur.
09:32C'est là que se manifeste ce paradoxe existentiel,
09:35d'autant plus qu'on l'a vu, là,
09:36avec l'attaque iranienne à nouveau contre l'Etat d'Israël.
09:40Elle s'était aussi produite en avril dernier.
09:43Israël, pour la première fois,
09:44est entré dans une coalition avec les Américains,
09:47les Britanniques, les Français, les Jordaniens, les Saoudiens.
09:51C'est un Etat qui n'est pas seul.
09:53Il y a quelque chose de l'ordre de cette peur existentielle,
09:56qui était à la fois vécue,
09:57pour des raisons qui renvoient à l'histoire,
10:00l'extermination des Juifs d'Europe,
10:02et d'ailleurs, ces images, ça a envoyé
10:04une forme d'holocauste par écran interposé.
10:07Cette fille qu'on a vue dans le reportage,
10:09je l'ai rencontrée, je l'ai interviewée.
10:11Elle m'avait dit qu'elle avait pris son téléphone
10:14pendant toute l'attaque à la Nova,
10:16pour être sûre que si elle mourait,
10:18on puisse savoir comment elle était morte,
10:21parce qu'elle m'a dit que certains n'ont pas cru
10:23nos grands-parents lorsqu'ils sont sortis des camps.
10:26Elle m'a parlé d'holocauste par écran interposé.
10:29Ce paradoxe existentiel se joue là,
10:31et j'en termine là, pour ce qui concerne les Palestiniens,
10:34en revanche, qui, par la mort ou par l'exode,
10:38sont en train peut-être d'être poussés ou chassés
10:41par l'aile la plus extrémiste qu'on trouve en Israël.
10:44Quand on leur tend le micro, ils disent qu'ils sont nés là
10:47et qu'ils resteront là.
10:48C'est là que se manifeste ce paradoxe.
10:50Cette idée qui s'est installée après le 7 octobre,
10:53qu'Israël pouvait disparaître,
10:55aussi surprenant que cela soit,
10:58quand on connaît le rapport de force,
11:01elle est toujours là, aujourd'hui ?
11:03On n'a jamais voulu voir cette vulnérabilité.
11:05Elle n'est pas nouvelle.
11:07Israël est né dans le fracas de la guerre.
11:09C'est les guerres qui ont scandé son existence,
11:12des guerres conventionnelles,
11:14dans les années 50, 60, 70,
11:15la dernière en date face aux Égyptiens et aux Syriens,
11:18et aussi ensuite la succession de conflits asymétriques,
11:21d'attaques terroristes, avec une menace multiforme.
11:24Mais celle-là, elle est particulière,
11:26cette attaque. Il y a des corps calcinés,
11:29il y a des crimes sexuels, des crimes dans le crime.
11:32Il y a clairement eu un changement d'échelle.
11:34C'est-à-dire que là, en effet,
11:36c'est très prudent,
11:37l'utilisation du mot pogrom,
11:39non pas pour réduire le caractère absolument inouï
11:43de cette violence,
11:44mais parce que là, on est, à mon avis,
11:46dans une autre configuration.
11:49Je pense que c'est... Je l'explique dans le livre.
11:52-"Massacre".
11:53-"Violence à caractère génocidaire".
11:55Alors, il faut faire très attention,
11:57c'est-à-dire qu'évidemment, quand on pense au génocide,
12:00on pense à la Shoah, sauf qu'en fait,
12:03il y a eu plusieurs génocides dans l'histoire,
12:05et par caractère génocidaire,
12:08j'entends une violence qui cible, en tant que telle,
12:11non pas seulement les Israéliens, mais les Juifs,
12:13parce que quand on regarde les vidéos,
12:15le mot qui est utilisé en arabe, en permanence,
12:18c'est yaoud, qui est juif, ils sont désignés comme juifs,
12:21les cibles sont désignées comme juifs,
12:23et là, il faut s'en référer à toute l'idéologie du Hamas,
12:26qui joue sur la polysémie du mot moukawama,
12:29donc la résistance, parce qu'à chaque fois,
12:31elle est accolée à résistance islamique,
12:34c'est ça qu'on oublie, c'est quand on regarde
12:36l'acronyme du Hezbollah, c'est résistance islamique,
12:39au Liban, et la moukawama,
12:41il y a des ressorts théologico-politiques,
12:43il y a une vision très fanatique, très messianique,
12:46et notamment qui était surtout partagée par Racinoir,
12:49car le Hamas n'a jamais été un mouvement monolithe,
12:52il y a eu des tensions entre la branche politique
12:54et la branche militaire, mais surtout entre la branche à Gaza
12:58et la branche extérieure, donc c'est un massacre de dimensions
13:01pour les Israéliens apocalyptiques, et ça a réveillé un spectre,
13:05c'est le spectre de l'Hachoua, des blessures très profondes.
13:08Je vous donne la parole, mais c'est intéressant,
13:11cette année zéro, il y a des dates dans l'histoire récente,
13:14on pense au 11 septembre 2001, des dates un peu matricielles,
13:18avec un avant et un après, ce concept du 7 octobre,
13:21année zéro, que vous partagez, qu'est-ce qu'il signifie ?
13:24Bon, le 7 octobre, il s'inscrit dans une longue histoire
13:29de sang et de larmes versées, un problème de fond,
13:31le conflit israélo-palestinien, toujours pas résolu.
13:34Ceci dit, en tant que tel, il marque une rupture
13:37de par la brutalité dont on vient de parler,
13:40encore une fois, une attaque terroriste
13:42à très grande échelle, mais qui bouleverse
13:44la face du Proche-Orient pour de longues années,
13:47et on en voit les résultats aujourd'hui,
13:49puisque l'opération israélienne se poursuit désormais au Sud-Liban,
13:53que l'Iran et Israël sont en confrontation directe,
13:56et je veux dire par là que,
13:58toute date historique aussi dévastatrice soit-elle,
14:01elle annonce, et elle porte en elle-même
14:03l'annonce d'une nouvelle ère, parce qu'elle fait table rase
14:07d'un certain passé et qu'elle reconstruit un nouveau futur,
14:10et je crois qu'avec David que je connais,
14:12on a une référence cinématographique en commun,
14:15celle de Rosselini, Allemagne année zéro,
14:17qui raconte l'histoire d'un jeune enfant
14:19dans le Berlin d'après-guerre, totalement dévasté,
14:22qui cherche à réinventer sa vie dans un contexte
14:25de reconstruction qu'il espère être pacifique
14:27avec toutes ses contradictions.
14:29Il y a tout ça dans Année zéro,
14:31il y a cette idée que le futur est incertain
14:33et qu'il est en train de se construire
14:36dans la déflagration.
14:37Pourtant, cette société israélienne a tenu,
14:39même s'il y a des Israéliens qui sont partis,
14:42souvent les plus aisés, ceux qui pouvaient se le permettre,
14:45on a même appelé ça la descente,
14:47il y a l'Aliya pour remonter,
14:49il y a Yérida pour quitter, ce qui est incroyable
14:52quand on connaît l'histoire de ce pays.
14:54Il y a deux Israëls aujourd'hui qui se font face,
14:56celle qui est derrière Benyamin Netanyahou,
14:59celle qui manifeste pour la libération des otages
15:02et le cessez-le-feu.
15:03Est-ce qu'on peut dire ça ?
15:04En tout cas, il y a un fossé qui se creuse,
15:07c'est sûr, et c'est vrai qu'on a du mal à voir
15:09comment ces deux parties de la société israélienne
15:12vont se réconcilier, vont reparler,
15:14parce qu'il y a toutes ces manifestations
15:17pour la libération des otages qui ont lieu
15:19pratiquement en permanence.
15:21Là, elles ont été arrêtées à cause des mesures de sécurité
15:24suite aux frappes iraniennes,
15:26mais les manifestations ont lieu en permanence.
15:28Et puis, il y a toute cette gauche israélienne
15:31qui essaie aussi de renaître,
15:33il faut être réaliste, ça fait des années
15:35que la gauche israélienne n'avait plus de députés à l'AK-7,
15:38vive hôtée, et elle essaie aussi,
15:40sur les cendres du 7 octobre, de renaître,
15:42c'est encore difficile.
15:44Et puis, on le voit sur les commémorations
15:46qu'il va y avoir en Israël pour le 7 octobre,
15:49que là, il y a un fossé qui s'est créé avec le gouvernement,
15:52puisque la cérémonie officielle faite par le gouvernement,
15:55beaucoup de familles d'otages ont demandé
15:58à ne pas être incluses dans cette cérémonie,
16:00même pas être citées, que le nom des otages soit cité.
16:03Justement, parfaite transition,
16:05bonsoir, Dror, Evan, Sapir.
16:07Justement, ces commémorations,
16:09qu'est-ce qui est prévu ?
16:10Qui organise ?
16:12Et pourquoi déjà une polémique sur le 7 octobre ?
16:16Oui, parce qu'il y a effectivement
16:18les commémorations officielles organisées par le gouvernement
16:21et les commémorations officieuses
16:23qui sont organisées par les proches des victimes.
16:26Et avant la dégradation de la situation sur le Front Nord,
16:29avec le Liban et peut-être aussi avec l'Iran,
16:32eh bien, honnêtement,
16:34on se déplaçait, on se dirigeait
16:37vers des cérémonies non officielles
16:40qui allaient attirer bien plus de monde
16:42que les cérémonies officielles,
16:44qui, d'ailleurs, auraient dû avoir lieu sans public.
16:47Donc, effectivement, ça montre le fossé
16:49entre le gouvernement et une partie, en tout cas,
16:52de la société israélienne...
16:54Je précise que vous êtes à Tel Aviv, Dror,
16:56pardonnez-moi, j'aurais dû le dire,
16:58vous êtes journaliste à E24 News.
17:01Si, au fond, cette journée d'horreur ne passe pas,
17:04c'est aussi parce qu'il y a la question des otages
17:07qui, tous les jours, en permanence, partout,
17:09dans les rues, dans les transports,
17:11sautent au visage des Israéliens et un peu partout
17:14dans les grandes capitales du monde entier.
17:17Que sait-on précisément de leur sort, aujourd'hui ?
17:20Une soixantaine d'otages présumés vivants à Gaza.
17:24C'est pas grand-chose.
17:26Vous savez, il y a quelques semaines,
17:28six otages ont été assassinés.
17:29Leurs corps ont été trouvés par l'armée israélienne,
17:32rapatriés en Israël.
17:33On a appris, on a vu dans quelles conditions
17:36ces six personnes avaient vécu leurs derniers jours,
17:39leurs dernières semaines,
17:41des tunnels insalubres, humides,
17:44dans lesquels la vie ou la survie est à peine possible.
17:48Et c'est dans ces tunnels
17:50que ces six otages ont été assassinés
17:52par leurs géoliers du Hamas,
17:54lorsque ces derniers ont constaté que l'armée israélienne
17:57était en train de les découvrir.
17:59C'est à ce moment-là que la crise,
18:01entre le gouvernement et une partie de la société,
18:04a atteint des sommets, notamment autour de cette théorie
18:07qui était partagée par la plupart des Israéliens jusqu'alors,
18:11à savoir davantage de pression militaire sur le Hamas.
18:14Elle a incité Yair Hassinouar, le dirigeant du Hamas,
18:17à lâcher du lest
18:19pour qu'un accord sur la libération des otages soit possible.
18:22La question des otages s'est imposée à Benyamin Netanyahou.
18:26Elle n'allait pas de soi au départ.
18:28C'est la société qui, par sa pression,
18:30a permis de mettre la question de la libération à l'agenda.
18:33Quelle est l'atmosphère à l'approche de lundi du 7 ?
18:36Comment les Israéliens s'apprêtent à vivre cet anniversaire ?
18:42Les choses évoluent tellement vite.
18:44Il y a quelques semaines, la question des otages
18:47était présente dans tous les esprits.
18:49C'était la principale des préoccupations.
18:51Aujourd'hui, c'est l'Iran, le Liban,
18:54qui a envoyé des troupes dans le sud du Liban.
18:56C'est les différents succès israéliens,
18:58les succès militaires, des services de renseignement,
19:01remportés contre le Hezbollah.
19:03Il y a eu un moment d'euphorie en Israël
19:05qui a peut-être relégué au second plan la question des otages.
19:09Pour le plus grand malheur, pour le plus grand désespoir
19:12des proches des otages, des militants de leur cause,
19:15qui ne savaient plus comment à nouveau sensibiliser
19:18la société israélienne.
19:19En Israël, on a l'habitude de dire
19:22que lorsqu'un routard israélien, après l'armée,
19:24est bloqué pour une raison ou pour une autre,
19:27en Amérique du Sud ou en Asie du Sud-Est,
19:29tout est fait, l'Etat d'Israël mobilise ses ressources
19:32pour pouvoir le ramener à la maison, chez lui, en Israël.
19:35Là, on a une centaine d'otages,
19:38dont la moitié, environ, serait encore en vie,
19:40et ils ne rentrent pas chez eux.
19:42Ils vivent dans des conditions atroces.
19:45Donc, s'ils ne rentrent pas chez eux,
19:47quelque chose d'essentiel dans le contrat civil
19:50entre les citoyens israéliens et l'Etat d'Israël,
19:53je dirais même, l'idée même du sionisme
19:56d'un Etat indépendant pour le peuple juif
19:58sera peut-être, non pas remise en question,
20:03mais elle subira une crise très profonde.
20:05Il y a des Israéliens qui vous disent
20:07que si on ne libère pas les otages, on n'est pas juif.
20:10On peut entendre ça aussi dans la rue israélienne.
20:13Oui, mais je connais aussi des villes israéliennes
20:16où il n'y a pas d'image d'otage,
20:17où il y a une population qui, elle,
20:21considère que, certes, c'est quelque chose
20:24d'extrêmement malheureux et terrifiant,
20:26mais qui, en même temps,
20:29mette, j'allais dire,
20:32en haut de la liste du devoir d'Israël
20:36que de préserver son avenir,
20:38selon leur perspective,
20:40et de combattre le Hamas
20:43et le Hezbollah,
20:45et peut-être l'Iran à tout prix.
20:47C'est là où il y a une fracture.
20:48C'est là où il y a une fracture.
20:50La fracture, elle est sur les otages,
20:53mais dans les quelques semaines qui ont suivi le 7 octobre,
20:56on a senti, quand même, dans la société israélienne,
20:59que la question des otages allait être débattue
21:02et qu'il y avait, y compris au sein de l'armée,
21:06ça a pu changer,
21:08mais y compris au sein de l'armée,
21:11que le destin du pays était peut-être plus important
21:14que celui des otages.
21:16On l'a sentu très vite, et on l'a senti, notamment,
21:19quand, après cette phase d'humiliation
21:21subie le 7 octobre,
21:22car le 7 octobre, c'est une perte de confiance.
21:25C'est-à-dire qu'Israël a été humilié.
21:27Les Israéliens étaient persuadés,
21:29parce que Netanyahou, les militaires,
21:31leur avaient dit que Gaza, c'est géré, en quelque sorte.
21:34Le 7 octobre, ils se rendent compte
21:36et prennent en pleine face le fait qu'on ne gère pas Gaza
21:40avec de l'argent ou avec des permis de travail
21:42pour les Palestiniens.
21:44Ces...
21:45Ces Israéliens s'en rendent compte,
21:48et après cette phase de sidération,
21:51on voit la montée de la puissance militaire d'Israël,
21:55qui va aller mener la guerre à Gaza,
21:57et là, les Israéliens sont évidemment partagés,
22:00parce que certains vous disent...
22:01Il y a une division dans la société,
22:04sur la manière dont elle est conduite.
22:06Il y a toute une partie de la population,
22:08y compris dans les familles d'otages,
22:10qui disent, eh bien oui,
22:12il faut peut-être payer ce prix
22:14et, en tous les cas, forcer le Hamas à négocier par la force,
22:19et ces gens ne comprennent que la force.
22:21Vous entendez ces phrases ?
22:23-"Négocier", ça veut dire libérer des Palestiniens
22:25et parfois des terroristes.
22:27David Kalfa, vu de France,
22:29on se dit que si on avait vécu ça,
22:31il y aurait eu une crise démocratique.
22:33Benyamin Netanyahou aurait dû rendre des comptes.
22:35Après le 7 octobre, toute la presse,
22:37que ce soit la presse de gauche, mais aussi la presse de droite,
22:41disait que c'était son échec,
22:43et il réussit un an après à être incontournable.
22:46Comment c'est possible que la société israélienne
22:48n'ait pas proposé une alternative, précipité une élection ?
22:52Comment on comprend ?
22:53Parce qu'elle est au milieu d'une guerre.
22:55Le 7 octobre, c'est une rupture anthropologique,
22:58les massacres inouïs, mutilations, viols,
23:01tortures, exécutions sommaires,
23:03et c'est aussi une rupture historique.
23:05Il y a définitivement un avant et un après.
23:07Par ailleurs, c'était l'objectif du Hamas
23:10d'enfermer Israël dans un dilemme stratégique et moral.
23:13Concrètement, il faut distinguer, à mon avis, deux choses.
23:16On a tendance à personnaliser à outrance
23:18le conflit israélo-palestinien,
23:20et donc, d'une certaine manière, à le simplifier.
23:23Il y a Netanyahou, qui est un animal politique,
23:26qui a un intérêt, évidemment, à ce que cette guerre dure...
23:29Pour sa propre survie politique.
23:31Il est cerné par trois affaires de corruption
23:33et risque la prison.
23:35Après, il y a l'establissement politico-militaire
23:37au sein de la société israélienne,
23:39qui est très complexe et avec une pluralité de points de vue.
23:43Mais le dilemme dont je parle, c'est très simple à comprendre.
23:46Au fond, c'est un dilemme tragique pour les Israéliens.
23:49C'est-à-dire, soit, en gros,
23:51ils poursuivent leur objectif militaire,
23:53en dehors du slogan d'éradication du Hamas,
23:56qui ne tient pas la route,
23:57mais de destruction des capacités militaires
24:00offensives et défensives du Hamas,
24:02au prix, du coup, de la vie des otages,
24:04parce qu'évidemment, ça impliquait
24:06du coup, de prendre des risques très substantiels
24:09s'agissant des otages,
24:10soit ils décidaient d'en faire leur priorité,
24:13au prix, bien sûr, inversement,
24:15de la destruction du Hamas sur le plan politico-militaire.
24:18Et donc, on sent, si vous voulez,
24:20qu'il y a une espèce d'oscillation depuis le départ,
24:23depuis le début de cette guerre, il y a à peu près un an,
24:26et que, du côté de l'échon politique,
24:28en tout cas de celui de Netanyahou,
24:30on penchait très clairement vers la guerre,
24:33c'est-à-dire la destruction du Hamas,
24:35et qu'une division au sein de l'Etat-major,
24:37qui semblait plutôt, au fil des mois,
24:39privilégier l'option politico-diplomatique,
24:42et notamment son ministre de la Défense,
24:44d'où les tensions très fortes entre Netanyahou et Oaf Galante,
24:48qu'il a essayé de virer...
24:49Il y a à peine quelques semaines,
24:51avant l'entrée des forces terrestres israéliennes
24:54dans le Sud-Liban, et donc, en fait,
24:56ce débat, ça fait à peu près un an
24:58qu'il divise les Israéliens.
25:00Ce qui me frappe, c'est que,
25:02autant, après le 7 octobre,
25:03il y a eu un effet drapeau, ce qui n'est pas très surprenant
25:06après une telle déflagration,
25:08mais très vite, au fond, les divisions israéliennes,
25:11près 7 octobre, il faut quand même ne pas oublier ça,
25:14l'Etat d'Israël...
25:16L'Etat d'Israël a été fragilisé
25:17par cette coalition de droite et extrême droite...
25:20Avec ses deux hommes, Tamar Ben-Gvir,
25:23pour préciser les choses,
25:24et Bessalel Smotrich, les deux ministres de la coalition,
25:27l'extrême droite, Messianic...
25:29C'est ça, c'est cette vague illibérale
25:32qui a frappé Israël, comme elle a frappé d'autres pays,
25:35les Etats-Unis, on pense au Brésil de Bolsonaro,
25:37et bien sûr, aussi, sous nos latitudes.
25:40Ca, ça a fragilisé la pari d'Etat,
25:42et c'est cet Etat qui s'est, au fond, effondré le 7 octobre,
25:45et ça a sonné une espèce d'étrange défaite.
25:47Je voudrais qu'on parle un peu des Palestiniens, également.
25:51Vous avez parlé de l'offensive à Gaza.
25:53Dans votre livre, Guillaume Oda,
25:55vous faites une forme de tentative.
25:58Parlez du 7 octobre
26:01avec les Palestiniens.
26:02Ce qu'on voit, ce sont les premières pages de votre livre,
26:05c'est que c'est quasiment impossible.
26:07Nawal, racontez-nous.
26:09Elle se fâche, elle se braque.
26:11Ouais. Nawal, d'abord, c'est une fille
26:13dont j'ai changé l'identité,
26:15parce qu'il y a un état d'extrême paranoïa
26:17du côté des Palestiniens,
26:19lesquels, dès lors qu'ils expriment la moindre compassion,
26:22même envers les victimes civiles palestiniennes à Gaza,
26:25notamment sur des téléphones portables,
26:27ça vous vaut une arrestation administrative
26:30sans autre forme de procès que d'être jeté en prison
26:32pour un nombre de jours, voire de mois, indéterminés.
26:35Nawal, je lui dis, voilà, le 7 octobre,
26:38quand le Hamas est sorti pour venir tuer
26:41sans sommation des gens de ton âge,
26:43qu'est-ce que t'en as pensé ?
26:45Tout de suite, elle se braque et me dit,
26:47pourquoi tu me parles du 7 octobre ?
26:49Pourquoi tu me parles pas du 6, du 5 ?
26:51Pourquoi tu me parles pas du génocide à Gaza ?
26:53Ce sont les mots qu'elle emploie.
26:55Pourquoi tu me parles pas du martyr constant,
26:58de l'occupation ? J'en ai marre, lâche-moi avec ça.
27:00C'est le double standard.
27:02Il y a toujours cette idée d'un deux-poids-deux-mesures.
27:05Je vais voir aussi certains de mes amis en Israël
27:09qui sont en plus traditionnellement de gauche, disons,
27:14la gauche étant, bon, une forme de centre en France.
27:17En tout cas, la gauche israélienne est plus dure
27:20que la gauche française, mais peu importe.
27:22Lui me dit, mais c'est qui, les Palestiniens ?
27:25C'est les Palestiniens du Hamas, du Fatah,
27:27de Hébron, de Gaza, de Cisjordanie, de Jérusalem-Esse ?
27:30C'est qui ? Et à quel moment, en fait,
27:33ils se sont émus de ce qu'a été le 7 octobre,
27:35comme vous, du 13 novembre...
27:37Certains Israéliens ne peuvent plus supporter
27:40d'écouter de la musique arabe, ils arrêtent.
27:42Et cette fameuse jeune femme qu'on a vue dans le reportage,
27:45justement, je lui ai posé la question,
27:48et elle, elle est d'origine juive marocaine,
27:50et lorsqu'elle est rentrée chez elle,
27:53elle a demandé à son père d'arrêter de jouer de la musique orientale,
27:57parce qu'elle ne peut plus supporter la langue arabe.
28:00Il y a un autre garçon que j'ai interviewé,
28:02qui s'appelle Daniel Toledano, qui a perdu son frère,
28:05enlevé aussi à la Rave Party, Daniel Toledano,
28:08franco-israélien, par ailleurs,
28:10qui a été retrouvé dans les tunnels de Gaza.
28:13Et Elias, il voulait avoir des nouvelles de son frère.
28:16Au tout début, il a commencé à creuser
28:18sur les boucles Télégrammes, etc.
28:20Il y avait toujours cette musique lancinante,
28:22ces chants religieux, qui appellent aux martyrs,
28:25les chants du Hamas, et là, il s'est mis à avoir
28:28un rejet absolu pour la langue arabe.
28:30Simplement, et je termine là, dans l'histoire,
28:32il y a des gens comme Yankelevitch, philosophe,
28:35qui a été résistant, qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale,
28:39lui aussi a exprimé le même rejet, mais pour l'Allemagne et sa culture,
28:42la musique et la langue, avec le même rejet.
28:45Ce que vous parliez de Smotrich et Benvir,
28:47qui représentent...
28:48Les deux ministres d'extrême-droite de la coalition
28:51qui permettent à Benyamin Netanyahou de gouverner.
28:54...une pureté absolue de ce que doit être le judaïsme,
28:57évidemment, pas les Palestiniens, mais pas les homosexuels.
29:00Les femmes posent problème également.
29:03Ces gens-là, ils ont instrumentalisé ça,
29:06c'est-à-dire cette haine, cette cruauté,
29:08cette volonté de vengeance.
29:10Ils ont sorti ces sentiments qui auraient dû rester confinés
29:13dans l'espace privé et l'extrême dans l'espace public.
29:16C'est ça, aussi, la problématique de ce pays.
29:18Un an après, est-ce que vous diriez
29:20que quelque chose s'est complètement brisé ?
29:23Et pour combien de temps ?
29:25Est-ce que ce sont des haines qui seront nourries
29:27pour les générations à venir ?
29:29En tout cas, ça va créer des haines des deux côtés,
29:32ça, c'est sûr, et on voit pas comment on va...
29:35Comment même il pourrait y avoir des négociations de paix,
29:38comme on en parlait avant le conflit,
29:40c'est-à-dire que là, il y a tellement plus de dialogue
29:43entre Israéliens et Palestiniens,
29:45il y a tellement pas, aussi, de réflexion sur l'après.
29:51Même la guerre s'arrête, qu'est-ce qu'on fait de Gaza ?
29:5480 % de la bande de Gaza est détruite,
29:56il y a 2 millions de déplacés, plus personne peut habiter nulle part,
30:00il y a plus de travail.
30:01Qu'est-ce qu'on fait de ça ?
30:03La Knesset a même voté le fait qu'elle ne voulait plus
30:07de cette idée de solution à deux Etats.
30:10Donc, effectivement, qui va réussir à remettre sur la table,
30:14aujourd'hui,
30:15deux peuples qui semblent le plus éloignés possibles,
30:19malheureusement ?
30:20David Kalfa et Agnès Laramion, pour terminer.
30:23On ne va pas déprimer nos téléspectateurs.
30:25Il n'y a pas une pointe d'optimisme et d'espoir,
30:28il n'y a pas de raison d'espérer.
30:30Il y a des raisons d'espérer.
30:32J'ai tenu à donner la parole aussi bien aux Israéliens
30:35qu'aux Palestiniens dans mon livre, à parité,
30:37et ce que je peux vous dire,
30:39c'est qu'autant, et le Hamas l'a fait déjà dans les années 2000,
30:42a joué une espèce d'alliance objective
30:45avec l'extra-droite israélienne
30:46à pulvériser le camp de la paix en Israël,
30:49et ce camp de la paix, il est extra-parlementaire.
30:52Le problème, c'est que nous, on ne le voit pas.
30:54La gauche politique est atomisée.
30:56Quand on regarde ce qui se passe du côté extra-parlementaire,
31:00avant le 7 octobre, le puissant mouvement anti-gouvernemental,
31:03et surtout, il y a un certain nombre de mouvements sociaux,
31:06qui sont un mouvement judéo-arabe, israélo-palestinien,
31:10qui, eux, proposent un certain nombre de pistes
31:12pour sortir de cette crise,
31:14et vous avez d'autres activistes, j'ai intervouvé Oudabou Harcoub,
31:18qui vit en Cisjordanie, près de Hebon,
31:20et qui est engagé dans la coexistence.
31:22Il n'y a absolument aucune naïveté de leur côté,
31:25c'est-à-dire qu'ils savent pertinemment
31:27qu'on est dans une année zéro du conflit.
31:30Il y a des points de dialogue qui existent déjà.
31:32Agnès Baramian, je vous donne le mot de la fin.
31:35Il y a deux choses, tout de même.
31:37La première, c'est que l'autorité palestinienne
31:40n'a pas cessé sa coopération avec Israël en Cisjordanie,
31:43donc il y a encore des liens, du dialogue,
31:45et il y a une imbrication des économies, malgré tout,
31:48et ensuite, il y a quand même une population arabe-israélienne
31:52qui a travaillé dans les hôpitaux,
31:54qui continue aussi à faire fonctionner
31:56la société israélienne à côté des Juifs arabes et juifs.
32:00Et qui a sauvé aussi beaucoup de Juifs israéliens.
32:02Les liens sont encore là, même si, évidemment,
32:05pour l'instant, on est dans la blessure à vivre.
32:08On s'arrête là, malheureusement,
32:10puisque vous étiez passionnant. Merci beaucoup.
32:12Merci, Guillaume Oda. Je rappelle le titre de votre livre,
32:16Cet octobre, année zéro, c'est aux Cherches Midi,
32:19et ça vient tout juste de paraître.
32:21Merci, Émilie Bouchard.
32:22Je compte sur vous pour la deuxième partie.
32:25On va s'intéresser à la question géopolitique et militaire,
32:28Israël, Liban, Iran, la guerre, jusqu'où ?
32:30On va recevoir deux autres invités.
32:32Le récap' de Bruno Donnet, qu'on accueille.
32:43Super.
32:44Et bonsoir à vous, Bruno Donnet.
32:46Bonsoir, Myriam, bonsoir à tous.
32:48Un an après les attaques du Hamas en Israël,
32:51qu'est-ce qui a changé sur le front géopolitique ?
32:54Tout, Myriam, tout,
32:56parce qu'il y a tout juste un an, militairement parlant,
33:01la situation au Moyen-Orient était encore relativement calme.
33:05Seulement, voilà, les massacres du 7 octobre
33:08ont ouvert un premier front, ici, à l'ouest,
33:11entre Israël et Gaza.
33:15Tous les endroits où le Hamas se cache et agit,
33:20nous les réduirons en ruines.
33:23Je le dis aux habitants de Gaza,
33:26sortez de là maintenant,
33:29parce que nous agirons partout,
33:32avec toute notre puissance.
33:36Promesse tenue depuis 12 mois, Benjamin Netanyahou pilonne
33:40la bande de Gaza, les Palestiniens y sont bouclés.
33:43D'après les tout derniers chiffres du ministère de la Santé du Hamas,
33:47la barre des 41 000 morts vient d'être franchie.
33:51Problème, Israël souhaite aussi sécuriser sa frontière au nord.
33:55Voilà pourquoi il a choisi d'ouvrir là un deuxième front.
33:59Je m'ézarde les habitants de la région libanaise de la Beka
34:04avant des frappes ciblées et de grande envergure
34:07que nous allons effectuer dans cette vallée.
34:09Les frappes ont bien eu lieu,
34:11suivie des fameuses attaques aux Bipers,
34:13ciblées sur les dirigeants du Hezbollah,
34:16ce qui a suscité la colère de leur chef.
34:18Dans cette attaque, l'ennemi a enfreint les règles,
34:23les lois et franchi les lignes rouges.
34:26Problème, Hassan Nasrallah a depuis, lui aussi, été tué.
34:30C'était samedi dernier, ce qui a fait naître un troisième front.
34:34Ici, en Iran, un pays qui finance le Hezbollah et le Hamas
34:39et qui a choisi d'attaquer Israël.
34:41L'opération de cette nuit sera répétée
34:44à une échelle beaucoup plus grande
34:46et toutes les infrastructures seront frappées.
34:50Bref, vous l'avez compris,
34:52il y a désormais trois fronts conjugués au Moyen-Orient.
34:55C'est pour la situation militaire,
34:57les enjeux diplomatiques et politiques.
35:00D'abord, Israël peut compter sur le soutien sans faille
35:03des Etats-Unis.
35:05-"Ne vous y trompez pas,
35:06les Etats-Unis soutiennent pleinement,
35:09pleinement, pleinement Israël."
35:11C'est ça qui donne une forme de blanc-seing
35:13à Benjamin Netanyahou pour continuer à frapper
35:16dans absolument toute la région.
35:18Mais politiquement, la situation du Premier ministre israélien
35:22est beaucoup plus complexe.
35:24Il doit composer avec une coalition d'extrême-droite
35:28qui le presse de frapper Gaza sans relâche.
35:31Pourtant, d'après de nombreux observateurs,
35:34un accord de cesser le feu,
35:35en contrepartie de la libération des otages, serait prêt.
35:38Seulement, Netanyahou n'y aurait aucun intérêt politique.
35:44On n'imaginait pas que ça dure aussi longtemps.
35:46Il faut le dire, on a à la tête de l'Etat d'Israël
35:49quelqu'un qui a balancé par-dessus bord
35:51les exigences de sécurité de sa population
35:54au profit du maintien de sa carrière personnelle.
35:57C'est terrible à dire, mais c'est comme ça.
36:00Un an après les atrocités du 7 octobre,
36:02l'une des questions qui se pose est donc de savoir
36:05si Benjamin Netanyahou protège sa coalition
36:08plutôt que sa population.
36:10Merci beaucoup, Bruno Donnet.
36:12Je vais poser la question à mes invités.
36:14Bonsoir, général Trinquant.
36:16Général Dominique Trinquant, merci d'être là,
36:19ancien chef de la mission militaire française à l'ONU.
36:22Bonsoir, Bilal Tarabeh.
36:23Ravi de vous retrouver.
36:24Vous êtes journaliste, franco-libanais et chroniqueur
36:28à France 24. Vous êtes resté avec nous,
36:30David Kalfa et Agnès Varamian.
36:32Répondez-nous, tiens.
36:33Cet historien, Vincent Lemire,
36:35dit qu'au fond, c'est une forme de fuite en avant
36:38de la part de Benjamin Netanyahou.
36:40Il garantit la sécurité de sa population
36:42ou de sa coalition, selon vous ?
36:45Je crois qu'il est un peu court de dire
36:47qu'il ne se préoccupe que de lui et de sa coalition.
36:50En revanche, je pense qu'il n'est pas intéressé par la paix,
36:53mais par la sécurité d'Israël.
36:55La sécurité d'Israël passe par la guerre, en ce moment.
36:58C'est un lieu commun de dire
37:01qu'Israël est en guerre depuis le début de sa création.
37:04C'est une réalité.
37:06Mais on parlait de trois fronts.
37:08J'en vois un quatrième, c'est la Cisjordanie,
37:11parce que l'armée israélienne est très déployée en Cisjordanie.
37:15Il y a eu, d'ailleurs, des frappes
37:17pour déloger des terroristes du Hamas,
37:20hier ou aujourd'hui, sur la Cisjordanie.
37:23C'est nouveau. On avait le front libanais,
37:25on avait Gaza, il y avait eu des combats,
37:28des exactions aussi en Cisjordanie, mais là, il s'agit de frappes.
37:31En revanche, comme j'écoutais la fin de la partie précédente,
37:35où vous parliez d'espérance,
37:37vous me permettrez de citer Bernanos,
37:39qui dit que la plus haute forme de l'espérance,
37:41c'est le désespoir surmonté.
37:43On va essayer de le surmonter.
37:45Tout a radicalement changé, tout s'est accéléré,
37:49c'est sidérant, en un an.
37:50Est-ce que Netanyahou a les moyens,
37:54véritablement les moyens militaires,
37:56d'ouvrir tous ces fronts ?
37:58Agnès Warabon.
37:59Il y a eu un changement de paradigme
38:01chez les Israéliens, si vous voulez, avant le 7 octobre.
38:04Il y avait l'idée que ce conflit, finalement,
38:08était devenu de basse intensité
38:10et qu'ils avaient appris à le gérer, entre guillemets,
38:13dans leur perspective, que ce soit en Cisjordanie ou à Gaza.
38:17Évidemment, il y avait la rhétorique autour de l'Iran,
38:20mais le 7 octobre et après le 7 octobre,
38:22tout a changé.
38:23C'est-à-dire qu'on ne peut pas dire seulement
38:26que ce soit Netanyahou qui décide en Israël.
38:28Il y a aussi...
38:29Les militaires, les démocratiques.
38:32Il y a beaucoup de lois qui ont été soumises au Parlement.
38:35Ils ont aussi, et ils décident actuellement,
38:38d'en finir, notamment avec le Hezbollah,
38:41puisque ça semble être la priorité israélienne actuellement,
38:45de couper, notamment aussi, l'approvisionnement
38:49par la Syrie, d'armes iraniennes.
38:52C'est pour ça qu'Israël ouvre des fronts
38:55en Syrie et aussi en Cisjordanie,
38:58parce que vous savez qu'il y a aussi la présence du Hamas,
39:01qui a promis des attentats kamikazes sur Israël.
39:07Donc, cette guerre régionale, finalement, qui est déjà là
39:11et que mènent les Israéliens,
39:13elle se fait au nom de ce changement de paradigme.
39:18Nous ne gérerons plus les choses comme avant.
39:20Cela a été un échec à Gaza.
39:22On s'occupe de tout jusqu'au bout, c'est l'idée.
39:25En sont-ils capables ?
39:27Ca, je ne sais pas.
39:29On va revenir dans le détail sur ce qui se passe au Liban.
39:32On nous parle de combats au sol, incursions terrestres,
39:35zones tampons, il faut comprendre ce qui se passe.
39:38Ce qui est clair, c'est que là où la société israélienne
39:41a été divisée sur Gaza, elle est totalement unie
39:44sur le Liban et sur la guerre contre le Hezbollah.
39:46C'est ce que j'ai essayé d'expliquer avant de dire...
39:49Elle soutient Benyamin Netanyahou.
39:51Non, justement.
39:53C'est le problème du débat public en France,
39:56mais c'est qu'on caricature totalement les enjeux.
39:59Autant dans le sud d'Israël, on peut parler...
40:01Là, il y a clairement une politisation du conflit.
40:04On sait que Netanyahou avait intérêt à faire perdurer cette guerre.
40:08Il y a une fracture de la société israélienne.
40:10Autant dans le nord, il y a un consensus.
40:13Il n'y a pas de clivage aux droits.
40:15On le voit bien avec Yair Golan,
40:16qui est le chef du parti Ademokratim,
40:19qui veut dire, en français, les démocrates,
40:21qui est la fusion du Parti travailliste
40:23qui est plus à gauche que le Parti travailliste,
40:26et qui a été favorable à une invasion terrestre
40:29et à une occupation d'une étroite vente de terre.
40:31L'état-major de l'armée, en tout cas aujourd'hui,
40:34ne cesse de répéter qu'il ne s'agit pas d'occuper
40:37à moyen ou long terme le terrain,
40:39mais de, dans le langage très aseptisé
40:41des armées conventionnelles,
40:43de nettoyer les poches de résistance du Hezbollah.
40:46Sur le front nord, il s'agit moins d'un soutien à Netanyahou.
40:49Je rappelle que sa code de popularité est toujours aussi basse.
40:52Elle a pas remonté récemment ?
40:54Elle a remonté un peu, mais il faut raisonner en termes de blocs.
40:58Le système israélien repose sur la proportionnelle intégrale.
41:01Quand on regarde les rapports de force entre l'opposition
41:04et Netanyahou, ça n'a pas vraiment changé.
41:07L'opposition rattrape son retard sur ses adversaires.
41:10En revanche, celle de l'armée qui s'était effondrée
41:13après l'étrange défaite du 7 octobre,
41:15elle a monté en flèche.
41:17On est sur des scores complètement soviétiques,
41:2088 % de soutien.
41:21C'est lié au succès tactique et stratégique
41:24des services de renseignement israéliens,
41:26militaires et civils, Mossad et Amman.
41:29À Téhéran, on l'a vu avec l'assassinat d'Ismail Haniyeh.
41:32On l'a vu aussi au Liban avec...
41:35Hassan Nasrallah.
41:36On va essayer de comprendre à présent
41:38ce que cherche précisément à faire Israël au Liban.
41:41Combats au sol, bombardements,
41:43des tirs de roquettes aussi depuis le Liban sur le nord d'Israël,
41:47le point sur les derniers développements du conflit
41:49entre Israël et Bengava.
41:51Je vous redonne la parole juste après.
41:53...
41:55Ces images fournies par l'armée israélienne
41:57montrent l'offensive terrestre menée par Tsaïl au sud du Liban.
42:02Depuis lundi, 9 soldats ont été tués
42:05dans des affrontements avec le Hezbollah.
42:07Je tiens à présenter mes plus sincères condoléances
42:10aux familles de nos héros tombés aujourd'hui au Liban.
42:13Que Dieu venge leur sang, que leur mémoire soit bénie.
42:17Nous sommes au coeur d'une guerre difficile
42:19contre l'axe maléfique de l'Iran, qui cherche à nous détruire.
42:23Ce matin, l'armée israélienne a demandé aux habitants
42:26de plusieurs dizaines de localités
42:28d'évacuer au-delà du fleuve Hawali,
42:32bien plus au nord que le fleuve Litani,
42:35censé servir de limite à la zone tampon entre les deux pays.
42:39A l'est du Liban, un raid de l'armée israélienne
42:43a coupé l'axe routier entre le pays et la Syrie,
42:46route empruntée par des centaines de milliers de déplacés.
42:50Au sud de Beyrouth,
42:52Israël intensifie ses bombardements.
42:54Sa cible, H.M. Safieddine,
42:57cousin et potentiel successeur d'Hassan Nasrallah,
43:01à la tête du Hezbollah.
43:03Israël, ce soir, affirme avoir frappé plus de 2 600
43:06en quatre jours de combat au Liban.
43:08Bilal Tarrabeh, on entend la voix d'Israël.
43:12Ce sont les cadres du Hezbollah qui sont visés dans l'est,
43:15la Beka, dans le sud Liban.
43:18Il y a des milliers de déplacés
43:20et on est déjà à plus de 1 000 morts, je crois,
43:23depuis l'opération Bipper.
43:24Quid de la population civile ?
43:27La population civile, elle attend qu'une chose,
43:30c'est de pouvoir fuir.
43:32Alors, qui fuir leur région ?
43:33Ca, c'est déjà fait.
43:35Un million de 100 000 personnes,
43:37si on le donne en équivalent français, c'est surréaliste.
43:41C'est comme si 10 millions de Français
43:43s'étaient déplacés.
43:44A l'échelle du Liban, on est, grosso modo,
43:47à un quart de la population libanaise qui s'est déplacée.
43:50Les autres attendent de pouvoir sortir du pays.
43:53Il faut voir que la frappe sur le poste frontière de Masnah,
43:57celui qui était dans le sujet entre le Liban et la Syrie,
44:01a conséquemment coupé la route pour partir en Syrie,
44:05puisque, l'ironie du sort,
44:07font que les Syriens qui s'étaient réfugiés au Liban
44:10retournent en Syrie,
44:11donc qui a la situation qu'on connaît,
44:14mais des Libanais aussi allaient fuir en Syrie.
44:17L'aéroport est quasiment fermé.
44:19En tout cas, il est inaccessible.
44:21La compagnie aérienne nationale assure quelques vols,
44:24mais à des tarifs...
44:25Le pays traverse une crise depuis des mois.
44:28A-t-il les moyens pour faire face, d'un point de vue hospitalier,
44:31d'un point de vue des secours ?
44:33Non, parce que, d'ailleurs, il y a des secouristes
44:36qui sont régulièrement touchés ou visés,
44:39c'est selon les informations qu'on a,
44:41par des frappes israéliennes,
44:43et notamment, d'ailleurs, il ne s'agit pas
44:45de débris de missiles ou de roquettes qui tombent mal,
44:48mais plutôt des frappes de drones.
44:50On a des hôpitaux qui ferment, par exemple, dans le sud,
44:53parce qu'ils ne peuvent plus assurer la sécurité
44:56des personnels hospitaliers.
44:58Il y a un grand désespoir
44:59dans la population libanaise, en ce moment,
45:02et pour information, j'ai des proches là-bas
45:04qui m'ont dit qu'ils avaient été contactés
45:07par des ambassades étrangères, qui, à priori,
45:09commencent à s'organiser pour évacuer
45:12les binationaux à partir de la semaine prochaine.
45:15Il y a un vrai sentiment d'urgence et de panique.
45:17Général Trinquant,
45:18que comprenez-vous de cette opération militaire israélienne ?
45:22On a vu les deux fleuves.
45:23Je ne les ai plus en tête, les noms.
45:25Le Litany et l'Oisy.
45:27Le Litany et l'Oisy, exactement.
45:29On nous parle d'une zone tampon.
45:30On a, pour les plus âgés d'entre nous,
45:33le souvenir de 2006, c'était les mêmes objectifs.
45:35Israël est entrée pour les guérisons de sécurité au nord,
45:39mais il n'a pas réussi à faire en sorte
45:41de repartir sans avoir atteint son objectif.
45:44Je disais qu'Israël était en guerre depuis sa création.
45:47Le Liban est en guerre depuis 50 ans,
45:49avec des opérations successives.
45:51J'ai commandé un bataillon dans le sud du Liban,
45:54au sein de la Finul.
45:55Le Litany, entre le Litany et la frontière israélienne,
45:59à l'époque, c'était l'armée israélienne qui occupait,
46:02qui s'en est retirée en 2000
46:04et qui a relancé une offensive en 2006
46:08avec les mêmes objectifs à chaque fois,
46:10puisque le sud du Liban, depuis 2006,
46:13est un fief du Hezbollah, en fait.
46:16Il y avait des populations chrétiennes là-bas,
46:19certains sont restés,
46:20mais il y avait aussi des milices chrétiennes
46:23qui étaient dans le sud et qui étaient alliées aux Israéliens
46:26et qui ont dû partir au moment du retrait israélien.
46:29Donc, le problème, c'est que cette zone sud
46:32est, j'allais dire, fortifiée, préparée par le Hezbollah,
46:36depuis 2006,
46:38avec beaucoup de préparation souterraine,
46:41beaucoup de pièges.
46:42Vous avez vu les images qu'on voyait tout à l'heure,
46:45j'avais l'impression de revoir les territoires que j'ai parcourus,
46:48de la pierre, de la caillasse, avec des collines, des montagnes.
46:52Et là, avec des embuscades possibles,
46:54d'ailleurs, beaucoup de ce qu'on appelait les roadside bombs,
46:57on appelle ça les IED, maintenant, les engins explosifs,
47:01qui sont placés partout.
47:03Donc, à la fois, frapper par des frappes aériennes
47:07ou de l'artillerie,
47:08et puis faire rentrer les forces israéliennes là-dedans.
47:11Mais on a vu...
47:12-"Le rapport de force".
47:14On nous dit que c'est un contre dix ou dix contre un,
47:17mais que l'Israël est bien plus fort.
47:19Mais il y a aussi, alors, les chiffres circulent,
47:22100 000 missiles, roquettes du Hezbollah vers l'Israël.
47:27Il y a deux choses.
47:28Il y a toujours des roquettes qui vont vers l'Israël
47:31dans la zone tenue par le Hezbollah.
47:33Deuxièmement, sur les combats au sol.
47:35C'est un soldat qui en parle.
47:37C'est ce qu'il y a de plus dur, les combats au sol.
47:40Des gens se sont préparés, en 2006, à combattre dans ces zones-là,
47:43qui ont été combattre en Syrie,
47:45donc qui se sont endurcis au combat en Syrie,
47:48qui était très dur,
47:49et qui attendent les Israéliens en disant,
47:52de toute façon, nous, on va mourir en martyr.
47:54Donc, c'est extrêmement dur.
47:56La meilleure preuve, c'est que, dans les premières 24 heures,
48:00la 98e division, qui est la division d'élite parachutiste
48:03qui a été envoyée là, a perdu huit soldats,
48:05dont un officier qui a été tué.
48:07Donc, ça va être des combats extrêmement durs
48:11qui sont chargés de compléter
48:13ce que les frappes ne peuvent pas faire.
48:15Il y a des souterrains dans lesquels l'aviation
48:18ne voit pas bien et n'est pas capable.
48:20Mais avec quel risque de riposte côté Hezbollah libanais ?
48:24Parce qu'il y a toujours eu des roquettes.
48:26Il y a aussi eu des missiles de longue portée.
48:29Plus récemment, il y a eu le site du Mossad
48:32qui a été vidé.
48:34Est-ce que, véritablement,
48:36après déjà l'opération Bipper,
48:38après avoir décimé tous les chefs d'Hezbollah,
48:41le Liban, le Hezbollah peut s'attaquer
48:44durement, si j'ose dire,
48:46malgré le dôme de fer à Israël ?
48:48Il y a deux questions qui se posent.
48:50La réponse du Hezbollah, pour l'instant,
48:53elle a été extrêmement faible.
48:55Donc, il y a deux questions.
48:58Pourquoi ? Parce que l'Iran dit non ?
49:00Ou parce qu'ils n'ont plus les moyens ?
49:02Est-ce que c'est parce que, sonné par le fait
49:05que sa tête ait été décimée,
49:07il faut le temps que, j'allais dire,
49:09le Hezbollah se reprenne ?
49:10Ou bien est-ce que, à la fois,
49:14le fait que ses dirigeants,
49:18son dirigeant et ses cadres soient morts,
49:21plus les bombardements intenses israéliens
49:25ont réellement affecté sa capacité
49:28d'attaque, si vous voulez ?
49:30Voilà, pour l'instant, on ne connaît pas
49:33les deux hypothèses, laquelle est la plus forte.
49:36On a peut-être, pardon,
49:38on a juste peut-être surestimé le Hezbollah.
49:42Ou bien, le Hezbollah étant lié à l'Iran,
49:45lui faut-il avoir...
49:47Il n'a-t-il pas les mains libres
49:49pour actionner ses missiles ?
49:51Il y a quand même beaucoup de rampes de lancement
49:54de missiles, vous pouvez en avoir
49:56des têtes, n'est-ce pas ?
49:58Si vous n'avez plus de rampe, c'est compliqué.
50:00On a surestimé les forces du Hezbollah ?
50:03Autant les Israéliens avaient sous-estimé le Hamas,
50:06autant je pense qu'ils avaient surestimé le Hezbollah,
50:09qui reste un ennemi redoutable, on l'a rappelé.
50:12Ce qui est intéressant, c'est le rapport de force.
50:15Le ratio à Gaza, c'est 50 combattants du Hamas tués
50:18pour un soldat tué.
50:20A l'heure où on se parle,
50:21on est sur un ratio de un soldat tué
50:25pour 30 combattants du Hezbollah tués.
50:27Selon la communication israélienne,
50:30il faut avoir un peu de recul critique,
50:32mais si on s'en tient aux déclarations
50:34les plus récentes, il y a 250 combattants
50:37du Hezbollah tués depuis l'incursion terrestre israélienne,
50:40dont une vingtaine de commandants d'échelon intermédiaire.
50:44Ce qui veut bien dire que 50 à 1, 30 à 1,
50:46on est face à une organisation
50:48qui reste quand même redoutable.
50:50Dans ce type de conflit en milieu urbain,
50:52il y a aussi une grosse différence.
50:54On parlait du Hezbollah qui, certes,
50:56est aguerri par les combats au sol en Syrie
50:59avec l'appui aérien des Russes,
51:01mais l'armée israélienne n'a même pas resté
51:04les bras croisés pendant 18 ans.
51:06Les Israéliens aussi ont acquis une expertise,
51:08notamment en matière de renseignements.
51:11Il y a un renseignement extrêmement précis,
51:13une infiltration, un taux de pénétration
51:16du contre-espionnage du Hezbollah.
51:18Le monde entier a pu s'en apercevoir
51:20et on a vu les conséquences
51:22avec l'affaire des Bupers, les Toki-Wolkis,
51:24l'assassinat de Nasrallah.
51:26Je voudrais qu'on aborde, pour terminer,
51:28mais évidemment, on a parlé du Hezbollah,
51:31on a parlé du Liban, il faut qu'on parle de l'Iran.
51:34Vous êtes resté avec nous,
51:35et je vous en remercie, Dror, Yvonne, Sapir,
51:38depuis Tel Aviv. On lit beaucoup, ici ou là,
51:41parmi les experts, ici en France,
51:43que depuis la pluie de missiles envoyée par Téhéran sur Israël,
51:47l'Iran est tombé dans le piège de l'Etat
51:49hébreu.
51:50Est-ce que vous avez cette lecture, également ?
51:53D'une certaine manière, oui.
51:55Là, maintenant, on attend une riposte israélienne
51:58à cette salve de missiles.
52:00Très impressionnant, quand même,
52:02200 missiles balistiques tirés en territoire israélien.
52:05Il y a eu des dégâts matériels, peu de blessés.
52:08Vous savez quel est le paradoxe ?
52:10C'est que le même jour, le même soir,
52:12de cette attaque de missiles sans précédent,
52:15il y a eu des Israéliens tués, mais par des terroristes,
52:18mais par des terroristes palestiniens
52:20qui se sont emparés d'un fusil mitrailleur
52:23appartenant à un soldat israélien.
52:25Ils ont tué, dans le sud de Tel Aviv,
52:277 civils, 7 Israéliens,
52:29alors que ces 200 missiles n'ont blessé, légèrement, d'ailleurs,
52:34que quelques personnes en Israël.
52:36Mais tout de même, Israël ne peut pas ne pas riposter.
52:39On peut s'interroger.
52:40Que savez-vous ?
52:41J'ai éliminé la stratégie.
52:43Quand et comment va riposter Israël ?
52:46Je ne suis pas dans les petits papiers de l'état-major israélien.
52:50Je suis désolé de vous décevoir sur ce plan-là.
52:53La riposte est certaine.
52:54Maintenant, quel est l'ampleur ?
52:56Vous avez insisté sur le fait que les États-Unis
52:59ont apporté dans cette affaire un soutien sans faille à Israël,
53:02alors que Biden et Netanyahou ne s'entendent guère.
53:06Un soutien sans faille américain à Israël,
53:08ça peut peut-être se payer, du point de vue israélien.
53:11Peut-être qu'Israël va devoir réagir
53:13et calibrer, mesurer ce que les Israéliens eux-mêmes
53:16auraient voulu, puisqu'ils devront prendre en considération
53:20peut-être, d'une certaine manière, les désidératats américains
53:23qui ne veulent surtout pas, en période électorale,
53:26un embrasement de toute la région.
53:28Merci beaucoup, DG Trinquant.
53:30Israël va riposter, c'est une certitude.
53:33Manifestement, Agnès Varamian me le disait en coulisse tout à l'heure,
53:36ils savent ce qu'ils vont faire.
53:38On m'a dit, évidemment.
53:40Quels sont les scénarios possibles ?
53:42Premier point, revenons simplement
53:44sur la dernière frappe iranienne,
53:46très différente de celle du mois d'avril.
53:48Ils ont utilisé, pour la première fois,
53:51des missiles hypersoniques et ils ont frappé.
53:53Alors, on parle de très peu de blessés,
53:56mais c'est un flou absolu sur la base 28,
53:58dans le Negev, qui a été frappée, on le sait,
54:01d'une base où il y a beaucoup de F-35,
54:03et là, on ne sait pas du tout ce qui s'est passé.
54:06Les Israéliens, et c'est normal, bloquent toute l'information
54:09sur cette base, qui est assez isolée,
54:11près du Negev.
54:12Donc, pour les Israéliens, ils savent que la frappe suivante,
54:16les missiles hypersoniques, comme l'ont annoncé les Iraniens,
54:19pourraient venir sur les infrastructures civiles.
54:22Pour l'instant, dans la deuxième frappe,
54:24seules les infrastructures militaires avaient été visées.
54:28Ca veut dire que l'équation pour les Israéliens,
54:31il y a deux options, trois options, disons,
54:33le nucléaire,
54:36le pétrole, on en parlait, le gaz,
54:38ou les infrastructures de frappe iraniennes,
54:41et en particulier, les gardiens de la Révolution.
54:44Le régime lui-même, ou les bases d'Aran.
54:47Je développe en deux minutes.
54:48Le nucléaire, les Américains ont déjà dit non.
54:51Je rappelle...
54:52Il faut expliquer pourquoi.
54:54Les Américains décident sur les sites nucléaires.
54:57Les Américains avaient dit qu'ils défendaient Israël,
55:00mais là, ils vont plus loin,
55:01en coordonnant l'attaque avec les Israéliens.
55:04Ils vont rentrer dans la planification
55:06et pour frapper en Iran, de façon efficace,
55:09les Israéliens ont besoin des Américains,
55:11ne serait-ce que pour le type de munitions
55:13ou pour les ravitailleurs,
55:15parce que c'est assez loin.
55:17Dans les deux autres options, pétrole, gaz,
55:19il faut voir, dangereux, quand même, écologiquement, etc.,
55:22sur le dernier point,
55:24l'Iran est en position de faiblesse à l'intérieur.
55:27Le régime a des problèmes.
55:29Les bases d'Aran, c'est l'épine dorsale,
55:31c'est ce que tient le régime.
55:33Les gardiens de la Révolution.
55:35Les gardiens de la Révolution, c'est probablement eux
55:38qui ont poussé à la deuxième réplique.
55:40Ils ne voulaient pas laisser le Hezbollah
55:42et ils ont eu beaucoup de chefs qui ont été tués.
55:45L'hypothèse trinquante, c'est l'hypothèse haute,
55:48ça serait un renversement de régime.
55:50Vous y croyez ?
55:51C'est l'hypothèse moyenne,
55:53car l'hypothèse haute, c'est le ciblage des sites nucléaires.
55:56Ca, c'est assez peu probable.
55:58Ca s'est écarté du fait que la limite a été posée par Joe Biden.
56:02Ils n'ont pas les bombes pour aller chercher les sites
56:05en profondeur.
56:06C'est plus compliqué que ça, car les Israéliens
56:08ont frappé à 1 800 km de leur frontière au Yémen,
56:11donc ils ont des avions ravitailleurs.
56:13La distance entre l'Iran et Israël, c'est 2 200 km.
56:17Donc c'est possible, mais compliqué.
56:19Il faudrait utiliser des bombes perforantes.
56:22On l'a vu dans les bunkers,
56:24les bombes, c'était à peu près 80 tonnes de bombes.
56:26Ca, c'est envisageable,
56:28mais est-ce qu'ils ont assez de bombes
56:30pour couvrir un programme qui est déciminé ?
56:32Ca, c'est une autre question.
56:34Ce qui me paraît plus probable, ça a été cité à l'instant,
56:37c'est la force aérospatiale des Gardiens de la Révolution.
56:40Il faut être précis, parce qu'en fait,
56:43depuis l'assassinat de Qassem Soleimani en 2020,
56:46en gros, la force Al-Quds,
56:47qui est le bras armé de l'Iran à l'international,
56:50a été assez affaiblie.
56:52Son successeur n'a pas le même charisme, même réseau.
56:55En revanche, les tirs de missiles balistiques
56:57ont été le fait d'opérateurs
56:59de la force aérospatiale.
57:01Donc, il est tout à fait envisageable
57:03qu'Israël tape des bases aériennes,
57:05des bases de la force aérospatiale des Gardiens de la Révolution.
57:08On a cité aussi certains sites pétroliers.
57:11Ca, c'est possible.
57:12Il peut y avoir des conséquences aussi
57:14pour les pays occidentaux sur les sites pétroliers.
57:17Il vous reste une poignée de secondes
57:19sur comment vous voyez cette riposte.
57:21Moi, je la vois à la fois dure et mesurée.
57:24C'est-à-dire que ça risque, comme la dernière fois,
57:27de mettre, finalement, un point final
57:29où chacune des deux parties dira qu'elle a réussi,
57:32puisqu'on a déjà entendu les Iraniens dire
57:35que leur opération contre Israël était un succès.
57:38La réponse israélienne sera forte,
57:40mais leur priorité, ils le diront,
57:42c'est contre le Hezbollah, c'est ramener les 60 000 Israéliens
57:46qui ont quitté la frontière chez eux,
57:48dans leur ville.
57:49Vous avez une poignée de secondes ?
57:51Si il n'y a pas d'idée de règlement politique,
57:54tuer Hassan Nasrallah n'aura servi à rien.
57:56C'est dit. Merci.
57:57On s'arrête là, sinon je vais me faire taper sur les doigts.
58:01Merci infiniment pour vos expertises et vos éclairages.
58:04J'espère que vous avez mieux compris
58:06ce risque d'embrasement dans la région.
58:08C'est le week-end. Profitez bien. A mardi prochain.
58:11SOUS-TITRAGE ST' 501

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