Edition spéciale sur Public Sénat à l’occasion de la 7e édition de la Nuit du droit. A la veille de l’anniversaire de la Constitution, le Conseil constitutionnel a organisé une soirée sur le thème suivant : « La démocratie et le droit ». Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs rappelé dans son discours d’introduction : « L’Etat de droit est la condition de la démocratie ». Au cours de cette grande soirée, de nombreux intervenants se sont succédé à l’instar de Ioulia Navalnaïa, de la Fondation anticorruption créée par son mari Alexeï Navalny ; John Kerry, ancien envoyé spécial du Président des États-Unis ; Mamadou Badio Camara, Président du Conseil constitutionnel du Sénégal ; Achille Mbembe, historien et politologue sud-africain ; et Síofra O’Leary, ancienne Présidente de la Cour européenne des droits de l'homme Année de Production :
Category
📺
TVTranscription
00:00Générique
00:02...
00:08Bonjour à tous et bienvenue dans cette émission spéciale
00:11pour suivre aujourd'hui les travaux
00:13de la Nuit du Droit au Conseil constitutionnel.
00:15Depuis 2017, des événements sont organisés
00:18partout en France autour de la question du droit.
00:21Et le Conseil constitutionnel a choisi de dédier la soirée
00:25qu'il organise au thème de la démocratie et du droit,
00:28un vaste programme.
00:29Les moments forts sélectionnés pour public,
00:31ce n'est pas Mathilde Noob-Tarelli.
00:34Mesdames et messieurs, à l'origine et en théorie,
00:38les rapports entre démocratie et droit sont simples.
00:42La démocratie est fille de l'organisation
00:45d'élections libres et sincères.
00:48Quant au respect du droit, il est consubstantiel
00:51à la démocratie.
00:54Malheureusement, le constat des réalités actuelles
00:57est assez différent.
01:00Les processus électoraux sont à géométrie
01:03et à crédibilité variable.
01:06Y compris en Europe même,
01:08ils peuvent amener au pouvoir des adversaires de l'état de droit,
01:13dont les régimes sont alors qualifiés très généreusement
01:17de démocratie illibérale.
01:21Je dis très généreusement car le droit national,
01:25coupé du respect des exigences démocratiques,
01:28y est en réalité instrumentalisé
01:32pour être retourné là-bas
01:34contre la démocratie et les libertés.
01:38Au plan international, la surpuissance
01:41de colosses économiques, financiers, technologiques,
01:45ajoutées à l'utilisation incontinente
01:48des médias sociaux,
01:50creusent le fossé entre des défis globaux
01:53que l'humanité doit relever
01:56et des règles de droit très souvent insuffisantes.
02:00Cette configuration mondiale nouvelle
02:04nourrit la critique contre la prétendue impuissance
02:07des régimes démocratiques,
02:10cependant que des autocraties,
02:12grandes amatrices de surveillance globale,
02:15de post-vérité et d'accouplement des pouvoirs,
02:19soufflent sur la braise
02:21et que les violations intérieures et internationales du droit
02:25se font une sorte de tragique courte échelle.
02:29Mesdames et messieurs, vous connaissez tous ici
02:33les mots de Lincoln à Gettysburg en 1863,
02:38repris en 1947 par Churchill
02:42et par l'article 2 de notre Constitution française,
02:47gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple.
02:52Au regard de ce triangle fondateur,
02:55qu'en est-il de la France ?
02:58La France est un pays de droit.
03:00Constatons cependant, pour ne prendre que ces exemples,
03:04que nos innombrables normes sont fréquemment labyrinthiques,
03:10nos décisions de justice souvent trop lentes
03:14et la distance entre proclamation des droits
03:17et réalité vécue trop grande.
03:20La France est une démocratie.
03:23Cela n'empêche pas des manques, voire des manquements,
03:27qui ne sont pas sans lien avec ce que j'ai appelé,
03:31il y a déjà quelques années, un malaise démocratique.
03:35Comment améliorer une situation
03:38où se développe le sentiment citoyen
03:41de ne pas être assez écouté et représenté ?
03:46Comment éviter que la multiplication des procédures
03:49et la fragmentation des droits
03:52ne finissent par porter atteinte à l'égalité devant le droit ?
03:56Comment installer une égalité d'accès et de chance plus réelle
04:00dans des domaines clés de la vie ?
04:01Ces questions sont posées et elles doivent trouver des réponses.
04:06Nos démocraties ont aussi besoin d'autorité,
04:09de sécurité et d'efficacité.
04:12Face aux attaques portées sur ces terrains,
04:17il importe de montrer concrètement
04:18qu'elles peuvent satisfaire ces exigences
04:21et le faire dans le respect de l'état de droit,
04:26l'état de droit qui est la condition de la démocratie
04:32et qui ne doit pas être confondu avec l'état du droit,
04:36qui, lui, bien sûr, peut être modifié.
04:40Car le constat critique de certains manques
04:43dans l'accomplissement de l'idéal démocratique
04:47ne doit en aucun cas mettre en cause cet idéal
04:50qui, justement, doit permettre de remédier à ses manques.
04:55Mesdames, Messieurs, la force des démocraties,
04:58c'est d'abord la liberté.
05:00Et la vitalité du couple démocratie et droit est décisive.
05:05Je souhaite que les échanges de cette nuit du droit
05:09puissent y contribuer. Merci.
05:12Droit et démocratie, état de droit et rond en l'eau,
05:16comme on a pu l'entendre ces dernières heures.
05:18On a pas mal de choses à se dire ce soir et d'idées à échanger.
05:23Et on va commencer tout de suite en prenant,
05:25comme l'a dit le président Fabius, la direction de Dublin.
05:27Il est à peu près 19h20 ici, une heure de moins à Dublin,
05:31où on va donc retrouver John Kerry,
05:33ancien candidat à la présidentielle américaine,
05:35ancien secrétaire d'Etat, très engagé, vous le savez,
05:37sur les questions climatiques.
05:39Bonsoir, John Kerry. Merci d'être en direct avec nous ce soir.
05:43Peut-on, pour commencer, vous demander
05:45ce que vous faites à Dublin ?
05:46Laurent Fabius a un peu esquissé les choses,
05:48mais pourquoi êtes-vous là-bas ce soir ?
05:55Merci, Thomas. Je suis à Dublin.
05:59J'ai la chance d'y être pour rencontrer
06:04de nombreuses personnes,
06:11notamment du secteur privé.
06:12Et nous avons désespérément besoin du secteur privé
06:15pour aller de l'avant.
06:18Et à Laurent Fabius, je vous dis merci.
06:28Merci beaucoup d'avoir organisé cet événement.
06:30Il interprète ses excuses, mais le son ne passe pas.
06:38Quoi qu'il en soit, c'est un grand plaisir pour moi
06:41d'être ici, ne serait-ce qu'à distance.
06:43J'aurais bien aimé être parmi vous.
06:47Et je tiens à saluer Iulia.
06:54Lorsque nous avions appris la mort d'Alexis,
06:58je l'avais contactée, je lui avais fait part
07:00de toute mon admiration pour son feu marié.
07:04En tout cas, nous, on est très heureux de vous avoir avec nous,
07:07même à distance, John Kerry.
07:08Vous représentez ce soir un pays qui aime à se présenter
07:12comme la plus grande démocratie du monde.
07:14D'abord, cette définition vous semble-t-elle être toujours
07:17la bonne, John Kerry ?
07:23Notre pays est effectivement une grande démocratie.
07:29Nous avons fait beaucoup depuis que notre pays a été fondé.
07:38Tel que je l'ai toujours dit, en tant que pays puissant,
07:43il nous faut répondre à nos responsabilités.
07:47Et malheureusement, que ce soit en Irak, par exemple,
07:56nous n'avons pas vraiment été à la hauteur de ce que nous aurions
08:01dû être, au Moyen-Orient également.
08:07De nombreux événements sont en cours.
08:11Ce qui s'est passé le 7 octobre, vous le savez,
08:13ça a été vraiment au-delà de ce qu'on n'aurait jamais pu imaginer.
08:18Moi, j'ai été dans la vie publique depuis très longtemps.
08:22J'ai été à la guerre, j'ai vu de nombreuses atrocités
08:28dans de nombreux pays, mais cette colère sur le racisme,
08:35cette misogynie qui existe, qui s'est manifestée dans ce qui a
08:42été fait par certains Palestiniens à l'encontre de femmes,
08:47d'enfants d'Israël, c'est absolument innommable.
08:54Comment trouver une logique à envoyer une bombe de plus de 2 000 kg
09:05sur un immeuble et n'espérer retrouver quoi que ce soit ?
09:10Tel que Winston Churchill l'avait dit, la démocratie,
09:13c'est la pire forme de gouvernement,
09:15sauf pour tout le reste.
09:17Voilà.
09:19Et lorsqu'on regarde ce qui se passe dans le monde,
09:22ce n'est pas juste une démocratie qui est en danger,
09:24la plupart des gouvernements sont en danger.
09:31Et il y a cette tendance, un glissement vers l'autoritarisme
09:36dès lors qu'il y a de la peur dans les populations,
09:38même lorsqu'ils ont été effrayés par leurs propres dirigeants
09:42qui vont essayer d'exploiter certaines difficultés
09:45ou un certain moment dans l'histoire de leur pays,
09:48par exemple l'immigration, par exemple une crise économique.
09:54Et dans le même temps, il nous faut reconnaître
09:57que le monde dans lequel j'ai grandi, en tous les cas,
10:00pendant la guerre froide et à l'époque de la guerre du Vietnam
10:05et après cette guerre,
10:07eh bien, également ce monde de la guerre en Afghanistan
10:12du 11 septembre,
10:15de l'Etat islamique, du terrorisme,
10:19eh bien, dans un grand nombre de pays tout autour du monde,
10:23il y a ce mécontentement
10:29qui n'est pas illégitime envers les gouvernements,
10:34envers les dirigeants.
10:36Et dans ce nouveau monde des médias, des réseaux sociaux,
10:41eh bien, nous avons perdu
10:44un grand nombre de canaux de vérité
10:50et d'institutions qui, auparavant,
10:53pouvaient se porter garante de cette vérité.
10:56Et qu'il s'agisse de tribunaux, qu'il s'agisse d'églises,
11:00qu'il s'agisse de communautés,
11:04eh bien, aujourd'hui, les lignes sont floues.
11:08Le 6 janvier, aux Etats-Unis, par exemple,
11:116 janvier 2021.
11:15Aujourd'hui, il est assez difficile pour moi de vous dire
11:18qu'alors qu'il y a eu cette tentative
11:26de renverser la démocratie par la sédition,
11:30eh bien, il est très difficile pour moi de vous dire
11:32qu'aux Etats-Unis, ce moment de responsabilité
11:37qui est pourtant nécessaire pour rétablir la vérité
11:41et pour faire face aux infox,
11:45eh bien, malheureusement, ce moment est arrivé.
11:51La maison des citoyens américains,
11:55la Maison-Blanche, a été envahie ce jour-là.
11:59Des personnes sont mortes.
12:00Ca a été une agression à l'encontre
12:03de notre gouvernance, du gouvernement,
12:08du pouvoir, et maintenant,
12:10cette personne qui a été à la tête de ce mouvement,
12:17aujourd'hui, se présente comme candidat à la présidence
12:22et continue de mentir,
12:24de colporter mensonge après mensonge.
12:31Et j'ai été 28 ans au Sénat américain
12:38et jamais je n'aurais imaginé qu'un jour,
12:42une foule hors de contrôle ne se rebelle
12:48et envahisse la Maison-Blanche,
12:53renverse les meubles partout,
12:58et, dans certains cas,
13:01fasse même montre du plus grand signe d'irrespect
13:05en déféquant sur le bureau de Nancy Pelosi.
13:11Des personnes qui criaient à la pendaison de Mike Pence,
13:17le vice-président.
13:20Il y a eu un cinquième du caucus républicain
13:25qui a même déclaré que l'élection
13:30n'avait pas été organisée dans le respect du droit
13:41et qu'elle devrait donc être organisée à nouveau,
13:45cette élection.
13:48Il y a eu, donc, cette invasion de la Maison-Blanche.
13:55Il y a également eu d'autres événements
14:00qui se sont déroulés ce soir-là de grande ampleur,
14:07des explosions notamment.
14:10Et là où il y aurait dû avoir un sentiment très fort de honte,
14:16eh bien, il y en a certains qui se sont présentés
14:18et qui ont essayé de défendre l'injustifiable.
14:24Le chef de cabinet, notamment, Rudy Giuliani, également,
14:31qui a commencé par aller à droite, à gauche, au milieu dans le pays
14:35pour essayer de défendre cette cause
14:39et qui, aujourd'hui, a été mise en cause devant les tribunaux.
14:46Et il y a eu...
14:54Toutes ces personnes qui ont suivi cet homme
14:59qui, depuis le 1er jour, n'a fait que mentir jour après jour.
15:06Et voilà le défi qui est le nôtre.
15:08Il nous faut permettre aux institutions
15:12de pouvoir à nouveau être à l'écoute de la population,
15:15d'être engagés dans un débat ouvert
15:19qui ne soit pas parsemé d'un fox
15:23et de travailler bien plus efficacement
15:29auprès des populations, bien plus qu'elles ne le perçoivent.
15:34Et lorsque l'on revient à 2008
15:43et à la crise financière qui avait notamment frappé les Etats-Unis
15:48et qu'on prend l'histoire à partir de là,
15:51eh bien, nous toutes et nous tous,
15:53il faut que nous nous battions pour la vérité factuelle,
15:59pour trouver cette vérité
16:02qui nous permettra de fonder notre gouvernance
16:06et notre fonctionnement.
16:07John Kerry, vous êtes longuement revenu
16:09sur la tentative de prise du Capitole
16:10le 6 janvier 2021 par les supporters de Donald Trump.
16:14Tout ça dans un contexte, évidemment, électoral.
16:16Dans un peu plus d'un mois, on votera aux Etats-Unis.
16:17Vous êtes un supporter et un défenseur acharné
16:21de la candidate démocrate Kamala Harris.
16:23Vous avez écrit dans une tribune que Trump était une menace
16:26pour notre système démocratique.
16:28Dick Cheney, ancien vice-président républicain de George W. Bush,
16:32a dit, lui, dans les 248 ans d'histoire de notre nation,
16:35il n'y a jamais eu d'individu porteur d'une plus grande menace
16:38pour notre République que Donald Trump.
16:40Ça veut dire quoi ?
16:41Que la démocratie américaine est tellement fragile,
16:44que nos démocraties sont tellement fragiles.
16:46Aujourd'hui, on les pensait plus solides que ça, quand même.
16:58Eh bien, si vous avez un candidat qui se présente
17:02à la présidentielle et qui explique
17:04qu'il va nous falloir nous débarrasser de l'OTAN,
17:08qui nous...
17:11que vous avez un candidat qui va parler du changement climatique
17:20en disant que c'est un hoax, que c'est une fausse information,
17:29quand vous avez quelqu'un qui a dit très clairement
17:33qu'il serait un dirigeant autoritaire,
17:37il l'a dit lui-même qu'il se retirerait de l'accord de Paris.
17:44Ne serait-ce que ces quelques déclarations...
17:52Eh bien, cela consiste en soi
18:00en des déclarations qui sont extrêmement menaçantes
18:03pour la planète.
18:04C'est un véritable danger à l'horizon
18:06qui se présente à l'horizon.
18:15Nous le savons bien, si nous abandonnons,
18:19si nous ne nous battons pas pour la vérité et pour la démocratie,
18:23eh bien, ces dirigeants vont tirer parti de cela
18:29et nous le regretterons pendant des années.
18:33Pour moi, c'est une très grande menace contre la démocratie.
18:38Lorsqu'il a tweeté au sommet de Washington
18:43en disant, vous allez voir ce qui va se passer ce soir,
18:46ça va être absolument incroyable.
18:50Lorsqu'il a dit que lui-même se tiendrait aux côtés
18:55de ceux qui ont causé cette sédition,
18:59lorsqu'il a fait toutes ces déclarations,
19:04ce comportement qu'il a eu, c'est une menace.
19:06Je ne vois pas comment le décrire autrement.
19:10200 grandes personnalités publiques
19:13qui, depuis des années,
19:21servent le pays, dont l'ancien président des Etats-Unis,
19:25Dick Cheney, Safi, Liz Cheney,
19:28son chef de cabinet également,
19:33qui a enduré toutes ces conversations
19:40qu'il a pu avoir à Trump
19:43et qui a vraiment servi pour le pays,
19:47qui s'est battu pour la liberté de notre pays
19:51et qui, ensuite, se sont fait appeler
19:54par tous les noms par cet individu.
19:57C'est une menace.
19:58C'est une menace pour notre pays.
20:01Et malheureusement, il y en a certains
20:05qui ne se sont pas exprimés là-dessus
20:08et qui ont tout simplement capitulé.
20:13Si on ne se bat pas pour le droit
20:18tel qu'il est interprété par notre Cour suprême,
20:21eh bien, nous sommes en danger.
20:25Et lorsque l'on voit ce qui s'est passé
20:27avec les nominations à la Cour suprême
20:30et ce qui a pu se passer
20:36du point de vue de l'éthique également,
20:37eh bien, on s'aperçoit que cette menace,
20:40elle ne fait que grandir.
20:43D'ailleurs, dernièrement,
20:46il y a certaines personnalités qui ont expliqué
20:49qu'elles ne sont pas nécessairement
20:51complètement d'accord avec Kamala Harris.
20:54En revanche, la démocratie,
20:58c'est cela qu'il faut défendre.
21:00Et là, je pense notamment au fils de McCain.
21:04Donc, voilà, nous en sommes à moins de 40 jours
21:07de l'élection et de mon expérience.
21:11Et ça, je pense que c'est quelque chose
21:14qui pourrait être partagé par certains,
21:17notamment Laurent.
21:18C'est une éternité, parfois 40 jours,
21:20mais j'espère, j'espère vraiment
21:22que ce sera la démocratie qui vaincra.
21:25– Vous avez expliqué à quel point Donald Trump
21:27mettait son autoritarisme comme un argument de campagne.
21:31Et pourtant, il est populaire, Donald Trump.
21:33L'élection est serrée, l'élection n'est pas jouée.
21:35Les Américains aiment Kamala Harris pour les uns
21:38et adorent Donald Trump pour les autres.
21:40Comment expliquez-vous la fascination
21:41de certaines opinions publiques pour un ordre
21:43qui pourrait aller jusqu'à mettre en cause nos démocraties ?
21:46Pourquoi, finalement, les arguments de Trump peuvent séduire ?
21:49Comment vous l'expliquez ?
21:55– Je ne suis pas psychologue et je ne saurais pas interpréter
22:04toutes les raisons présentées,
22:06mais si on prend un argument plutôt simple,
22:10ce que je disais avant sur le fait qu'un gouvernement
22:14doit fournir des résultats, c'est ça qui est important.
22:18Il faut être honnête, il faut être honnête avec soi-même
22:22parce que si on n'est pas honnête soi-même,
22:25comment dire aux autres qu'on fera le nécessaire
22:29et qu'on pourra résoudre les problèmes ?
22:32Moi, je dirais de manière très franche
22:36que la démocratie est en lutte,
22:39elle n'arrive pas à donner les résultats
22:43dans certaines situations.
22:44Je peux parler pour mon pays,
22:46c'est le cas dans certaines situations aux États-Unis.
22:50Alors moi, j'ai été sénateur pendant 20 ans
22:54et j'ai été au secrétariat d'État
22:56et j'ai vu que nous n'avons pas respecté nos engagements,
23:01ce qui donne une réaction négative.
23:04Alors lorsque vous avez un abattement fiscal
23:08où un trillion de dollars bénéficie 1 %
23:12le pourcent le plus riche,
23:14alors que d'autres personnes n'arrivent même pas
23:17à payer leurs crédits immobiliers,
23:20leurs impôts et leurs factures de tous les jours,
23:24vous avez beaucoup de gens en colère
23:26si vous agissez comme ça.
23:28Et il incombe au gouvernement de faire le nécessaire
23:31et de ne pas perpétuer un système
23:34qui donne l'impression que tout le système
23:36est corrompu ou manipulé ou contre les citoyens.
23:40Je sais que beaucoup de démocraties
23:42se retrouvent face à ces situations difficiles.
23:46Bon, la gouvernance est un défi.
23:49Bon, nous avons du mal à créer un consensus
23:53autour duquel on puisse s'organiser.
23:57C'est une question d'organisation.
23:58Comment organiser des êtres humains autour de la table
24:02pour trouver le moyen de gouverner,
24:05de vivre ensemble, de construire des communautés ?
24:09Évidemment, nous aurons les meilleures aspirations
24:13de toute l'humanité,
24:14mais là, on voit que tout a été remis en question,
24:19et c'est, du moins aux Etats-Unis,
24:23grâce à ces sommes faramineuses investies
24:27pour lutter contre le système.
24:29Et aux Etats-Unis, vous avez les réseaux sociaux
24:32qui ont créé des plateformes de désinformation
24:37qui rendent encore plus difficile la création d'un consensus.
24:42Lorsque vous avez des réseaux de télévision,
24:45c'est ce que nous avons aux Etats-Unis,
24:47qui disséminent sciemment des mensonges.
24:53On dit, par exemple, que les turbines éoliennes
24:56provoquent des cancers.
24:59Il y a une diversité d'arguments de ce type-là.
25:03Là, on perd la possibilité de créer le consensus nécessaire
25:07au gouvernement.
25:09Et nous avons perdu le sentiment de collégialité ou de décence.
25:15Il y a les insultes, les agressions,
25:20l'incapacité à trouver des compromis.
25:23Et la nature d'un Parlement, c'est une question de compromis.
25:28Il faut se réunir et répondre aux demandes des citoyens.
25:33Et il y a beaucoup de choses à faire.
25:35Il faut trouver des accords pour ce qu'il faut pour l'éducation,
25:38les infrastructures pour faire face à la crise climatique,
25:42pour une meilleure justice fiscale.
25:45Et malheureusement, dans beaucoup de situations,
25:48c'est de plus en plus difficile
25:50parce que nous n'arrivons pas à créer de consensus.
25:53Une dernière question de John Kerry.
25:54Dans un instant, on va entendre Julia Navalnaya.
25:57Vous avez servi pendant la guerre du Vietnam
25:59avant de la critiquer avec force
26:00devant une commission au Sénat en 1971.
26:02Aujourd'hui, la guerre, on la voit, on la vit en Ukraine,
26:05on la voit, on la vit en Israël, au Liban.
26:08On se demande quelles réponses apporter à Vladimir Poutine.
26:11Est-ce qu'à un moment, la guerre peut servir la démocratie ?
26:26Si vous voulez sauver la démocratie,
26:28mais bien sûr, s'il s'agit de sauver la démocratie, oui.
26:32C'est pour cette raison-là que les Etats-Unis
26:36ont participé à la Seconde Guerre mondiale.
26:40Et ensuite, nous avons subi des attaques.
26:46C'était le 11 septembre.
26:48Là, il n'y avait pas de possibilité de négociation.
26:52Le Taliban avait la possibilité de se débarrasser
26:55de Sam Ben Laden,
26:57mais il a choisi de ne pas le faire.
27:00Et ils ont choisi de défendre cette agression
27:06aux Etats-Unis.
27:07Il a fallu lutter contre.
27:09Mais ce que nous n'avons pas fait à cette époque-là,
27:12malheureusement, c'était de mettre en place
27:15un plan pour quitter l'Irak.
27:19En plus, l'Irak, c'était presque une distraction
27:21par rapport à l'Afghanistan.
27:24Et l'Irak était fondé sur un mensonge.
27:26Moi, j'étais au Vietnam,
27:28et il y avait beaucoup de mensonges
27:30à l'origine de cette guerre.
27:32Il y a un livre de Brian Sheen
27:33qui s'appelle The Bright Shining Light.
27:36Et si vous voulez lire un texte
27:38au sujet de la gouvernance qui ne dit pas la vérité,
27:41vous allez le trouver dans ce livre.
27:45C'est pour cela que je me suis exprimé contre cette guerre
27:49et j'ai mené le mouvement contre cette guerre aux Etats-Unis.
27:53Parce que pour moi, c'était la violation
27:55de tout ce qu'il y avait de logique et de raisonnable.
28:03Je crois que maintenant, il faut défendre la démocratie.
28:08C'est une lutte.
28:10Nous avons Yulia ici présente.
28:13Son mari a été envoyé de prison en prison.
28:16Il était empoisonné.
28:17Une fois, on a pu voir cet empoisonnement public.
28:24Ensuite, on a exposé les responsables de cet empoisonnement.
28:28Nous avons compris de quoi il s'agissait.
28:31Malheureusement, il y a beaucoup de personnes dans ce monde
28:35qui sont torturées, mais ce sont des anonymes,
28:38des anonymes torturés ou incarcérés
28:40ou des personnes qui disparaissent.
28:44Et il est rare d'avoir une personnalité publique
28:48telle qu'Alexis Navalny qui subit ces épreuves.
28:54Mais c'est notre lutte, c'est la lutte de nous tous.
28:56Et nous devons nous exprimer de manière très claire
29:00à ce sujet.
29:01Il faut défendre la démocratie qui nous donne
29:03tellement d'opportunités.
29:05Nous avons l'Institut de la liberté d'origine française
29:08qui accueille les pauvres, les démunis.
29:12Et à un moment dans le passé, nous faisions beaucoup plus
29:16pour défendre ces personnes.
29:18Il faut rappeler les paroles du président Kennedy
29:22lors de son inauguration.
29:23Il a dit, ici, sur Terre, le travail de Dieu
29:26doit être notre travail.
29:27C'est notre travail, c'est le travail de chaque citoyen.
29:30Et la citoyenneté est un des mots les plus importants
29:33de ce monde.
29:34Vous êtes des citoyens français, des citoyens américains.
29:37Et là, on voit ce qui nous rend fort.
29:41Et aux Etats-Unis, ce qui nous rend fort,
29:43c'est que nous n'avons pas cette organisation
29:48autour d'une idéologie.
29:52Nous n'avons pas la généalogie d'une famille
29:56qui nous organise.
29:58Nous avons l'idée que toutes les personnes
30:05sont créées égales et ont droit à la vie,
30:07à la liberté, au bonheur.
30:10Et si vous étudiez l'histoire des Etats-Unis,
30:12vous voyez la richesse créée.
30:14Alors, nous avons maintenant une économie de 28 trillions
30:21par rapport à d'autres pays.
30:24Et nous sommes le numéro un.
30:26Et nous avons pu prouver que la liberté marche.
30:30Et nous l'avons fait.
30:31Nous avons pu faire face aux SIDA en Afrique
30:35ou à Ebola dans d'autres moments.
30:40Merci beaucoup.
30:41Merci infiniment, John Kerry, d'avoir été avec nous
30:43en duplex de Dublin pour participer ce soir
30:45à cette Nuit du droit.
30:47On va donc à présent accueillir
30:49quelqu'un qui ne peut que susciter l'admiration.
30:51C'est le terme qu'employait Laurent Fabius tout à l'heure
30:54pour son courage, pour sa détermination.
30:55C'est une résistante.
30:57Et elle est sans doute la représentante la plus digne
30:59de nos valeurs face à une Russie qui s'est perdue.
31:01Elle est aujourd'hui la veuve d'Alexei Navalny.
31:03Elle vient nous raconter son combat quotidien
31:05pour la démocratie, pour nos démocraties.
31:08Merci d'accueillir très chaleureusement
31:10Yulia Navalnaya, s'il vous plaît.
31:11Applaudissements
31:13...
31:26Bonjour. Bienvenue à vous, Yulia Navalnaya.
31:31On est très honorés de vous avoir.
31:34Moi, je suis personnellement très ému
31:35de pouvoir échanger avec vous.
31:37On va rappeler un peu votre vie, votre parcours.
31:39En 1998, vous avez rencontré celui qui allait devenir
31:42votre mari et le père de vos deux enfants,
31:43Alexei Navalny.
31:45Il va devenir progressivement la première figure d'opposition
31:48face à Vladimir Poutine.
31:49Il a été arrêté plusieurs fois,
31:51victime d'une tentative d'empoisonnement.
31:53La dernière fois, c'était en janvier 2021.
31:55Il n'en reviendra pas.
31:56Alexei Navalny meurt en détention,
31:58officiellement, d'un problème cardiaque.
32:00J'aimerais, si vous le voulez bien, pour commencer,
32:02que vous nous parliez un peu de lui.
32:04C'était qui Alexei Navalny ?
32:08Bonsoir.
32:09Merci de m'accueillir ici.
32:12C'est un honneur d'être ici.
32:15C'est un honneur et j'ai écouté le discours de John Kerry
32:22et je me disais que c'était un honneur
32:26de pouvoir parler avec vous.
32:28C'est un honneur de pouvoir parler avec vous.
32:31C'est un honneur de pouvoir parler avec vous.
32:35Je me disais que j'aurais bien voulu que mon mari soit là
32:40parce qu'il a fait des études de droit.
32:45C'est ici qu'il aurait dû être.
32:48Lorsque nous nous sommes rencontrés,
32:51il venait de terminer ses études universitaires
32:54et je crois que c'était un grand avocat.
33:05Il a décidé de lutter en faveur de la démocratie,
33:10en faveur d'une Russie libre.
33:16Et si la Russie était un pays démocratique,
33:19il serait ici, à nos côtés,
33:22sans doute entouré d'avocats et d'experts.
33:29Il aimait beaucoup son travail,
33:36il aimait beaucoup être avocat,
33:39mais un jour, il a décidé de sacrifier sa vie,
33:43de tout sacrifier pour libérer notre pays,
33:52pour libérer le pays de la corruption
33:56et des personnes qui ont pris le pouvoir
34:01pour transformer le pays en dictature.
34:08Vous savez que mon mari a consacré des décennies
34:13à cette lutte pour que notre pays soit démocratique.
34:19Et vous avez dit que nous nous étions rencontrés très jeunes,
34:27nous n'avions que 22 ans.
34:30J'ai eu l'expérience de voir toute son évolution,
34:35de voir la sincérité de ses convictions.
34:41Tous les jours, il a lutté pour que la Russie soit une démocratie.
34:48Il savait que c'était un combat dangereux,
34:50un combat qui pouvait être mortel.
34:52Qu'est-ce qui lui donnait la force d'y aller ?
34:54On ne s'attaque pas à Poutine impunément.
34:56Il savait qu'il pouvait y laisser sa vie
34:58et vous laisser vous aussi.
35:00Quand vous parliez avec lui, c'était quoi son moteur ?
35:04Qu'est-ce qui avait plus fort que tout pour qu'il ne renonce jamais ?
35:11Pour être honnête, je ne lui ai jamais posé cette question.
35:13Qu'est-ce qui lui donnait la force ?
35:16La question, oui.
35:19Qu'est-ce qui lui a donné cette force ?
35:21Bon, je vais essayer d'y répondre.
35:24C'était plutôt à lui d'y répondre.
35:26Mais bon, je dirais qu'il avait le soutien du peuple russe.
35:33Il savait qu'il avait de plus en plus de soutien au cours des années.
35:38Lorsqu'il a commencé sa campagne présidentielle
35:42comme candidat aux élections,
35:44il a ouvert plus de 80 bureaux à travers la Russie.
35:50Il a fait beaucoup de campagnes.
35:52Il a rencontré beaucoup de personnes.
35:56Il a organisé beaucoup de meetings
35:59au cours de cette campagne présidentielle.
36:02Et il y avait énormément de soutien.
36:04Et ce n'était pas uniquement des jeunes.
36:08Il y avait des personnes plus âgées,
36:15des personnes qui disaient en public
36:18qu'elles soutenaient Poutine, mais ce n'était pas vrai.
36:22J'ai vu que mon mari était capable
36:26de réunir des personnes très différentes
36:31dans des régions très différentes,
36:34des sociétés différentes,
36:36des tranches d'âge différentes,
36:38des personnes qui croyaient en la Russie.
36:44Il était persuadé qu'ensemble,
36:47nous pourrions avoir un pays sans corruption.
36:53Il ne cherchait rien d'extraordinaire.
36:56Il ne cherchait que des droits classiques
37:00pour les citoyens ordinaires dans un pays démocratique.
37:03Après sa mort, vous avez dit vouloir continuer son travail.
37:07Vous portez les mêmes valeurs,
37:09mais qu'est-ce qui vous donne à vous la force de continuer
37:12après le prix payé par votre famille, par vos proches,
37:15à ce combat pour la démocratie, pour la liberté ?
37:17Vous auriez pu dire, on a fait notre part,
37:19c'est aux autres de le faire maintenant.
37:21Qu'est-ce qui vous donne envie, vous, de continuer aujourd'hui ?
37:25Le jour où il a été assassiné,
37:29j'ai décidé que je n'avais pas le choix.
37:35Il était important que je montre à ses partisans,
37:40ceux qui sont aujourd'hui mes partisans,
37:43que la lutte contre la corruption
37:46n'est pas une lutte contre la démocratie,
37:49c'est une lutte contre la démocratie.
37:53Il y a un régime de Vladimir Poutine
37:56où on empoisonne les opposants,
37:59mais il y aura toujours des opposants,
38:03il y aura toujours des personnes qui réfléchissent,
38:07qui veulent un avenir différent,
38:11qui ne renonceront jamais,
38:14qui ne s'aideront pas devant ce régime.
38:18Qu'est-ce qui me donne cette force ?
38:22Il y a beaucoup de choses.
38:25D'abord, il y a mon mari,
38:29le souvenir de mon mari, sa lutte,
38:33tout ce qu'il a fait pour la démocratie en Russie,
38:36pour les droits de l'homme.
38:42C'est l'exemple que j'utilise tous les jours.
38:47C'est l'exemple que je connais depuis des années.
38:55Je sais que nous sommes en mesure
38:59de mener cette lutte et que nous vaincrons un jour.
39:06Je vois qu'il y a de nombreuses personnes
39:12qui continuent à défendre la lutte de mon mari,
39:19qui me l'ont dit depuis sa mort.
39:26Il y a des dizaines de milliers de personnes,
39:31des personnes qui viennent au cimetière
39:34pour se recueillir devant sa tombe.
39:38Il y a beaucoup de partisans en Russie
39:44et d'autres.
39:46Mais ces personnes veulent des changements en Russie.
39:49Et c'est ça qui me donne la force de poursuivre la lutte,
39:53de continuer à me rendre dans différents pays,
39:58de voir différents interlocuteurs
40:01dans des sociétés différentes.
40:04Il faut voir qu'il y a beaucoup de personnes en Russie
40:08qui continuent à lutter contre le régime de Poutine,
40:12contre la guerre en Ukraine.
40:15Il est important que je le fasse pour mes enfants,
40:20pour les Russes et pour le souvenir de mon mari.
40:23Vous voulez construire une Russie libre.
40:26Est-ce que ça pourrait passer par la conquête du pouvoir ?
40:30Est-ce que c'est l'objectif
40:32d'installer la démocratie en Russie
40:34et peut-être de l'incarner si ça doit passer par vous ?
40:40Bien sûr.
40:49Tout ce que je peux faire,
40:51c'est continuer à me battre pour une Russie démocratique,
40:55continuer le combat qu'a mené mon mari.
40:59Mais je sais que c'est très compliqué.
41:01Je sais que dans notre pays,
41:05le régime est corrompu et criminel.
41:15Et Vladimir Poutine, ce n'est pas le président de la Russie.
41:19Il s'est saisi du pouvoir.
41:22Il n'y a pas vraiment d'élection libre en Russie.
41:25Il n'y a pas de possibilité
41:29de lutter contre la censure.
41:31Il y a cette peur dans tout le pays.
41:35On peut être emprisonné pour juste un like sur les réseaux sociaux.
41:39On peut être jeté en prison
41:42pour avoir un jour dit un mot
41:46qui serait peut-être un petit peu trop fort
41:49à leurs yeux sur les réseaux sociaux.
41:51Donc il y a cette peur dans la population.
41:55Et pourtant,
41:58il nous faut
42:02pouvoir toujours montrer
42:07qu'on ne les oublie pas,
42:11qu'on fera tout pour eux
42:14et qu'un jour, leur voix sera bien entendue, haut et fort.
42:18Or, des frontières de la Russie,
42:20on a souvent le sentiment que Poutine est populaire,
42:23qu'il est aimé par les Russes.
42:25Est-ce que c'est une fausse impression ?
42:27Est-ce qu'on confond popularité et peur ?
42:39Alors, je ne veux pas mentir.
42:42Je me dois de vous être honnête.
42:44Je suis sûre que Poutine est assez populaire.
42:47Mais mis à part ça,
42:51je pense que personne ne saurait
42:55le compter très précisément,
42:58son degré de popularité.
43:01Il a remporté les dernières élections
43:03au mois de mars à hauteur de 80 %.
43:06Vous pouvez bien le comprendre en France
43:09que dans aucun pays démocratique,
43:12on ne pourrait remporter les élections présidentielles
43:15avec un score de plus de 80 %.
43:19Donc, il est certainement populaire.
43:22Il a certainement un certain degré de popularité.
43:25Mais il n'a même pas permis
43:31aux opposants dans le pays
43:36à se présenter contre lui.
43:38Il n'avait pas vraiment qui que ce soit en face de lui.
43:44Donc, on ne sait pas vraiment à quel point il est populaire.
43:48Il n'a jamais vraiment participé à de débats.
43:55Et même pendant sa campagne présidentielle,
43:58sa propre campagne présidentielle,
44:00il n'a pas vraiment été actif dans sa propre campagne.
44:05Mon mari, par exemple, c'est un très bon exemple.
44:09Lorsqu'il avait décidé de lancer sa propre campagne précédente,
44:14sa campagne présidentielle précédente,
44:16il avait commencé à préparer cette campagne
44:2018 mois avant les élections.
44:23Donc, il avait ouvert son siège
44:26et il s'était lancé
44:29dans de grands meetings politiques dans différentes villes.
44:33Une campagne dans tout pays démocratique,
44:36c'est à cela que ça doit ressembler.
44:38Mais Poutine, il ne l'a jamais fait.
44:40On le voit à la télévision tous les jours,
44:44mais il n'y a pas de débats organisés.
44:47Il n'y a pas d'opposants face à lui.
44:51La propagande est omniprésente.
44:55Elle est très forte en Russie.
45:00Donc, au final,
45:03on se retrouve avec un seul candidat à la présidentielle,
45:06et c'est tout.
45:08Et bien entendu, ce candidat remporte les élections,
45:11mais ces élections, elles ne sont pas libres.
45:14Elles ne sont pas justes.
45:16Il n'y a pas de campagne.
45:19Il n'y a pas de règles établies de façon indépendante.
45:24Il n'y a pas d'observateurs.
45:26Et lors des dernières élections,
45:28il n'y avait pas d'observateurs étrangers ou internationaux.
45:33Oui, il est populaire dans une certaine mesure,
45:36mais dans quelle mesure ?
45:38Personne ne saurait le dire avec certitude.
45:41Le thème de cette liste du droit, c'est droit et démocratie.
45:44Le droit sert à lutter contre la démocratie,
45:47ce qui vous vaut d'être la cible d'un mandat d'arrêt émis par la justice russe.
45:51Vous êtes sur la liste des terroristes extrémistes, Yulia Navalnaya.
45:55Comment se protéger du droit ?
45:57Je vois que ça vous fait sourire, des lois,
45:59quand elles sont au service de la dictature,
46:02quand le droit est instrumentalisé comme ça.
46:06Oui.
46:13Alors, en Russie, effectivement,
46:15il n'y a pas de règle de droit,
46:19il n'y a pas de loi,
46:21il n'y a pas de tribunaux, de cours
46:26qui soient indépendants.
46:29On ne peut pas obtenir justice au tribunal.
46:36Et effectivement, vous voyez ici face à vous
46:41une extrémiste, une terroriste
46:44qui est inscrite sur la liste des terroristes extrémistes en Russie.
46:50Un mandat international a également été mis à mon encontre en Russie.
46:59Mais cela n'a pas vraiment changé ma vie.
47:05Pour tout vous dire, je n'ai même pas compris
47:08pourquoi Poutine en a décidé ainsi.
47:14Je pense que, de toute façon,
47:16il en avait déjà trop fait avec ma famille.
47:19Donc je ne comprends pas vraiment
47:24pourquoi il a continué ainsi,
47:27qu'il continue de s'en prendre à moi de la sorte.
47:29Je crois qu'il va...
47:32Parce que, de toute façon, mon mari,
47:34il a poursuivi son combat jusqu'à en perdre la vie.
47:38Et moi, je poursuivrai ce combat
47:40autant que cela me sera possible.
47:43Et je pense que j'ai eu un excellent professeur.
47:55Et il y aura toujours des personnes
47:59qui, après, reprendront le flambeau avec moi
48:02pour qu'un jour, la Russie devienne un pays démocratique.
48:15Rien.
48:21Pourquoi ? Je vais vous l'expliquer.
48:24Les mots
48:30ne me permettraient pas
48:38de lui dire quoi que ce soit.
48:43Parce que lui, il est très content
48:46du fait que tout le monde parle de lui.
48:54Mais peu lui importe
48:57si vous parlez de lui en bon ou en mauvais.
49:00Pour lui, ce qui compte, c'est que le monde entier parle de lui,
49:04discute de lui.
49:06Quel est son état de santé ?
49:09À quoi pense-t-il ? À quoi songe-t-il ?
49:13C'est ce qui compte pour lui.
49:15Et donc moi, sincèrement, je n'aurais pas le sentiment
49:18que j'aurais un besoin particulier de discuter de quoi que ce soit avec lui.
49:21Je n'aurais pas envie de lui dire quoi que ce soit.
49:24Je pense juste qu'il faut que nous luttions contre lui
49:30et que nous lui montrions qu'un jour, la justice prévaudra.
49:35Que peut faire la France ?
49:36Que doit faire le monde face à la Russie de Poutine ?
49:40Est-ce que vous trouvez qu'aujourd'hui,
49:41l'attitude des pays occidentaux est la bonne ?
49:44Dans une certaine mesure, oui et non.
49:50Du point de vue des sanctions, tout d'abord.
49:56Ce n'est pas une question de la France.
49:58Pour moi, c'est plus de l'Occident, règle générale.
50:03Je ne pense pas que le monde occidental
50:06ait une stratégie pour la France.
50:09Je ne pense pas que le monde occidental
50:12ait une stratégie en particulier concernant la Russie.
50:16En fait, il faudrait avoir une approche assez simple,
50:21en résumant tout juste quelques phrases.
50:24Il y a de nombreuses mesures qui ont été prises,
50:26mais un petit peu par accident.
50:27Par exemple, lorsque Poutine a déclaré la guerre,
50:33il y a eu certaines sanctions qui ont été imposées,
50:36mais on le voit bien, aujourd'hui,
50:40certaines de ces sanctions n'ont pas vraiment eu d'effet,
50:44non pas qu'elles soient particulièrement bonnes ou mauvaises
50:47ou qu'elles n'aient pas été mises en application
50:49de la même façon partout, mais...
50:59Sachant qu'il y a cette dictature de Poutine,
51:02eh bien, il nous faut comprendre
51:07que, oui, des actions sont possibles,
51:10oui, des mesures sont possibles,
51:13donc ces sanctions stratégiques sont importantes,
51:16et puis il faut aussi aider les Russes à combattre Poutine.
51:25Et pour ce faire, il faudrait juste avoir recours à...
51:31Il faudrait juste communiquer en quelques phrases très simples
51:35pour porter un message clair auprès de la société civile russe.
51:39En France, je le sais, il y a un grand nombre de personnes
51:43qui sont en exil aujourd'hui.
51:45Il est très important de les aider, ces personnes-là aussi.
51:48Et puis surtout, surtout, ne pas oublier
51:52la population en Russie.
52:00Parce que leur situation est loin d'être aisée.
52:05Ils vivent sous la pression de Poutine.
52:11Et ils ont le sentiment d'être oubliés, d'une certaine façon.
52:16Ils vivent dans cette dictature.
52:20Et chaque jour, ils se lèvent dans un pays
52:24où ils pourraient tout à fait être jetés en prison,
52:27juste pour avoir eu un mot plus haut que l'autre.
52:34Plus de détermination que de colère chez vous, c'est la réalité ?
52:44Non, non, je n'ai absolument pas de colère.
52:48Vous pourriez l'être, en colère.
52:53Oui, je comprends bien.
52:55Et c'est un petit peu ce que tout le monde attend de moi,
52:59que je déteste Poutine,
53:01et que je ressens énormément de colère à son endroit,
53:05jour après jour. Ce n'est pas le cas.
53:07Je ne sais pas vraiment pourquoi.
53:10Probablement, un certain temps,
53:14j'aurais eu plutôt ce sentiment à son égard.
53:18Mais en fait, aujourd'hui, pour moi, c'est plus
53:22une volonté, une détermination
53:24pour que la Russie soit un pays prospère, indépendant,
53:29où on puisse vivre notre quotidien
53:35en toute sécurité, avec des médias indépendants,
53:38avec un système de justice qui existe et qui est efficace,
53:42qui vive une vie normale,
53:45qui est un quotidien normal,
53:48et qui puisse dire tout ce qu'il souhaite dire,
53:53qu'il puisse vivre dans un pays
53:58où une guerre n'aurait pas été déclarée
54:03à un pays voisin.
54:10Poutine joue des pouvoirs illimités en Russie.
54:17Mais ce n'est pas une question de haine ou de colère.
54:22Il faut être déterminé quant à nos actions.
54:26Je comprends bien que la situation est compliquée,
54:28qu'elle pourrait prendre un certain temps,
54:30mais parfois, il faut juste prendre ce temps-là
54:34pour aller dans la bonne direction.
54:48Je suis une personne normale, une personne ordinaire,
54:52et donc j'ai peur de beaucoup de choses.
54:55Mais très souvent, je préfère ne pas penser à ces dangers.
55:02Je préfère juste les laisser de côté,
55:05parce que je le comprends bien.
55:11De l'extérieur, ma vie peut sembler très dangereuse,
55:13elle l'est probablement, mais je n'y pense pas au quotidien.
55:17Pour moi, ce qui compte, c'est ma famille, mes amis,
55:22mes collègues de travail,
55:28qui, eux aussi, luttent.
55:36Ce qui compte pour moi, c'est qu'un jour,
55:43je puisse effectivement accomplir tout ce que j'ai à accomplir.
55:47Mais je pense qu'ici, on a tous en commun ces choses-là.
56:06Je ne sais pas comment ça s'est passé,
56:09mais je l'apprécie, j'en suis vraiment reconnaissante.
56:14Ils ont été très courageux, très forts.
56:17Ils le sont.
56:19Ce sont des personnes très courageuses.
56:22Ma fille a 23 ans, elle vient d'obtenir son diplôme de l'université.
56:26Mon fils a 16 ans, il est encore à l'école.
56:33Cette année, bien entendu, pour eux deux,
56:38a été l'année la plus dure de leur vie.
56:42Très certainement.
56:44Mais nous sommes une famille soudée.
56:48Nous avons des amis très proches.
56:51Nous aimons beaucoup passer du temps ensemble,
56:55profiter des uns et des autres.
57:05Et la perte de leur père est la plus grande perte de leur vie.
57:11Mais depuis tout ce qui s'est passé,
57:17je suis allée voir ma fille pour lui apporter tout mon soutien.
57:24Et je me suis rendue compte, d'ailleurs,
57:32que voilà, maintenant, c'est elle ma meilleure amie.
57:40Et mon fils, il a 16 ans, c'est un adolescent.
57:44C'est un âge très difficile.
57:46Je pense que c'est le cas pour tout le monde à peu près.
57:49C'est le passage obligé.
57:56Pour lui, ça a vraiment été encore plus dur.
58:05Mais il se bat.
58:07Il se concentre à l'école.
58:10Je lui en suis très reconnaissante.
58:14Ils sont si courageux, si forts.
58:18Ils font tout ce qu'ils peuvent
58:24pour que nous puissions rester une famille normale, finalement.
58:29Très fiers de leurs parents.
58:30Merci beaucoup, Julian Avelnaia, d'avoir été avec nous.
58:33Vous restez, merci.
58:34C'était un honneur de vous avoir.
58:39Voilà pour les moments forts de la nuit du droit,
58:41organisés par le Conseil constitutionnel.
58:43N'hésitez pas à lire les décryptages
58:45et à voir les replays sur notre site publicsénin.fr.
58:48Très belle suite des programmes sur Public Sénin.