En France, 4 millions de personnes menstruées manquent de protections périodiques, selon le baromètre 2022 de Règles Élémentaires et Opinion Way. Pour faire face à cette précarité, l’association Règles Élémentaires organise des collectes de serviettes et de tampons hygiéniques. Maud Leblon, directrice de l’organisation et Georges Basdevant, cofondateur de CaptainCause nous expliquent comment permettre une meilleure prise en charge de ce problème.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Générique
00:06C'est le débat de ce Smart Impact. On parle de précarité menstruelle avec Maude Leblond. Bonjour.
00:12Bonjour.
00:12Bienvenue. Vous êtes directrice de l'association Règles élémentaires. Et Georges Badevent, bonjour.
00:16Bonjour.
00:16Le cofondateur de Captain Cause qui est partenaire de Smart Impact. Une fois par mois, vous venez nous présenter l'une des associations que vous soutenez.
00:24On va d'abord rappeler rapidement l'ambition, le rôle de Captain Cause.
00:28Oui. Chez Captain Cause, on est une plateforme qui permet aux entreprises d'offrir des gifts à leurs clients ou collaborateurs qui sont des dons préfinancés
00:37qui vont permettre de soutenir à la cause de son choix. Et donc, on permet aux marques de faire plaisir avec du sens à leurs clients, à leurs collaborateurs
00:45et de soutenir de super associations.
00:47Donc, vos clients, ce sont des entreprises. Quelle taille ?
00:50Ce sont plutôt des très grandes entreprises qui vont avoir parfois des programmes de fidélité ou des grands programmes relationnels et qui vont avoir envie
00:58d'intégrer des volets solidaires, responsables au cœur de leur discours de marque.
01:04Et parmi les associations, évidemment, que vous soutenez avec vos clients, il y a Règles élémentaires créée en 2015. Maude Leblond, présentez-nous votre association.
01:13Alors, Règles élémentaires, c'est la première association de lutte contre la précarité menstruelle, mais aussi contre toutes les conséquences liées au tabou des règles.
01:19Notre objectif, c'est de faire que les personnes qui ont leurs règles puissent les vivre dans les meilleures conditions et que ce ne soit plus un frein à leur projet.
01:25Quand on parle de précarité menstruelle, il faut commencer par le constat. Ça concerne combien de personnes ?
01:32Peut-être qu'on peut même commencer par la définition.
01:34Oui, allez-y.
01:35La précarité menstruelle, c'est assez simple, mais c'est juste le fait de ne pas avoir accès à assez de protection périodique pendant ces règles.
01:42Ça parait un peu fou, mais ça concerne 4 millions de personnes en France. En tout cas, c'est les derniers chiffres qu'on a pu sortir en 2023.
01:49Et ça a évidemment des conséquences très concrètes sur la vie de ces personnes.
01:52Quand on n'a pas de protection, soit on en construit une autre de fortune, soit on garde sa protection trop longtemps.
02:00Dans les deux cas, en fait, ça a des conséquences physiques, des conséquences sanitaires, médicales, mais aussi des conséquences psychologiques,
02:05puisqu'on ne peut pas vivre sa vie, étudier, aller travailler dans des bonnes conditions.
02:09On va revoir ce chiffre, 4 millions de femmes qui ne sont pas en capacité de se procurer des protections périodiques.
02:15Vous nous l'avez dit, l'association existe depuis 2015.
02:18C'est un phénomène qui est constant, qui est en aggravation. Comment on peut évaluer cette évolution ?
02:28L'étude qu'on a menée l'année dernière faisait suite à une autre étude menée en 2019, qui estimait à près de 2 millions le nombre de personnes
02:35dans l'association de précarité mensuelle. C'est quand même une augmentation assez importante, qui nous a pas mal interpellées.
02:41Parmi ces 4 millions, il y a une grosse majorité de jeunes, de moins de 25 ans, notamment d'étudiants et d'étudiantes.
02:47Mais il y a aussi des personnes qui travaillent, des chefs de familles monoparentales, des travailleuses pauvres.
02:524 millions, c'est un quart des personnes qui ont leur règle en France. C'est donc un phénomène massif.
02:57Ça ne veut pas dire que toutes ces personnes n'ont jamais accès à des protections périodiques, mais ça veut dire qu'une fois dans l'année qui est passée,
03:02ces personnes ont eu du mal à se procurer ces protections ou ont dû arbitrer avec d'autres biens de première nécessité.
03:07C'est un vrai fléau. Jusqu'à aujourd'hui, c'était aussi un fléau qui n'était pas tout à fait pris en compte.
03:13Georges, que font les entreprises pour lutter contre la précarité mensuelle ? Que font-elles déjà ?
03:20Déjà, le premier sujet, comme le dit Maud, c'est qu'il s'agit d'un tabou, qu'il s'agit de désinvisibiliser en réalité.
03:27Donc déjà, le simple fait d'en parler, d'animer un atelier au cœur de son entreprise, comme le font un certain nombre d'entreprises avec règle élémentaire,
03:36c'est un point important. On le voit, c'est un sujet de dignité, de société qui est à l'échelle.
03:41Donc déjà en parler et ensuite, on peut aussi agir, soit en mettant à disposition des protections hygiéniques pour les femmes menstruées dans son entreprise,
03:53en collecter, en organiser des collectes, c'est ce qu'on a fait nous d'ailleurs chez Captain Cause l'an passé.
03:57Donc ça, c'est des actions simples pour contribuer à le sortir du tabou, ce sujet.
04:01À quel point c'est un tabou, justement ?
04:04À un point que vous n'imaginez pas. Aujourd'hui, notre travail notamment, c'est vraiment de lever un peu le voile sur ces sujets.
04:11Là, on parle des règles en entreprise. C'est vrai que c'est un sujet qui n'est pas du tout adressé alors que probablement la moitié,
04:17ça dépend de nos entreprises, mais la moitié des salariés sont concernés.
04:20On peut faire le parallèle aussi à l'école. Par exemple, un collège, ce n'est pas du tout un lieu adapté pour des personnes qui ont leurs règles,
04:25alors que la moitié des élèves les ont dans les faits. Le fait de ne pas en parler, ça génère évidemment du désintérêt.
04:30C'est la conséquence première, mais aussi des méconnaissances, parfois des discriminations au final.
04:36Donc c'est très important d'éduquer sur ce sujet, de poser les bons mots.
04:40On parlait de l'entreprise, on a récemment entendu parler du congé menstruel notamment,
04:44qui a suscité beaucoup de débats et beaucoup aussi de mauvaises informations ou de mésinformations sur le sujet.
04:49Parce que finalement, on parle de personnes qui ont des pathologies, qui sont connues.
04:53On sait que c'est entre 10 et 20 % des personnes qui sont concernées.
04:57Et pour autant, il n'y a pas de traitement, il n'y a pas de prise en compte particulière au sein de l'entreprise,
05:01alors que c'est une évidence que ces femmes ont des difficultés pour aller travailler et qu'il faudrait les adresser.
05:05Le tabou, il est vraiment millénaire, persistant, et il prend ses racines dans toute notre histoire et notre société.
05:12Georges Badouin, est-ce que c'est un tabou au point que les entreprises qui sont vos clients chez Captain Cause
05:20ne choisissent pas forcément règles élémentaires ? Vous voyez ce que je veux dire ?
05:23Ils se disent, oh là là, on ne va peut-être pas aller sur ce terrain-là.
05:26Je crois que ce n'est pas propre à règles élémentaires.
05:29J'ai regardé les chiffres avant de venir, en me demandant, aujourd'hui, les entreprises et les droits des femmes,
05:36en termes de mécénat, en termes de soutien financé sur toutes les opérations qu'on a constatées chez nous,
05:40ça donne quoi ? J'ai observé un grand décalage.
05:44On voit que c'est un sujet d'une importance sociale élevée.
05:47Pourtant, il y a une prise en compte qui est faible.
05:50J'en veux pour preuve le fait que le sujet des droits des femmes n'est pas dans le top 10 des causes les plus soutenues aujourd'hui sur nos plateformes,
05:56alors que c'est un sujet qui mérite, qui implique tellement de changements en cours et à venir.
06:02J'ai vu ce décalage, je l'attribue à plusieurs facteurs.
06:06D'abord, le fait qu'il y ait parfois une peur du washing, il faut le dire.
06:09Beaucoup d'entreprises sont déjà en retard sur leurs propres obligations légales,
06:13loi sur l'égalité salariale et professionnelle.
06:16Elles se disent qu'on ne va pas mettre en avant un objectif de lutte contre la précarité mensuelle
06:22ou un autre objectif qui est aux droits des femmes, alors qu'on n'est pas parfait sur...
06:26Exactement. Il faut en réalité avancer sur tous les fronts.
06:30Ce n'est pas contradictoire du tout.
06:32L'autre élément, c'est qu'on est aussi sur un sujet de société qui évolue beaucoup depuis 10 ans,
06:36mais qui est encore très vif et presque jeune.
06:39On le voit aujourd'hui avec, en ce moment, le procès de Mazan.
06:43On est sur un sujet qui agite encore la société, sur lequel il y a des changements en cours
06:48et les entreprises sont mécaniquement... Les sociétés sont en retard sur la société en quelque sorte.
06:53On parle de ce procès des viols de Mazan comme le procès de la masculinité toxique.
06:58Je voudrais revenir au public auquel vous vous adressez.
07:01Vous l'avez évoqué, mais la jeunesse...
07:04Si j'ai bien compris, il y a une aggravation, particulièrement chez les jeunes.
07:08C'est-à-dire que ça rejoint le phénomène dont on parle, par exemple,
07:12et on en a parlé ici même avec les restos du cœur,
07:14qui voient arriver de nouveaux utilisateurs qui sont jeunes, c'est ça ?
07:19Oui, il y a vraiment un phénomène assez massif de précarité étudiante au sens large et de précarité des jeunes.
07:23Évidemment, dans les conséquences de cette précarité, la précarité mensuelle augmente également.
07:29C'est-à-dire qu'il faut faire des arbitrages tous les mois.
07:31Exactement, et c'est le pendant aussi des produits, notamment de première nécessité alimentaire.
07:35Les produits menstruels et les produits périodiques coûtent de plus en plus cher,
07:39ne sont pas en fait particulièrement ni contrôlés.
07:41Ils n'ont d'ailleurs pas forcément fait partie des paniers anti-inflation de l'année dernière.
07:46Ce sont des produits qui deviennent des produits de luxe pour certaines personnes,
07:50alors que c'est des produits, évidemment, nécessaires pour vivre.
07:52Qu'est-ce que vous, vous attendez des pouvoirs publics ?
07:54Alors là, on parle des entreprises, on va continuer d'en parler,
07:56mais des pouvoirs du public ou des collectivités locales en la matière ?
07:59Alors nous, on travaille vraiment avec beaucoup de pouvoirs publics à tous les niveaux,
08:01parce qu'en fait, ce qu'il faut savoir, c'est que tout le monde peut agir à son niveau
08:04pour lutter contre la précarité mensuelle et le tabou des règles.
08:06Au niveau des pouvoirs publics, nous, on agit vraiment pour une prise de conscience,
08:10une prise en compte de ce phénomène. Les choses avancent.
08:12Il y a eu des annonces qui ont été faites l'année dernière sur la prise en compte
08:15des protections réutilisables pour les moins de 26 ans
08:17et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire.
08:20Donc ça, on attend la mise en œuvre. On espère que les choses vont advenir rapidement.
08:24Et nous, on prône aussi pour la généralisation de l'éducation sur ces sujets,
08:28notamment auprès des plus jeunes, parce qu'on estime qu'à partir du moment
08:32où on est éduqué dès le plus jeune âge à prendre en compte les règles
08:34et à connaître ce phénomène, a priori, les années qui suivront sont plus faciles
08:39pour les personnes qui les ont.
08:40Mais c'est aussi un enjeu au niveau privé. On en a parlé,
08:43toutes les actions qu'on peut faire en entreprise.
08:45Nous, on intervient de plus en plus au sein des entreprises
08:48à la demande des managers, des RH, voire des conseils d'administration parfois
08:51pour sensibiliser sur ces sujets et pour permettre à toute l'équipe d'une entreprise
08:56de prendre conscience de ces enjeux et de trouver les solutions les plus adaptées.
08:59Ça concerne aussi les hommes ?
09:01Bien sûr.
09:02C'est aussi un message qu'il faut faire passer.
09:04Dans le cadre des entreprises, évidemment, on intervient auprès de toute l'équipe.
09:08Mais dans le cadre, par exemple, des interventions scolaires,
09:10on intervient en classe et toujours en mixité, parce que pour nous,
09:13c'est très important de faire prendre conscience de ces enjeux à tout le monde.
09:16Et d'ailleurs, on n'intervient pas tellement sur le côté physiologique,
09:19même si, évidemment, il faut revenir un petit peu sur ce qui se passe,
09:21mais bien sûr sur les conséquences que ça a, sur les enjeux en termes d'égalité,
09:25et aussi travailler à développer un peu l'empathie aussi des personnes
09:29qui n'ont pas leurs règles envers celles qui les ont,
09:31parce qu'évidemment, ça peut impacter pas mal de choses dans la vie
09:34et c'est important qu'on puisse le prendre en compte.
09:36Georges, en dehors de ce point précis de la précarité menstruelle,
09:40il y a d'autres grands sujets qui concernent les droits des femmes
09:44qui sont proposés, justement, via Captain Cause ?
09:47Oui, alors j'aimerais en parler, parler d'un sujet en particulier
09:51qui est le sujet des femmes et du burn-out, de l'épuisement professionnel.
09:55Alors ça a des points communs avec le sujet dont on parle ici sur les règles,
10:00parce que c'est un sujet à la fois tabou, mais aussi un sujet,
10:03s'il était mieux traité, aurait un impact très positif sur la qualité de vie au travail.
10:07Aujourd'hui, les chiffres sont clairs, il y a deux fois plus de femmes que d'hommes
10:11qui sont touchées par le burn-out en entreprise.
10:14Je ne sais pas si tout le monde était au courant, mais en fait, c'est quelque chose qui…
10:18C'est lié à la charge mentale générale ?
10:20C'est lié à la charge mentale.
10:21Peut-être qu'en dehors du travail, il y a aussi une charge mentale très forte.
10:23Exactement, il y a tout un ensemble de conditionnements ou de formes de violences
10:28qui peuvent être contenues dans nos sociétés.
10:31Et donc, on a en particulier une association dans notre catalogue
10:34qui s'attaque aussi à ce sujet, qui s'appelle Hellburn,
10:36qui accompagne, qui sensibilise, qui prévient,
10:40et qui crée une communauté qui s'appelle la communauté des burn-out,
10:43qui justement rassemble des personnes qui ont été victimes de ce type de burn-out.
10:48Ça, c'est un sujet qui mériterait aussi une forme de mise en lumière intéressante.
10:53Maud Leblond, au-delà vous aussi, est-ce qu'il y a…
10:56Peut-être que vous le faites déjà, mais si vous vous projetez un peu plus dans l'avenir,
11:00d'autres causes liées aux droits des femmes que vous pourriez adresser ou porter ?
11:07Nous, en tant que règles élémentaires, a priori, pas tout de suite.
11:10On a encore beaucoup de travail.
11:11On est l'une des seules associations professionnelles en France sur le sujet.
11:14Et nos enjeux, là, ils sont plutôt de pouvoir s'intégrer au plus près des territoires et de leurs enjeux.
11:18Donc là, on développe notamment un réseau d'antennes un petit peu local,
11:21pour pouvoir travailler plus en lien avec les collectivités territoriales,
11:24et puis répondre aussi aux besoins locaux et diffuser les solutions d'éducation et de formation,
11:28notamment qu'on propose.
11:29Alors, je pourrais poser la question différemment.
11:30Est-ce que le fait d'arriver pour parler, finalement, de la précarité mensuelle,
11:34ça amène à parler des droits des femmes ?
11:36Bien sûr. Par contre, c'est un sujet central, évidemment.
11:38Et c'est d'ailleurs, nous tous, l'axe qu'on comporte.
11:40C'est de se dire qu'aujourd'hui, il y a une inégalité de fait sur ces sujets physiologiques
11:46et des sujets qui ont des impacts très importants en termes de santé,
11:48mais aussi en termes sociétaux.
11:50Et il faut les adresser, au même titre, évidemment, que d'autres.
11:53Il n'y a pas de concurrence sur ces sujets.
11:54Mais disons que c'est un sujet qu'on fait émerger,
11:57là où il n'existe pas encore tellement dans le débat public,
11:59et où pourtant il concerne des millions de personnes en France et des milliards dans le monde.
12:03Merci beaucoup à tous les deux.
12:04Et à bientôt sur Be Smart, For Change.
12:07On passe à notre rubrique Start-up, tout de suite.