Charlotte Le Bon : "Comme Niki de Saint Phalle, j’ai été considérée comme une image à mes débuts"

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Charlotte Le Bon est Niki de Saint Phalle. En salle ce 9 octobre, le biopic imaginé par Céline Sallette revient sur les débuts tourmentés de cette artiste franco-américaine naturalisée suisse, avant qu’elle ne devienne la légendaire plasticienne, artiste peintre, graveuse, sculptrice et réalisatrice de films que l’on connaît. En prenant le visage et la voix de Niki, Charlotte Le Bon signe une performance puissante pour ce rôle-titre et un retour face caméra. A cette occasion, elle nous a donné rendez-vous à Idem, une imprimerie d’art dans le quartier de Montparnasse à Paris où elle s’épanouit aussi en tant qu’illustratrice passionnée voyageant dans l’univers du dessin, des sérigraphies et lithographies. Au cours de cet entretien, l’artiste de 38 ans évoque avec nous son rapport à l’art, mais nous dévoile aussi l’œuvre qu’elle aimerait voler dans un musée ou pourquoi le féminisme de Niki de Saint Phalle est si fondamental pour notre société moderne.

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Transcription
00:00On a été toutes les deux considérées comme des images au début et on l'a vécu avec assez de violence.
00:18Depuis que je me suis mise à la réalisation, j'ai vraiment tendance à mettre le jeu un peu de côté
00:22parce que ce n'est pas mon métier passion, tout simplement.
00:24C'est un métier que j'adore, mais ce n'est pas mon métier passion.
00:26Et maintenant, j'ai tendance à être beaucoup plus sélective sur mes projets
00:28et à me déplacer seulement pour des rôles qui me font peur ou qui représentent des gros défis.
00:33Niki, justement, réunissait ces deux aspects et l'offre était follement généreuse.
00:36Je n'avais vraiment pas le choix d'accepter.
00:38Ce genre de partitions sont quand même très, très rares dans la vie d'une actrice ou d'un acteur.
00:42J'aurais été complètement idiote de refuser ce rôle.
00:46Oh là là, ça va être tellement banal et voire cliché, mais elle m'a un peu donné des ailes.
00:49En tant qu'actrice, je me suis permise d'aller dans des endroits de liberté
00:53que je n'avais pas encore visités, je crois.
00:55Donc, de cette façon-là, oui, elle m'a transformée.
00:57Après, ça ne veut pas dire que ce que j'ai gagné en tant qu'actrice sur le tournage de Niki,
01:01j'étais capable de l'appliquer sur d'autres tournages ensuite,
01:04parce qu'après, j'ai enchaîné sur un autre tournage qui n'avait absolument rien à voir
01:08avec l'histoire de Niki Tsinfal.
01:09Je n'avais pas cet espace de liberté.
01:10Donc, en fait, c'est quelque chose qui s'est vraiment isolé autour de ce tournage-là.
01:15Son désir de quête, on a aussi en commun le fait d'avoir été considéré au début de notre carrière,
01:21parce qu'elle a commencé en tant que mannequin aussi, également.
01:23Comme des images au début, alors qu'on avait justement cette impression
01:26qu'il y avait quelque chose qui bouillait en nous et qui ne demandait qu'à sortir.
01:28Et on l'a vécu avec assez de violence.
01:31Sa quête de liberté, la quête de la libération de la parole aussi.
01:34Dans son travail, on sentait une espèce de nécessité de parler,
01:37une nécessité de vouloir dire quelque chose à travers plein de formes différentes
01:40qui ont été motivées par les idéologies qu'elle portait,
01:43mais aussi par des traumas qu'elle a vécus.
01:45L'art était vraiment un vecteur hyper important dans sa vie, justement,
01:48de communication, de libération de la parole, de sa parole, de sa vérité à elle.
01:51Et j'ai l'impression que ce qui se passe aussi avec le mouvement Me Too,
01:54qui prend de plus en plus de place en ce moment en France,
01:56pourrait correspondre aussi à cette espèce de parole avec beaucoup d'emphase,
02:00avec beaucoup de couleurs et de ne plus avoir peur de la vérité.
02:05Je ne sais pas, comme outil psychanalytique peut-être.
02:07C'est un moyen d'expression comme un autre, en fait.
02:10J'en ai besoin pour me sentir complète.
02:12J'en ai besoin pour essayer de comprendre les choses qui m'habitent.
02:14J'en ai besoin pour me divertir aussi, parfois, tout simplement.
02:17D'une certaine façon, j'en ai besoin pour exister
02:19parce que c'est ce qui me définit, j'ai l'impression,
02:22et c'est ce qui fait que j'ai foi en la vie
02:24et que j'ai envie de présenter des choses et de raconter des histoires.
02:27Et ça, je peux seulement le faire à travers ma création.
02:29Et je pense que j'ai vraiment commencé à utiliser l'art comme un outil
02:32pour passer le temps à l'époque, quand j'avais, je ne sais pas,
02:34je dirais peut-être six ans.
02:39Ce serait la clé de verre de Magritte.
02:41Ça irait super bien chez moi.
02:43Franchement, ce serait vraiment pas mal.
02:45C'est une espèce de rocher qui est posé sur deux grandes falaises rocailleuses aussi.
02:49Oui, c'est un portrait d'une roche, on peut dire que c'est un portrait d'une roche.
02:52C'est hyper énigmatique.
02:53Il y a quelque chose de très, très mystérieux dans ce tableau
02:55que je n'arrive pas trop à comprendre.
02:57Et c'est pour cette raison que je continue à l'aimer éternellement.
03:02Ah, je ne sais pas si c'était mon premier cachet,
03:04mais c'était au début de ma carrière.
03:05J'ai acheté un tirage du photographe américain Douglas Kirkland,
03:08feu Douglas Kirkland, qui est décédé il n'y a pas si longtemps.
03:11Un tirage de Marilyn Monroe, d'un shooting qu'il a fait avec elle,
03:14assez connu dans les draps.
03:15Et c'est un magnifique portrait de Marilyn Monroe dans les draps blancs.
03:17Je l'ai mis dans mon salon et c'était un bon montant d'argent d'ailleurs.
03:20Je n'avais pas complètement les moyens de me l'acheter,
03:22mais je l'ai fait quand même et je l'aime beaucoup.
03:25Je pense que c'était une figure qui m'inspirait
03:26parce que je commençais ma carrière d'actrice.
03:28Après, c'est quand même une figure très torturée.
03:30Donc, c'est quand même bizarre inconsciemment que j'ai été tirée par elle.
03:33Mais à l'époque, c'était ça.

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