Montée des eaux (2/2): face aux impacts, le défi de l’adaptation

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L’élévation du niveau des mers est un phénomène progressif, et en bonne partie irréversible. Il est principalement causé par le changement climatique, provoqué par les activités humaines depuis plus d’un siècle. D'abord parce que des océans plus chauds occupent plus de place – on appelle ça la dilatation thermique de l’eau. Aussi parce que couplés au réchauffement de l’atmosphère, ils entrainent la fonte des glaciers terrestres qui finissent dans la mer.

Notre chance, ou notre grand malheur, c’est que la montée des eaux est un phénomène très lent à l’échelle des générations humaines. Elle est à peine perceptible au cours de la vie d’un individu, parce que les glaciers mettent beaucoup de temps à répondre à la hausse des émissions de gaz à effet de serre. L’élévation va donc durer des siècles, si ce n’est des millénaires.

Il est important de garder en tête que la fonte totale du Groenland provoquerait l’équivalent de 7 mètres d’élévation du niveau de la mer ; la fonte totale de l’Antarctique, 65 mètres. Et même en partant de l’hypothèse optimiste que tous les Etats respectent leurs engagements climatiques – ce qui nous emmènerait grosso modo à 3°C de réchauffement à la fin du siècle –, les projections laissent craindre le pire pour les prochaines décennies.

En bref, la montée des eaux promet d’impacter durement les côtes, les écosystèmes et à terme, toutes les sociétés humaines. Mais dans certaines régions du monde, notamment en Asie, ses conséquences sont déjà palpables. L'enjeu, désormais, c’est donc de repenser en partie nos modes de vie et nos infrastructures pour s'adapter à cette nouvelle donne.

Dans cette seconde partie, Gonéri Le Cozannet, chercheur au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), nous détaille la diversité des impacts attendus sur les littoraux, et les moyens d’y faire face.

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Transcription
00:00L'élévation du niveau des mers est un phénomène progressif et en bonne partie irréversible.
00:05Il est principalement causé par le changement climatique
00:08provoqué par les activités humaines depuis plus d'un siècle.
00:11Les gaz à eau vert, générés par la combustion des fuils fossiles,
00:16cuisinent notre planète.
00:18D'abord parce que des océans plus chauds occupent plus de place,
00:21on appelle ça la dilatation thermique de l'eau.
00:23Mais aussi parce qu'ils entraînent la fonte des glaciers terrestres qui finissent dans la mer.
00:28Le Groenland, c'est 7 mètres d'équivalent d'élévation du niveau de la mer potentielle, si tout fond.
00:36Et l'Antarctique, c'est 65 mètres.
00:38La montée des eaux va donc durer des siècles, si ce n'est des millénaires.
00:42Et même en partant de l'hypothèse optimiste que tous les États respectent leurs engagements climatiques,
00:47les projections laissent craindre le pire pour les prochaines décennies.
00:50On arrive à peu près à environ entre 50 cm et 1 mètre d'élévation du niveau de la mer
00:54à la fin du siècle, en 2100.
00:56Mais après, évidemment, ça continue à augmenter.
00:57Et ça continue à augmenter à à peu près 20 centimètres par an.
01:00Donc, ce n'est pas du tout négligeable.
01:01Revenons maintenant au présent.
01:03L'élévation du niveau des mers promet d'impacter durement les côtes, les écosystèmes
01:07et à terme, toutes les sociétés humaines.
01:10Car il y a un chiffre de l'Union internationale pour la conservation de la nature qu'il faut garder en tête.
01:15Dans le monde, 3,8 milliards de personnes résident à moins de 150 kilomètres du rivage.
01:20Le premier impact, en fait, ça va être des submersions à marée haute sur des secteurs
01:24où, à marée haute, on n'avait pas de submersion auparavant.
01:26En Guyane, par exemple, on a des événements de submersion à marée haute qui n'existaient pas avant
01:31à Cariennes, également dans l'ouest de la Guyane, et qui sont attribués à l'élévation du niveau de la mer.
01:35Le deuxième phénomène, ce sont en fait que lorsque vous avez des tempêtes ou lorsque vous avez des cyclones,
01:40en première approche, vous pouvez dire que le niveau de la mer ayant monté d'à peu près 20 centimètres depuis 1900,
01:45le niveau d'eau pendant la tempête, le niveau maximal, il sera à peu près 20 centimètres supérieur
01:49à ce qu'il aurait été en 1900, en fait.
01:51Donc là, on peut avoir effectivement des tempêtes qui sont de plus en plus intenses et fréquentes.
01:56Puis, il y a aussi l'érosion, qui dépend bien sûr de plusieurs facteurs,
02:00mais qui dépend en fait de plus en plus du niveau de la mer.
02:02C'est un phénomène, en fait, si vous voulez, qui est un problème aujourd'hui, l'érosion.
02:05On pense que la massification de l'érosion liée à l'élévation du niveau de la mer,
02:10ça va devenir perceptible plutôt dans la deuxième partie du XXIe siècle.
02:13Mais on commence à voir, en fait, des évidences que c'est en train déjà de commencer, en fait.
02:18Enfin, il y a un dernier impact qui est certes moins immédiat,
02:21mais qu'il faudra quand même sérieusement anticiper, c'est la submersion des zones basses.
02:25Le niveau de la mer, au bout d'un moment, en fait, s'élève tellement du fait du climat et de la subvidence
02:29que vous avez une inondation permanente des zones basses.
02:31Et ça, effectivement, c'est quelque chose qui va se passer à un moment un peu partout dans toutes les zones basses,
02:35sauf si, effectivement, on protège les côtes avec des digues, des choses comme ça.
02:40La montée des eaux est inévitable et ses conséquences sont déjà palpables.
02:44L'enjeu désormais, c'est de repenser en partie nos modes de vie et nos infrastructures
02:48pour s'adapter à cette nouvelle donne.
02:50Et pour pallier la menace, plusieurs options d'adaptation sont sur la table des gestionnaires côtiers.
02:55En gros, vous pouvez protéger, donc protéger, c'est par exemple construire des digues,
02:58mais ça peut être aussi restaurer des dunes pour éviter que les zones en arrière des dunes soient inondées pendant des tempêtes.
03:03Vous pouvez relocaliser, c'est-à-dire en fait enlever les enjeux
03:06et puis vous retirer de certaines zones qui sont très exposées.
03:09Vous pouvez également accepter qu'il y ait certaines inondations à certaines parties de l'année, en fait,
03:14et faire en sorte que les dommages soient les moins négatifs possibles.
03:17Donc c'est ce qu'on appelle en fait l'accommodation.
03:19Par exemple, ça va être des mesures sur les bâtiments pour rehausser les matériaux électriques,
03:23faire en sorte qu'il n'y ait pas de caves ou de choses comme ça.
03:25Ça, c'est une mesure qui a l'avantage d'être peu coûteuse économiquement
03:28et puis de ne pas fermer en fait les options pour la suite.
03:30C'est-à-dire qu'une fois que vous avez relocalisé, vous ne pouvez pas revenir en arrière.
03:32Une fois que vous avez protégé, en général, vous favorisez l'installation en arrière des protections,
03:36donc vous ne pouvez pas revenir en arrière.
03:36L'accommodation permet en fait de laisser toutes les options ouvertes.
03:39Il existe encore une autre possibilité qui est plus ambitieuse et certainement plus coûteuse,
03:44qui consiste à avancer vers la mer.
03:46Au Maldives, on gagne des terres en mettant du sable sur le platier récifal
03:50pour faire des îles de plus en plus hautes en fait.
03:52Ça nécessite effectivement d'avoir accès à des moyens d'ingénierie importants.
03:56Enfin, on a une dernière option qui consisterait simplement à limiter,
03:59voire à interdire l'urbanisation sur certains terrains.
04:03Mais ces mesures sont en fait très compliquées à mettre en œuvre
04:06à cause notamment des pressions économiques.
04:08Et là, la mesure d'adaptation, c'est de dire si elles ne sont pas urbanisées,
04:11on peut faire en sorte de ne pas aggraver les choses
04:13en limitant, voire en interdisant qu'ils soient urbanisés par la suite.
04:17Et ça, c'est vraiment un enjeu en Europe,
04:20parce qu'il y a une pression touristique sur les côtes, etc.
04:22Mais aussi beaucoup en Afrique et puis en Asie,
04:25où en fait, il y a des activités économiques qui se développent près de la côte
04:28et puis la tentation, ça va être de s'installer près de la mer en fait.
04:31Historiquement, il y a eu beaucoup de protections côtières en Europe.
04:36Mais la question qui se pose désormais, c'est faut-il continuer à ne faire que ça ?
04:40Si on regarde les coûts de ces protections côtières,
04:42il faut bien voir que ça va être extrêmement coûteux.
04:43Puis d'autre part, il y a un deuxième inconvénient,
04:45qui est que ces protections côtières, elles se font souvent au détriment
04:48des écosystèmes côtiers, au détriment de l'accès à la mer.
04:50Donc, il y a quand même beaucoup de secteurs où si on peut éviter
04:53de mettre des protections et si on peut gérer cela de manière un petit peu subtile,
04:56en autorisant certaines zones à être inondées,
04:58en autorisant un petit peu de recul du trait de côte dans certains secteurs,
05:00on pourra avoir des avantages au niveau paysager, pour le tourisme, pour les écosystèmes.
05:05Et ça, c'est quelque chose qu'essaie de porter la stratégie nationale
05:08de gestion intégrée du trait de côte en France, par exemple.
05:10Au final, la question de l'adaptation pose directement celle de la gouvernance.
05:14Qui prend les décisions ? Qui est responsable ?
05:16Le dernier rapport du GIEC souligne d'ailleurs l'importance d'une gouvernance efficace
05:20pour lutter contre les impacts du changement climatique.
05:23Mais en France comme ailleurs, une forme de déni persiste
05:26et nous empêche encore d'affronter sérieusement ce phénomène inéluctable.
05:30Au niveau de l'État, il y a peut-être une vision claire,
05:32mais au niveau des régions, qui peut le faire ?
05:33Et qui est prêt, en fait, à sortir les milliards d'euros qui seraient nécessaires
05:36si, par exemple, on va vers une protection de type mer du Nord
05:40où on met des barrières estuariennes dans les estuaires
05:43qui ont également des impacts potentiellement très néfastes sur les écosystèmes côtiers.

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