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TotalEnergies savait que les soldats chargés de protéger son site gazier au Mozambique étaient accusés de violenter, d’enlever et de tuer des civils, selon des documents consultés par « Le Monde ». Le groupe énergétique a pourtant continué, pendant plusieurs années, à leur verser une indemnité.
Couplés à l’analyse de vidéos et d’images satellite, ces documents témoignent d'abus récurrents, dont Total a été au courant pendant des années. Malgré cela, l’entreprise a poursuivi sa coopération avec l’armée mozambicaine jusqu’en octobre 2023.
#TotalEnergie #Mozambique #Oleoduc #Gaz

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00:00Ce calvaire, des dizaines de civils l'ont vécu ici, à l'intérieur de containers où ils ont été
00:14emprisonnés pendant plusieurs semaines. Nous sommes au Mozambique, sur le terrain de l'un des
00:20plus grands projets gaziers d'Afrique, opérés par Total Energy. Qui sont les responsables de
00:27ces exactions ? Et quelle est leur relation avec Total ? Le monde a consulté des rapports inédits
00:34de la multinationale, ainsi que des témoignages recueillis par le collectif d'investigation
00:39sources matérielles. Couplés à l'analyse de vidéos et d'images satellites, ils documentent
00:44des abus récurrents, des exactions dont Total était pourtant au courant pendant des années.
00:50Au Mozambique, Palmar est tombé aux mains des djihadistes. Plusieurs djihadistes armés ont fait
01:00irruption dans cette ville, tuant des dizaines de personnes. L'armée a lancé une offensive.
01:05Quand l'insurrection djihadiste qui fait rage au Mozambique arrive à Palmar,
01:09Total suspend son projet de gaz naturel liquéfié. Ses employés sont évacués,
01:15mais de nombreux villageois locaux, eux, restent. Le monde, en partenariat avec le
01:21collectif d'investigation sources matérielles, a recueilli leurs témoignages. Ils nous ont raconté
01:27leur enfer. Figo est un ancien pêcheur de 28 ans. Pour lui, tout commence le 21 juin lorsque les
01:35insurgés reviennent à l'attaque. Avec sa femme et ses parents, il se rend alors au village de
01:49Patakua, où il se croit en sécurité. Les soldats enferment les hommes
02:05dans deux conteneurs métalliques. Ils sont si nombreux qu'ils arrivent à peine à respirer.
02:09Ils sont régulièrement frappés et torturés. L'un d'eux a essayé de s'enfuir.
02:36Au moins cinq d'entre eux ont été tués. Certains prisonniers sont libérés au bout de quelques jours.
02:43Figo, lui, est resté enfermé plusieurs semaines. A cause de difficultés à marcher, il n'a pas pu
02:51reprendre son activité de pêche. Sources matérielles a pu interviewer cinq survivants. Leurs témoignages
02:58sont concordants. Nous n'avons pas pu déterminer le nombre total de civils enfermés. Mais d'après
03:06leur dimension, ces conteneurs ont une capacité d'environ 110 personnes debout, compressées.
03:11Contacté, le ministère de la Défense du Mozambique n'a pas répondu à nos questions
03:17sur ces événements. Dans un communiqué, ils réfutent les allégations d'atrocité.
03:23Elles se sont pourtant déroulées dans un lieu stratégique de la région,
03:30l'entrée de la concession du projet de totale énergie. Dans ce reportage de la
03:38télévision mozambicaine, les prisonniers des conteneurs ont été filmés. Au moins un des
03:47témoins interviewés par sources matérielles est reconnaissable sur ces images. Nous sommes bien
03:53à l'intérieur du site de total. On reconnaît la cabane au toit vert et le hangar. Quelle est la
04:03relation de ces soldats avec la multinationale ? Cet homme est le colonel Francisco Hassan,
04:10commandant du théâtre opérationnel spécial Dafungi. Cette zone spéciale est en fait le
04:17fruit d'un accord entre Total et le Mozambique. C'est ce qu'indique un communiqué de l'entreprise.
04:25Il a été supprimé de son site internet, mais nous avons retrouvé une archive. On peut-il lire
04:32que la sécurité de cette zone spéciale est garantie dans le cadre d'un accord conclu entre
04:37le gouvernement du Mozambique et Total ? En résumé, cet accord délègue la sécurité du site à des
04:44soldats et des policiers mozambicains. Total leur fournit un soutien logistique ainsi qu'une prime
04:51individuelle conditionnée au respect des droits humains. Une relation financière lourde de
04:56conséquences, comme l'affirme ce rapport mandaté par l'entreprise. En cas de violation des droits
05:02humains, ce lien engage directement la responsabilité du consortium. Nous avons questionné Total au
05:10sujet des civils séquestrés dans les containers. L'entreprise affirme n'avoir jamais reçu
05:16d'informations indiquant que de tels événements aient effectivement eu lieu. Elle ajoute qu'une
05:22enquête a été ouverte à sa demande par le procureur général du Mozambique. Pourtant,
05:29avant même ces tortures, Total savait que ses soldats avaient été accusés de nombreuses exactions.
05:35Elles ont été documentées par plusieurs ONG dès 2018, mais aussi par Total elle-même, dans des
05:42rapports inédits consultés par Le Monde. Ils ont été rédigés par les équipes de la filiale de Total
05:49au Mozambique, à destination de leur financeur public. L'un d'eux comporte les initiales des
05:55personnes qui l'ont approuvée. Les lettres RM pourraient correspondre à Maxime Rabillou, le
06:01directeur général du projet. Ses rapports détaillent notamment les nombreuses plaintes des habitants
06:07envers les soldats de la Joint Task Force qui protège le site. Ils dénombrent au moins six incidents,
06:13et ce dès avril 2021, soit trois mois avant l'incident des containers. Depuis le 2 avril,
06:21les habitants locaux ont régulièrement fait état de violation des droits humains commises par la
06:25Joint Task Force. Limitation de la liberté de mouvement, extorsion, violence, arrestation,
06:32disparition. Et ces accusations se poursuivent bien après le retour des employés de Total,
06:38en novembre 2021. Des accusations confirmées par les habitants interviewés sur place. Ils font
06:47état de violence et de viol. Une femme a été violemment frappée par un soldat qui lui devait
07:04de l'argent. Selon les rapports de Total, l'homme qui l'a passé à tabac faisait partie de la Joint
07:15Task Force. La prime de l'officier a été suspendue et il sera écarté du projet.
07:21Total dit avoir pris des mesures pour éviter ces abus, et ce dès la signature de l'accord
07:31de sécurité avec le Mozambique. En plus de la prime d'incitation à respecter les droits humains,
07:36elle a mis en place des formations en matière de sûreté et des droits humains, et un système
07:42de grief et d'investigation. Des mesures qui ne sont pourtant pas parvenues à stopper les
07:48violences, qui ont continué au moins jusqu'à septembre 2022. Malgré les alertes, Total a
07:54continué de verser des primes aux soldats qui protégeaient son site. L'entreprise n'a pas
08:00remis en question son partenariat avec l'armée avant octobre 2023, soit deux ans et demi après
08:06la séquestration dans les containers.

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