100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:10L'Iran a lancé 180 missiles sur Israël, quelle sera la réponse de l'Etat hébreu ?
00:00:17Va-t-on inévitablement vers un conflit régional ?
00:00:20Le Sénat a entendu hier à ce sujet l'historien Pierre Razou,
00:00:24spécialiste des questions militaires au Proche et Moyen-Orient.
00:00:28C'est une audition à suivre tout de suite dans 100% Sénat.
00:00:32Mes chers collègues, nous avons aujourd'hui le plaisir, l'honneur et l'avantage de recevoir
00:00:36Pierre Razou, historien, directeur académique de la Fondation Méditerranée d'études stratégiques,
00:00:42dans une audition forte à propos, puisque monsieur Razou, vous êtes l'auteur de nombreux ouvrages
00:00:49sur des thèmes divers comme l'histoire de l'aviation, la géorgie,
00:00:53mais surtout sur différents aspects de l'histoire militaire du Proche et du Moyen-Orient
00:00:57comme la guerre du Kippour ou la guerre Irak-Iran.
00:01:01Nous avons eu la chance pour ceux qui y ont participé il y a quelques temps maintenant,
00:01:05l'an dernier je crois, ou un peu plus, de vous avoir comme maître de cérémonie
00:01:11pour un magnifique wargame à la marine qui nous a montré en tout cas l'importance
00:01:16de ce type d'exercice dans lequel vous excellez.
00:01:18J'espère d'ailleurs que nous aurons de nouvelles occasions d'en faire d'autres
00:01:22parce que c'était évidemment extrêmement intéressant,
00:01:24même si Marc a très rapidement coulé le porte-avion,
00:01:27ça nous a montré aussi toute l'importance qu'il y avait d'un certain nombre de matériels
00:01:31et de l'importance stratégique d'un certain nombre de territoires.
00:01:35Vous êtes également spécialiste des wargames, je l'ai dit,
00:01:38au point que vous avez même élaboré un wargame dont le théâtre est le Moyen-Orient
00:01:44et cela encouragera, je le disais à l'instant, nos collègues peut-être
00:01:48à participer à d'autres exercices comme celui-là et à vous interroger
00:01:52sur les évolutions possibles de la situation dramatique dans laquelle se trouve
00:01:55une nouvelle fois la région.
00:01:57Malheureusement, les événements s'enchaînant, nous l'avons vu encore hier soir
00:02:01avec le tir d'une centaine de missiles iraniens vers Israël,
00:02:04le scénario du pire gagne en crédibilité.
00:02:07Après le choc du 7 octobre, après la campagne d'une intensité sans précédent
00:02:12menée par Israël dans la bande de Gaza qui aurait fait à ce jour 40 000 victimes
00:02:16et décimé mais pas anéanti le Hamas, nous sommes entrés dans une nouvelle phase
00:02:21du conflit avec le pivot israélien vers le Liban et l'élimination du chef du Hezbollah
00:02:26Hassan Nasrallah et de la quasi-totalité des dirigeants de cette organisation.
00:02:31Nous avons maintenant vu une première riposte iranienne avec ces tirs de missiles,
00:02:35Israël ayant déjà annoncé qu'il y aura une nouvelle réponse à cette attaque.
00:02:39Israël et l'organisation chiite étaient jusqu'alors engagés dans un conflit
00:02:43de basse intensité. Le Hezbollah avait, le 8 octobre, ouvert un second front
00:02:48à la frontière nord, contraignant l'armée à évacuer environ 60 000 habitants de Galilée.
00:02:54Israël a de son côté régulièrement pilonné les positions ennemies du côté libanais.
00:02:59Malgré les morts et les destructions, la situation semblait cependant sous contrôle,
00:03:03chaque belligérant semblant soucieux d'éviter une escalade.
00:03:07L'élimination de Nasrallah et des dizaines de dirigeants du Hezbollah
00:03:11qui a suivi de quelques jours l'explosion coordonnée de Bipper et de Tokiwoki
00:03:16utilisés par le mouvement a changé la donne.
00:03:19Tout en poursuivant les opérations militaires à Gaza,
00:03:21Israël assume désormais sa volonté d'en finir, au risque d'embraser le Liban.
00:03:26Ce faisant, il rétablit également une forme de dissuasion et d'ascendant psychologique
00:03:30après le traumatisme du 7 octobre et les graves défaillances
00:03:33des services de renseignements israéliens qu'il a révélées.
00:03:36Ce nouveau développement pose plusieurs questions.
00:03:38D'abord, l'intervention au Liban, qui comprend désormais une dimension terrestre,
00:03:42s'inscrit-elle dans le prolongement des deux premières, de 1982 à 2006 ?
00:03:47Entrons-nous dans une phase plus classique du conflit
00:03:50où l'État hébreu entend réaffirmer sa liberté d'action,
00:03:53rétablir sa capacité de dissuasion, voire liquider une fois pour toutes
00:03:57la menace à sa frontière, à supposer que cela soit possible sans règlement politique ?
00:04:02Quelles seront les conséquences pour le Liban ?
00:04:04Ensuite, l'Iran, principal financeur du Hezbollah et soutien du Hamas,
00:04:09a-t-il encore des cordes à son arc au-delà des salles de missiles d'hier ?
00:04:13L'impact limité des frappes iraniennes contre Israël au mois d'avril, ou hier,
00:04:17ainsi que l'absence de réponse à l'assassinat d'Ismail Haniyeh,
00:04:20chef politique du Hamas à Téhéran, laissent penser que les options
00:04:25à disposition de l'Iran sont limitées, d'autant plus que depuis l'élection
00:04:29de Mahmoud Pézekian, le pays semblait désireux de rouvrir les négociations sur le nucléaire.
00:04:36Que penser de l'impuissance ou de l'absence de volonté des États-Unis
00:04:40à infléchir l'action d'Israël ? De ce point de vue, le 7 octobre a-t-il
00:04:43affranchi les Israéliens de tout souci de ménager un allié américain
00:04:47qui lui est pourtant vital ? Maintes fois annoncée comme tout proche
00:04:51de la diplomatie américaine, le cessez-le-feu à Gaza semble désormais hors de portée,
00:04:56est presque vidé de son sens, maintenant que la zone a été rasée.
00:05:00Quant à l'initiative franco-américaine sur le Liban, elle a fait long feu,
00:05:04dans les conditions que l'on sait. Tout se passe comme si Israël ignorait
00:05:08purement et simplement les admonestations de son principal allié.
00:05:11Même l'embrasement généralisé que le secrétaire d'État Antony Blinken
00:05:14voulait à tout prix éviter ne semble plus tout à fait exclu.
00:05:18Quelles conséquences en tirer quant à la capacité des États-Unis
00:05:21de peser sur le devenir de la région ? Comment se positionnent les autres
00:05:26grands acteurs, en particulier la Russie et la Turquie, très actifs dans la région ?
00:05:30Comment réagiront les États arabes, en particulier l'Arabie saoudite,
00:05:34que l'on disait proche d'une normalisation des relations avec Israël avant le 7 octobre ?
00:05:38Benjamin Netanyahou a-t-il raison de miser sur la volonté de Mohamed Ben Salman
00:05:43et des autres dirigeants du Golfe d'aller vers l'avant,
00:05:47bien que la perspective d'un État palestinien soit plus que jamais lointaine ?
00:05:52En définitive, vivons-nous simplement une autre page sanglante de l'histoire
00:05:55douloureuse du Proche-Orient, ou assistons-nous peut-être au début
00:05:58d'une recomposition fondamentale des équilibres géopolitiques de la région ?
00:06:02Je vous cède la parole, M. Razou, j'ai été déjà très long pour ce propos
00:06:06introductif, et ensuite mes collègues auront l'occasion évidemment de s'inscrire
00:06:10pour pouvoir, comme à l'accoutumée, vous interroger à l'issue de vos propos.
00:06:14Je rappelle que cette audition sur des sujets graves et complexes est diffusée
00:06:18sur le site et les réseaux sociaux du Sénat. Je vous cède la parole.
00:06:29Oui, merci M. le Président, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs.
00:06:37Je vous propose de débuter ce propos liminaire en revenant et en analysant
00:06:41la signification et les conséquences des frappes iraniennes sur Israël hier soir,
00:06:46en tout cas mon analyse. Tout d'abord, je voudrais faire quelques constats.
00:06:52De prime abord, on a l'impression de revivre un petit peu l'épisode du 13 avril dernier,
00:06:57c'est-à-dire une frappe de signification stratégique pour dire
00:07:02« nous devions réagir, nous l'avons fait, un partout, balle au centre,
00:07:06et maintenant on continue ». Mais ce que je constate, c'est que cette fois-ci,
00:07:12hier soir, l'Iran n'a tiré que des missiles balistiques et aucun drone
00:07:17ou aucun missile de croisière dont il savait pertinemment qu'il serait
00:07:21intercepté et détruit par la défense israélienne. Donc le but, c'était
00:07:26clairement de monter en gamme et de marquer un coup significatif cette fois-ci.
00:07:31Ils ont très certainement averti les États-Unis, qui ont averti les Israéliens,
00:07:36mais cette fois-ci, le « jeu de rôle » était beaucoup plus large.
00:07:41Oui, mais je pense que quand on a les fuites du Pentagone à 14h pour la frappe à 18h,
00:07:48je pense que le délai d'avertissement était par contre beaucoup plus court.
00:07:55Deuxièmement, l'Iran n'a prévenu aucun voisin, et ce n'était pas le cas la dernière fois.
00:08:03Ensuite, la SALF comprenait 180 missiles balistiques au lieu de 120 la dernière fois
00:08:09et au lieu de 40 lors de la riposte en janvier 2020 à l'assassinat de Qassem Soleimani
00:08:14en Irak par les États-Unis. Le message, c'est notre capacité de tir de missiles balistiques
00:08:19à longue portée, disons supérieure à 1200 km, accroît.
00:08:24Quand on fait le calcul, on a l'impression qu'il y a des volumes tous les 60.
00:08:29C'est-à-dire que la première fois, c'est une fois. La deuxième fois, c'est deux fois.
00:08:32La troisième fois, c'est trois fois. Donc la quatrième ou la cinquième fois, ça peut être beaucoup plus.
00:08:36Ce qui veut dire que, de facto, l'Iran a une capacité de frappe simultanée
00:08:41probablement d'entre 250 et 300 missiles, c'est-à-dire en termes de SALF,
00:08:46ce qui peut franchir le seuil de saturation israélien.
00:08:53Les objectifs visés, cette fois-ci, ont été clairement choisis pour être vus par la population et par les médias
00:09:00et non pas des bases isolées où, finalement, il n'y a pas d'images ou très peu d'images
00:09:04ou uniquement ce que les satellites nous ont montré.
00:09:07A priori, il n'y a pas de victimes civiles sauf quelques Palestiniens
00:09:11qui ont été tués par les retombées de débris, notamment en Cisjordanie.
00:09:15Et le paradoxe, c'est que l'attentat de Jaffa a fait a priori plus de victimes
00:09:20que les frappes balistiques elles-mêmes.
00:09:24Donc, d'un côté, on assiste à une montée en gamme spectaculaire, entre guillemets, de l'Iran.
00:09:30Mais, clairement, la volonté, me semble-t-il, de l'Iran, c'était de signifier fortement aux Israéliens
00:09:36que, entre guillemets, si vous me permettez, si vous me passez l'expression, l'Iran revient dans le match.
00:09:42Là où on aurait pu avoir l'impression que l'Iran, après avoir été sidéré,
00:09:48hésité sur la riposte, hésité sur la posture à tenir,
00:09:52là, clairement, le guide suprême Ali Khamenei montre au passage qu'il est toujours aux manettes,
00:09:59qu'il a toujours son rôle d'arbitre, et qu'après avoir arbitré en faveur du président Pesachian à New York
00:10:06pour lui permettre de tendre la main aux États-Unis et de remettre le dossier nucléaire sur la table,
00:10:11cette fois-ci, il arbitre en faveur des gardiens de la Révolution pour dire, je vais y venir,
00:10:18il faut faire quelque chose pour réagir, sinon on perd la face.
00:10:22Ce qui est un message probablement de l'entourage du guide suprême sur le thème
00:10:27« Nous ne sommes pas encore morts, ne nous enterrez pas tout de suite ».
00:10:31La signification, clairement, ma compréhension, c'est que l'Iran a cherché à sauver la face
00:10:38vis-à-vis de sa propre population, vis-à-vis de ses proxys, bien sûr,
00:10:44qui pouvaient douter maintenant de la crédibilité et du niveau d'engagement de l'Iran à leur côté.
00:10:49Le troisième destinataire de ce message, c'est clairement les voisins de l'Iran,
00:10:54sur le thème « L'Iran a encore des dents et peut mordre », donc faites attention à ce que vous faites,
00:11:00et les voisins, c'est tous les voisins au nord, à l'est et au sud.
00:11:05Le deuxième message, certainement rétablir un minimum de dissuasion conventionnelle à l'égard d'Israël,
00:11:14c'est-à-dire ne pas laisser croire aux Israéliens qu'ils peuvent pousser le bouchon toujours plus loin
00:11:20jusqu'au moment où la ligne rouge est franchie et où là, on va véritablement vers l'escalade.
00:11:25Ma compréhension, et c'est ce minimum de dissuasion conventionnelle,
00:11:29après les humiliations infligées à Israël, à l'Iran depuis cet été,
00:11:34avec l'assassinat d'Ismail Hanieh en plein cœur de Téhéran, l'élimination de Hassan Nasrallah
00:11:41et l'élimination d'un certain nombre de généraux iraniens à la fois en Irak, en Syrie et au Liban.
00:11:49Le troisième message, comme je le disais, c'est le régime n'est pas mort et le guide suprême est encore aux manettes.
00:11:59Côté israélien, constat. Oui, constat également intéressant, c'est que l'Iran n'a pas frappé au nord d'Israël,
00:12:10c'est-à-dire, paradoxalement, n'a pas frappé le déploiement gigantesque de moyens militaires au nord à la frontière libanaise.
00:12:17Alors que s'il avait voulu marquer le coup dans l'action israélienne au Liban,
00:12:23là il avait un champ de manœuvre idéal pour frapper des cibles toutes destinées.
00:12:27Il n'y a pas un missile qui est tombé dans ce secteur-là.
00:12:30Ce qui, à ma compréhension, signifie que l'Iran souhaitait déconnecter les deux dossiers
00:12:38et faire passer le message à Israël, aux États-Unis et aux pays de la région,
00:12:42que d'un côté il y a le Liban et le Hezbollah, mais que là, ce qui était en jeu, c'était pas ça.
00:12:47Ce qui était en jeu, c'était la crédibilité de la dissuasion iranienne et, quelque part, la survie du régime iranien.
00:12:54Côté israélien, contrairement au 13 avril, enfin non, pour eux, le 21 avril, il n'y a eu aucune communication sur le taux d'interception.
00:13:04L'état-major israélien a parlé de « nous avons neutralisé un grand nombre de vecteurs ».
00:13:11Ce qui veut dire clairement que le taux de réussite est très inférieur à celui du mois d'avril.
00:13:19Je n'ai pas de chiffres, mais on peut imaginer que c'est de l'ordre autour des deux tiers.
00:13:25Ce qui veut dire que si un tiers des projectiles sont passés sur 180, ça représente quand même une frappe, là pour le coup, significative.
00:13:34De source américaine, on a uniquement deux destroyers anti-missiles Harley-Burke qui ont tiré, on ne sait pas si c'est chacun ou au total,
00:13:44une douzaine de missiles contre les missiles balistiques en train.
00:13:48Ce qui peut être interprété comme les États-Unis, qui étaient clairement prévenus, font le programme minimum, ou font le service minimum.
00:13:58Juste assez pour peut-être éliminer les vecteurs ou les missiles les plus dangereux ou les plus « gênants » pour le gouvernement israélien.
00:14:10Mais pas plus pour bien montrer au gouvernement israélien que sans l'alliance américaine, l'Israël ne tiendra pas sur le long terme.
00:14:19Donc c'est une question que je pose. Ça, c'est à voir.
00:14:23Ce qui pose la question de comment Israël va riposter.
00:14:27Je pense que le régime iranien sait et a pris le risque de frapper, sachant qu'il y aura une riposte israélienne et que cette riposte sera beaucoup plus massive que la dernière fois.
00:14:40Ma compréhension, c'est qu'ils ont arbitré et se sont dit entre ne rien faire et voir tout ce que ça nous coûte,
00:14:49ou faire quelque chose qui va nous coûter mécaniquement des pertes, peut-être même là aussi une perte de crédibilité.
00:14:57Il vaut mieux perdre légèrement en crédibilité, voir un certain nombre d'objectifs bombardés,
00:15:02mais rehausser notre prestige au niveau international et au niveau de notre pouvoir de dissuasion, plutôt que de ne rien faire.
00:15:10Donc en fait, là aussi, on a l'impression que les Israéliens calculent plusieurs coups à l'avance, mais peut-être moins de coups que la dernière fois.
00:15:18C'est à voir.
00:15:20Israël peut faire toute une série de frappes, peut recourir à différents types de ripostes.
00:15:27Bien sûr, il peut viser des frappes de décapitation visant les personnages clés du régime.
00:15:34S'il fait cela, là pour le coup, je pense que c'est l'escalade assumée.
00:15:39Et c'est pour ça que les États-Unis ont dit qu'ils coordonneraient leur action avec Israël,
00:15:47à la fois pour dire aux Iraniens et à l'ensemble des pays de la région, entre guillemets, nous autorisons Israël à les riposter.
00:15:54Mais nous sommes là quand même en backup pour nous assurer que la riposte reste, entre guillemets, dans le domaine du raisonnable.
00:16:04Mais on ne sait jamais.
00:16:06Le deuxième type d'opération, c'est procéder à des frappes symétriques, spectaculaires, peu meurtrières, sur des objectifs militaires symboliques.
00:16:18Des cibles du programme, pas toutes, mais certaines cibles du programme nucléaire.
00:16:22Des bases militaires, des bases de la défense antiaérienne et antimissile.
00:16:26Ou bien des sites du programme balistique et du programme spatial.
00:16:30Il n'est pas impossible que les Iraniens, puisqu'on a vu des photos, des films et des vidéos de missiles s'abattant au nord et au sud de Tel Aviv.
00:16:40Au sud de Tel Aviv, il y a la base aérienne de Palma Him, qui est le principal site de lancement spatial israélien.
00:16:52Donc on peut imaginer qu'Israël riposte également sur des sites du programme spatial iranien, ce qui a l'avantage de faire passer le message.
00:17:01On peut freiner et ralentir votre programme balistique, c'est-à-dire votre programme spatial, votre programme de mise en place de satellites.
00:17:08Il y a toute une option de cibles qui sont possibles.
00:17:13Soit une troisième option, les trois pouvant être, ou deux des trois pouvant être cumulatives.
00:17:23Taper l'Iran en porte-monnaie, finalement, en visant l'infrastructure pétrolière et gazière iranienne, aussi bien le long du golfe Persique que dans les grandes raffineries près des grandes villes.
00:17:35L'avantage aussi, c'est que là, vous empêchez ou vous diminuez considérablement la capacité d'exportation de revenus de l'Iran.
00:17:43Et en même temps, c'est très visible parce que ces raffineries sont à côté d'Ispan, à côté de Téhéran.
00:17:50Donc si elles explosent, toute la population les verra exploser. Le message est clair et passé.
00:17:56Donc voilà les différentes options. Et je n'ai pas la réponse, évidemment.
00:18:01Voilà, à mon avis, les différentes options qui s'offrent à Israël. Mais Israël fait face à un dilemme.
00:18:07Le premier, c'est qu'évidemment, entre guillemets, il doit obtenir le feu vert des États-Unis.
00:18:12Parce que là, avec les risques réels d'escalade, s'il le fait de son côté sans accord et sans coordination avec les États-Unis, il risque de se retrouver seul.
00:18:24Mais le deuxième, c'est que si, entre guillemets, la riposte est trop lourde, ça va très certainement inciter le régime iranien à franchir le seuil nucléaire,
00:18:35c'est-à-dire à sortir du TNP et à fabriquer des bombes très rapidement et à jouer la posture Kim Jong-un,
00:18:43c'est-à-dire qu'on sort du TNP, on fait la bombe et maintenant, on peut discuter.
00:18:47Donc le risque, ma compréhension, c'est que les Israéliens voient que les Iraniens sont revenus dans le match.
00:18:55Donc maintenant, c'est à leur tour. Mais il faut calculer où ils vont mettre la balle, parce qu'en fonction, ça peut avoir des conséquences très lourdes.
00:19:03Et je pense que les États-Unis sont derrière eux, clairement, pour leur dire « Attention à la manière dont vous réagissez,
00:19:10parce que si, à la suite de votre opération, l'Iran, qui a mis le dossier nucléaire sur la table à New York,
00:19:18ce qui est un moyen de signifier à la Maison-Blanche « Regardez, nous acceptons de rediscuter du nucléaire, et au-delà du nucléaire,
00:19:28j'allais dire de tous les dossiers de la région ». Donc c'est le fameux grand bargain que beaucoup attendaient depuis des années.
00:19:34Mais si vous refusez de discuter nucléaire, le dossier est sur la table. Tout est entendu, on en tirera les conséquences,
00:19:40et on peut être amené à franchir le seuil nucléaire. Ceci étant dit, je remarque qu'aucun des pays de la région,
00:19:52en tout cas aucun des voisins de l'Iran n'a réagi, en tout cas pour le moment. Les seuls qui ont réagi, c'est la Chine, qui appelle au calme tout le monde.
00:20:02Ce qui m'amène à vous parler maintenant un petit peu, à élargir le propos, et à vous montrer cette carte qui, je pense,
00:20:13illustre complètement les recompositions géopolitiques que vous avez évoquées, M. le Président, qui sont à l'œuvre depuis deux ans.
00:20:19Il y a deux ans, dans notre précédente atlas, que je montre ici et que je vais vous laisser bien sûr à la fin de la session,
00:20:26on avait fait une carte très différente, c'est-à-dire que le Moyen-Orient, pour faire simple, était divisé en deux blocs.
00:20:33Pour faire simple, le bloc iranien ou pro-iranien, et de l'autre côté, c'est pas le bloc pro-américain, c'était le bloc anti-iranien.
00:20:43Aujourd'hui, le Moyen-Orient est marqué par le multi-alignement, c'est-à-dire qu'en fait, ce que vous voyez sur la carte,
00:20:50c'est qu'on distingue toujours, entre guillemets, l'axe de la résistance tel qu'il est annoncé par l'Iran,
00:20:56qui couvre l'Iran, l'Irak, la Syrie et le Liban, et le nord du Yémen.
00:21:00On voit un camp bleu, si l'on peut dire, qui sont les alliés inféodés et qui restent inféodés aux États-Unis,
00:21:09Israël, la Jordanie, le Koweït, Bahreïn, et dans une certaine mesure, la Turquie, toujours membre de l'OTAN,
00:21:16et dans une position très inconfortable avec la Russie, donc qui compte sur les États-Unis.
00:21:21Mais tout le reste, c'est-à-dire tout ce que vous voyez sur la carte en beige rayé de rouge,
00:21:28en fait, c'est-à-dire tous les autres États du Moyen-Orient font du multi-alignement,
00:21:32c'est-à-dire qu'aujourd'hui, ils mettent leurs eaux dans des paniers radicalement différents,
00:21:35et ils sont très ouverts à toutes les options. Et ça change assez radicalement la donne.
00:21:42Vous voyez qu'il y a des drapeaux représentant les intérêts de plein de nations un petit peu partout.
00:21:49Si on se rapporte à une logique géopolitique ou stratégique, je ne sais pas si parmi d'entre vous, vous avez des joueurs d'échecs,
00:21:58mais voilà, en termes de jeu d'échecs, voilà le jeu positionnel aujourd'hui au Moyen-Orient.
00:22:05Tout ce qui est vert et, on va dire, sous le contrôle direct ou indirect de l'Iran et de ses affidés,
00:22:11vous avez la case bleue d'Israël et les cases, on va dire, beiges sont plutôt,
00:22:17enfin, sont même carrément sous l'influence des États du Golfe et indirectement des États-Unis.
00:22:23Donc, vous voyez Israël qui est pris en sandwich quelque part, aussi bien venant du nord,
00:22:29c'est-à-dire vu le positionnement de cette carte, disons venant d'Iran et de, entre guillemets, l'axe de la résistance,
00:22:36et de Mer Rouge et du Yémen. Donc là aussi, la donne a pas mal changé.
00:22:42Et puis aussi, cette recomposition géopolitique, elle s'est invitée sur l'ensemble du bassin méditerranéen.
00:22:52Là, si vous regardez à la fois sur le champ bassin méditerranéen, Afrique du Nord, zone sahélienne et Levant,
00:23:00vous voyez qu'il y a des drapeaux d'un peu tous les acteurs, non pas dans tous les sens, mais il y a une répartition.
00:23:06Il y a le fait que, clairement, typiquement, la Russie fait une percée assez spectaculaire.
00:23:13Les États-Unis se défendent, restent présents. Les États du Golfe sont très présents.
00:23:19Israël aussi fait une percée au Maroc. L'Iran, la Turquie, bien sûr.
00:23:24On distingue sur cette carte-là une sorte de tête de pont turc sur la rive d'Afrique du Nord entre la Tunisie et la partie occidentale de la Libye.
00:23:34Vous avez deux lignes de fracture qui subsistent. Côté occidental, la ligne de fracture classique entre le Maroc et l'Algérie
00:23:42et leurs affidées ou du moins leurs sponsors réciproques. Et puis une ligne de fracture plus historique qui divise la Libye en deux.
00:23:54Et vous voyez bien que d'un côté, il y a finalement la Turquie, le Qatar et quelques États européens, dont notamment l'Italie.
00:24:02Et de l'autre côté, clairement, la Russie, l'Égypte et les Émirats arabes unis.
00:24:07Donc les rivalités du Moyen-Orient se retrouvent aujourd'hui dans le bassin méditerranéen.
00:24:13C'est un des messages que j'aimerais vous faire passer. C'est-à-dire que dire comme auparavant, il y a les problèmes du Golfe, les problèmes du Levant et les problèmes d'Afrique du Nord.
00:24:21Non, c'est fini. Aujourd'hui, tout est entremêlé.
00:24:27Si je fais un zoom cette fois-ci sur la Turquie, donc cette carte aussi, la plupart des cartes sont extraites de notre nouvelle Atlas 2024.
00:24:37Vous voyez quand même les zones, les ambitions maritimes turques qui sont en échurée sur cette carte,
00:24:46ce qui montre bien qu'en fait, les ambitions maritimes turques vont très au-delà, évidemment, de leurs eaux territoriales et de ce que leur reconnaît le droit international,
00:24:57notamment autour de Chypre, en mer Égée, et qu'il y a une véritable volonté de puissance ou en tout cas d'influence turque qui se déploie finalement un peu partout,
00:25:07y compris sur ce qu'on appelle l'axe turcique, ce que l'on ne voit pas trop sur cette carte-là, en direction de l'Est,
00:25:13c'est-à-dire en direction du Caucase, de la mer Caspienne et de l'Asie centrale, et qui là, pour le coup, rejoint les problématiques géopolitiques du Moyen-Orient.
00:25:24Pourquoi ? Parce que la Russie et l'Iran ont besoin de rester connectés par voie terrestre, notamment en passant par la Géorgie et par l'Arménie,
00:25:34et que la Turquie et l'Azerbaïdjan rêvent de couper cet axe terrestre en établissant leur corridor trans-turcique qui relie le Nakhichevan,
00:25:47ce qu'on appelle le corridor de Zangezour au sud de l'Arménie, et ensuite l'Azerbaïdjan et la Caspienne.
00:25:52Donc là aussi, il y a une très forte rivalité entre la Turquie et l'Iran sans que ça aille à l'affrontement.
00:25:59Par contre, ces 15 derniers mois, ça a failli aller à l'affrontement entre l'Iran et l'Azerbaïdjan.
00:26:06Le paradoxe, c'est qu'aujourd'hui, Israël mis à part, les vrais soucis de l'Iran en termes de voisinage sont au nord et à l'est.
00:26:20C'est l'Azerbaïdjan, c'est l'Afghanistan et c'est le Pakistan.
00:26:24Donc là aussi, les priorités ont un peu évolué.
00:26:29Là, je vous ai mis une carte un peu intéressante qui vous montre que quand on fait de la géopolitique, il faut regarder les cartes dans tous les sens.
00:26:38Et tous les sens, ça veut dire que là, par exemple, vous avez la Méditerranée en vertical au lieu d'être en horizontal.
00:26:47Et ça vous montre quoi ? Ça veut dire que les Russes, les Turcs voient la Méditerranée comme cela.
00:26:54Et les Russes et les Turcs, alors les Turcs, ils font partie à la fois de l'OTAN et puis ils ont leur propre jeu et leur agenda national de leur côté.
00:27:05Donc j'allais dire les Turcs jouent dans les deux camps.
00:27:07Mais les Russes, eux, se disent, quand ils regardent de manière rationnelle la Méditerranée, le bassin méditerranéen,
00:27:12ils se disent, nous avons quatre lignes de défense de l'OTAN pour, une fois franchi les détroits turcs, sortir par Gibraltar dans l'Atlantique
00:27:21et rejoindre l'océan monde et les routes maritimes mondiales.
00:27:24C'est compliqué. C'est compliqué parce que l'OTAN verrouille et est capable de tenir quand même ses lignes de défense de manière assez ferme.
00:27:32Donc pour pouvoir accéder aux mers chaudes, ce n'est pas du tout le délire de Catherine II, c'est les mers chaudes,
00:27:39ça représente en fait le développement économique aujourd'hui de la Russie.
00:27:43Pour accéder aux mers chaudes et donc à l'océan Indien et à la route maritime qui permet d'aller à la Chine, à l'Asie et aux partenaires économiques de la Russie,
00:27:54la stratégie la plus sûre consiste à passer par la Méditerranée orientale, le canal de Suez, la mer Rouge, le détroit de Bab-el-Mandeb,
00:28:03sortir sur l'océan Indien et plouf, se pluguer sur la route principale défendue, entre guillemets, sécurisée par la Chine.
00:28:11Ce qui veut dire que dans la logique aujourd'hui, la Turquie reste prise en étau entre ses intérêts otaniens, ses intérêts nationaux,
00:28:23la protection américaine et le partenariat économique avec la Russie et énergétique.
00:28:31Les Russes et les Turcs peuvent se dire, transformons la Méditerranée orientale, c'est-à-dire la partie la plus basse de la carte là sur ce que vous voyez à l'écran,
00:28:42en une sorte de lac russo-turc et faisons en sorte que les pays de l'OTAN restent au nord de la première ligne de défense.
00:28:53En faisant cela, ça nous permet de sortir et de sécuriser notre évacuation sur la mer Rouge et l'océan Indien.
00:29:01C'est là où vous réalisez qu'il y a un objectif absolument crucial qui est l'île de Chypre.
00:29:07C'est pour ça que je l'ai fait figurer là sur cette carte, parce que Chypre est au milieu de cette zone de la Méditerranée orientale.
00:29:16C'est une base absolument vitale et cruciale, c'est un porte-avions incoulable et c'est ce qui permet de contrôler une partie du trafic naval et aérien sur l'ensemble de la zone.
00:29:26Les États-Unis l'ont parfaitement compris. Le paradoxe est que Chypre ne fait pas partie de l'OTAN, donc les Otaniens s'en désintéressent totalement.
00:29:35Chypre fait partie de l'Union européenne, mais comme nos voisins allemands et quelques autres pays de l'Union ne veulent pas faire de peine à la Turquie,
00:29:44ils ne s'intéressent pas aux dossiers de Chypre. Donc qui vient défendre Chypre aujourd'hui ?
00:29:49Et les Britanniques, qui sont sortis de l'Union européenne et qui font beaucoup de business et de commerce et d'industrie avec les Turcs, bien sûr.
00:29:55Eux, ce qui compte, c'est le statu quo et surtout rien qui bouge à Turc.
00:29:59Donc aujourd'hui, qui est capable et qui a compris la valeur stratégique de Chypre ? Les États-Unis. La France certainement aussi.
00:30:08Mais les États-Unis viennent d'envoyer un contingent militaire important à Chypre, officiellement pour sécuriser l'éventuel rapatriement de leurs ressortissants de la région.
00:30:18Mais clairement aussi pour signifier à tout le monde que maintenant, on est là, on est à Chypre et on joue, et on a compris l'intérêt de cette partie-là de la Méditerranée.
00:30:29Une petite carte pour vous montrer l'état actuel de la situation en Israël et sur les fronts limitrophes.
00:30:37La « guerre à Gaza » ou l'opération à Gaza semble sur le point de se terminer. C'est pour ça qu'elle est en petit pointillé.
00:30:48Un nouveau front vient de s'ouvrir. Mais ça, on en parlait. Nous, on l'annonçait déjà depuis le 8 octobre sur la zone Liban et Sud-Liban.
00:30:59Donc là, aujourd'hui, c'est là où, disons, le focus se fait. Et deux zones qui sont pointillées mais beaucoup plus larges, c'est la Syrie et la Cisjordanie.
00:31:12Ça veut dire qu'en fait, ce sont les deux endroits où un conflit pourrait déraper ou en tout cas s'étendre.
00:31:18La Syrie, parce que bien évidemment, c'est le lien direct avec l'Irak et l'Iran, parce que Bachar el-Assad lui-même se dit que la décapitation de la branche militaire du Hezbollah au Liban,
00:31:32finalement, sert paradoxalement ses intérêts parce que ça lui permet de revenir en force au Liban.
00:31:36Et au passage, on peut émettre l'hypothèse que finalement, si non pas la mise hors jeu mais en tout cas la neutralisation des capacités militaires et offensives du Hezbollah
00:31:50rebat les cartes au Liban, ce qui pourrait au passage débloquer l'élection d'un président de la République libanaise et donc relancer le jeu institutionnel libanais,
00:32:00on peut aussi penser que ça fasse aussi le jeu de la Syrie et que la Syrie puisse finalement, in fine, en profiter largement.
00:32:06Sauf si Israël a compris qu'il y avait sans doute un coup à jouer et qu'Israël change sa stratégie, non pas militaire au sud face au Hezbollah,
00:32:21mais sa stratégie globale face à l'État libanais pour adopter, disons, une attitude positive à l'égard du Liban,
00:32:29quitte à leur dire après tout vous pourriez rejoindre les accords d'Abraham, on pourrait faire plein de business ensemble, tout est possible.
00:32:35Je pense que tout est possible aujourd'hui dans la séquence qui s'ouvre.
00:32:41Ce qui m'amène à vous montrer une carte opérative de la situation aujourd'hui au Liban.
00:32:51Donc vous voyez toutes les petites explosions qui représentent en fait les raids et les bombardements et les frappes israéliennes aujourd'hui sur l'ensemble des zones chiites du pays du Cèdre.
00:33:05Et puis dans le petit carré, le rectangle rouge en bas, vous avez en fait le focus sur les opérations terrestres que vous voyez là sur une carte en relief,
00:33:16ce qui vous permet de bien réaliser en fait l'enjeu de ce qui est en train probablement de se passer côté israélien.
00:33:24Donc la ligne bleue ou violette matérialise la frontière entre Israël et le Liban.
00:33:32Et en fait quand vous voyez le relief là, vous comprenez que quand vous êtes israélien et que vous voyez les Hezbollahis qui vous tirent dessus depuis le relief et les montagnes qui sont juste en face,
00:33:44c'est un petit peu gênant.
00:33:46Donc on comprend que l'opération en cours, au moins dans sa première phase d'opération coup de poing, de raid, ce qu'on appelle en langage militaire « hit and run »,
00:33:58c'est-à-dire d'opérations au coup de poing qui permettent d'aller sur les arrières d'une position adverse, de la sécuriser, de l'isoler, de la neutraliser et puis ensuite de repartir ailleurs.
00:34:08Un petit peu comme sur un échiquier, vous auriez vos cavaliers qui se déplacent sans cesse sur le plateau de jeu pour neutraliser ou pour menacer des objectifs.
00:34:18Donc là c'est un moyen de dire à minima, en tout cas c'est ce sur quoi communique l'armée israélienne aujourd'hui, le but c'est par une manœuvre d'opération aéromobile et de commando,
00:34:35c'est-à-dire sans l'écharpe pour faire simple, de prendre le contrôle d'objectifs clés vraiment à la frontière du Hezbollah pour les détruire, les neutraliser durablement,
00:34:46notamment les tunnels, les entrées de tunnels, les bunkers, les sites de dépôt logistique et les sites de communication et pour pouvoir sécuriser dans l'absolu.
00:34:58S'il y avait une deuxième phase terrestre, ça pourrait être la prise d'une zone tampon qui est représentée sur la carte en relief par ces petits traits pointillés bleus
00:35:11qui globalement se dirigent à une quinzaine de kilomètres de la frontière, c'est-à-dire la portée de tout ce qui est roquettes de base et mortiers qui équipent largement le Hezbollah
00:35:24pour s'assurer qu'il n'y ait pas de harcèlement de ce tir-là, ce qui n'empêcherait en rien les tirs de missiles, évidemment, puisqu'eux ont des portées à plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de kilomètres.
00:35:33Mais au moins, c'est le but du jeu pour les israéliens, leur stratégie, ce serait d'éviter des manœuvres d'infiltration pour que les habitants du nord ne revivent pas le cauchemar des habitants du sud au moment du 7 octobre.
00:35:47Et pour conclure, en substance, après je vous parlerai un tout petit peu d'une carte de la France, qui sont les gagnants et les perdants de ce processus qui a commencé le 7 octobre et lorsque le Hamas a agressé et attaqué Israël.
00:36:09Alors, ceux qui me semblent les grands perdants, c'est clairement le Hamas, le Hezbollah, le Liban, qui sortent extrêmement affaiblis de cette séquence, la Jordanie, qui est extrêmement fragile et qui est une cible de choix notamment pour l'Iran.
00:36:28C'est-à-dire que si l'Iran, sans attaquer militairement Israël, veut très sérieusement embêter le gouvernement israélien et l'occuper, entre guillemets, l'intérêt de l'Iran, c'est de pousser à une intifada en Cisjordanie, c'est de déstabiliser la Jordanie pour, entre guillemets, ouvrir un nouveau front-centre pour Israël.
00:36:48Donc, je pense que le roi de Jordanie ne doit pas dormir sur ses deux oreilles tous les soirs. Ce qui est intéressant, c'est que l'Iran, il y a six mois, j'aurais dit que l'Iran faisait partie des grands bénéficiaires de cette guerre et aujourd'hui, je les ai mis plutôt dans ceux qui en sortent affaiblis.
00:37:08Donc, on va voir ce qui sortira de la séquence d'hier et qui va se poursuivre quelques temps. Mais clairement, pour le moment, ils sortent affaiblis en termes de posture, en termes de crédibilité régionale.
00:37:20Et puis, celui qui sort très affaibli aussi, c'est le maréchal Sisi et l'Égypte. L'Égypte, c'est la cocotte minute, c'est-à-dire que c'est à tout moment, sur le plan socio-économique, la situation peut déraper.
00:37:34Donc, l'objectif numéro un des Égyptiens, c'est surtout ne prendre aucun Gazaoui, aucun Palestinien et rien qui puisse renforcer les frères musulmans au Caire.
00:37:46Et il voit bien que tout ça, ça se passe bien entendu dans le contexte de l'élection américaine. Et quelque part, je pense que le maréchal Sisi, lui, il vote Donald Trump sans hésiter.
00:38:00Parce qu'il se dit que si c'est Kamala Harris qui vient lui demander millions de dollars à l'appui, voire milliards de dollars à l'appui, de prendre un million de réfugiés Gazaouis chez lui, c'est pas un bon plan, malgré l'argent.
00:38:11Donc l'Égypte, clairement, s'en sort affaiblie, même si au début de la séquence, elle a réussi à négocier un premier cessez-le-feu à Gaza. Depuis, elle est globalement inaudible.
00:38:22Ensuite, il y a les attentistes, c'est-à-dire ceux qui attendent que la poussière retombe pour voir quelle posture adopter. Clairement, la Turquie, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis.
00:38:33Puis, vous avez les bénéficiaires nets de cette guerre. Clairement, la Russie, puisque ça fait une diversion formidable pour elle sur la guerre en Ukraine, évidemment.
00:38:42Le Qatar, qui revient au centre du jeu diplomatique. Les États-Unis. Donc c'était l'une de vos questions, M. le Président. En fait, les États-Unis, notamment en s'affichant comme soutien conditionnel d'Israël quelque part,
00:38:53rassurent paradoxalement tout le monde par le sérieux de leur posture militaire et de leur force. C'est-à-dire que le message vis-à-vis de tous les pays qui étaient dans la première carte que je vous ai montrée,
00:39:05qui faisaient du multi-alignement, c'est-à-dire qui allaient courtiser à la fois la Russie, la Chine, l'Inde, les pays asiatiques, les Européens et bien sûr les États-Unis.
00:39:19C'est un moyen de leur dire que les Russes et les Chinois ne viendront pas vous défendre. Le jour où vous serez véritablement en danger, et si on a un « deal », comme dirait Donald Trump,
00:39:29vous pouvez compter sur nous. En tout cas, plus exactement, peut-être que vous ne pouvez pas compter sur nous. Mais si nous sommes là et nous intervenons, notre intervention sera décisive.
00:39:38Donc je pense que les États-Unis font partie des bénéficiaires de cette séquence. Quant à la Chine, j'ai mis un point d'interrogation parce que les Chinois, à la fois, voient qu'il y a...
00:39:51Évidemment, les États-Unis sont en porte-à-faux. C'est compliqué. Ils n'ont pas pris position. Ils ont réussi à faire une percée avec les BRICS+, sur les pays de la région.
00:40:04Mais en même temps, ils ne sont pas prêts à intervenir. Ce qui m'amène pour conclure à cette carte qui vous montre la posture aujourd'hui.
00:40:14En fait, le paradigme de la position française. Donc toutes ces cartes, vous pouvez les retrouver. Elles sont en accès libre sur la classe.
00:40:23Ce qui vous montre en fait les bases militaires françaises dans la région et les élongations. Et je pense que la carte se passe de commentaires.
00:40:32Vous pouvez voir beaucoup de choses à partir de cette carte. Et on pourra en reparler si vous le souhaitez.
00:40:38Et cette dernière carte, qui en fait a une vocation unique, qui est de vous montrer qu'aujourd'hui, tout le monde est sous la menace de tout le monde.
00:40:47C'est-à-dire qu'à partir du moment où vous dépassez le détroit de Sicile et que vous rentrez en Méditerranée orientale, vous êtes potentiellement sous la portée des armes
00:40:58en termes de déni d'accès, c'est-à-dire d'armes antinavales ou antiaériennes d'à peu près tout le monde.
00:41:06Ce qui veut dire que vous ne pouvez plus dire je suis protégé par un tel et je suis hors de portée d'un tel. Non.
00:41:11Tout le monde est en situation finalement de, non pas de dépendance, mais en situation de vulnérabilité partagée.
00:41:29Et je vous remercie de votre attention et je vais répondre à toutes vos questions.
00:41:34Merci, M. le Directeur. Alors j'ai beaucoup de demandes de prise de parole au vu de l'intérêt, évidemment, de l'audition.
00:41:40On peut le comprendre. On va se donner une grosse demi-heure, enfin 40 minutes, si vous voulez bien. On va commencer par Olivier Sigoloti.
00:41:50Merci, M. le Président. M. le Directeur, j'ai une question à laquelle vous avez partiellement répondu durant votre propos vendredi dernier
00:42:00avec l'élimination d'Assad Nasrallah. Nous aurions pu nous attendre à une réaction unanime du monde arabe. Tel n'a pas été le cas.
00:42:08Et finalement, la personnalité d'Assad Nasrallah, à la fois adulé dans certains pays comme l'Iran et haï dans d'autres comme la Syrie,
00:42:18puisqu'il était bien connu pour son écrasement de la révolution syrienne. Est-ce que l'élimination du leader du Hezbollah n'est pas finalement
00:42:27le reflet de la division à la fois entre chiites et sunnites et le reflet de la division du monde arabe, que vous avez partiellement évoqué dans votre propos ?
00:42:38Et puis une deuxième question très rapide. Qu'en est-il aujourd'hui dans ce conflit et ce risque d'élargissement de l'armée libanaise,
00:42:47dont on entend peu parler, et de l'intervention de la Finul qui, depuis 18 ans, malheureusement, n'a pas rempli ses objectifs et sa mission ? Merci.
00:42:57OK. Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Alors... Pardon, fais...
00:43:03Les séries de deux, mais allez-y, c'est possible.
00:43:05Comme il y a eu trois questions. Nasrallah. La réalité, c'est que d'un côté, vous avez, on va dire, le narratif des peuples et des médias dans le monde arabe,
00:43:18et puis vous avez ensuite les intérêts des dirigeants. La réalité, c'est qu'à quelques exceptions près, le Qatar, la Tunisie, l'Algérie, probablement,
00:43:28tous les dirigeants arabes détestent le Hezbollah et détestent le Hamas. Donc si vous me passez l'expression qu'Israël, entre guillemets, fasse le boulot
00:43:42pour affaiblir le Hamas et le Hezbollah, c'est la meilleure nouvelle pour ces dirigeants-là, qui, bien entendu, sont confrontés à leurs opinions publiques
00:43:51et donc il faut gérer cela. Mais c'est en effet... C'est plutôt une bonne nouvelle. L'armée libanaise. Les FAL. L'armée libanaise, elle essaye de survivre.
00:44:03Et comme l'armée libanaise, nouvelle formule, en tout cas la formule de post-guerre de 2006 et post-accord de 92, c'est une armée multiconfessionnelle.
00:44:15Il n'y a plus la brigade chiite, la brigade maronite, etc. Tout le monde est dans tout le monde. Donc l'armée libanaise est largement neutralisée.
00:44:25D'ailleurs, ce qu'on voit, c'est que son premier réflexe depuis que les Israéliens opèrent à la frontière, c'est-à-dire à l'intérieur du territoire libanais au sud du Liban,
00:44:37ça a été de se replier sur ses bases, de fermer les yeux, de regarder ailleurs. Et éventuellement peut-être d'être un réservoir qui permettra aux unités du Hezbollah
00:44:50de venir se mettre à l'abri ou en tout cas de se refaire une santé lorsqu'elles cesseront momentanément le combat.
00:44:59La fille nulle. La fille nulle, aujourd'hui, elle vit dans les abris et les shelters et elle ne patrouille plus. Donc en fait, elle ne remplit pas sa mission.
00:45:11Mais en même temps, elle est toujours là pour jouer le rôle de témoin, non pas de juge de paix pour le coup, mais en tout cas de témoin qui peut compter les coups de part et d'autre
00:45:24et qui peut témoigner de ce que si elle n'était pas là, ça pourrait peut-être être pire. Parce que là, à la fois le Hezbollah et à la fois les Israéliens savent qu'il y a des gens qui les regardent.
00:45:35Voilà ma réponse. Mais pour le moment, ils vivent dans les shelters et voilà.
00:45:44Merci. André Guiol.
00:45:48Oui, merci Président. Monsieur le Directeur, ma question vient un peu tôt, on aurait pu même terminer cette séance.
00:45:54Alors les 8 et 9 octobre prochains auront lieu les rencontres organisées par la Fondation Méditerranéenne des études stratégiques que vous dirigez.
00:46:04C'est pas moi qui la dirige, je suis juste le directeur académique.
00:46:08J'aurai l'occasion d'intervenir dans une table ronde sur ce sujet qui a été évoqué ce matin.
00:46:13D'abord, je voudrais féliciter ces initiatives ouvertes au grand public et qui contribuent à renforcer le lien Défense Nation dont la suppression de la conscription a pu mettre à mal.
00:46:25Ma question sera comment capitaliser le contenu de ces travaux de la semaine prochaine à Toulon ?
00:46:30Feront-ils l'objet d'une synthèse et comment les membres de notre commission pourront y accéder ? Je vous remercie.
00:46:36Alors oui, il y aura une synthèse. Les débats seront enregistrés, en captation.
00:46:43Ils seront mis en ligne sur notre site internet et sur notre chaîne YouTube.
00:46:49Il y aura de toute façon une synthèse ensuite écrite qui sera faite dans les mois suivants.
00:46:54Donc oui, bien sûr, ce sera capitalisé, comme l'ont été les deux premières éditions des RSMED en 2022 et en 2023.
00:47:05Merci beaucoup. Philippe Follieu.
00:47:09Merci, M. le Président. Je voulais revenir sur un pays qui est tout à fait stratégique dans la région, qui est l'Égypte,
00:47:19de par sa dimension démographique, puisque c'est le seul pays qui comporte plus de 100 millions d'habitants sur la zone,
00:47:27de par aussi le fait qu'elle contrôle le canal de Suez, et vous avez dit combien c'était important par rapport aux flux et aux enjeux,
00:47:38de par sa puissance militaire aussi, qui est importante, et nous avons des accords depuis quelques années avec ce pays,
00:47:49et de par, je veux dire, quoi qu'on en dise et qu'on en pense, une certaine stabilité du régime.
00:47:56Alors bien sûr, nul n'est à l'abri de mouvements populaires qui soient très déstabilisants, mais l'Égypte est malgré tout un pôle de stabilité.
00:48:11Alors vous avez bien montré que celle-ci jouait, je veux dire, comme d'autres acteurs du pays sur, excusez-moi l'expression, plusieurs tableaux,
00:48:20mais par rapport à cela, au regard de la situation de Gaza, et vous nous avez bien dit que l'Égypte refuserait d'accueillir sur son sol des réfugiés gazaouis,
00:48:33mais que peut-on atteindre à l'aune des relations privilégiées qu'il y a entre la France et l'Égypte pour qu'elles puissent jouer un rôle majeur
00:48:44en matière de stabilisation de la situation dans la région, ou tout au moins de non-aggravation de la situation ?
00:48:55Ma compréhension, c'est que l'Égypte, et je pense que le pouvoir égyptien en est conscient, n'est plus un acteur.
00:49:06En fait, quand je dis un acteur, il n'est plus un acteur décisionnaire ou en tout cas majeur. L'Égypte fait du suivisme.
00:49:15La diplomatie égyptienne essaye d'exister, à relever la tête au début du conflit à Gaza en essayant justement de faire jouer de tous ses réseaux pour convaincre le Hamas
00:49:28d'accepter un premier cessez-le-feu, etc. Mais très rapidement, tout le monde s'est aperçu du fait que l'Égypte n'était plus en capacité d'influencer le jeu régional.
00:49:39Et même si Antony Blinken va régulièrement passer par le Caire pour montrer à tout le monde que bien sûr l'Égypte est un pays important, etc.,
00:49:49la réalité des discussions, c'est plus au Caire qu'elle se passe. Donc, qu'attendre de l'Égypte ? S'assurer déjà que l'Égypte ne bascule pas,
00:50:00et en tout cas ne bascule pas dans l'instabilité, ce qui sera déjà un résultat important.
00:50:10— Merci beaucoup, Olivier Kadic. — Merci beaucoup, M. le Président. Merci vraiment pour cette présentation très riche.
00:50:21Je voudrais revenir rapidement sur le Liban. J'y étais au mois de juillet. Un des problèmes, c'est notre politique qui est peu comprise sur le terrain au Liban actuellement.
00:50:32Le fait qu'on parle à tout le monde peut aussi avoir des impacts négatifs. Et j'ai pu l'observer au bout de 2 ans, toujours pas de président au Liban,
00:50:42toujours un gouvernement démissionnaire. C'est le Hezbollah qui a attaqué Israël le 8 octobre. C'est lui qui, aujourd'hui, représente officiellement le Liban
00:50:51avec le soutien du président Béry, qui bloque l'élection d'un président au Liban. Aujourd'hui, la France est au milieu, essaye de s'interposer sans finalement efficacité.
00:51:05Le chef des armées, Joseph Aoun, est respecté. Aujourd'hui, c'est la vie. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait réussir à imposer cette arrivée d'une voie
00:51:17qui puisse représenter le Liban, puisqu'il n'y en a pas aujourd'hui à l'ONU, et d'aider le Liban à devenir cet État neutre pour pousser sur ce qu'a fait le Hezbollah,
00:51:28qui menaçait aussi directement Chypre cet été, et j'y étais. C'était le 50e anniversaire de l'invasion de Chypre-Nord. Chypre-Nord devient un endroit, justement, de pression
00:51:38dans la guerre hybride, tant au niveau du trafic d'êtres humains, puisque c'est un moyen de pression, mais aussi dans le fait qu'il se développe une zone qui est favorable
00:51:46au blanchiment, qui peut aussi impacter toute la zone. Donc est-ce que vous ne pensez pas que la base militaire britannique peut être aussi un point d'appui, justement,
00:51:55pour consolider notre présence ? Et pour finir, le but, c'est que vous n'avez pas placé dans les vainqueurs sur la carte ou les perdants les outils, mais les outils
00:52:07semblent être aussi une des raisons qui fait pression sur l'Égypte, puisqu'ils bloquent certains passages et affaiblissent aussi l'Égypte. Où placez-vous les outils
00:52:18dans gagnant-perdant ? Merci.
00:52:20Alors je vais rétro-pédaler, si vous me permettez. Donc les outils. Les outils ont perdu par certains aspects, mais ont gagné par d'autres. En se déclarant soutien inconditionnel
00:52:34des Palestiniens, du Hamas, en tapant sur Israël. Ça, ça marche à tous les coups dans toute la classe politique yéménite, quelle que soit l'option ou le camp retenu.
00:52:48Donc en fait, en faisant cela, les outils rehaussent quelque part leur prestige, leur crédibilité. On tient tête non seulement à Israël, mais aux États-Unis,
00:52:57à la coalition européenne, internationale, etc. Même si d'un autre côté, évidemment, leur capacité militaire a été affectée et ils sortent affaiblis de cette séquence.
00:53:11Ce qui sera déterminant, en fait, pour répondre à votre question sur les outils, c'est est-ce que la communauté internationale sera capable d'édicter,
00:53:18mais surtout de faire respecter un embargo sur les armes à destination du Yémen ? C'est ma réponse. C'est-à-dire que si la communauté internationale se donne...
00:53:30Mais dans ce cas-là, ça veut dire... C'est dans l'hypothèse d'un choc frontal avec l'Iran. Donc si dans l'hypothèse d'un choc frontal avec l'Iran ou d'une négociation avec l'Iran,
00:53:41ce qui peut être aussi le cas, le résultat, c'est vous laisser tomber les outils. Et nous, on peut être beaucoup plus regardants et bienveillants sur d'autres sujets.
00:53:53Dans ce cas-là, les outils feront partie de ceux qui sortent très affaiblis du conflit. Si c'est pas le cas, je mettrais plutôt les outils dans les bénéficiaires du système actuel,
00:54:06tant qu'on ne dépasse pas certains stades. Ce qui m'amène aussi à parler du Liban. Vous me demandiez quel pourrait être l'avenir du Liban. Neutralité, etc.
00:54:15On peut aussi imaginer... Je pense qu'on est vraiment au croisement, au carrefour d'une recomposition majeure dans tous les sens du terme.
00:54:25Tout est possible, y compris ce qui semble contre-nature. On peut imaginer que les Israéliens tirent la conséquence de ce qui vient de se passer,
00:54:38en tout cas de ce qui se passe depuis un an et de ce qui est en train de se passer en ce moment, qu'il faut reprendre le dialogue.
00:54:44Le dialogue, ça veut pas dire... Mais en tout cas la négociation avec l'Iran. Et on peut assister, qui sait, à une négociation entre Israël et l'Iran, direct.
00:54:54C'est-à-dire sans personne. Et dans le cadre de cette négociation, qui consisterait à dire, bon, chacun devient une puissance nucléaire déclarée,
00:55:04donc il faut éviter la friction. Donc finalement, du côté iranien comme du côté israélien, l'élimination de la branche armée du Hezbollah, c'est une bonne nouvelle.
00:55:13Parce que paradoxalement, ça enlève un élément de friction et d'escalade incontrôlable pour le futur, alors même que des deux côtés, on peut jouer de manière nucléaire.
00:55:23Le calcul pourrait s'appliquer également aux outils, bien sûr. Et dans ce cadre-là, peut-être qu'Israël et les États-Unis diront,
00:55:32s'il faut lâcher le Liban aux Iraniens, et indirectement aux Syriens, mais aux Iraniens, pour gagner un aggiornamento dans la région, après tout, pourquoi pas ?
00:55:44C'est ma réponse sur le Liban. L'autre élément de réponse, j'en ai parlé tout à l'heure brièvement, c'est de dire, est-ce que les recompositions politiques qui pourraient,
00:55:54qui pourraient au conditionnel émerger de l'affaiblissement considérable du Hezbollah ne vont pas favoriser plutôt la Syrie et Bachar Al-Assad ?
00:56:06Et dans ce cas-là, on reviendrait dans un jeu classique, j'allais dire, de rivalité sur le Liban entre l'Iran et... enfin, entre Téhéran et Damas,
00:56:17tel que notamment il a été pendant toute la décennie 1980 et pendant la fin de la guerre civile, où finalement, à la fois, l'Iran et la Syrie étaient alliés,
00:56:25mais en même temps rivaux sur le Liban. Un peu comme aujourd'hui, l'Iran et la Russie sont rivaux en Syrie, coopèrent, sont de facto dans le même camp,
00:56:37mais en même temps profondément rivaux. Chypre est la base britannique. Est-ce que les Britanniques peuvent être un élément d'appui sur Chypre ? Je pense pas.
00:56:53Parce que c'est pas leur intérêt. Par contre, ceux avec qui on peut certainement discuter... Ou en tout cas, ce qui est intéressant, c'est que si les États-Unis...
00:57:03Parce que c'est ça, le changement. C'est que les États-Unis amènent plusieurs milliers d'hommes... Alors officiellement, c'est montané.
00:57:09Mais ça veut dire qu'ils ont pris les conditions... Ils se sont assurés auprès de leur propre Congrès que ce soit possible.
00:57:16C'est-à-dire qu'ils ont enlevé toutes les restrictions d'aide militaire américaine à Chypre. Et donc si les États-Unis font partie des acteurs présents à Chypre durablement,
00:57:27un peu comme tout le monde est présent à Djibouti, là, oui, ça devient un cas intéressant qui pourrait aider à stabiliser et à sécuriser Chypre.
00:57:38Et indirectement, à faire peser... Peut-être pas une menace, mais en tout cas, à dire à tous les acteurs de la Méditerranée orientale, clairement,
00:57:47les Turcs, les Syriens, les Iraniens, les Russes, mais aussi les Israéliens, les Égyptiens, n'oubliez pas que les États-Unis sont présents à Chypre.
00:57:57— Merci beaucoup. Pascal, Alisa.
00:58:02— Oui. M. le Président, merci. M. le Directeur, merci pour votre présentation absolument intéressante.
00:58:09Merci aussi à mes collègues et à vous-mêmes pour les réponses, ce qui me facilite un peu la tâche.
00:58:14Il me reste en fait deux questions, si vous le voulez bien. J'apprécie beaucoup votre carte de la Méditerranée en verticale, en quelque sorte.
00:58:23Ça nous démontre que Mercator peut avoir quelques variantes. Simplement, sur la partie sud, qui est en fait l'ouest, et un petit peu au nord,
00:58:33vous avez parlé du Pakistan. Et tout à l'heure, vous avez évoqué le Pakistan. Il n'est pas sur la carte. Et la Chine ?
00:58:40— Je pense pas avoir parlé du Pakistan. — Vous avez dit « une fois » le Pakistan. Vous l'avez cité.
00:58:44— Ah oui, pardon. Oui, oui. Excusez-moi. Excusez-moi. — Voilà. Et on parle de l'Iran. 100 km après la frontière de l'Iran, vous avez un port qui s'appelle Gwadar...
00:58:56— Oui. — ...où j'ai pu me rendre à plusieurs reprises. On entend tout et son contraire sur Gwadar. Donc j'aurais souhaité quelques mots et votre analyse
00:59:06sur l'intérêt stratégique ou pas de cet investissement pakistano-chinois qui est quand même très important pour y être allé.
00:59:13Contrairement à ce qu'on peut lire ou entendre parfois, il n'y a pas rien sur place. Donc voilà. Ça, c'est ma première question.
00:59:20Et la seconde question, il se trouve que je représente cette maison à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, où je suis représentant spécial pour les affaires méditerranéennes.
00:59:29Et je présiderai à Dublin vendredi matin notre forum méditerranéen. Et pour la première fois depuis plusieurs années,
00:59:37le Conseil national palestinien, dont on n'entend pratiquement plus parler, va nous envoyer 4 ou 5 représentants.
00:59:44Donc j'aurais voulu connaître... D'abord, c'est déjà une information que le Conseil national palestinien se réveille.
00:59:51Et j'aurais voulu aussi votre analyse sur, en fait, dans tout ce qu'on voit, dans tout ce que vous venez de nous dire,
01:00:00quel est encore le poids de cette autorité palestinienne et de son parlement, qui n'a jamais été renouvelé depuis pratiquement 10 ans
01:00:09et dont on n'entendait plus parler jusqu'à présent. Merci.
01:00:13— Merci, M. le sénateur. Donc Gwadar. Gwadar, pour le moment, il y a une base avec des facilités navales et des facilités aériennes.
01:00:24Donc les Chinois peuvent y baser des destroyers, des navires de guerre, pas encore des sous-marins, et un certain nombre de vecteurs aériens.
01:00:34Mais l'utilité de Gwadar, elle est surtout là s'il y a d'autres bases chinoises dans la foulée après dans la région.
01:00:41C'est-à-dire qu'elle permet de trianguler et elle permettrait... Bien sûr. Mais voilà.
01:00:47Elle permettrait à terme d'être le pendant de Djibouti, c'est-à-dire de contrôler les deux voies d'évacuation du pétrole et du gaz du Moyen-Orient.
01:00:55Le premier Djibouti, c'est par le détroit de Bab-el-Mandat, par le sud. Gwadar, c'est évidemment à la sortie du golfe d'Oman,
01:01:02la sortie du détroit d'Hormuz, pour sécuriser finalement le sud et le nord de la « route énergétique chinoise », qui constitue un véritable enjeu.
01:01:15C'est presque un autre sujet. Pourquoi ? Parce que le vrai sujet, c'est celui de la rivalité sino-américaine.
01:01:21Et le fait que les États-Unis savent très bien qu'à la louche, les deux tiers du pétrole et du gaz chinois proviennent du Moyen-Orient,
01:01:30et 90% de ces deux tiers par la voie maritime, 5 à 10% par la voie terrestre, par les pipes.
01:01:36Donc en cas de confrontation ou vraiment d'affrontement très fort, par exemple de blocus de Taïwan, de sièges de Taïwan, etc.,
01:01:45si les États-Unis veulent véritablement gêner la République populaire de Chine, quoi de mieux que de couper la voie maritime de ravitaillement énergétique de la Chine,
01:02:03par exemple en déployant deux porte-avions sur zone, etc., ou en interceptant tous les pétroliers et les tankeurs à destination de la Chine.
01:02:11Mais pour ça, il faut des relais. Donc aujourd'hui, vous avez les États-Unis qui ont Diego Garcia.
01:02:16On en parle peu, mais Diego Garcia est une base absolument stratégique pour les États-Unis dans leur stratégie mondiale,
01:02:22parce qu'en fait, non pas elle le verrouille, mais elle est en situation de contrôler une partie de l'océan Indien, et notamment les routes énergétiques.
01:02:30Du coup, les Chinois ont Sri Lanka et sont en train de prendre les Maldives pour trianguler, sachant qu'ils ont également le Bangladesh et la Birmanie.
01:02:39Donc Gwadar, pour répondre à votre question, finit, si vous voulez, l'axe qui permet d'entourer et d'étouffer un petit peu l'Inde,
01:02:48et surtout de contrôler avec Djibouti la sortie du pétrole pour la Chine.
01:02:57Les Palestiniens à l'OSCE et le poids de l'autorité palestinienne. Je crois que tout le monde voit bien que Mahmoud Abbas est totalement démonétisé,
01:03:07qui s'accroche à son siège, et que tant que les acteurs régionaux ne se sont pas entendus sur le nom de son successeur,
01:03:22probablement rien ne bougera, puisque finalement, lui, c'est le statu quo, tout le monde peut parler avec lui officiellement, donc c'est bien pratique.
01:03:29Sachant que dans ses successeurs patentés, vous en avez qui sont, d'abord, il y a le clan, on va dire, de la maison, entre guillemets,
01:03:40fatah, roi LP, classique, tendance historique, et puis vous avez le côté Hamas. Le côté Hamas est largement démonétisé aujourd'hui.
01:03:48Donc on revient dans le clan, entre guillemets, historique. Mais même dans ce clan-là, vous avez les candidats qui sont soutenus par la Jordanie, par l'Egypte,
01:03:58et par les Émirats Arabes Unis, sans parler de ceux qui sont soutenus indirectement par les États-Unis, puisque le Qatar et la Turquie, eux, soutiennent le Hamas.
01:04:07Donc forcément, pour le moment, ils n'ont pas le vent en poupe. Mais donc ma réponse est de dire que pour que ça bouge, il faut d'abord que la communauté palestinienne elle-même,
01:04:19qui est très divisée, et ensuite les acteurs régionaux s'entendent sur le nom du successeur. Donc tout le monde dit, évidemment, Marwan Barghouti pourrait être celui
01:04:28qui fédère les Palestiniens. Mais pour le moment, il est en prison en Israël. Les Israéliens n'ont pas l'intention de le lâcher. Ma compréhension, c'est que s'ils devaient le lâcher,
01:04:39ce serait au tout dernier moment, dans le cadre d'un deal régional, et qu'en étant totalement cyniques, Marwan Barghouti est peut-être plus en sécurité dans les prisons israéliennes
01:04:48qu'à l'extérieur.
01:04:51Merci beaucoup. Catherine Dumas.
01:04:54Merci, M. le Président. M. le Directeur, merci pour vos propos particulièrement intéressants dans un contexte politique tout récent. Et puis aussi parce que le Sénat et notre commission
01:05:07a produit un rapport sur les sujets dont nous parlons aujourd'hui, en 2022, sur la France face aux jeux des puissances en Méditerranée. Nous avions eu d'ailleurs le plaisir de vous auditionner.
01:05:19Et donc c'est très intéressant de voir qu'en deux ans, on est passé en fait d'une militarisation des relations internationales à, selon votre expression, une escalade, un multi-alignement
01:05:31où tout le monde peut atteindre tout le monde. Alors il y a une question que je souhaitais évoquer, que vous n'avez pas du tout abordée, et qui à l'époque nous avait semblé être un élément important
01:05:43et un élément d'incidence géopolitique également dans la conquête des territoires, c'est le sujet des hydrocarbures. Il y a d'importantes réserves d'hydrocarbures au large des côtes israéliennes,
01:05:55chypriotes et égyptiennes, pétrole, gaz naturel. Est-ce qu'on avait déjà eu la sensation, enfin on avait pressenti que ça allait avoir une incidence politique ? Donc qu'en est-il aujourd'hui ?
01:06:11Vous m'entendez ? Oui. Ma compréhension, c'est que les enjeux d'hydrocarbures sont passés au deuxième voire au troisième rang des rivalités globales que j'ai essayé de vous décrire depuis tout à l'heure.
01:06:35Bien sûr, l'enjeu énergétique est toujours là, c'est évident. Le projet ISMED est un vrai sujet. Mais face, si vous voulez, aux enjeux colossaux des uns et des autres, je dirais que c'est la cerise sur le gâteau,
01:06:51beaucoup plus que le fondement même des stratégies des uns et des autres. Mais sinon, les gisements sont toujours là, bien évidemment, y compris, on parle souvent de ceux qui sont au large d'Israël, de l'Égypte et de Chypre, mais il y en a aussi au large de la Grèce et au large de la Crète.
01:07:11Et donc, il y en a. Ceci étant dit aussi, ce n'est pas non plus des quantités énormes. Quand je dis énormes, c'est au niveau global. Quand vous comparez ça, par exemple, avec l'Afrique orientale, le canal du Mozambique, le Qatar, le golfe Persique, la mer de Chine, on ne sait pas trop quelle est la réalité,
01:07:39mais le golfe de Guinée, on est quand même très en dessous.
01:07:43Merci beaucoup. Sylvie Guacham.
01:07:47Celui-ci fonctionne. Merci, monsieur le président. Monsieur le directeur, vous avez évoqué la possibilité, vous avez montré une carte d'ailleurs, d'une invasion partielle du sud du Liban par Israël, créant selon vos propos,
01:08:11une zone tampon de sécurité, si j'ai bien compris, sur une de vos cartes. Quelle serait selon vous la réaction de l'armée régulière du Liban, même si elle est assez faible, et évidemment de la population multiconfessionnelle de ce pays ?
01:08:34Ensuite, quels seraient selon vous les risques d'une invasion totale du Liban par Israël ?
01:08:42Merci, madame la sénatrice.
01:08:45La réaction de l'armée libanaise et de la population libanaise, pas à ce qui est en train de se passer, qui est finalement une phase intermédiaire où l'armée israélienne fait des raids au sud du Liban,
01:09:01neutralise, détruit les infrastructures du Hezbollah, mais n'est pas encore dans une logique de, on crée une zone tampon, on verrouille, on occupe, on se met en défensif et on attend.
01:09:14Si Israël fait ça, c'est ce qu'il a fait de 1985 à 2000. Bien sûr, ça a commencé en 1982, mais en 1985, Israël s'est retiré sur sa zone tampon sud.
01:09:31Ça a duré 15 ans et 15 ans de harcèlement ont convaincu pourtant Ehud Barak, qui n'était pas le plus anti-militariste des dirigeants israéliens, de passer l'éponge et donc de se retirer.
01:09:47Si Israël fait ça, même cause, même effet. Dans un premier temps, c'est-à-dire si Israël occupe militairement, durablement, une zone tampon importante au sud du Liban,
01:10:02ça va fédérer, ça refédérera la population libanaise autour du Hezbollah Nouvelle Formule ou Nouvelle Génération. Et on est reparti pour un tour.
01:10:14Et très probablement que le Hezbollah et ses affidés feront ce qui a marché pendant 15 ans, c'est-à-dire des opérations de harcèlement tous les jours, toutes les semaines.
01:10:26Et quand les Israéliens en auront assez de perdre 15 soldats tous les mois, au bout de 15 ans, ils se retireront. Donc c'est ma réponse pour cela.
01:10:41Et je pense que ce qui est aujourd'hui en jeu... Parce qu'on voit bien que le gouvernement israélien est lui-même aussi très divisé.
01:10:48Il est très divisé au sein du gouvernement entre les sécuritaires, les militaires et les politiques, notamment extrémistes autour de Ben Gvir et des ministres Ben Gvir et Smotricht et donc de Netanyahou.
01:11:02C'est que les militaires leur disent « Nous, on est aux ordres », entre guillemets. Donc on fera ce que la CNESET et le Conseil de sécurité israélien nous dit.
01:11:14Mais il faut être conscient du fait que si vous voulez qu'on occupe une zone tampon, voilà les conséquences.
01:11:19Les conséquences, ça veut dire que maintenant, vous allez devoir convaincre la population israélienne, y compris ceux qui ont souffert de la guerre qui a été lancée il y a un an,
01:11:33de ce qu'on appelle les mères de soldats, et de leur dire que maintenant, à échéance visible, vous allez devoir servir votre période de réserve, envoyer vos fils, etc.
01:11:43Servir au Liban avec des risques réels de harcèlement, de décès, etc.
01:11:48Donc là, parce qu'il y a le sentiment qui est présent en Israël, il y a une sorte d'unanimité sur « Il faut faire cesser la menace du Hezbollah ».
01:12:01Mais les militaires disent aux politiques « Oui, mais est-ce que vous êtes sûrs que dans dix ans, la classe politique et la société israélienne sera toujours prête à ce sacrifice, finalement, là-dessus ? »
01:12:13Donc, sous-entendu, réfléchissez bien à toutes les conséquences avant de nous donner des ordres et avant de nous donner une stratégie.
01:12:19C'est ma réponse. Pardon, et la première question, c'était ? Non, c'était tout.
01:12:25C'était ça, c'était aussi par rapport à une invasion totale, mais vous répondez partiellement. Mais on a quand même 40 000 soldats aux frontières.
01:12:32Dans l'invasion totale, je n'y crois pas une seconde.
01:12:35Mais vous savez, pour occuper le Liban, il n'en faut pas 40 000, il en faudrait 300 000.
01:12:45Donc quand, en 1982, l'armée israélienne a lancé l'opération Paix en Galilée, c'est-à-dire a fait l'invasion de la moitié sud du Liban – et ce n'était pas tout le Liban, c'était la moitié sud du Liban jusqu'à Beyrouth –
01:13:01à l'époque, elle avait mobilisé quasiment 450 000 hommes. Donc je vous laisse. C'est ma réponse.
01:13:10Merci beaucoup, Alain Joyandé. Pardon, Alain Joyandé.
01:13:13Merci, Président. Merci d'avoir pris l'initiative de cette réunion vraiment très intéressante en ce moment.
01:13:21Et merci à M. le Directeur de nous apporter un éclairage passionnant.
01:13:25J'ai deux questions, M. le Directeur. Je voudrais que l'on revienne sur la situation de l'Iran.
01:13:31Vous l'avez déjà abordé dans votre propos. On pensait beaucoup que l'Iran, en ce moment, ne réagirait pas.
01:13:38Compte tenu de ses relations avec les États-Unis d'Amérique, notamment vis-à-vis du nucléaire, finalement, ils réagissent.
01:13:48Vous nous avez expliqué la graduation. Est-ce que vous pourriez nous détailler un peu plus votre compréhension de la situation de l'Iran ?
01:13:58Est-ce que l'Iran est encore très fort ? Est-ce que cette salve, au contraire, démontre une certaine faiblesse,
01:14:09tout en voulant démontrer qu'il y a encore une présence ? Je ne comprends pas très bien quelle est vraiment la situation de l'Iran.
01:14:15Comment vous voyez l'Iran dans l'avenir ? Parce que c'est comme une pièce maîtresse.
01:14:19Vous venez encore de l'aborder concernant le sud Liban. Donc vraiment, ce sera intéressant d'avoir votre compréhension un peu plus détaillée.
01:14:28Et comment vous voyez l'avenir de l'Iran ? Et ma deuxième question très brève.
01:14:33Qu'est-ce que vous pensez de la position de la France, de ce que fait la France, sa diplomatie, ses politiques actuellement ?
01:14:41Alors sur le deuxième point, comme je suis détaché d'un ministère à la direction académique d'un think-tank privé,
01:14:51mais que j'appartiens toujours au ministère, je vais être obligé de botter en touche et je ne pourrai pas commenter la position française.
01:14:58Ceci étant dit, il est toujours bon de parler à tout le monde. C'est ma réponse.
01:15:09Sur la position de la France, disons qu'on a beaucoup plus à gagner à discuter, dialoguer. Dialoguer et discuter, c'est-à-dire négocier,
01:15:19ça ne veut pas dire du tout aller à Canossa ou ça ne veut pas dire du tout baisser le genou.
01:15:26C'est simplement qu'il vaut mieux discuter que tourner le dos et refuser de discuter. C'est ma réponse pour le côté français.
01:15:34Voilà. Sur ce qui se passe en Iran. Ma compréhension, et donc j'ai accès à la presse iranienne tous les jours,
01:15:46donc je lis les synthèses, etc. C'est un pays que je connais, en tout cas une population que je pratique de longue date.
01:15:53Ma compréhension, c'est qu'on assiste à un nouvel équilibre en interne, c'est-à-dire que Mahmoud Pézechkian,
01:16:06qui représente entre guillemets le camp réformiste, mais qui en même temps, c'est le fruit de sa vie personnelle,
01:16:15reste très proche des Pasdaran et des gardiens de la Révolution. Parce que par exemple, pendant la guerre Iran-Irak,
01:16:22en fait, il était médecin militaire sur le front. Et il fait partie de cette génération, c'est un peu comme les Poilus, si vous voulez,
01:16:28pour la Première Guerre mondiale, de tous ceux qui ont affronté le feu et qui se sont fait, j'allais dire, des amitiés à vie à ce moment-là,
01:16:36quelles que soient les options politiques ou les partis. C'est un peu ce qui s'est passé pour lui. Et notamment, il a donné des liens avec
01:16:46Mohamed Bar Kalibaf, donc le général Kalibaf qui a longtemps été présenté un peu comme le Bonaparte iranien, et qui était lui aussi
01:16:55candidat à la présidentielle face à lui. Lui, Pézechkian, il avait demandé rien à personne. En fait, on lui a dit, voilà, vous allez représenter
01:17:02le camp réformiste. Alors que Kalibaf, c'était quand même la quatrième fois qu'il se présentait, donc il était chaud et était dans les starting blocks.
01:17:11Et puis il a été éliminé au premier tour, Kalibaf. Donc Pézechkian et Kalibaf ont noué manifestement une alliance contre les ultraconservateurs.
01:17:20Pourquoi ? Parce que Kalibaf, en fait, représente entre guillemets le camp des conservateurs modérés ou pragmatiques. Et il est président du parlement
01:17:31qui est unicaméral, donc du parlement iranien. Donc il contrôle le parlement, qui est conservateur. Et il représente quand même un bloc très important
01:17:42en termes de la votation des gens. Donc vous avez aujourd'hui, paradoxalement, en fait, c'est pas les réformistes qui dirigent le pays. C'est une alliance
01:17:50entre les réformistes et les conservateurs pragmatiques contre les ultraconservateurs. Et le guide suprême, qui lui veut continuer à exister
01:18:03et à jouer un rôle, a bien compris ce changement de rapport de force, et donc clairement en a tiré les conclusions, et donc deal avec cette alliance,
01:18:15c'est-à-dire à la fois réformistes entre guillemets et conservateurs pragmatiques. Donc le but du jeu, c'est que la priorité de cette nouvelle alliance,
01:18:28c'est le front intérieur, c'est-à-dire c'est la situation économique et sociale en Iran. C'est les enjeux sociétaux, environnementaux, en termes d'emploi,
01:18:43en termes de logement, en termes tout simplement de développement économique, l'ensablement qui est catastrophique, comme dans beaucoup de pays de la région.
01:18:54Donc en fait, la priorité est donnée au front domestique. Donc cette alliance... Alors je sais que tout le monde n'est pas d'accord avec cette vision-là.
01:19:04Mais moi, je vous dis, c'est ce que je vois quand même au quotidien, quand vous regardez bien tout ce qui se passe, tous les petits signes qui sont marqués.
01:19:11Donc évidemment, il faudrait pas tout... De leur point de vue, il faudrait pas tout sacrifier sur un coup de dé extérieur qui pourrait très mal tourner.
01:19:22Et donc en même temps, pour reprendre une expression passée à la postérité, il est indispensable de faire en sorte que l'Iran soit respecté à l'extérieur.
01:19:40Et là, les gifles et les humiliations imposées par Israël depuis le mois d'avril, c'est-à-dire depuis le moment où ils ont arrêté toute la première vague de frappes iraniennes,
01:19:55c'était arrivé à un seuil où probablement... Je sais pas, mais je peux imaginer que le débat très vif dans les instances décisionnaires iraniennes, c'était
01:20:07Si on fait rien, d'abord, si vous me passez l'expression, on passe pour des rigolos par rapport à nos voisins. Donc si on n'est pas capable de projeter ou de montrer notre force,
01:20:18les gens ne nous respectent plus. Et ça peut inciter les Israéliens à aller toujours plus loin. Donc il faut réagir. Et donc ce à quoi on a assisté, c'est probablement
01:20:28une sorte de compromis entre ces deux tendances-là. C'est ma compréhension.
01:20:36Merci, M. le directeur. J'ai encore 4 demandes de parole. Donc Evelyne Perrault et ensuite Jean-Marc Bessus-Fort.
01:20:47Merci, président. M. le directeur, je voudrais vous parler du bilan social de cette zone de conflit. On sait que l'insécurité alimentaire est alarmante et que le stress hydrique est plus que réel.
01:20:58Savez-vous d'où venaient les dons alimentaires internationaux et si Israël a pu faire ses récoltes ? Si jamais la France faisait partie de ces donateurs, cette année, les récoltes sont épouvantables.
01:21:18C'est une vraie donnée. Dans l'Atlas, dans la première partie, on a notamment des thèmes transverses et notamment celui du stress alimentaire et du stress hydrique. Donc oui, c'est une donnée.
01:21:31Paradoxalement, la situation en Israël est quand même largement moins catastrophique, en tout cas moins inquiétante que celle de ses voisins, en tout cas de la plupart des pays du Moyen-Orient.
01:21:39Finalement, quand on regarde au Moyen-Orient au sens large qui produit suffisamment, en tout cas qui produit beaucoup d'agroalimentaires, la réponse c'est la Turquie, l'Iran, l'Egypte, un peu la Syrie et Israël.
01:21:59Donc l'Israël n'est pas autosuffisant, mais quand même produit pas mal de produits de première nécessité. Le problème c'est aussi que, mais ça c'est le marché international, c'est valable aussi pour nos pays, pour la France, pour les pays européens, pour certains pays asiatiques.
01:22:18C'est-à-dire que quand vous vous spécialisez dans des, pas forcément des monocultures, mais des cultures qui rapportent beaucoup d'argent, mais qui nourrissent pas forcément la population, par exemple les avocats ou les agrumes, et bien évidemment vous avez plus de mal à nourrir votre population.
01:22:38Et pour le stress hydrique, c'est la problématique des usines de désalinisation de l'eau de mer, dont on parle là aussi dans la classe, avec un paradoxe, c'est que si vous multipliez les usines de désalinisation de l'eau de mer, d'abord vous rejetez beaucoup de sodium dans la mer, et donc en fait, si c'est dans la mer, ça ne fait qu'accroître le problème.
01:23:01Si c'est dans la terre, ça ne fait aussi qu'accroître le problème, puisque finalement vous neutralisez des pans entiers de territoires qui deviennent impropres à la culture.
01:23:14Donc en fait vous réduisez la part de terre agricole alors même que la population augmente, et si vous faites tourner ces usines avec des hydrocarbures, vous accroissez le réchauffement, enfin disons les rejets de CO2, donc le cercle vicieux du réchauffement climatique.
01:23:34Donc vous vous dites, j'ai une solution, on peut le faire avec du nucléaire civil, mais dans ces cas-là, ça ne résout pas le problème des rejets de sodium, et de toute façon ça accroît les risques de prolifération nucléaire. Voilà ma réponse.
01:23:52Merci beaucoup. Jean-Marc Vesoussoie.
01:24:22J'ai parlé de la situation de la Turquie dans le camp américain notamment, le camp des Occidentaux. Néanmoins, si cette décision d'adhésion au BRICS était retenue, ça serait la première fois, je crois, qu'un pays de l'OTAN adhérerait au BRICS.
01:24:36Donc faut-il voir dans cette volonté du président Erdogan le souhait de renforcer cette position qui est toujours d'avoir un pied dans chaque camp et de conforter un petit peu le prestige et la force de la Turquie, ou peut-on considérer qu'on assiste à une forme de tournant géostratégique anti-occidental de la Turquie ?
01:25:06Alors il y a deux pays qui ont beaucoup regretté de ne pas avoir été dans le dernier round d'élargissement des BRICS, qui au passage a couvert quand même plusieurs pays du Moyen-Orient clé.
01:25:18Donc l'Iran, l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, l'Éthiopie et l'Égypte. Au passage, tous des pays ou que des pays qui sont à la fois, disons, convaincus de la mondialisation ou concernés par la mondialisation,
01:25:40et partenaires de la Chine et indirectement de la Russie aussi. Donc les deux pays qui ont regretté de ne pas y en être, c'était la Turquie et l'Algérie. L'Algérie, je pense que le principe c'était de dire on ne veut pas faire rentrer, pour les Chinois,
01:25:57c'est ne pas faire rentrer dans les BRICS des pays qui sont potentiellement en guerre avec d'autres pays ou leurs voisins. Ce qui finalement ne coche pas la case, notamment pour l'Iran par exemple. Mais bon, voire même pour l'Éthiopie qui est quand même en situation très délicate. Mais l'Éthiopie, c'est le siège de l'Union Africaine, donc c'est la porte d'entrée sur beaucoup de choses.
01:26:19Donc la Turquie, il y a les BRICS+, il y a aussi l'Organisation de coopération de Shanghai potentiellement qui peut l'intéresser. C'est tout ce qui permettrait à la Turquie de renforcer son lien de pont entre l'Asie et l'Europe. Et les États-Unis bien sûr.
01:26:40Et le fait que si jamais la Turquie devenait membre des BRICS, le fait que ce soit un pays de l'OTAN, je pense que c'est pas ça qui sera retenu comme un au-go, ou au contraire comme un encouragement. Parce que tout simplement, la Turquie est nationaliste.
01:27:03Aujourd'hui, elle développe un agenda islamo-nationaliste. Mais même si M. Erdogan venait à être remplacé, il y a fort à parier que la politique étrangère de la Turquie resterait à peu près la même.
01:27:19Ou du moins ce serait une vision un petit peu comme la succession entre Joe Biden après Donald Trump, c'est-à-dire globalement les États-Unis d'abord et avant tout, mais annoncée de manière polie.
01:27:31Une montée en gamme spectaculaire. Delirant, ce sont les mots de l'historien Pierre Razou dont vous venez de suivre l'audition sur notre antenne.
01:27:39Il est revenu sur l'attaque de Téhéran qui a lancé 180 missiles sur Israël.
01:27:45Si la riposte de l'État hébreu est trop lourde, cela pourrait inciter le régime iranien à franchir le seuil nucléaire, prévient l'historien.
01:27:53Pour plus de détails sur cette audition, je vous conseille l'article en ligne sur notre site publicsenat.fr signé Rosamely Bessel.
01:28:01C'est la fin de cette audition. Très bonne suite des programmes sur Public Sénat.