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La guerre entre Israël et le Hezbollah s’intensifie : les Israéliens ont visé 2 000 cibles du Hezbollah faisant au moins 600 morts. L’armée israélienne se dit prête à une opération terrestre. De son côté, le Hezbollah intensifie ses tirs dans le nord d’Israël et a lancé pour la première fois un missile sur Tel Aviv. À New York, les 193 pays sont réunis pour l'Assemblée générale de l'ONU. Les États-Unis, l’Union européenne et plusieurs pays arabes sont à l’origine d’une initiative qui vise à conclure une trêve.
#Israël #Hezbollah #Netanyahou

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00:00Bienvenue dans le débat consacré au Proche-Orient alors que la guerre entre Israël et le Hezbollah s'intensifie.
00:11En quelques jours, le conflit est entré dans une nouvelle phase.
00:14Les bombardements israéliens ont visé 2000 cibles du Hezbollah, faisant à peu près 600 morts.
00:19Et l'armée israélienne se dit prête à une opération terrestre.
00:23Le chef de l'unité des drones du Hezbollah a été tué aujourd'hui dans une frappe israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth.
00:29De son côté, le Hezbollah intensifie ses tirs dans le nord d'Israël.
00:33Il a lancé pour la première fois un missile sur Tel Aviv, intercepté par Israël hier.
00:38A New York, les 196 pays sont réunis pour l'assemblée générale de l'ONU.
00:44Joe Biden a prévenu qu'une guerre généralisée était possible.
00:47Et hier soir, les Etats-Unis, la France, l'Union européenne et plusieurs pays arabes sont à l'origine d'une initiative
00:53qui vise à conclure une trêve pour permettre aux civils des deux côtés de la frontière de retourner chez eux.
01:00Benjamin Netanyahou a néanmoins ordonné à l'armée israélienne de poursuivre les combats à plein régime, a-t-il dit.
01:06Alors, le Liban est-il au bord du chaos ? Quels sont les risques d'une guerre totale ?
01:11La diplomatie est-elle encore une chance ? Israël, Hezbollah, une trêve est-elle possible ?
01:15Voilà les questions que nous allons poser à nos invités. J'ai le plaisir d'avoir à mes côtés Jean de Glignasti, bonsoir.
01:20Bonsoir.
01:21Merci d'être avec nous, directeur de recherche à l'IRIS, également ancien consul général de France à Jérusalem,
01:26auteur de France, une diplomatie déboussolée.
01:30Voilà, en face de vous, Sarah Daniel, bonsoir.
01:33Vous êtes grand reporter à l'Obs. Votre reportage à Beyrouth, c'est dans l'Obs de cette semaine.
01:39Vous en revenez de Beyrouth, vous avez passé une dizaine de jours, alors vous allez nous raconter bien sûr en détail.
01:44Rina Bassis est avec nous ce soir, bonsoir.
01:46Bonsoir.
01:47Vous avez participé au débat correspondante israélienne à Paris.
01:50Vous êtes rédactrice pour le journal américain Al Monitor et vous êtes aussi ancienne diplomate.
01:55Bienvenue à vous.
01:56Nous avons à Beyrouth, par Skype, Anthony Samrani, le rédacteur en chef de L'Orient Le Jour.
02:02Bonsoir à vous et merci d'être avec nous en direct de Beyrouth.
02:05Bonsoir, merci à vous de m'avoir invité.
02:08Je le disais que le chef de l'unité des drones du Hezbollah a donc été tué dans une frappe israélienne aujourd'hui près de Beyrouth.
02:14Le Hezbollah a riposté aujourd'hui avec une quarantaine de tirs vers Israël.
02:19On va écouter Benjamin Netanyahou.
02:21Il vient d'arriver à New York pour justement être à la tribune de l'assemblée générale de l'ONU demain.
02:26On va l'écouter.
02:30Pendant le vol, j'ai donné mon accord pour l'élimination du chef de l'unité de drones du Hezbollah et il a été éliminé.
02:38Notre politique est claire.
02:40Nous continuerons de frapper le Hezbollah de toutes nos forces.
02:44Et nous ne nous arrêterons pas tant que nous n'aurons pas atteint tous nos objectifs.
02:49Au premier rang desquels, le retour en toute sécurité des habitants du nord d'Israël dans leur maison.
02:57Anthony Samrani, je commence par vous.
02:59Comment vivez-vous ce moment en fait ?
03:02Avec beaucoup d'angoisse, beaucoup d'inquiétude.
03:05Avec d'une part ce sentiment que le cauchemar libanais ne s'arrête pas.
03:11Parce que le Liban a vécu quand même beaucoup de choses depuis 2019.
03:14Avec la révolution, puis la crise économique, la double explosion au port,
03:20et ensuite la guerre qui était d'abord limitée au sud puis s'est étendue.
03:24Et ensuite ce second sentiment que cette escalade en cours,
03:30elle peut encore durer des semaines, elle peut encore durer des mois,
03:33elle peut toucher Beyrouth, elle peut aboutir à une invasion terrestre.
03:37Et on a beaucoup de mal, non seulement à voir un petit peu où est-ce qu'on va,
03:45et en plus on a beaucoup de mal à penser.
03:47Parce que pour beaucoup de Libanais, c'est une guerre qui n'a pas été voulue.
03:50C'est une guerre où le Hezbollah s'est engagé.
03:53Pour beaucoup de Libanais, le Hezbollah est un parti pour le moins hostile.
03:58Et en même temps, en face, il y a cet État, cet État israélien,
04:02qui tue des civils libanais, qui risque de détruire le Liban
04:08après avoir réduit Gaza en centre.
04:10Donc même pour la pensée, c'est une forme de prison qu'on est en train de vivre actuellement,
04:14qui est extrêmement difficile à vivre au quotidien.
04:17Sarah Daniel, vous en revenez de Beyrouth, vous avez passé dix jours.
04:20Vous avez eu ce sentiment, est-ce que les Libanais sont divisés justement
04:23sur ce qui se passe sur place ?
04:25Absolument. On voit qu'ils sont pris un peu dans une double malédiction.
04:30Celle des tirs d'Israël, mais aussi celle de la permanence de ce parti du Hezbollah,
04:36qui est perçu de plus en plus comme un parti de l'extérieur,
04:39financé et même nourri.
04:42La liaison est intime entre le Hezbollah et l'Iran.
04:47Énormément de gens que j'ai interviewés, mais aussi beaucoup de chiites
04:52et beaucoup de gens dans le sud disaient leur méfiance de plus en plus accrue de ce parti.
04:58Donc en fait, c'est ni Hezbollah ni Israël, pour faire simple.
05:02C'est un peu la situation dans laquelle ils se retrouvent.
05:04Oui, et puis en plus, il y a beaucoup de gens qui racontent aussi,
05:08même à l'intérieur du Hezbollah, comment ils ont dû partir en Syrie pour se battre
05:12et comment finalement ils ont été les supplétifs de l'Iran
05:15et qu'ils ne voient pas là maintenant pourquoi ils doivent être aussi en première ligne,
05:18alors que ça serait beaucoup plus égal finalement dans leur idée si c'était une guerre entre l'Iran et Israël.
05:25Rina Bassiste, qu'en pense la société israélienne ?
05:29Est-ce qu'elle est divisée justement sur ces tirs du Hezbollah au nord Liban ou pas ?
05:33Je dirais que la division est plutôt est-ce qu'Israël va entrer ou pas de façon terrestre ?
05:42C'est ça qui pose la question ?
05:44C'est ça qui pose la question parce que, bien sûr, on se souvient très bien de la deuxième guerre au Liban
05:51et même ma génération se souvient très bien aussi de la première guerre au Liban
05:57qui était terrible pour le libanais mais était terrible aussi pour Israël
06:01qui a coûté la vie de deux côtés.
06:04Donc là, je crois que cette question-là divise les Israéliens.
06:08Après, il faut dire qu'on est quand même dans une situation où il y a une résolution,
06:14la résolution 17-01 des Nations Unies, du Conseil de sécurité qui a été adoptée il y a 18 ans
06:23qui n'était jamais respectée en fait du côté du Hezbollah.
06:28Ça fait 18 ans que les citoyens du nord d'Israël souffrent.
06:34Toute une génération des enfants qui a agrandi avec des bombardements.
06:38Cette situation s'est aggravée énormément depuis le 8 octobre.
06:42Et encore ces dernières semaines, on voyait tous les jours des dizaines et des dizaines de roquettes et aussi des missiles.
06:49Et il ne faut pas oublier que Hezbollah, selon les estimations, détient 150 000 missiles et roquettes,
06:57y compris des missiles extrêmement précises.
07:00Donc d'un côté, on peut dire oui, bien sûr, la société israélienne ne veut pas la guerre.
07:04Surtout, la société israélienne n'est pas en guerre avec les Libanais.
07:09Mais de l'autre côté, il y a aussi une situation qui est devenue intenable.
07:12Jean de Gliasti, diplomate que vous êtes là.
07:15Cet affaiblissement du Hezbollah, il est réel depuis deux semaines maintenant,
07:20depuis ces fameuses explosions des beepers.
07:23Il y a le chef de l'unité des drones, Mohamed Sourour, c'est lui qui a été tué aujourd'hui.
07:28Une frappe israélienne, donc, qui a visé également Ibrahim Akil,
07:32qui est un des commandements, un autre commandant qui a été tué.
07:35Ibrahim Mohamed Kobéissi, un autre commandant encore tué.
07:38Et puis, bien sûr, il y a eu Fouad Chokre, qui, lui, est le chef des opérations militaires du Hezbollah,
07:42qui a été tué en juillet.
07:45Donc Israël dit vouloir rétablir une dissuasion.
07:48Est-ce que c'est déjà le cas ou pas, une fois que toutes ces têtes sont tombées ?
07:52Moi, je ne crois pas qu'Israël puisse faire l'économie d'un traitement diplomatique de ces questions,
08:00que ce soit avec l'Iran, comme il l'a fait dans le passé avec l'Égypte.
08:04Je crois que ces gens-là sont peut-être très compétents et décapitent pour un temps le Hezbollah.
08:12Mais il y a les jeunes derrière qui arrivent et il y en aura de nouveaux.
08:15Et puis il y a une telle atmosphère de haine, il faut dire les choses, face à Israël,
08:21que la solution militaire n'est pas viable.
08:24Et je pense que la grande erreur d'Israël actuellement, c'est de poursuivre le rêve d'une supériorité militaire absolue
08:30qui lui assure la sécurité. Il n'y a que la diplomatie qui finira par rassurer.
08:34Alors justement, on va y revenir après sur la diplomatie.
08:36Mais cette fameuse résolution 17-01 que mentionnaient Rina Bassiste, Anthony Samrani,
08:42pourquoi est-ce que finalement, ça fait 18 ans qu'elle n'a pas été appliquée ?
08:48Il faut déjà bien préciser qu'elle n'a été appliquée ni par le Hezbollah ni par Israël.
08:53Les deux parties, en l'occurrence, ne respectent pas la résolution.
08:56Le Hezbollah, tout simplement, parce qu'il considère que le sud du Liban, c'est à lui, c'est chez lui.
09:02Et il a besoin de faire peser une menace constante sur Israël,
09:09non seulement pour alimenter son discours de rhétorique, de participation à la résistance
09:16dans le cadre de la cause palestinienne, mais surtout parce que c'est un moyen de dissuasion
09:22dans le cadre d'une potentielle guerre israélo-iranienne.
09:26Aujourd'hui, le Hezbollah serait prêt à faire des concessions sur ce sujet.
09:33Il donne beaucoup de signes depuis le 8 octobre qu'il serait prêt,
09:36non pas à appliquer strictement, je pense, la 1701,
09:40mais à donner l'illusion qu'il se retire en partie du sud.
09:44Mais il ne le fera qu'à condition que la guerre de Gaza se termine,
09:48qu'à condition qu'il ait le sentiment qu'il n'ait pas été d'une part humilié et d'autre part défait.
09:53Mais en même temps, il y a des tirs de roquettes du Hezbollah depuis le 7 octobre,
09:58sans arrêt sur Israël.
10:00C'est ça aussi le problème, Sarah Daniel.
10:03Ce que j'ai trouvé très intéressant en faisant ce voyage dans le Hezbollah-Land,
10:07c'est de voir à quel point, en pendant des Israéliens qui ont aussi ce syndrome
10:13de la peur de la disparition, surtout depuis le 7 octobre,
10:17la population chiite avait aussi ce syndrome-là.
10:22C'est-à-dire qu'ils ont un peu la crainte de voir les Israéliens avancer,
10:29quoi qu'il arrive, et envahir le sud.
10:32Face à ces deux terreurs, c'est très dur, à mon avis, d'amorcer une désescalade.
10:37On a un peu l'impression que dans sa manche, Israël,
10:40si vous voulez qu'on en ait à la phase 2 de l'escalade,
10:43qui a encore beaucoup, beaucoup de...
10:45Parce qu'à chaque fois, c'est un peu plus.
10:47A chaque fois, c'est encore quelqu'un qui est ciblé, c'est encore une autre...
10:51Et en même temps, de l'autre côté, on voit que le Hezbollah n'a aucune intention,
10:56même s'ils se sont affaiblis.
10:58Et moi, j'ai vraiment vu des gens, au moment où ils écoutaient...
11:01J'étais dans la banlieue sud de Beyrouth, au moment où il y avait le discours de Nasrallah.
11:05On voit vraiment que les gens du Hezbollah accusent le coup très durement.
11:10Et qu'ils ont été... Il y a eu une guerre.
11:12Je ne sais pas si les Israéliens pourront vraiment affaiblir le Hezbollah,
11:15mais en tout cas, ils l'ont affaibli psychologiquement.
11:17Ça, c'est indéniable.
11:19Les gens accusent vraiment le coup.
11:21Mais en même temps, ils ne veulent pas arrêter les combats.
11:24Donc je pense qu'on est partis pour une escalade assez dangereuse.
11:27Vous pensez aussi à une escalade. On va revenir après sur la diplomatie.
11:30Mais c'est un peu votre sentiment aussi, votre analyse, Rina Bassist ?
11:33Oui, on a l'impression qu'on y va dans cette direction.
11:36Maintenant, il faut dire que je pense que personne en Israël, y compris Netanyahou,
11:40ne pense pas que cette guerre va être...
11:42Ce conflit contre le Hezbollah va être résolu avec des moyens militaires.
11:46L'idée est plutôt, justement, de mettre encore la pression opérationnelle ou psychologique.
11:53Les deux sur Hezbollah, justement, pour que Hezbollah, affaibli,
11:58va accepter d'entrer dans des négociations.
12:01Le problème, l'accord de problème est qu'en fait, Hezbollah, comme c'était dit,
12:05a fait la liaison entre ce qui se passe à Gaza et le conflit avec Israël.
12:13Disons qu'ils ne vont pas arrêter les tirs avant qu'il y ait un accord entre Israël et Hamas.
12:19Or, on sait que ces négociations sont bloquées.
12:22Ils sont bloqués, Israël, par des moyens militaires qui ne sont peut-être pas les bonnes.
12:27Mais c'est ça que j'essaie d'expliquer.
12:29Le point de vue israélien, justement, c'est d'essayer de déconnecter les deux choses
12:34pour forcer Hezbollah à entrer dans des négociations pour impliquer la résolution 17-01.
12:41On va y revenir, Jean-Duc, c'est exactement à ce que contient cette proposition.
12:45En tout cas, c'est une proposition d'accord à la fois américain, français, européen
12:49et puis aussi un certain nombre de pays d'arabes qui se sont joints à cette initiative à l'ONU.
12:53Avant ça, je voudrais que vous regardiez le reportage de notre envoyé spécial Karim Yahoui au Liban.
12:59Il est allé au sud, justement. Il faut savoir qu'il y a plus de 100 000 déplacés maintenant au Liban.
13:04Une partie, d'ailleurs, de la population même fuit en Syrie.
13:07Et puis surtout, ils sont nombreux à fuir vers le nord. On regarde son reportage.
13:11Zeynep goûte un moment de repos après des heures de route pour fuir les raids aériens dans le sud du pays.
13:20Que voulez-vous que je vous raconte ? Notre premier voyage ou notre second voyage ?
13:25Car il y a 11 mois, on a déjà fui notre village de Kfar Kela.
13:29Et depuis, on était à Karnoun. On a dû quitter aussi. Et là, on ne sait plus où aller.
13:37Le mari de Zeynep est resté derrière. Il tentera de les rejoindre plus tard.
13:44On va à Beyrouth. On ne sait pas encore trop où. On doit trouver une maison.
13:49L'essentiel, c'est qu'on ait quitté la zone des bombardements.
13:52Des familles comme celle-ci, il y en a des milliers qui ont fui les frappes israéliennes dans le sud du Liban.
13:57Zeynep et ses proches ont la chance d'avoir trouvé un endroit où dormir.
14:01La nuit est tombée sur Beyrouth.
14:03Zeynep a fini par trouver un point de chute dans le quartier populaire de Karm el-Zeytoun,
14:08dans un logement où il y a déjà plusieurs familles de sa région.
14:14Dans le village d'Arouf, une famille de 10 personnes a été décimée.
14:17Des civils. Il n'y avait pas de combattants ou de stock d'armes chez eux. Ils visent les civils.
14:24Je veux rentrer chez moi. Je veux rentrer à la maison.
14:27Même si je dois rentrer et m'asseoir sur le bord de la route devant ma maison détruite.
14:33Zeynep et les autres ne pensent qu'à rentrer chez eux.
14:36Et ils surveillent sans cesse la moindre information, faisant état d'une accalmie.
14:44Jean-Luc Niassi, on peut dire que le Liban est en guerre aujourd'hui ?
14:47En fait, il est en guerre depuis… ça a commencé avec la guerre civile en 1975.
14:53Et de façon ininterrompue, le Liban a été en guerre, soit contre un moment les Palestiniens, soit entre eux.
15:01Il y a eu des incidents, il ne faut pas oublier, au sein du monde chiite,
15:04entre les partisans du Hamas et les partisans du Hezbollah, que le Hezbollah a gagné.
15:10Il a été en guerre en permanence, pratiquement, à partir de 1974…
15:16Enfin, un peu plus tard, 18 avec Israël, en permanence, il y avait des incidents à la frontière,
15:22soit par l'OLP, soit ensuite par le Hezbollah.
15:26Donc, en fait, ensuite il y a eu la Syrie…
15:30Enfin, le Liban n'a pas cessé d'être en guerre.
15:34C'est un pays martyr, il faut dire les choses.
15:36Anthony Samrani, c'est un pays martyr, le Liban ?
15:40C'est un pays martyr, je ne sais pas, je l'espère pas.
15:43Mais est-ce que nous sommes en guerre aujourd'hui ?
15:45Oui, c'est évident, nous sommes en guerre…
15:47Enfin, le pays est en guerre depuis le 8 octobre,
15:50et ce qui rend la situation très particulière, c'est que le Liban lui-même ne mène pas la guerre,
15:56c'est le Hezbollah qui mène la guerre, mais le Liban paye le prix de cette guerre.
16:00Israël ne fait pas la guerre qu'au Hezbollah.
16:02Israël, aujourd'hui, qu'il le veuille ou non, fait également la guerre au Liban,
16:06puisque les centaines de civils qui sont morts lundi,
16:10même s'ils peuvent être sympathisants du Hezbollah,
16:13n'en restent pas moins des civils.
16:16Il y a 70 000 Israéliens du nord d'Israël qui voudraient rentrer chez eux.
16:20C'est l'objectif également de Benyamin Netanyahou lorsqu'il a commencé à s'attaquer,
16:24à passer à cette nouvelle phase de la guerre contre le Hezbollah.
16:27On va écouter un certain nombre de réactions d'Israéliens qui habitent à Haïfa,
16:31dans le nord d'Israël.
16:32Je suis contre un cessez-le-feu.
16:34Israël doit s'assurer que les deux parties cessent le feu.
16:37Le Hezbollah doit respecter la résolution 1700
16:40et doit se retirer derrière le fleuve Litani,
16:43retirer ses soldats, retirer ses armes,
16:46et permettre aux citoyens israéliens du nord de rentrer chez eux.
16:54J'ai vécu une guerre très difficile.
16:58J'ai vécu la guerre de 2006.
17:00C'était très effrayant et nous avons encore des traumatismes.
17:03Nous sommes très effrayés à l'idée de revivre la même chose qu'en 2006.
17:07Même si nous savons que la défense est meilleure aujourd'hui,
17:10la crainte est toujours présente.
17:18Nous ne voulons pas seulement cesser le feu, nous voulons la paix.
17:22La vie est différente.
17:24Il y a trop d'incertitudes.
17:26Nous ne savons pas quand ça finira.
17:28Je pense qu'une offensive terrestre n'est pas la solution.
17:31Elle entraînera une escalade.
17:33Plus de missiles sur nous, plus de dégâts.
17:36Ce n'est pas la solution.
17:38Irina Bassist voit effectivement que cette offensive terrestre,
17:41les Israéliens, enfin une partie de la population, la craint.
17:44Parce qu'on a l'impression que ça ravit de tout le monde
17:47et qu'il y a beaucoup de gens qui sont là.
17:51On a l'impression que ça ravit de tous les côtés ces traumatismes.
17:54Il y avait un professeur libanais qui était là il n'y a pas très longtemps.
17:57Il disait que tous ces peuples ont ces traumatismes
18:00qui sont ravivés à chaque fois qu'il y a un nouveau conflit.
18:03Oui, c'est ravivé.
18:05Mais là, on a une situation que les Israéliens n'ont pas encore vécue.
18:08On parle d'11 mois où des milliers de personnes ne vivent plus chez eux,
18:13avec des villes qui sont devenues fantômes,
18:16avec toute une région, une grosse partie d'Israël,
18:19qui s'est vidée complètement.
18:21Et ça, c'est quand même inédit pour Israël.
18:24Donc c'est vrai, ce conflit dure depuis très très longtemps.
18:28Mais la situation a changé, et pour le pire.
18:32C'est ça, en fait, c'est ça la raison, je pense,
18:34pour ce qu'on a attendu, ces craintes,
18:36et bien sûr, de la continuation de l'escalade.
18:40Alors la diplomatie a-t-elle une chance d'aboutir ?
18:43Aux Nations Unies, en tout cas, il y a eu une lueur d'espoir hier soir,
18:46puisque une résolution, enfin une résolution, on dirait plutôt un accord,
18:50une présentation d'une, comment dire, du côté de la diplomatie,
18:56c'est pas vraiment une résolution, c'est une sorte d'initiative, on va dire.
18:59Une initiative, Etats-Unis, France, Union Européenne, pays arabes,
19:05donc un certain nombre de pays arabes, il me semble qu'il y a les Émirats,
19:08l'Arabie Saoudite, qui appellent à un cessez-le-feu immédiat
19:11de 21 jours sur, justement, cette frontière,
19:14cette fameuse ligne bleue entre le Liban et Israël,
19:17signée aussi par l'Australie, le Canada, le Japon,
19:20et je le disais, l'Arabie Saoudite, les Émirats, et puis aussi le Qatar.
19:24Jean-Noël Barreau, le ministre des Affaires étrangères français,
19:27a évoqué cette initiative lors d'une réunion d'urgence au Conseil de sécurité de l'ONU,
19:33on va l'écouter.
19:36Nous travaillons à une plateforme de cessez-le-feu temporaire
19:40permettant d'engager des négociations pour une solution diplomatique plus durable.
19:46Cette plateforme devrait être rendue publique prochainement
19:53et nous souhaitons qu'elle puisse être acceptée par les deux parties.
20:00Nous allons donc poursuivre ces efforts dans les prochaines heures
20:03et je me rendrai prochainement à Beyrouth pour y contribuer
20:07et pour réaffirmer que la France soutient la stabilité du Liban
20:11et se tient, comme depuis toujours, aux côtés du Liban.
20:15Jean-Douglas Nassir, alors est-ce qu'il y a tout de même une lueur d'espoir là ?
20:18Elle vient d'être éteinte.
20:20Elle vient d'être éteinte à cause des propos de Benjamin Netanyahou ?
20:23Il sortait de la coalition s'il y avait le cessez-le-feu,
20:27c'est-à-dire qu'il ferait tomber le gouvernement israélien.
20:32Smotrich l'a suivi tout de suite
20:35et vous avez entendu aussi beaucoup d'Israéliens pour des raisons évidentes.
20:39Quand vous avez 100 000 déplacés,
20:41ils pensent qu'ils vont régler le problème militairement
20:44et qu'il faut le régler militairement.
20:47Ce genre d'initiative, il était nécessaire de le faire
20:52mais malheureusement ça a été tué dans l'œuf.
20:54Vous vous dites tout de suite que c'est tué dans l'œuf.
20:56On va l'écouter d'ailleurs, Bengvir, le ministre de la Sécurité nationale israélien.
21:02C'est le moment de continuer à infliger des coups puissants au Hezbollah
21:06comme le font actuellement les forces de défense israéliennes au Liban.
21:09C'est la raison pour laquelle vous ne devez pas relâcher la pression.
21:12N'arrêtez pas le feu.
21:14Si un cessez-le-feu est signé, mon parti ne sera plus lié à la coalition.
21:18Si le cessez-le-feu temporaire devient permanent,
21:21que c'est une capitulation et un abandon, nous démissionnerons du gouvernement.
21:25Daniel, vous êtes d'accord avec ce que vient de dire Jean de Glinassi ?
21:28Il y a des paroles, il y a effectivement une menace de faire exploser la coalition en Israël.
21:34Mais bon, il y a tout de même eu une initiative.
21:37Si vous voulez, les gens de l'initiative, les diplomates font leur travail.
21:40Malheureusement, en effet, je ne vois vraiment pas comment ça pourrait aboutir
21:43alors qu'il n'y a même pas besoin des menaces de Bengvir.
21:46Je pense que Netanyahou lui-même est convaincu qu'il y a un moment historique,
21:49qu'il y a une double justification, une justification morale depuis le 7 octobre,
21:55qui est quand même le 11 septembre des Israéliens,
21:58et que donc il faut en effet éradiquer le plus possible,
22:01enfin essayer de retrouver une paix en éradiquant militairement le plus possible le Hamas puis le Hezbollah.
22:08Et puis voilà, il y a cette opportunité aussi, cette fenêtre de tir,
22:11où toutes les planètes sont un peu alignées pour Israël,
22:14avec un Iran qui veut passer des accords avec les États-Unis
22:17et avec des Américains qui sont totalement derrière Israël en ce moment.
22:21Donc ça veut dire, vous êtes d'accord Anthony Samrani ?
22:24Vous avez quand même un peu d'espoir qu'une initiative puisse aboutir à un moment donné ?
22:29Il y a une fenêtre diplomatique qui est extrêmement étroite,
22:33en raison du fait que les Iraniens semblent prêts à faire quelques concessions.
22:39Mais Benjamin Netanyahou aujourd'hui a le sentiment qu'il a l'avantage,
22:43il a le sentiment qu'il est en train de gagner, qu'il est en train d'affaiblir le Hezbollah,
22:47sans avoir à en payer le prix, puisque le Hezbollah de son côté,
22:50pour l'instant, n'a pas utilisé les missiles de haute précision de son arsenal
22:56qui pourraient faire d'énormes dégâts et des victimes en Israël.
23:00Donc il n'a aucune raison d'arrêter aujourd'hui,
23:03sauf si les États-Unis exercent une forte pression sur lui.
23:07Or les États-Unis envoient des signaux contradictoires.
23:10Ils ne semblent pas mécontents que le Hezbollah soit affaibli,
23:13tant que nous ne sommes pas dans un scénario d'embrassement régional.
23:16Jean-Luc Ghiasi ?
23:17Oui, j'approuve totalement ce qui vient d'être dit.
23:20En fait, on voit le processus de paix qui aboutit à Oslo.
23:23Il a démarré parce que le secrétaire d'État américain, James Baker,
23:29a suspendu 10 milliards de prêts, de garanties de prêts pour Israël
23:33et qu'à ce moment-là, Shamir a commencé à s'inquiéter,
23:36et ça a lancé le processus de paix.
23:38Actuellement, les Américains envoient, comme l'a dit très bien le patron de...
23:44Anthony Samrani.
23:45Monsieur Samrani, le signaux est contradictoire, le signal est contradictoire.
23:50Il envoie des armes qui permettent à Israël de continuer à bombarder Gaza
23:55et d'attaquer le Liban, pour toutes les bonnes raisons qui soient.
23:59Et puis en même temps, on envoie de l'aide humanitaire
24:03et on dit qu'on veut la paix dans la région.
24:05Ce n'est pas une bonne politique.
24:07Ça ne réglera pas la question.
24:10Rina Bassis, mais à partir du moment où le Hezbollah est affaibli
24:13et où l'Iran montre des signes de ne pas être trop agressif,
24:17en tout cas c'était le cas du président iranien hier,
24:20pourquoi ne serait-ce pas l'opportunité pour Benyamin Netanyahou
24:23ou pour Israël de se lancer dans une négociation ?
24:25Ça pourrait être le contraire.
24:27Il peut en tirer avantage de l'affaiblissement du Hezbollah
24:32en allant plus fort militairement,
24:34mais il peut aussi se dire que les gains sont là
24:37et que c'est maintenant qu'il faut négocier.
24:39Tout à fait.
24:40D'abord, il faudra se décider à quel moment on dit que les gains sont là.
24:43C'est ça en fait le cœur de la question.
24:46Jusqu'à quel point Israël veut affaiblir Hezbollah
24:49avant d'entrer dans les négociations.
24:51Mais il ne faut aussi pas oublier que des négociations,
24:54ce n'est pas quelque chose qu'on doit commencer aujourd'hui.
24:56Ça fait des mois qu'il y a deux propositions sur la table.
24:59Il y a la proposition américaine et il y a la proposition française
25:02qui étaient en train d'être négociées depuis deux mois
25:05et Hezbollah ne les a pas acceptées.
25:07Donc, venir maintenant et dire qu'il y a une initiative,
25:11c'est très bien, mais il ne faut pas oublier
25:14que Hezbollah avait tout le temps d'accepter déjà.
25:17Ça, ce n'est pas quelque chose de nouveau.
25:20Il y avait une réaction très intéressante un peu plus tôt
25:23dans la journée de la part du chef de l'opposition israélienne,
25:26Yair Lapid.
25:27Qu'est-ce qu'il a dit Yair Lapid,
25:28qui n'est pas du tout un fan de Netanyahou,
25:30on ne peut pas le soupçonner de telle chose.
25:33Il a dit, bien sûr, il faut aller vers un accord,
25:36mais il faut donner une semaine, pas trois semaines,
25:39et cesser les feux, pas plus que ça.
25:42Pourquoi ? Parce qu'il ne faudra pas que cette période de trêve
25:47devienne en fait une période où Hezbollah aura le temps
25:51de se réorganiser, remettre les choses en place
25:54et relancer son offensive contre Israël.
25:57Absolument.
25:58Je pense que le problème, c'est avec qui vous négociez.
26:00Il faut rappeler que je pense que l'Israël
26:03ne fait aucune confiance au Hezbollah.
26:05Il faut rappeler en deux mots ce que c'est que le Hezbollah.
26:08C'est quand même un parti chiite,
26:11et nourri à la martyrologie d'Ali, du Seine,
26:16et qui est prêt à aller, je ne sais pas s'ils sont prêts
26:19à aller jusqu'au suicide.
26:20Enfin, il y a quand même un côté comme ça,
26:22jusqu'au bouddhiste et eschatologique,
26:25et donc je ne les vois pas du tout en train d'arrêter de se battre.
26:29Si vous voulez, l'essence du parti, c'est quand même
26:31la fin de l'entité sioniste.
26:33Donc, ils ne vont pas tout d'un coup faire un accord de paix
26:38et penser que tout va aller mieux dans le meilleur des mondes
26:41entre les deux pays.
26:42Anthony Samrani, en tout cas, peut-être pas un accord de paix,
26:45mais au moins un cessez-le-feu possible.
26:50Je pense que même sur le Hezbollah,
26:52c'est beaucoup plus nuancé aujourd'hui.
26:54C'est un parti qui est confronté à de multiples réalités,
26:57qui a beaucoup évolué.
26:58Je ne vais pas, moi, défendre le Hezbollah loin de là.
27:01Je dis juste qu'il faut l'approcher, à mon avis,
27:03avec un discours plus nuancé.
27:08Est-ce qu'il est prêt à un cessez-le-feu ?
27:10Oui, je pense qu'il pourrait être prêt à un cessez-le-feu
27:13à condition de pouvoir sauver les apparences.
27:16Parce que le Hezbollah sait qu'il a déjà beaucoup perdu,
27:19sait qu'il peut perdre encore plus.
27:21À mon avis, il y a deux questions qui sont essentielles aujourd'hui.
27:24La première, c'est qu'est-ce que cherche à faire Israël ?
27:27Est-ce qu'Israël cherche à affaiblir le plus possible
27:30son adversaire jusqu'au moment où la phase de négociation
27:34pourra commencer ?
27:35Ou est-ce qu'il cherche à l'épuiser pour préparer une offensive
27:39d'une plus grande ampleur qui impliquerait probablement
27:42une incursion terrestre et un bombardement intensif
27:45de la banlieue sud ?
27:46La deuxième question essentielle, c'est jusqu'à quel point
27:50l'Iran peut accepter que le Hezbollah soit affaibli ?
27:55Pour l'instant, clairement, l'Iran préfère un Hezbollah affaibli
27:59à une guerre totale.
28:01Est-ce que ce sera encore le cas si l'escalade israélienne
28:04se poursuit ?
28:05Et est-ce que ce sera encore le cas si l'escalade israélienne
28:08menace directement les missiles de haute précision
28:12qui sont un élément essentiel du point de vue de l'Iran
28:16de sa stratégie de défense ?
28:18Je t'en ai glissé assis.
28:19Justement, la position de l'Iran est peut-être un peu surprenante.
28:22On a l'impression qu'ils ont plutôt émis le message
28:25que le Hezbollah devait se débrouiller tout seul.
28:27C'est ça la position de l'Iran aujourd'hui ?
28:30De toute façon, le Hezbollah n'est pas entièrement à la botte de l'Iran.
28:34C'était quand même le bras armé de l'Iran.
28:36C'est ce qu'on disait du Hezbollah.
28:37Oui, dans une certaine mesure, mais c'est un parti libanais aussi.
28:40Oui, c'est évidemment un parti libanais.
28:42C'est là où cette complexité doit être remise.
28:44Mais en même temps, d'après ce que j'ai compris,
28:46c'est presque une intégration, en fait.
28:48C'est-à-dire que Nasrallah a un rôle, même au niveau
28:51de la résistance de la région, même pour l'Iran.
28:55Donc c'est très intégré.
28:57Disons que c'est un parti libanais.
28:59Mais si l'Iran disait feu vert aujourd'hui pour balancer,
29:02envoyer tous les missiles sur Israël, il le ferait.
29:06Il y aurait des tensions internes, mais il le ferait.
29:08Donc il ne le fait pas pour l'instant, l'Iran.
29:09Il ne le fait pas, mais il y a une évolution en cours.
29:12Vous avez dit qu'il y avait à l'intérieur même du Hezbollah
29:15des tensions aussi.
29:17La situation est très complexe.
29:19Moi, je voudrais revenir à un point qui est fondamental.
29:22C'est que tout le monde s'est mis d'accord, en fait,
29:24pour, alors il nous a bien aidés, enfin il les a bien aidés,
29:27pour affaiblir le Liban.
29:29Le Liban a été considéré dans les années 80
29:31comme le réceptacle pour les réfugiés palestiniens
29:33qui permettait de régler la question palestinienne.
29:35Puis ensuite, l'État a été affaibli successivement.
29:40Il n'y a que la France, par la Syrie bien entendu,
29:43par Israël qui n'a cessé de bombarder l'OLP,
29:47mais en fait Beyrouth aussi.
29:49À l'époque, Mitterrand, qui était pourtant un ami d'Israël,
29:52avait parlé même d'un quasi-Horadour-sur-Glane.
29:55Donc il n'y avait que la France qui soutenait le Liban.
29:58Quand vous affaiblissez un État qui ne peut plus remplir ses fonctions,
30:01il ne peut pas garantir l'application de la résolution 1701.
30:05Il ne peut pas exercer son autorité au sud du Litani.
30:11Enfin, en tout cas, du côté israélien, au sud du Litani.
30:16Et donc, c'est ça.
30:19Donc en fait, il ne peut pas y avoir de paix
30:21s'il n'y a pas un État libanais constitué et renforcé.
30:25C'est une priorité absolue.
30:27– Anthony Samarani, je vous fais réagir aussi, juste après.
30:29Mais un État libanais, on sait qu'on dit même maintenant
30:32que le Hezbollah est au-dessus d'un pays sans État.
30:36Et on sait que le Liban va mal économiquement, politiquement.
30:41Il n'y a toujours pas de président.
30:43Enfin, on ne le découvre pas.
30:44Mais c'est sûr que ça n'aide pas, j'imagine, la situation actuelle.
30:47– Le Hezbollah est, à mon sens, un État au-dessus d'un non-État.
30:52Mais comment est-ce qu'on construit un État libanais aujourd'hui dans ce contexte ?
30:57Je ne sais pas si on a plusieurs heures,
30:59mais c'est quand même une question extrêmement complexe
31:02qui dépend de facteurs internes.
31:04Il est clair qu'on ne pourra combattre le Hezbollah
31:07qui joue un multiple rôle, notamment social, culturel,
31:11au sein de la communauté shérite, qu'en construisant un État.
31:15Et en même temps, cet État aurait besoin de conditions favorables
31:19sur la scène régionale, que ce soit dans le conflit israélo-palestinien
31:23avec la création d'un État palestinien,
31:26que ce soit également en Syrie,
31:28avec une forme de transition de pouvoir en Syrie,
31:33et également en Iran, avec au moins un affaiblissement du régime de Téhéran,
31:38si ce n'est une évolution du régime.
31:41Tout ça aujourd'hui paraît très utopique, très illusoire,
31:45et il faut plutôt réfléchir dans le contexte actuel
31:48qu'est-ce qui est réaliste.
31:50Et ce qui est réaliste, probablement, c'est de trouver un accord
31:54dans lequel le Hezbollah serait probablement affaibli en réalité,
31:58mais pourrait sauver les apparences sur la scène publique.
32:02Rina Bassist, sur justement une possibilité d'accord.
32:05Il ne faut pas oublier aussi que, normalement,
32:07il y a aussi toutes ces discussions autour d'une trêve
32:10pour une libération des otages d'un côté,
32:13les otages du Hamas à Gaza,
32:15contre une libération des prisonniers palestiniens.
32:18On a l'impression qu'on n'en parle plus, en fait,
32:21avec cette nouvelle guerre, ce nouveau front de guerre.
32:24Ce n'est pas qu'on n'en parle plus,
32:26mais les négociations ne bougent plus.
32:29Ça ne bouge plus du tout de ce terrain.
32:31Ça ne bouge pas du tout.
32:33On ne voit pas, en fait, un horizon pour un accord.
32:36C'est justement l'accord des problèmes,
32:38parce que M. Nasrallah a fait très clairement comprendre
32:41qu'il n'arrêtera pas l'hostilité contre Israël
32:43tant qu'il n'y aura pas d'accord.
32:45Comme, pour l'instant, ça ne bouge pas,
32:47on ne peut pas envisager que les conflits avec le Hezbollah s'arrêtent.
32:50Un petit mot peut-être aussi sur l'Iran,
32:53parce qu'il ne faut pas être naïf non plus.
32:57Bien sûr, l'Iran n'a pas l'intérêt maintenant
33:00d'inciter une guerre avec Israël.
33:03Mais pourquoi l'Iran ne veut pas inciter une guerre avec Israël ?
33:06D'abord, on sait que la situation économique est terrible en Iran.
33:10Ils ont besoin de l'Occident.
33:12Ils ont besoin qu'on lève les sanctions.
33:14Donc, ce n'est pas vraiment le moment pour eux
33:16d'entrer dans une dispute ouverte avec les États-Unis.
33:19Ça, c'est une chose.
33:21Et après, bien sûr, il y a les programmes nucléaires.
33:23Et les programmes nucléaires, c'est un intérêt national iranien
33:27qui prime même sur l'alliance avec le Hezbollah
33:31et sur l'utilisation du Hezbollah contre Israël.
33:34C'est ça, les intérêts des Iraniens.
33:36Sarah Daniel, sur l'Iran, justement.
33:39Oui, sur l'Iran, l'Iran n'a en effet pas du tout
33:43intérêt en ce moment à lancer une guerre avec Israël.
33:47Mais en revanche, l'opposé n'est pas vrai.
33:50C'est-à-dire qu'Israël a tout intérêt de profiter de ce momentum
33:53pour essayer d'amener les États-Unis
33:55à être beaucoup plus agressifs vis-à-vis d'Israël.
33:58Et notamment vis-à-vis de l'Iran.
34:00Et notamment sur toutes les questions nucléaires, justement.
34:03Pour éviter toute cette prolifération
34:05qu'il pourrait y avoir dans la région.
34:07Mais pour revenir deux minutes sur les négociations diplomatiques,
34:10il y a quand même un abonné absent qui est très préoccupant.
34:14C'est le Liban lui-même.
34:16Parce que finalement, on négocie avec le Hezbollah, c'est bien.
34:19Mais il faudrait aussi associer un État libanais qui est donc absent.
34:23Il y a le Premier ministre Mikati qui est aux Nations Unies en ce moment.
34:26Oui, il y a le Premier ministre.
34:28Et surtout, au moment de toutes les révoltes de la jeunesse au Liban,
34:32on peut quand même souligner le fait
34:34que les hommes politiques libanais n'ont pas réussi à se réformer eux-mêmes.
34:39Les grands oligarques qui dirigent la politique libanaise
34:42n'ont pas réussi à trouver un accord,
34:45à introduire plus de démocratie dans le pays.
34:51Et donc voilà, c'est aussi le résultat de cet état de fait.
34:54Vous êtes d'accord, Anthony Samrani ?
34:56Effectivement, on avait beaucoup couvert ici,
34:58tous ces jeunes qui se tenaient la main partout au Liban,
35:01il y a quelques années, pour justement changer la classe politique,
35:04donner plus de démocratie.
35:06Il y a dix ans, il y avait quand même des élections.
35:09Alors, ça paraît loin.
35:11Ça paraît très loin.
35:12Ça paraît loin.
35:14L'État a quasiment disparu.
35:16Au Liban, il n'en reste plus que des résidus.
35:19Et en même temps, je pense qu'il faut garder un peu d'espoir
35:22sur ce point-là à long terme.
35:25Les printemps arabes ont surpris tout le monde.
35:28La contre-révolution a triomphé presque partout dans la région.
35:32Quelques années plus tard, il y a eu des mobilisations en Algérie,
35:35en Irak, au Soudan, au Liban.
35:37Je pense qu'il s'est passé quelque chose qui,
35:40au-delà du Liban, à l'échelle du monde arabe,
35:43qui va nécessairement revenir.
35:45Ça va prendre du temps, ça prendra des années,
35:47peut-être des décennies.
35:48Mais là-dessus, je pense qu'on peut garder un brin d'espoir.
35:52Vous avez un brin d'espoir.
35:53Jean-Luc Néasty, est-ce que la communauté internationale
35:55est aussi responsable de ce qui se passe globalement
35:58dans cette région ?
36:00L'absence des États-Unis qui se retirent depuis de nombreuses années
36:03du Proche-Orient ?
36:05Tout le monde a sa part de responsabilité.
36:08Les Libanais aussi, c'est clair.
36:13Ils n'ont pas réussi à renforcer leur État.
36:16Tout le monde a sa part de responsabilité.
36:19Ce qui est sûr, c'est que...
36:21Qu'est-ce que la communauté internationale peut faire ?
36:24Ils sont tous à l'ONU, à New York.
36:26On parle de réformer le Conseil de sécurité.
36:28On voit bien qu'ils bloquent tout,
36:30puisqu'à chaque fois, il y a le veto russe.
36:32Ça, c'est une histoire classique.
36:34Une histoire classique ou veto américaine.
36:35La situation est très simple.
36:37Personne ne veut l'explosion.
36:39Tout le monde voudrait un accord de paix,
36:41que ce soit les Américains,
36:42parce qu'on est en période préélectorale,
36:44mais ça implique d'autres conséquences.
36:46Parce qu'en plus, il y a l'élection américaine.
36:47Les Français, bien entendu,
36:48parce que le Liban, c'est important pour eux.
36:50L'Iran, exceptionnellement,
36:52arrive un peu la queue basse pour dire
36:54et si on commençait à négocier
36:56et on est prêt à faire des efforts, etc.
36:58L'Iran a qualifié d'invasion la guerre en Ukraine.
37:03C'est assez stupéfiant.
37:05Donc on est dans une phase
37:07où tout le monde veut éviter que ça explose
37:09et tout le monde voudrait la paix.
37:11Sauf que les Israéliens,
37:15le gouvernement tel qu'il est,
37:18ne subsiste que par la guerre.
37:20Voilà.
37:21Mais s'il faut avoir juste un tout petit mot d'espoir,
37:23moi je pense aussi pour le Liban,
37:25je pense que ça a souligné le fait
37:27que la majorité libanais,
37:29je crois 70% dans un sondage,
37:31mais moi j'ai pu le vérifier en parlant à beaucoup de monde,
37:33n'aiment pas le Hezbollah.
37:35Il y a une manière là, tout d'un coup,
37:37de l'isoler et de montrer que c'est lui le fauteur de guerre,
37:39que c'est lui qui, en effet,
37:41dont les actions finissent par revenir en boomerang
37:45pour déstabiliser et pour tuer les Libanais.
37:49Et donc je pense qu'on est peut-être dans un processus,
37:52à un moment, qui donnera un peu
37:54sa mise à l'écart de la vie politique libanaise.
37:57À condition qu'il n'y ait pas d'opération terrestre.
38:00Parce que là, pour le coup,
38:02l'ennemi, ça redeviendra, ça sera Israël, non ?
38:04S'il y a une vraie opération terrestre.
38:06Si on parle de la communauté internationale,
38:08je crois qu'il y a un acteur et un acteur seul
38:10qui peut basculer la balance.
38:12Ici, c'est les Américains.
38:14Je crois qu'à un moment, on se souvient bien,
38:16en Israël, en tout cas,
38:18quelques jours après le 7 octobre,
38:20il y avait le secrétaire général de l'ONU,
38:22M. Guterres, qui a donné un sort de contexte
38:24à ce qui s'est passé.
38:26Les Israéliens n'ont pas oublié ça.
38:28Depuis, il a multiplié ce genre de déclarations.
38:31Pour Israël, l'ONU n'est plus un acteur.
38:34– On l'y va quand même, hein ?
38:36Benjamin Netanyahou.
38:38– Il y va, justement, pour parler aux Américains.
38:40Pas pour parler aux autres.
38:42Ça, c'est sûr et clair aux Américains
38:44et aussi à son propre peuple.
38:46C'est aussi une occasion pour lui
38:48de parler aux Israéliens.
38:50Il est là, à New York.
38:52Mais c'est clair que ni l'ONU
38:54et peut-être même pas la France
38:56pourront jouer un rôle constructif
38:58dans ce conflit.
39:00– Anthony Samrani, est-ce qu'effectivement
39:02l'affaiblissement du Hezbollah
39:04pourrait au final, comme l'a dit Sarah Daniel,
39:06aboutir à quelque chose
39:08au sein de l'État libanais ?
39:10– Je pense que c'est un pari
39:12extrêmement risqué.
39:14D'une part, parce que cet affaiblissement
39:16va avoir un prix,
39:18un prix douloureux pour le Liban.
39:20Les civils qui vont mourir
39:22par centaines, peut-être par milliers.
39:24Les infrastructures qui vont être détruites
39:26dans toute une partie du pays
39:28alors que déjà, l'économie est exsangue.
39:30Et la radicalisation des esprits.
39:32Plus l'escalade israélienne
39:34va être forte, plus on va voir
39:36ce qui est déjà à l'œuvre à Gaza
39:38et dans une grande majorité
39:40du monde arabe aujourd'hui.
39:42C'est une radicalisation des esprits
39:44qui va mettre là aussi
39:46du temps à être apaisé.
39:48Deuxième chose,
39:50si le Hezbollah sort affaibli
39:52de sa confrontation avec Israël,
39:54il est fort possible
39:56que son premier réflexe
39:58soit d'essayer de réimposer sa force,
40:00réimposer sa puissance
40:02aux autres acteurs au Liban.
40:04Ça peut vouloir dire
40:06des nouveaux coups de force,
40:08le retour des assassinats politiques
40:10et donc une période
40:12très noire pour le Liban.
40:14Mais vous avez quand même
40:16une lueur d'espoir ce soir ?
40:18Pas concernant ce sujet, non.
40:20J'ai une lueur d'espoir à long terme
40:22concernant le fait qu'il y a
40:24une jeunesse arabe qui veut un changement
40:26et que ce changement finira
40:28un jour par aboutir.
40:30Donc là, tout le monde ce soir
40:32parait quand même plutôt sur une escalade,
40:34si je comprends bien, Jean de Guignacy.
40:36Cette initiative a l'air de tomber à l'eau.
40:38Un risque très fort, sauf si vraiment
40:40les Américains utilisent tous les leviers
40:42qu'ils ont pour l'empêcher.
40:44Mais en période électorale...
40:46Rina Bassist,
40:48vous pensez ?
40:50S'il y a un miracle,
40:52un changement, pas entre Israël et le Hezbollah,
40:54mais entre Israël et le Hamas,
40:56là, peut-être,
40:58il y aura une ouverture aussi.
41:00Ça veut dire lier, en fait, les accords avec le Hamas ?
41:02Voilà, soit si les négociations
41:04recommencent d'une certaine façon
41:06vers un accord entre Israël
41:08et le Hamas, s'il y aura
41:10une libération des otages, on pourra
41:12peut-être aussi arriver à un accord
41:14au Hezbollah, ou
41:16si Israël a une sorte
41:18d'entre guillemets,
41:20une sorte de photo de victoire,
41:22si Yachez Sinwar, par exemple,
41:24soit tué, là aussi, peut-être
41:26Israël va aller vers la fin de la guerre
41:28à Gaza, et
41:30de la même façon, pourra finir
41:32peut-être avec les conflits dans le Nord.
41:34Sarah Daniel. Moi, je ne pense pas que ça soit
41:36dans l'intérêt d'Israël, et donc
41:38je ne vois pas, je n'arrive pas
41:40à concevoir la désescalade
41:42à court terme. Pour l'instant, en tout cas,
41:44c'est plutôt l'escalade. Voilà
41:46la conclusion de cette discussion.
41:48Merci beaucoup d'avoir été avec nous, Anthony Samrani,
41:50d'avoir été avec nous en direct de
41:52Beyrouth. Les liaisons étaient bonnes, en plus.
41:54Merci. Rédacteur en chef de Lorient
41:56Le Jour. Merci Sarah Daniel.
41:58Merci beaucoup. Alors, à lire dans l'Ops,
42:00votre reportage, justement,
42:02au Liban. Merci Rina Bassis
42:04d'avoir été avec nous. Merci beaucoup aux gens de
42:06Glignasti. Merci à vous tous de nous avoir suivis.
42:08Vous retrouvez l'émission sur les réseaux sociaux
42:10et en podcast.

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